M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous reprenons toujours les mêmes débats. Je rappelle qu’il y a une Constitution et que celle-ci ne prévoit qu’un seul Défenseur des droits.

M. Alain Anziani. M. Gélard n’a pas violé la Constitution en proposant le contraire !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je n’ai pas proposé le contraire !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Sénat a veillé à créer des adjoints qui puissent recevoir des attributions par délégation et présider les collèges, ce qui n’était pas le cas au départ.

Je suis d’accord avec François Zocchetto. En commission, la semaine dernière, j’avais émis une objection et attiré l’attention de mes collègues sur le risque de non-conformité à la Constitution auquel nous nous exposions en prévoyant un avis des commissions compétentes, d’autant que celles-ci sont déjà consultées pour la nomination du Défenseur des droits.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela avait été voté par la commission !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Sueur, la commission a bien le droit de changer d’avis ! Si, pour vous, le dialogue consiste à s’opposer à tout en brassant toujours les mêmes idées, pour ma part, j’essaie de réfléchir et d’analyser toutes les propositions, y compris celles du Gouvernement !

Ce qui me paraît le plus important, ici, c’est d’avoir accordé des pouvoirs délégués aux adjoints, ce qui permettra à l’institution du Défenseur des droits de fonctionner dans de bonnes conditions. Voilà l’essentiel. Il serait inconcevable que les adjoints se comportent comme des contre-pouvoirs au sein de l’institution. Une maison divisée en son sein va à sa ruine !

Par ailleurs, il est extrêmement désagréable que certains puissent même imaginer que le Défenseur des droits, compte tenu des pouvoirs qui lui sont accordés, ne sera pas une personnalité indépendante et de haute qualité. Nous veillerons à ce qu’il en soit bien ainsi lorsque nous aurons à donner notre avis.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comment pouvez-vous à la fois dire de toutes les autorités administratives indépendantes qu’elles sont merveilleuses et laisser penser que, par définition, le Défenseur des droits sera mauvais ? C’est une manière détestable de considérer les choses, d’autant plus que le constituant a voulu donner au Défenseur des droits des pouvoirs qu’aucune autre institution n’a aujourd'hui.

Le Premier ministre, la presse s’en est fait l’écho, a estimé lui-même que ses successeurs pourraient bien lui reprocher deux choses : les questions prioritaires de constitutionnalité et le Défenseur des droits !

M. Alain Anziani. Et pas le chômage ni l’endettement public ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Puisque nous avons largement dépassé le cadre de l’amendement n° 60, monsieur le président, je voudrais répondre à M. Christian Cointat.

La révision de la Constitution a eu lieu en 2008 et je me souviens parfaitement des circonstances dans lesquelles elle a été adoptée. J’étais sénateur à l’époque, je présidais un groupe et j’ai un net souvenir des conditions dans lesquelles le vote à Versailles a été obtenu et des discussions que j’ai eues avec les membres de mon groupe jusqu’à la dernière seconde.

M. Christian Cointat. Nous étions assez proches dans ce domaine !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous l’étions certainement assez souvent !

Quoi qu’il en soit, nous avons voté cette révision de la Constitution…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rappelez-vous ! Cela a été dur tout de même !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. …et, aujourd’hui, nous essayons de mettre en œuvre les dispositions que nous avons adoptées à Versailles à travers ce projet de loi organique. Cela peut paraître dur, mais c’est ainsi !

L’article 71-1 de la Constitution stipule que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ».

Il y a là véritablement un progrès très important pour la défense des droits, et je trouve un peu regrettable que, depuis plusieurs heures, on nous présente la création du Défenseur des droits comme étant une régression.

M. Christian Cointat. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Non, ce n’est pas une régression ! C’est un vrai progrès !

Alors, n’y allons pas en marche arrière ! Au contraire, mettons en œuvre, et avec enthousiasme, ce défenseur des droits !

D’ailleurs, mesdames les sénatrices du groupe CRC-SPG, je suis certain que vous finirez par être les plus grands défenseurs du Défenseur des droits, quand je vois comment, aujourd’hui, vous soutenez des autorités administratives indépendantes dont vous n’avez jamais voté la création.

Mme Éliane Assassi. Pour la HALDE, ce n’est pas vrai !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Bien sûr que c’est vrai !

Vous finirez par défendre le Défenseur des droits, et c’est tant mieux ! Cela signifiera que le dispositif aura réussi, comme nous le souhaitons tous !

L’apport de la loi organique s’agissant du Défenseur des droits est mentionné dans la Constitution : « La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions. »

Certes, les adjoints ne sont pas prévus. Mais leur poste est créé par le Sénat et couvert, du point de vue constitutionnel, par les termes « modalités d’intervention du Défenseur des droits ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, la Constitution s’impose au Parlement, qui ne peut agir que dans ce cadre. Le Sénat a fait le choix – car c’est un choix du Sénat - d’une nomination des adjoints par le Premier ministre.

M. Christian Cointat. C’est un bon choix !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Regardons les pouvoirs de nomination du Premier ministre. Selon le premier alinéa de l’article 21 de la Constitution, sous réserve des dispositions de l’article 13 de la Constitution, qui traite des pouvoirs de nomination du Président de la République, « le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires ».

Il n’y a rien d’autre ! Tels sont les termes de la Constitution et nous sommes tenus par cette Constitution !

Voilà pourquoi j’ai déposé l’amendement n° 145, et je suis heureux que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ait fait la bonne lecture de la Constitution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

M. Hugues Portelli. Je m’abstiens !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Compte tenu de l’heure, mes chers collègues, je vous propose d’interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures vingt.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 11 A (début)
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Article 11 A (suite)

11

Nomination des membres de la mission commune d’information relative à pôle emploi

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d’information relative à Pôle emploi.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame : M. Jean-Paul Alduy, Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Etienne Antoinette, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Gérard César, Jean-Claude Danglot, Serge Dassault, Mmes Annie David, Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Colette Giudicelli, M. Alain Gournac, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Claude Jeannerot, Ronan Kerdraon, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Masson, Mmes Mireille Oudit, Jacqueline Panis, MM. Jean-Pierre Plancade, André Reichardt, Charles Revet, Jean-Marie Vanlerenberghe et Jean-Pierre Vial membres de la mission commune d’information relative à Pôle emploi.

12

Défenseur des droits

Suite de la discussion d'un projet de loi organique en deuxième lecture

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au Défenseur des droits.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 11 A.

Article 11 A (interruption de la discussion)
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Article 11 B

Article 11 A (suite)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 145 qui, présenté par le Gouvernement, a reçu un avis favorable de la commission.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, cet amendement n° 145 est, à nos yeux, extrêmement fâcheux.

Comme la suspension nous a peut-être fait quelque peu perdre le fil de notre discussion, je rappelle que la commission des lois avait unanimement adopté la position suivante : les adjoints sont nommés par le Premier ministre après un avis simple des commissions parlementaires compétentes - nous aurions, pour notre part, préféré une majorité des trois cinquièmes !

M. Gélard s’est tardivement rendu compte que cette disposition posait un grave problème constitutionnel ; comme il est expert en droit public, il est très étonnant qu’il ait pu laisser la commission voter un tel dispositif sans faire la moindre observation. Je reconnais que M. Hyest a formulé une légère interrogation…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Une interrogation oui, mais pas « légère » !

M. Jean-Pierre Sueur. … mais il ne s’est pas insurgé – il ne le fait d’ailleurs jamais ! – devant le vote unanime de la commission.

À toutes fins utiles, les articles 2 et 3 du projet de loi organique prévoient la même immunité pour le Défenseur des droits et pour les adjoints. Et, pourtant, que de fois ne nous a-t-on répété qu’il y avait un gouffre, un précipice, entre le Défenseur des droits, qui serait une grande autorité constitutionnelle monopolistique – lui seul pourra décider, répondre aux courriers, communiquer et faire appliquer le droit – et ses pauvres adjoints, qui ne seraient que des collaborateurs de second ordre sans pouvoirs, bref, des sous-fifres !

Alors que la commission des lois avait unanimement estimé qu’il serait intéressant que la nomination des adjoints donnât lieu à quelque procédure, on nous dit tout d’un coup qu’il faut au contraire la renvoyer dans les ténèbres…

J’ai écouté les propos de MM. Portelli, Cointat et Maurey ainsi que de Mme Gourault : je vois là une majorité plurielle qui pourrait, me semble-t-il, soutenir cette idée, somme toute bénigne, selon laquelle il faut doter les adjoints d’un statut minimal.

Mes chers collègues, j’espère que le vote de cet amendement montrera que mon argumentation vous aura convaincus.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Vous ne serez pas étonnés de constater que mon explication de vote ira dans le même sens que celle de Jean-Pierre Sueur.

Monsieur le garde des sceaux, vous ne cessez de nous répéter depuis le début de notre débat, ce qui devient pesant à la longue, que la Constitution a été réformée, qu’elle s’impose à nous, que nous n’y pouvons rien et qu’il en va ainsi. Mais arrêtez donc de vous cacher derrière cet argument !

Si nous avons aujourd'hui un débat, c’est bien que, justement, la Constitution n’épuise pas toute la question, qu’il y a encore un champ de discussion ouvert au législateur – je pense notamment à la question du périmètre ou à celle des adjoints.

Je voudrais reprendre, en l’approfondissant, un point que vient d’aborder Jean-Pierre Sueur.

Comment pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, soutenir que les adjoints n’ont aucune existence propre, qu’ils sont des sous-fifres, ou, à tout le moins, des subordonnés, des collaborateurs, alors que l’article 2, dans lequel l’immunité du Défenseur des droits est étendue aux adjoints, a été adopté, y compris par des membres de la commission des lois ?

Pour ma part, je n’y comprends plus rien ! Si l’adjoint n’a pas d’existence propre, pourquoi lui conférer une immunité spécifique ? Il y a là une contradiction extraordinaire, et il serait nécessaire que vous creviez cet abcès.

M. Alain Anziani. Ensuite, que se passera-t-il si l’adjoint émet une opinion différente de celle du Défenseur ou s’il commet un acte qui ne soit pas exactement en conformité avec la philosophie de ce dernier ? Rien, puisqu’il bénéficie de l’immunité ! Le Défenseur des droits sera obligé de constater l’existence de l’adjoint, qui plus est un adjoint puissamment protégé par cette immunité.

Jusqu’à présent, tous vos propos vont exactement à l’opposé de ce raisonnement. Sur ce point, il me semble que vous avez tort et que nous avons raison.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est la méthode Coué !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 61 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 A, modifié.

(L'article 11 A est adopté.)

Article 11 A (suite)
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Article 11

Article 11 B

Le Défenseur des droits peut convoquer une réunion conjointe de plusieurs collèges et de ses adjoints, afin de la consulter sur les réclamations ou les questions qui intéressent plusieurs de ses domaines de compétence, ou qui présentent une difficulté particulière.

M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

collèges

insérer les mots :

du Défenseur des enfants

Cet amendement n’a plus d’objet.

M. Jean-Pierre Sueur. C’était en effet de la coordination.

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 B.

(L'article 11 B est adopté.)

Article 11 B
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Article 12

Article 11

Lorsqu’il intervient en matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits consulte un collège qu’il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :

- un sénateur et une personnalité qualifiée désignés par le Président du Sénat ;

- un député et une personnalité qualifiée désignés par le Président de l’Assemblée nationale ;

- une personnalité qualifiée désignée par le Président du Conseil économique, social et environnemental ;

- un membre ou ancien membre du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;

- un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour ;

- un membre ou ancien membre de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.

Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la déontologie de la sécurité.

Les désignations du Président du Sénat et du Président de l’Assemblée nationale concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Le Défenseur des droits peut demander au collège une seconde délibération. Il ne peut s’écarter des avis émis par le collège qu’après lui avoir exposé ses motifs.

Lorsque le Défenseur des droits préside les réunions du collège, son adjoint ne prend pas part au vote.

En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 32 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 127 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 32.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet article traite de la composition des différents collèges qui assisteront le Défenseur des droits, à commencer par celui qui sera compétent dans les domaines relevant jusqu’à présent de la CNDS.

Lors de l’examen de l’article 4, nous avons expliqué qu’il était important, à nos yeux, de maintenir la CNDS ; malheureusement, nous n’avons pas été entendus. Nous avons également démontré, à propos de l’article 11 A, que le rôle de l’adjoint, vice-président du collège, ne serait guère déterminant.

Nous sommes donc tout à fait cohérents lorsque nous demandons la suppression de ce collège, dont la création entérine la disparition de la CNDS.

Comme nous l’indiquons depuis le début de ce débat, il est paradoxal qu’une réforme présentée comme apportant une amélioration en termes de protection des droits et des libertés suscite le scepticisme, voire la crainte d’une régression en matière de préservation des droits fondamentaux. Nous l’avons dit à maintes reprises, le Gouvernement utilise cette réforme pour supprimer les autorités indépendantes qui dérangent.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. La perte d’indépendance des autorités absorbées sera manifeste, de même que la dégradation de leur visibilité et de leur notoriété, à l’égard tant de leurs partenaires européens, voire mondiaux, que des réclamants. En effet, la CNDS, la Défenseure des enfants et la HALDE ont souligné que leur intégration dans une grande structure contrarierait les efforts qu’elles ont déployés ces dernières années pour mieux faire connaître leur rôle et leur mission auprès du public, d’une part, et pour participer à des travaux de réflexion et d’harmonisation avec leurs homologues européens, voire extra-européens, d’autre part.

Nous doutons que la création d’un Défenseur des droits aux compétences larges puisse conduire à rendre un meilleur service aux usagers. Nous craignons fort que cela n’entraîne un considérable alourdissement de la bureaucratie et de la procédure, ainsi qu’une dilution du savoir-faire et des compétences.

La suppression de la Commission nationale de déontologie de la sécurité mérite une attention particulière. Depuis sa création, cette dernière, en raison des fonctions qu’elle exerce, est une institution qui dérange. Son existence gêne un certain nombre d’autorités, qui souhaitent aujourd’hui sa suppression.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 62.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 11 détermine la composition et les modalités d’intervention d’un des collèges destinés à assister le Défenseur des droits, en l’occurrence dans le domaine de la déontologie de la sécurité. Nul n’est dupe : ce faisant, il organise l’intégration des missions de la CNDS dans celles du Défenseur des droits, ce que nous refusons. Nous continuons de considérer que cette intégration constitue un recul en matière de protection des droits de nos concitoyens, surtout au regard de la politique du chiffre actuellement appliquée dans le domaine de la sécurité.

Les avis et les recommandations de la CNDS ont permis aux responsables politiques et à l’opinion de prendre davantage conscience de dérives préoccupantes en matière par exemple de gardes à vue, d’interpellations, d’usage d’armes comme le flash-ball ou le Taser. C’est bien sa spécialisation qui a permis à la CNDS d’apprécier avec précision des situations concrètes.

En outre, le contrôle de la déontologie, ce n’est pas de la médiation. Encore une fois, la confusion de pouvoirs de médiation, de défense des droits et de contrôle d’autorités publiques entre les mains d’une même personne entraînera la création d’une énorme machine bureaucratique, qui ne pourra nullement assumer les missions d’investigation confiées jusqu’à présent à la CNDS.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Les machines bureaucratiques, vous connaissez !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 127 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous demandons nous aussi la suppression de l’article 11. Je fais miennes les observations formulées par M. Sueur : tout au long des débats, y compris en première lecture, nous avons très clairement exprimé notre attachement au maintien de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui accomplit, dans des conditions particulièrement difficiles, un travail exceptionnel, comme l’atteste son rapport pour 2009.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Un travail exceptionnel, certes, mais qui est demeuré sans suites !

M. Jacques Mézard. Comme je l’indiquais tout à l’heure, l’action de la CNDS ne se limite pas à un simple travail de médiation ; cette instance exerce aussi une fonction de contrôle et a la faculté d’effectuer des visites inopinées dans un certain nombre de services, ce qui déplaît fortement, il faut bien le dire, aux autorités compétentes.

Pour notre part, nous considérons qu’on peut distinguer deux sortes d’autorités administratives indépendantes : celles dont le regroupement avec le Défenseur des droits est justifié, à savoir la HALDE et le Défenseur des enfants, et celles qui ont une mission particulière, notamment en matière de contrôle, à savoir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, dont le maintien se justifie pleinement.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’ai du mal à comprendre ces trois amendements : dans la mesure où le Sénat vient de décider que les compétences de la CNDS seront désormais exercées par le Défenseur des droits, la création d’un collège chargé d’assister celui-ci dans l’exercice de ces compétences relève de la simple logique. Elle constitue un gage de démocratie et d’ouverture.

Je ne comprends pas davantage en quoi ces amendements seraient des amendements de coordination.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il aurait fallu les retirer !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet ! En vérité, ces trois amendements ne sont pas cohérents. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. J’avoue être moi aussi quelque peu étonné par ces trois amendements tendant à supprimer l’un des collèges chargés d’assister le Défenseur des droits, collèges dont on nous a vanté l’importance depuis le début de l’examen de ce projet de loi organique…

M. Jean-Pierre Sueur. À condition qu’ils aient du pouvoir !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Sueur, après vous être fait le chantre des collèges tout l’après-midi, vous demandez subitement leur suppression ! Votre position manque de clarté !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n’aimons pas les figurants !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. La Constitution dispose que le Défenseur des droits peut être assisté d’un ou de plusieurs collèges. Leur création n’est pas obligatoire, mais pour notre part nous y sommes favorables.

Cette discussion est intéressante dans la mesure où elle permet de clarifier les positions, en distinguant entre ceux qui veulent que le Défenseur des droits agisse non pas seul, mais après avoir pris, chaque fois que cela sera nécessaire, l’avis des collèges, et les autres.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32, 62 et 127 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 63, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Lorsqu'il intervient en matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits consulte un collège qu'il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :

- deux sénateurs désignés par le Président du Sénat ;

- deux députés désignés par le Président de l'Assemblée nationale ;

- un conseiller d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État ;

- un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour ;

- un conseiller maître désigné par le premier président de la Cour des comptes ;

- cinq personnalités qualifiées désignées par les autres membres du collège.

Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la déontologie de la sécurité.

Les désignations du Président du Sénat, du Président de l'Assemblée nationale et la désignation des cinq personnalités qualifiées concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Le Défenseur des droits peut demander au collège une seconde délibération. Il ne peut s'écarter des avis émis par le collège qu'après lui en avoir exposé les motifs.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous comprenons fort bien que notre position dérange certains, mais, fidèles à notre logique, nous continuerons à la défendre avec obstination.

Cet amendement de repli vise à rétablir la rédaction adoptée en première lecture par le Sénat, qui était perfectible mais augurait mieux, à notre sens, de la nature et du rôle des collèges. En revanche, la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale relève de conceptions tout à fait contraires aux nôtres.

Vous-même, monsieur le garde des sceaux, avez clairement exposé que les adjoints n’ont pas d’existence constitutionnelle et ne seront que des collaborateurs du Défenseur des droits. Cette position n’était pas, initialement, celle de la commission des lois, mais cette dernière s’y est finalement ralliée, ainsi qu’une grande partie de la majorité. Vous avez considéré que rendre l’intervention des adjoints contraignante pour le Défenseur des droits risquerait de dénaturer la nouvelle autorité et ne correspondait pas à la volonté du constituant.

Ce dernier point nous semble douteux, car si le constituant a certes créé un Défenseur des droits, notre groupe considère que la réflexion n’a pas été menée jusqu’à son terme : le constituant n’avait pas tout prévu en matière d’intégration des autorités existantes au sein du Défenseur des droits, et le législateur a donc toute latitude pour intervenir.

À l’évidence, vous redoutez la collégialité et la pluridisciplinarité, qui sont pourtant, d’une manière générale, hautement souhaitables en démocratie. Elles seraient gages de la compétence et de l’impartialité du Défenseur des droits. Pour notre part, nous proposons notamment de rétablir la cooptation par les autres membres du collège de cinq personnalités qualifiées, afin précisément de favoriser la collégialité et de faire en sorte que la nouvelle instance soit la moins dépendante possible.

Même si nous sommes contraints d’user de divers biais, notre objectif reste le même : rendre le Défenseur des enfants moins dépendant.