Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

MM. Alain Dufaut, Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion d’un projet de loi (Texte de la commission)

Article 24

Amendements identiques nos 162 de Mme Éliane Assassi et 364 de M. Richard Yung. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Richard Yung, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 25

Amendements identiques nos 51 rectifié de M. Jacques Mézard, 163 de Mme Éliane Assassi et 365 de M. Richard Yung. – M. Yvon Collin, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Richard Yung, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 52 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 366 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Amendement n° 165 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 367 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Richard Yung. – Rejet des amendements nos 165 et 367.

Amendement n° 164 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 368 de M. Richard Yung. – M. Jean-Jacques Mirassou.

MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Jean-Jacques Mirassou, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des amendements nos 164 et 368.

Adoption de l'article.

Article 26

M. Louis Mermaz, Mme Bariza Khiari, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois

Amendement n° 166 de Mme Éliane Assassi. – MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Amendement n° 369 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

Amendements identiques nos 167 de Mme Éliane Assassi et 370 de M. Richard Yung. – Mme Éliane Assassi, M. Richard Yung.

MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Adoption de l’amendement no 369 ; rectification des amendements nos 167 et 370 ; rejet des amendements nos 167 rectifié et 370 rectifié.

Amendement n° 128 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 27

Amendement n° 168 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 28

M. Louis Mermaz.

Amendements identiques nos 69 rectifié de M. Jacques Mézard et 169 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 371 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 29

Amendements identiques nos 53 rectifié de M. Jacques Mézard et 171 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 516 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 375 rectifié de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 30

MM. Louis Mermaz, Richard Yung, Mme Bariza Khiari.

Amendements identiques nos 54 rectifié de M. Jacques Mézard, 172 de Mme Éliane Assassi et 376 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Roland Courteau, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 377 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Amendement n° 498 de la commission. – MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; le président de la commission, Jacques Mézard, Richard Yung, Yves Détraigne. – Adoption par scrutin public.

Amendements identiques nos 55 rectifié de M. Jacques Mézard et 379 de M. Richard Yung. – MM. Jacques Mézard, Roland Courteau, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 56 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Amendement n° 378 de M. Richard Yung. – MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 31

Amendements identiques nos 57 rectifié de M. Jacques Mézard, 173 de Mme Éliane Assassi et 381 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mmes Marie-Agnès Labarre, Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 382 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 32

Amendements identiques nos 58 rectifié de M. Jacques Mézard, 174 de Mme Éliane Assassi et 383 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mmes Éliane Assassi, Bariza Khiari, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 384 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Amendement n° 411 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 33

M. Richard Yung.

Amendements identiques nos 59 rectifié de M. Jacques Mézard et 175 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 11 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendement n° 491 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendements identiques nos 176 de Mme Éliane Assassi et 385 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendement n° 386 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendements identiques nos 64 rectifié de M. Jacques Mézard et 179 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 387 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendement n° 390 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendement n° 391 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendement n° 62 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 61 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.

Amendement n° 499 de la commission. – M. le rapporteur.

MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Jean-Pierre Sueur. – Retrait de l’amendement no 391 ; rejet des amendements nos 11, 491, 176, 385, 386, 64 rectifié, 179, 387, 390 et 61 rectifié ; adoption de l’amendement no 499.

Amendements identiques nos 63 rectifié de M. Jacques Mézard, 178 de Mme Éliane Assassi et 392 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Jean Louis Masson. – Adoption des trois amendements.

Amendements identiques nos 177 de Mme Éliane Assassi et 388 de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.

Amendement n° 60 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.

Amendement n° 395 de M. Richard Yung. – Mme Gisèle Printz.

Amendement n° 89 rectifié de M. Jacques Mézard.

MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet des amendements nos 177, 388, 60 rectifié et 395 ; adoption de l’amendement no 89 rectifié.

Mme Bariza Khiari.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 33

Amendement n° 396 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.

Article 34

MM. Louis Mermaz, Richard Yung.

Amendements identiques nos 180 de Mme Éliane Assassi et 397 de M. Richard Yung. – MM. Bernard Vera, Roland Courteau, le rapporteur, Philippe Richert, ministre, Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

Amendement n° 398 de M. Richard Yung. – MM. Claude Bérit-Débat, le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.

Amendement n° 65 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. François Fortassin, le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.

Amendement n° 183 de Mme Éliane Assassi. – M. Bernard Vera.

Amendement n° 401 de M. Richard Yung. – M. Claude Domeizel.

MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet des amendements nos 183 et 401.

Amendement n° 12 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendement n° 399 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 400 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari.

Amendement n° 66 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. François Fortassin.

Amendement n° 402 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari.

Amendement n° 181 de Mme Éliane Assassi. – M. Michel Billout.

Amendement n° 184 de Mme Éliane Assassi. – M. Michel Billout.

Amendement n° 185 de Mme Éliane Assassi. – M. Michel Billout.

Amendement n° 186 de Mme Éliane Assassi. – M. Michel Billout.

MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet des amendements nos 12, 399, 400, 66 rectifié, 402, 181, 184, 185 et 186.

Amendement n° 182 de Mme Éliane Assassi. – M. Michel Billout.

Amendement n° 403 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari.

MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet des amendements nos 182 et 403.

Amendement n° 404 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.

Amendement n° 405 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre ; Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet.

Amendement n° 67 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Philippe Richert, ministre ; Mme Alima Boumediene-Thiery. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

3. Communication relative à des nominations

Suspension et reprise de la séance

4. Communication du Conseil constitutionnel

5. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)

Articles additionnels après l’article 34

Amendement n° 406 rectifié ter de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 187 de Mme Éliane Assassi. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Amendement n° 14 rectifié ter de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.

MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Richard Yung, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption de l’amendement n° 406 rectifié ter insérant un article additionnel ; les amendements nos 187 et 14 rectifié ter devenant sans objet.

Article 35

Amendements identiques nos 68 rectifié de M. Jacques Mézard et 188 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 36. – Adoption

Articles additionnels après l'article 36

Amendements identiques nos 189 rectifié de Mme Éliane Assassi et 372 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 190 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

Amendement n° 191 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 190 rectifié et 191 rectifié.

Article 37 (supprimé)

MM. Louis Mermaz, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 1 rectifié ter de M. Gérard Longuet. – MM. Gérard Longuet, le rapporteur, le ministre, Richard Yung, Jacques Mézard, Yves Détraigne, Mme Josiane Mathon-Poinat. – Rejet par scrutin public.

L’article demeure supprimé.

Articles additionnels après l'article 37

Amendement n° 407 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre, Louis Mermaz, Jean-Pierre Sueur, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Bariza Khiari. – Rejet.

Amendement n° 408 de M. Richard Yung. – Devenu sans objet.

Article 38

Amendements identiques nos 192 de Mme Éliane Assassi et 409 de M. Richard Yung. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 94 rectifié de M. Louis Nègre. – MM. René Beaumont, le rapporteur, le ministre, Richard Yung. – Rejet.

Amendement n° 70 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 91 de Mme Catherine Troendle. – Mme Catherine Troendle, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 39

Amendements identiques nos 71 rectifié de M. Jacques Mézard, 193 de Mme Éliane Assassi et 410 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 500 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 40 (supprimé)

Article 40 bis 

Amendements identiques nos 72 rectifié de M. Jacques Mézard, 195 de Mme Éliane Assassi et 412 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l’article.

Article 41

M. Louis Mermaz.

Amendements identiques nos 73 rectifié de M. Jacques Mézard, 196 de Mme Éliane Assassi et 413 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 414 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l’article.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 23 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 24 (Texte non modifié par la commission)

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion d’un projet de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (projet n° 27, texte de la commission n° 240, rapport n° 239).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre III, à l’article 24.

Titre III (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L’ÉLOIGNEMENT

Chapitre Ier (suite)

Les décisions d’éloignement et leur mise en œuvre

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 25

Article 24

(Non modifié)

À l’article L. 511-3 du même code, les références : « du 2° et du 8° du II » sont remplacées par les références : « du 2° du I et du b du 3° du II ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 162 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 364 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 162.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement vise à supprimer l’article 24 du projet de loi par coordination avec notre amendement de suppression présenté à l’article 23.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 364.

M. Richard Yung. Nous avons déposé cet amendement identique dans la même logique de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’article 24 vise à une simple coordination par rapport à l’article 23. La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 162 et 364.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)

M. le président. En conséquence, l’article 24 est supprimé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La discussion commence bien !

Article 24 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 26 (Texte non modifié par la commission)

Article 25

Après l’article L. 511-3 du même code, il est inséré un article L. 511-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 511-3-1. – L’autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille, à quitter le territoire français lorsqu’elle constate :

« 1° Qu’il ne justifie plus d’aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ;

« 2° Ou que son séjour est constitutif d’un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale.

« 3° Ou que, pendant la période de trois mois à compter de son entrée en France, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française.

« L’autorité administrative compétente tient compte de l’ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l’intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

« L’étranger dispose, pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d’un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. À titre exceptionnel, l’autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

« L’obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d’exécution d’office. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 51 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 163 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 365 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 51 rectifié.

M. Yvon Collin. L’article 25 du projet de loi transpose la question de l’abus de droit mais de façon contradictoire avec le principe de liberté de circulation des personnes, garanti d’abord par les traités et la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

L’article 35 et le considérant 28 de cette directive évoquent seulement, s’agissant de la notion d’abus de droit, « la fraude, en particulier des mariages blancs ou de toute autre forme d’unions contractées uniquement en vue de bénéficier de la liberté de circulation et de séjour ». Or l’article 25 du projet de loi fait référence, quant à lui, au fait de renouveler les séjours de moins de trois mois dans le but de conserver le droit au séjour, ou au séjour en France dans le but de bénéficier des prestations sociales.

En aucun cas, la directive ne conditionne le droit au court séjour au niveau de prestations sociales du pays d’accueil dont bénéficie l’étranger. Notre droit retient même la logique inverse puisque le Conseil constitutionnel avait jugé, en 1993, qu’un étranger séjournant de façon régulière sur le territoire ne pouvait se voir restreindre l’accès aux prestations sociales.

C’est donc la régularité qui conditionne l’accès aux soins, et non le contraire. Ce principe est repris à l’article L.111-2 du code de l’action sociale et des familles : celui-ci garantit le droit à l’accès aux prestations sociales élémentaires pour les personnes de nationalité étrangère.

Indéniablement, l’article 25 rompt une logique qui fonctionne parfaitement. J’en demande donc, par l’amendement n° 51 rectifié, la suppression.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 163.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans le domaine de la fiscalité, la notion d’abus de droit renvoie à une procédure de répression exceptionnelle, qui permet à l’administration de sanctionner les « manœuvres » de certains contribuables mettant en œuvre des opérations juridiques dans le seul et unique but de diminuer leur contribution à l’impôt. Mais nous ne vous apprenons rien en la matière, vous êtes parfaitement au courant.

Transposer cette notion dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, pour qualifier un délit exclusif aux étrangers, qui plus est communautaires, est vraiment incompréhensible. Après avoir créé des catégories de Français, voilà que vous allez instaurer des catégories de citoyens européens !

L’orateur précédent l’a souligné, ce n’est pas acceptable ; un ressortissant européen pourra faire l’objet d’une mesure d’éloignement en cas d’« abus d’un court séjour » lorsqu’il multiplie des allers-retours « dans le but de se maintenir sur le territoire » ou s’il constitue « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale ».

Le refrain est connu : les étrangers ne sont pas là, selon vous, que pour user et abuser de certains avantages. Or nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer que, sur ce point, la législation était déjà, à juste titre, assez restrictive puisque les droits ne sont ouverts qu’à partir d’un certain délai.

En plus de relever d’un préjugé, cette disposition est tout simplement contraire au droit communautaire. C’est ce que la Cour de justice de l’Union européenne a considéré par un arrêt rendu, en 2009, dans le cadre de l’affaire Koller.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 365.

M. Richard Yung. L’article 25 est un « article Roms », et je ne parle évidemment pas de la ville sainte !

Cet article est, d’une certaine façon, la transposition, dans le droit français, de la directive 2004/38/CE. Mais le Gouvernement ne veut pas le dire trop haut ; il le fait discrètement en raison du débat qui a eu lieu l’été dernier, débat initié par la fameuse et infamante circulaire « anti-Roms », publiée en août 2009 et qui a déclenché une polémique avec la Commission européenne, Mme Reding devenant en quelque sorte dans cette affaire l’adversaire de la France. Donc, sans vouloir trop reconnaître ses torts en la matière, le Gouvernement le fait quand même.

Il faut également remarquer que, s’agissant pourtant d’un article qui traite du droit de libre circulation des citoyens de l’Union européenne dans notre pays, il est surtout question d’interdictions. Toutes ces clauses et menaces laissent penser que les autres citoyens de l’Union européenne ne sont pas les bienvenus chez nous. L’approche de l’unification européenne que traduit cet article me laisse pantois.

Bien sûr, me direz-vous, tout le monde n’est pas visé ; ne le sont que les « mauvais », ceux qui veulent obtenir des avantages indus. Mais c’est aux quelque 500 millions de citoyens de l’Union européenne que cela s’adresse. Je trouve donc que la tonalité de l’article est plutôt malvenue.

Nous considérons, quant à nous, que la liberté de circulation des personnes est un sujet essentiel, un aspect fondamental de l’Union européenne et qu’il faut transposer les textes au plus près.

Parmi les problèmes que pose l’article 25, j’en discerne au moins trois principaux.

D’abord, son alinéa 4 définit de manière fortement orientée la notion d’abus de droit sans tenir compte des recommandations de la Commission européenne.

Ensuite, l’alinéa 5 reprend certains éléments de l’article 27 de la directive mais en méconnaît une partie ; je vous renvoie à cet égard à la lecture de cette directive que je tiens à votre disposition.

Enfin, le dernier alinéa laisse entendre qu’un citoyen communautaire pourrait être expulsé sans délai de départ volontaire, ce qui est un cas extrêmement rare prévu par la directive.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 25.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques de suppression de l’article 25, qui prévoit des mesures d’éloignement pouvant être prises à l’encontre des citoyens de l’Union européenne. Dans sa rédaction issue – je le précise – des travaux de la commission, cet article complète la transposition de la directive 2004/38/CE, dite directive Libre circulation.

Point particulier en la matière, la menace à l’encontre de l’ordre public susceptible de justifier une mesure d’éloignement est qualifiée dans les termes mêmes de la directive, de même que les circonstances relatives à la situation personnelle de l’intéressé que l’administration doit prendre en compte avant de prononcer une quelconque mesure d’éloignement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Monsieur Collin, vous voulez – cela vaut aussi pour les auteurs des deux autres amendements – supprimer toute possibilité de prendre une décision d’éloignement à l’encontre d’un ressortissant communautaire. Pour ce faire, vous vous appuyez sur la directive de 2004 concernant la libre circulation. Mais une relecture plus attentive de cette directive devrait vous permettre de réaliser qu’en réalité elle contredit très exactement votre argument. L’adhésion d’un État à l’Union européenne n’a jamais signifié et ne signifiera d’ailleurs à mon avis jamais la reconnaissance d’un droit inconditionnel au séjour.

M. Richard Yung. C’est dommage !

M. Brice Hortefeux, ministre. Et les limites – elles existent ! – sont justement précisées dans la directive de 2004, dont l’article 25 du projet de loi achève la transposition.

Ainsi que M. le rapporteur l’a évoqué, il existe deux critères : d’abord, la réserve d’ordre public ; ensuite, la notion de charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale. Je rappelle que la Commission européenne a insisté sur la nécessité de transposer la notion d’abus de droit.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 rectifié, 163 et 365.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

décision motivée

insérer les mots :

indiquant les délais et voies de recours

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 52 rectifié est retiré.

L’amendement n° 366, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, ou un membre de sa famille

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Nous craignons que la rédaction prévue par l’article 25 n’autorise l’autorité administrative à prononcer une obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, à l’encontre d’un ressortissant étranger du seul fait qu’il appartient à la famille d’un migrant ne disposant pas ou plus d’un droit au séjour.

Or, je le rappelle, la directive 2004/38/CE confère des droits non seulement aux ressortissants communautaires, mais également aux membres de leur famille. Il est nécessaire de transposer les dispositions de la directive protégeant ces derniers.

En effet, dans son rapport sur l’application de la directive précitée publié en 2008, la Commission a relevé le fait que certains États membres avaient pris du retard sur ce point : « La transposition concernant les droits des membres de la famille [n’est pas satisfaisante]. Treize états membres n’ont pas transposé correctement. » Mes chers collègues, inutile de vous dire que la France est citée parmi ces treize mauvais élèves !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Contrairement aux craintes des auteurs de l’amendement, la mention du « membre de sa famille » n’a aucunement pour objectif d’éloigner une personne du seul fait qu’elle est membre de la famille d’un migrant ne disposant pas d’un droit au séjour.

Il s’agit, au contraire, de faire bénéficier les membres de la famille du régime plus favorable dont bénéficient les ressortissants communautaires en la matière, comme c’est d’ailleurs déjà le cas en droit positif.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Courteau, si j’ai bien compris, vous souhaitez un régime qui soit protecteur des membres de la famille du ressortissant communautaire. Mais celui que vous proposez précisément de supprimer est en réalité plus protecteur que le droit commun.

Pour prendre un exemple dans le prolongement des propos de M. le rapporteur, quand on parle de membres de la famille d’un ressortissant communautaire, c’est par exemple le conjoint marocain d’un ressortissant allemand. Très concrètement, cela signifie que nous étendons aux ressortissants d’un pays tiers les règles plus favorables qui sont applicables aux ressortissants européens.

Je comprends bien le sens de votre proposition, mais, si elle était adoptée, nous en reviendrions au droit commun, et donc à un régime moins protecteur. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur votre amendement, que vous devriez, me semble-t-il, plutôt retirer.

M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 366 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 366.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 165, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec cet amendement, qui fait suite à notre amendement précédent, nous entendons refuser une disposition posant comme présomption que le ressortissant communautaire qui viendrait en France de manière répétée a pour seul but de se maintenir dans le pays sans remplir les conditions exigées pour les séjours supérieurs à trois mois : cela revient en effet à dire qu’il « abuserait » de son droit à la libre circulation. Voilà de nouveau la notion d’abus de droit !

Pour notre part, nous avons une interprétation différente. Notre droit est conforme à la directive européenne : celle-ci subordonne les droits sociaux à un séjour supérieur à trois mois, mais autorise, sans restrictions, tout ressortissant communautaire à séjourner moins de trois mois. L’alinéa 4 n’a donc rien à faire dans ce projet de loi.

M. le président. L’amendement n° 367, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Les deux dernières phrases de l’alinéa 4 de l’article 25 viennent expliciter la notion d’abus de droit, qui justifierait l’expulsion de ressortissants communautaires et de leurs familles du territoire national. En réalité, sous leur ton neutre, elles visent directement la population Rom.

L’été dernier, le Gouvernement a cru pouvoir faire renaître la figure du voleur de poules et a mené à l’égard de cette population vulnérable une véritable politique du bouc émissaire.

Mais les Français ne se sont pas laissé leurrer par ce discours démagogique qui a été révélé au grand jour lors de la publication de la tristement fameuse circulaire du 5 août 2010, un texte tout à fait discriminatoire puisqu’il désigne expressément les Roms.

Le zèle déployé dans le démantèlement des campements Roms a valu à la France d’être condamnée de toutes parts et est à l’origine des menaces de la Commission européenne d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre de notre pays pour la mauvaise transposition de la directive Libre circulation.

Il semble que le Gouvernement, pour échapper à l’ire des poursuites communautaires et à la foudre d’une amende salée, se soit engagé à transposer de manière plus juste cette directive dans le cadre du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

La mauvaise transposition de la directive précitée est, en effet, un élément essentiel du dossier, même si c’est bien l’acharnement du Gouvernement face aux Roms qui a provoqué le scandale. En effet, la France n’est pas le seul État de l’Union à pécher par une transposition incomplète, mais c’est le seul qui soit menacé de poursuites par la gardienne des traités communautaires qu’est la Commission.

Les Roms sont tout simplement des ressortissants communautaires et, en tant que tels, ils ont des droits.

Dans la directive de 2004, la notion d’abus de droit, qui nous occupe ici, n’est pas définie et le législateur communautaire s’est limité à citer les mariages de complaisance, c’est-à-dire les mariages blancs, et non les mariages gris, qui sont une invention tout ce qu’il y a de plus nationale, voire nationaliste.

Consciente de l’absence de définition claire et confrontée au problème de la non-transposition en droit national, la Commission européenne a publié en 2009 une communication donnant aux États membres des lignes directrices destinées à améliorer la transposition et l’application de la directive. Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé qu’il incombait à la juridiction nationale d’établir la preuve de l’abus de droit.

Ainsi, tant la Commission de Bruxelles que la Cour de Luxembourg ne conçoivent qu’un examen au cas par cas des accusations d’abus de droit.

Nous demandons donc la suppression des dernières phrases de l’alinéa 4 au motif qu’elles ne sont pas compatibles avec le droit communautaire. Au lieu de se mettre en règle, le Gouvernement, obsédé par sa volonté de bouter les Roms hors de France, continue de malmener la législation européenne au mépris des avertissements de la Commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les deux amendements tendent à supprimer les nouvelles dispositions relatives à l’abus du droit au court séjour.

L’article 14 de la directive de 2004 précise : « Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil. » Cette disposition a été reprise dans l’article 17 A, que nous avons déjà examiné, du projet de loi.

En revanche, il est vrai que la directive ne prévoit pas la possibilité d’éloigner directement les ressortissants communautaires sur ce fondement, mais seulement de manière quelque peu imprécise dans les dispositions de l’article 35.

En outre, il sera, me semble-t-il, difficile de prouver l’abus du droit au court séjour, les personnes concernées n’étant soumises à aucune formalité particulière ou enregistrement pour pouvoir séjourner moins de trois mois.

Il convient de garder à l’esprit qu’une personne qui rentre chez elle après deux mois et trois semaines et qui revient un mois plus tard utilise un droit que lui garantit le droit communautaire. Seule une personne qui effectue des passages répétés de part et d’autre d’une frontière dans un court laps de temps pourrait en tout état de cause être concernée par le présent article.

Par ailleurs, l’abus du système d’aide sociale sera également difficile à prouver.

C’est la raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 165, ainsi que sur l’amendement n° 367 qui lui est quasiment identique si ce n’est qu’il vise à conserver la notion d’abus de droit tout en supprimant sa qualification. Si l’un d’entre eux devait être adopté, la préférence de la commission irait à l’amendement n° 165.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Courteau, je ne mets absolument pas en cause la sincérité de vos propos, mais je voudrais apporter une précision, car il y a, me semble-t-il, une ambigüité. Les institutions européennes, aussi bien la Commission européenne que la Cour de justice de l’Union européenne, n’ont à aucun moment engagé une quelconque procédure de sanction à l’égard de la France à l’occasion des opérations de retours vers la Roumanie de ressortissants roumains en situation irrégulière. Je ne sais pas d’où cette idée est venue, ni comment elle s’est répandue, mais je tenais à rappeler à la Haute Assemblée cette vérité.

Par ailleurs, j’ai ici le tableau, que je tiens à votre disposition, des mesures d’éloignement de citoyens de l’Union européenne prononcées en 2010. Sans vous en donner la lecture exhaustive, je tiens à souligner que, même si ces mesures concernent évidemment surtout les Roumains, elles ne se limitent pas à cette seule nationalité.

Un large éventail de nationalités est concerné. Par ordre décroissant, on trouve dans ce tableau 534 Bulgares, des Polonais, des Lituaniens, des Espagnols, des Italiens, des Britanniques – au nombre de 42 – et, en fin de tableau, avec des chiffres plus modestes, 4 Chypriotes – je les cite, je sais que ce sont vos amis, madame Assassi ! –, puis un Finlandais, un Norvégien, et un Suisse. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Et combien de Belges ?

M. Brice Hortefeux, ministre. S’agissant des amendements, le Gouvernement y est défavorable pour deux raisons. D’une part, comme je l’ai dit tout à l’heure, la notion d’abus de droit est prévue à l’article 35 de la directive de 2004 : il faut donc naturellement en tenir compte. D’autre part, la Commission européenne a elle-même insisté sur la nécessité de préciser cette notion.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’amendement n° 165.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous attendons depuis sept ans la transposition de la directive de 2004, ce qui commence à faire un peu long. Nous sommes tout de même parmi les derniers pays européens dans ce cas.

Malheureusement, la transposition n’est pas très satisfaisante : si la notion d’ordre public réapparaît aujourd’hui, celle de charge déraisonnable également, sans que des précisions soient véritablement apportées. Personnellement, je ne sais pas ce qu’est une charge déraisonnable. Comment l’évaluer ? C’est la porte ouverte à l’arbitraire.

Par ailleurs, vous le savez, pour obtenir une carte de résident, il faut justifier d’une assurance volontaire. Dans ces conditions, la charge déraisonnable ne pourra pas être invoquée.

Vous semblez nous dire que l’affaire des Roms relève du fantasme. Vous niez la réalité : il y a eu énormément d’expulsions de Roms ! S’il n’y a pas eu sanction, il y a eu menace de procédure de la part de la Commission européenne. Si cette menace n’a pas été mise à exécution, c’est parce que la France a pris des engagements. Or, à ce jour, ceux-ci n’ont pas été concrétisés.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je vous donne bien volontiers acte que la Commission européenne n’a pas pris de sanction contre la France.

Cela étant, votre présentation était sinon tendancieuse, du moins un peu orientée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle était partiale !

M. Richard Yung. Le dialogue entre M. Besson, chargé à l’époque du portefeuille de l’immigration, et Mme Reding ne s’apparentait pas à un lit de roses. Je le sais, car, avec un autre membre de la commission des affaires européennes, nous avions rencontré les représentants de la Commission et ceux de la représentation permanente.

La Commission considérait que la France ne transposait pas convenablement les dispositions de la directive de 2004, en particulier les garanties offertes aux personnes qui doivent en faire l’objet.

M. Roland Courteau. C’est très vrai !

M. Richard Yung. La France rétorquait : ces règles font déjà partie intégrante de notre Constitution, de notre droit, de notre jurisprudence, et il n’est donc pas nécessaire de les inscrire dans les textes. La Commission estimait, quant à elle, que, puisqu’il en était ainsi, il serait encore mieux de les inscrire dans les textes. Le débat était donc assez tendu.

Vous avez admis, à juste titre je le reconnais, que les observations de la Commission étaient fondées. En conséquence, vous transposez la directive, mais, je le répète, incomplètement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 165.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. La majorité ne respecte pas l’avis de sagesse de la commission !

M. Brice Hortefeux, ministre. Elle cède à la pression amicale du Gouvernement ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a plus de Parlement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 367.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 164, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 511-3-2. - En cas d’urgence, le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne se voit notifier par écrit la décision l’enjoignant à quitter le territoire dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

« Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.

« L’intéressé peut introduire un recours dans un délai de cinq jours et peut se voir indiquer le délai imparti pour quitter le territoire français qui ne peut, sauf urgence dûment justifiée, être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »

II. - En conséquence, alinéa 1

remplacer les mots :

il est inséré un article L. 511-3-1 ainsi rédigé

par les mots :

sont insérés deux articles L. 511-3-1 et L. 511-3-2 ainsi rédigés

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement vise à transposer les articles 30 et 31 de la directive de façon littérale afin que le projet de loi soit compréhensif et précis. Pour l’instant, nous en sommes loin.

Dans son rapport sur l’application de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, la Commission stigmatise très clairement la France pour défaut de transposition. Elle critique l’absence d’intégration dans le droit national de garanties procédurales basiques dans un domaine aussi essentiel que celui de la libre circulation des personnes. En d’autres termes, vous transposez ce qui vous arrange. De plus, vous aggravez certaines dispositions.

La Commission l’indique très clairement : « La transposition des garanties procédurales n’est pas satisfaisante. Seuls quatre États membres […] ont transposé correctement ces garanties. La majorité des problèmes dans ce domaine semblent résulter d’une transposition non conforme. »

Elle poursuit : « En France, aucune garantie procédurale ne s’applique en cas d’urgence absolue. Le citoyen de l’UE concerné ne reçoit aucune notification écrite de la décision d’éloignement, n’est pas informé des motifs qui sont à la base de cette décision et ne dispose d’aucun droit de recours avant l’exécution de la décision. »

Nous refusons bien évidemment l’instauration de cette justice de seconde zone pour les étrangers, dont les droits ne sont pas reconnus. Par ailleurs, si vous voulez transposer les directives, faites-le intégralement et ne reprenez pas uniquement les dispositions déjà appliquées en France, telle la charge déraisonnable, ou celles qui vous arrangent, comme celle qui concerne la sortie du territoire.

M. le président. L’amendement n° 368, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 511-3-2. - En cas d’urgence, le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne se voit notifier par écrit la décision l’enjoignant à quitter le territoire dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

« Les motifs précis et complets d’ordre public ou de sécurité publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.

« L’intéressé peut introduire un recours dans un délai de cinq jours et peut se voir indiquer le délai imparti pour quitter le territoire français qui ne peut, sauf urgence dûment justifiée, être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Notre amendement vise également à transposer de manière littérale, j’ai failli dire « mécanique », les articles 30 et 31 de la directive Libre circulation.

Ne jouons pas sur les mots. Je ne sais pas s’il y a eu menace, toujours est-il que la Commission européenne est au minimum en droit d’émettre des observations à raison de la mauvaise transposition de la directive.

M. Jean-Jacques Mirassou. La Commission estime en effet que la manière dont la France a transposé la directive n’est pas de nature à rendre ses dispositions complètement efficaces.

Les observations de la Commission portent particulièrement sur la transposition des garanties entourant les mesures d’éloignement. Elles visent expressément les articles 30 et 31 de la directive, qui prévoient une procédure de notification par écrit et des garanties procédurales comme l’accès aux voies de recours juridictionnelles. C’est fondamental par rapport à ce qui nous tient à cœur, à savoir garantir les libertés les plus élémentaires.

Certes, la transposition en droit interne n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de la directive. La Cour de justice de l’Union européenne admet qu’un contexte juridique général peut être satisfaisant dès lors que celui-ci assure effectivement « la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise ». L’interprétation reste donc possible.

Dans une jurisprudence constante, la Cour de Luxembourg ajoute : « Les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de la sécurité juridique …

M. Roland Courteau. C’est clair et précis !

M. Jean-Jacques Mirassou. … qui requiert que, lorsque la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits. » Vous voyez que le parcours des gens concernés est méthodiquement jalonné.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est pourquoi la Commission européenne demande une transposition expresse des garanties prévues par la directive.

Nous tenons à affirmer ici clairement la spécificité des directives par rapport aux règlements, qui ne laissent pas de marge de manœuvre ou d’interprétation aux États membres. Mais il faut tenir compte de la situation particulière dans laquelle nous sommes. En effet, l’opinion publique, bien au-delà des limites hexagonales, a récemment pointé du doigt notre pays, lequel se targue pourtant, avec parfois un peu de légitimité, d’être une référence en matière de droits de l’homme.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. En outre, le Gouvernement – comment pourrais-je le formuler pour ne pas vous froisser, monsieur le ministre ? – succombe parfois à la tentation de s’aventurer, avec quelques arrière-pensées, sur le terrain de chasse d’un parti qui est encore plus à droite que le vôtre.

M. Charles Gautier. Si c’est possible !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous l’aurez remarqué, j’ai mis les formes, monsieur le ministre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Outre ces arguments juridiques, nous insistons sur la transposition de ces éléments de la directive, car nous remarquons que le Gouvernement transpose avec beaucoup plus de zèle les mesures répressives, comme l’allongement de trente-deux à quarante-cinq jours du délai de la rétention permis par la directive Retour, que les mesures qui garantissent les droits des ressortissants communautaires.

Cet amendement vise donc à mettre en place un référent pertinent dans tous les domaines d’application de la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La plupart des garanties prévues par ces deux amendements existent déjà en droit positif.

En outre, le texte de la commission a déjà pris en compte les principales de ces garanties, à savoir la caractérisation précise de la menace pour l’ordre public et la nécessité pour l’administration de prendre en considération l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Mirassou, permettez-moi de rendre hommage aux circonlocutions et précautions de langage qui vous ont permis d’exprimer ce que vous pensez, tout en veillant à ne pas être désagréable. Vous ne serez cependant pas étonné que je n’adhère pas à votre argumentation sur le fond.

Je veux faire deux remarques sur votre proposition de préciser les garanties procédurales.

Premièrement, cela n’apporte pas de garanties nouvelles par rapport au droit en vigueur.

Deuxièmement, je ne peux pas laisser dire que la France a mal transposé la directive de 2004 sur la libre circulation en Europe.

M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, vous mentionnez un rapport de la Commission européenne du 10 décembre 2008. Entre cette date et aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Entre-temps, nous avons apporté des précisions à la Commission.

Le projet de loi que vous examinez a précisément été amendé afin de parachever la transposition. La Commission en a pris acte par un courrier du 26 novembre 2010, si ma mémoire est bonne. C’est donc à ce texte qu’il faut vous référez et non à celui de 2008. Il n’y a donc plus aucune interrogation à avoir à ce sujet.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, on pourrait avoir une discussion sans fin sur la portée de notre amendement. Pour notre part, nous avons la prétention de penser que son adoption apporterait une clarification dans la mesure où, comme je l’évoquais tout à l’heure, vous transposez avec beaucoup plus de zèle ce qui vous arrange que ce qui vous dérange.

En tout état de cause, vous avez une conception de la liberté de circulation des étrangers qui fait que l’aller est souvent beaucoup moins rapide que le retour.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je veux revenir sur ce qu’a dit de façon très pertinente Jean-Jacques Mirassou. Nous ne devons d’ailleurs pas cesser de le répéter.

Pourquoi ce sixième ou septième texte sur le même sujet ? Vous le savez parfaitement, monsieur le ministre de l’intérieur : parce que vous courez après Mme Marine Le Pen. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous le dites moins bien que M. Mirassou !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à le dire non seulement avec clarté, mais également avec gravité.

Mme Françoise Henneron. C’est n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Sueur. Nos collègues de la droite républicaine pensent qu’en tenant de tels discours, en insistant sur ces mêmes propos, en reprenant sans cesse des mots qui induisent que l’étranger est une menace, en jouant sur les peurs, ils récupéreront une partie de l’électorat potentiel de Mme Marine Le Pen. La voilà la vérité ! Vous ne le faites que pour cela, chers collègues ! Je tenais à le dire clairement, ici, au Sénat.

Malheureusement pour vous, cela n’aura pas l’effet escompté. Vous le verrez ! En effet, plus on se place sur le terrain de Mme Marine Le Pen, plus on la conforte. La seule façon de se battre contre ses thèses, c’est d’expliquer inlassablement en quoi elles sont nocives.

L'ensemble des Républicains doivent récuser de toutes leurs forces la logique qui conduit perpétuellement à faire de l’étranger un bouc émissaire, un capital électoral, un objet de peur, cependant que de nombreux êtres humains, qui sont dans des situations difficiles, vivent dans une véritable misère. Voilà la vérité !

Un sénateur de l’UMP. C’est votre vérité !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tenais à le dire en toute clarté.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le sénateur, puisque vous avez cru bon de mettre un peu d’ambiance, je vous rappelle tout de même que ce n’est pas nous qui avons dit que le Front national posait les bonnes questions ; c’est M. Fabius !

M. Brice Hortefeux, ministre. De même, ce n’est pas nous non plus qui avons dit que le Front national était notre chance ; c’est Pierre Bérégovoy !

Veillez donc à l’utilisation que vous faites d’une certaine famille politique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est grave ! Attention, si nous revenions sur l’histoire, nous aurions beaucoup à dire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 368.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 25.

(L’article 25 est adopté.)

Article 25
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 27 (Texte non modifié par la commission)

Article 26

(Non modifié)

L’article L. 511-4 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « ou d’une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre » sont supprimés ;

1° bis Au 10°, les mots : « qu’il ne puisse effectivement bénéficier » sont remplacés par les mots : « de l’indisponibilité » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 26 est présenté comme un modeste article de coordination. En fait, loin de coordonner, il aggrave la situation sans donner l’air d’y toucher.

L’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile définit les catégories d’étrangers qui ne peuvent pas faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou d’un « arrêté de reconduite à la frontière », cette dernière formulation étant supprimée dans le présent projet de loi.

L’article 26 est donc présenté comme un article de coordination en matière de protection contre les reconduites à la frontière. En fait, il aboutit à l’effet contraire. Il faut le rappeler, il fait partie d’un projet de loi qui durcit considérablement, pour la cinquième fois en neuf ans, le sort réservé aux étrangers en France.

La commission des lois du Sénat a supprimé l’article 17 ter portant sur le séjour des étrangers malades. Mais la question est en quelque sorte réintroduite à l’article 26, notamment en son alinéa 3, qui devrait lui aussi, par coordination, être supprimé. Il y est en effet prévu de modifier le 10° de l’article L. 511-4 pour faire référence à « l’indisponibilité d’un traitement approprié ». Vous apprécierez le caractère vague de la formule ! Celle-ci peut signifier que les traitements, par exemple contre le sida, ne sont pas praticables, mais également que l’étranger ne peut y avoir accès car il vit à des centaines de kilomètres d’un lieu de soin.

Il serait intéressant que M. le rapporteur nous dise ce qu’il entend exactement par « indisponibilité ». À défaut, nous défendrons bien entendu un amendement tendant à supprimer ce terme tout à fait vague.

Par ailleurs, le groupe socialiste soutiendra un amendement visant à maintenir la protection, supprimée par l’alinéa 4 de l’article 26, contre les arrêtés de reconduite à la frontière – désormais remplacés par les obligations de quitter le territoire français – pris dans un certain nombre de cas, dont bénéficient les étrangers issus de pays tiers mais membres de la famille d’un ressortissant de l’Union européenne. Le droit de vivre en famille devant être préservé, il convient en effet de prémunir ces personnes contre une obligation de quitter le territoire français. Dans la mesure où existent des liens familiaux, toutes les précautions nécessaires doivent être prises.

Enfin, je précise que le dernier alinéa de l’article 26 tend à restreindre l’interdiction d’expulser les membres de la famille d’un ressortissant communautaire issus de pays tiers aux personnes qui bénéficient d’un droit au séjour permanent.

Si M. le rapporteur n’était pas en mesure d’apaiser nos graves inquiétudes, comme nous le craignons, nous vous inviterons, mes chers collègues, à voter notre amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nombre d’entre nous ont déjà dit que ce texte constituait une régression inacceptable du droit à la santé des étrangers. Nous avions demandé le retrait de l’article 17 ter du projet de loi. Dans la mesure où l’article 26 comporte des dispositions similaires, en toute logique, nous demandons également sa suppression. En insistant, mes chers collègues, nous finirons peut-être par vous convaincre !

Je le répète : les mots « inaccessible » et « indisponible » ne sont pas synonymes. L’adjectif « disponible », quand on parle d’un traitement médical, suppose que ce dernier se trouve dans le pays en question. Le terme « accessible » signifie que l’étranger pourra effectivement se le procurer. En effet, un traitement peut être disponible sans être accessible à l’étranger, financièrement par exemple, comme c’est d’ailleurs souvent le cas.

Dans les pays en voie de développement, un malade fortuné peut se faire soigner sans grande difficulté lorsque, par exemple, il est atteint d’un cancer ou du sida. Les traitements les plus récents peuvent être disponibles dans certains hôpitaux privés, mais seuls pourront y accéder les membres de la nomenklatura et leurs proches, à l’image de ceux qui viennent d’être chassés pour des raisons morales par la jeunesse tunisienne.

Toutefois, dans la plupart des cas, l’étranger malade ne fait pas partie des cénacles du pouvoir. Il n’est pas nécessairement riche. Le renvoyer dans son pays sous prétexte qu’il peut y trouver son traitement, c’est parfois le condamner à mort.

Notre droit est juste. Aucun changement ne saurait se concevoir. Il ne fait pas l’objet d’abus. Je sais que certains, dans la majorité, pensent que notre droit généreux favorise le tourisme médical. Il n’en est rien. De fait, les études épidémiologiques menées montrent toutes que les étrangers malades en France portent des souches de virus du continent européen ou bien qu’ils ont contracté certaines maladies durant leur migration. Ils ne sont pas partis malades de leur pays en espérant profiter de la sécurité sociale française.

En outre, les études de l’Institut de veille sanitaire et de l’INSERM montrent également, en ce qui concerne les maladies génétiques, que, dans 90 % des cas, c’est à l’issue d’un examen en France que l’étranger découvre le plus souvent sa maladie.

Ces données montrent une certaine stabilité des demandes de titres de séjour en raison de l’état de santé. Il n’y a pas depuis douze ans une inflation des demandes et nous ne sommes pas envahis de malades. Au contraire, depuis 2004, on assiste à une baisse du nombre de demandeurs. Ils étaient 40 000 en 2010, soit moins de 1 % des étrangers résidant en France.

Les remarques sur cette question véhiculent de nombreux fantasmes.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l’alinéa 3 de l’article 26.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez cité tout à l’heure Laurent Fabius et Pierre Bérégovoy. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. François Pillet. C’est hors sujet !

M. Richard Yung. On peut tout de même s’exprimer !

M. Jean-Pierre Sueur. La citation de Laurent Fabius est juste, mais vous avez omis de rappeler le contexte dans lequel il a tenu ces propos. Quoi qu’il en soit, Laurent Fabius étant toujours de ce monde, il peut tout à fait dialoguer avec vous et vous répondre.

Tel n’est pas le cas, en revanche, de Pierre Bérégovoy.

Pierre Bérégovoy, qui fut mon ami et dont j’ai eu l’honneur d’être le ministre, par tout son parcours politique, en tant que syndicaliste, militant socialiste, secrétaire général de l’Élysée, ministre, Premier ministre, a toujours défendu des convictions claires. Il a subi ce que vous savez.

M. François Trucy. Pas de nous !

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai jamais dit cela.

Pierre Bérégovoy mérite respect pour l’œuvre qui a été la sienne au service de ses convictions. C’est pourquoi je ne peux pas laisser dire, ici, qu’il aurait, si peu que cela fût, fait montre d’une quelconque complicité à l’égard du Front national. Ce parti représente tout ce qu’il détestait. Ses idées sont contraires à son parcours, à ses convictions, à ce qu’il était. Il ne peut pas parler aujourd’hui, mais je tiens à ce que l’on respecte sa mémoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, puisqu’il est de nouveau question de la possibilité de reconduire à la frontière un étranger malade, pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous tenez absolument à modifier la terminologie sur ce sujet ?

Je partage le point de vue de mes collègues sur l’accessibilité effective et sur l’indisponibilité. Je ne répéterai pas ce qu’ils ont déjà dit.

Parler d’indisponibilité signifie que, dès lors qu’une thérapie donnée pourra être pratiquée à un seul endroit dans un pays donné, y compris à titre très onéreux, les autorités françaises auront la possibilité d’y renvoyer un étranger malade.

Vous le savez bien, ma collègue Bariza Khiari vient de le rappeler, nous ne sommes pas envahis par des gens malades. Le nombre de personnes ayant recours, en France, à des soins auxquels ils n’ont pas accès dans leur pays d’origine pour des raisons financières ou liées à la distance n’a pas augmenté de façon exponentielle, c’est le moins que l’on puisse dire.

Au demeurant, il s’agit d’une question de santé publique, et nombre de médecins se sont d’ailleurs mobilisés contre le changement que vous proposez.

Monsieur le ministre, il faut vous justifier. Les parlementaires responsables que nous sommes, quelles que soient nos appréciations sur les étrangers, devraient faire attention avec ce genre de dispositions. Il me semble préférable de conserver la terminologie actuelle, pour des raisons de santé publique, mais aussi parce qu’il y va des droits humains. Franchement, sur cette question, nous sommes en dessous de tout !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Mes chers collègues, dès lors que le Sénat a supprimé l’article 17 ter, la commission des lois émettra évidemment un avis favorable sur l’amendement tendant à supprimer l’alinéa 3 de l’article 26.

Mme Éliane Assassi. Cela va mieux en le disant !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est logique ! Certes, nous pouvons avoir indéfiniment les mêmes débats, mais, à un moment, il faut que cela cesse. Avançons ! (M. Jacques Gautier applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 166, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 166. En revanche, comme M. le président de la commission des lois vient de l’indiquer, elle sera favorable à l’amendement n° 369.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 166.

Pour en revenir à ce M. Mermaz a évoqué voilà quelques instants, j’indique que la remarque des auteurs de l’amendement n° 369 sur l’alinéa 3 de l’article 26 est effectivement pertinente. Nous évoluerons donc dans le même sens que la commission lors de l’examen de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 166.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 369, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Par coordination avec la suppression de l’article 17 ter, il convient également de supprimer l’alinéa 3 de l’article 26.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 167 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 370 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 3 et 4

Rédiger ainsi ces alinéas :

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« 12° L’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre, tel que défini à l’article L. 121-3, de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 167.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement a un objet similaire à l’amendement qui vient d’être présenté par notre collègue Richard Yung.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 370.

M. Richard Yung. Cet amendement diffère de l’amendement n° 369 dans la mesure où nous y proposons un ajout à l’article 26, dont le dernier alinéa tend à restreindre l’interdiction d’expulser les membres de la famille d’un ressortissant communautaire issus de pays tiers aux personnes bénéficiant d’un droit de séjour permanent. Nous avons débattu du sujet tout à l’heure, et M. le ministre s’est exprimé.

Pour une fois – je pense que mes propos feront plaisir à M. le ministre –, on ne peut pas accuser le Gouvernement de ne pas transposer correctement la directive Libre circulation. En effet, le texte qui nous est proposé reprend les termes de l’article 28 de cette directive.

En revanche, nous avons le droit de penser que le Gouvernement profite de la transposition de la directive pour rogner les droits des membres des familles des ressortissants communautaires. D’ailleurs, cela correspond à sa ligne politique générale.

Concrètement, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 511–4 du CESEDA, que l’article 26 du projet de loi supprime, l’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre de la famille d’un ressortissant communautaire ne peut pas faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière même s’il ne peut pas justifier d’une entrée régulière en France. Cette disposition garantit à de nombreux couples mixtes de pouvoir vivre en famille sans être inquiétés. Sa suppression nous semble donc contraire au droit de vivre en famille. C’est la raison pour laquelle nous proposons de la maintenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 369, pour des raisons que j’ai déjà exposées et sur lesquelles il me semble inutile de revenir.

En revanche, l’avis est défavorable sur les amendements identiques nos 167 et 370, qui tendent à réintroduire à l’article 26 la protection contre l’éloignement dont bénéficient les membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne.

Les personnes concernées relèvent désormais non plus de procédures d’éloignement de droit commun prévues à l’article L. 511-1 du CESEDA et visées à l’article 23 du présent projet de loi, mais de procédures spécifiques, inscrites à l’article 25. Dès lors, elles seront toujours protégées contre l’éloignement si elles bénéficient d’une telle protection aujourd’hui. En effet, l’article 25 ne prévoit pas, dans un tel cas, qu’elles puissent faire l’objet d’une OQTF.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je ne reviens pas sur les explications qui ont été apportées à propos de l’amendement n° 369 ; le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Par ailleurs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, le régime applicable aux membres de la famille d’un ressortissant européen est plus favorable que le droit commun. Le Gouvernement partage donc la position de la commission et émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 167 et 370.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 369.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 369, il conviendrait de rectifier les amendements identiques nos 167 et 370 pour y supprimer la référence à l’alinéa 3 de l'article 26. (Assentiment.)

Il s’agit donc des amendements identiques nos 167 rectifié et 370 rectifié.

L’amendement n° 167 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 370 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« 12° L’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre, tel que défini à l’article L. 121-3, de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »

Je les mets aux voix.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 128 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...°L’étranger qui se présente dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte pour des faits de violences. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise simplement à garantir que les étrangers ayant déposé une plainte dans un commissariat pour des faits de violence commis à leur encontre ne pourront faire l’objet d’aucune mesure de reconduite à la frontière.

Comme nous l’avons déjà indiqué, a priori, toute personne peut porter plainte. Mais, à nos yeux, les étrangers qui déposent une plainte risquent d’être arrêtés à cette occasion. D’ailleurs, cela s’est déjà produit ; plusieurs exemples précis en témoignent.

C’est la raison pour laquelle il nous paraît nécessaire d’intégrer les étrangers se présentant dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte parmi la liste des personnes concernées par les exemptions prévues à l’article L. 511-4 du CESEDA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Aux termes de cet amendement, aucune mesure d’éloignement ne pourrait être prise à l’encontre d’un étranger qui se présenterait dans un commissariat pour déposer plainte pour des faits de violence.

Quelle que puisse être la légitimité de son objet, un tel amendement ne peut pas être adopté en l’état. En effet, il tend à compléter une liste de situations qui ont un caractère de permanence par une circonstance ponctuelle : le fait de se présenter dans un commissariat pour déposer plainte. Or cette circonstance ponctuelle ne peut pas entraîner à elle seule l’impossibilité générale de prononcer une mesure d’éloignement.

Afin que l’intention des auteurs de l’amendement soit satisfaite, il est plutôt nécessaire de prévoir qu’aucune interpellation ou autre mesure de contrainte, par exemple une garde à vue, ne peut être mise en œuvre dans de telles circonstances. Mais cela relève davantage d’une circulaire ministérielle.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Tout d’abord, je souhaite apporter une précision à M. Sueur. Il ne faut pas se tromper à propos de ce que j’ai dit tout à l’heure sur Pierre Bérégovoy. Je n’ai aucunement mis en cause son intégrité ni son engagement. J’ai simplement mentionné une phrase extraite du livre de Charles Villeneuve Les liaisons dangereuses de Pierre Bérégovoy : Enquête sur la mort d’un Premier ministre. Il s’agissait simplement d’une citation ; n’y voyez aucune autre connotation.

Les auteurs de l’amendement n° 128 rectifié veulent empêcher qu’un étranger déposant plainte pour des faits de violence commis à son encontre puisse faire l’objet d’une mesure d’éloignement ou de reconduite à la frontière.

Si je comprends bien l’idée qui sous-tend une telle proposition, j’en vois également les possibles effets pervers. L’adoption d’un tel dispositif aurait pour conséquence immédiate d’inciter la totalité des étrangers en situation irrégulière présents sur notre territoire à porter plainte pour obtenir une forme d’« immunité ».

En d’autres termes, le principe suggéré est sans doute sympathique, mais sa mise en application aboutirait à des situations totalement surréalistes !

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous avons bien compris votre réticence.

Néanmoins, et je suppose que vous en serez d’accord, il n’est pas admissible qu’un étranger victime de faits de violences réelles, voire extrêmement graves, ne puisse pas porter plainte de peur d’être immédiatement interpellé et reconduit à la frontière.

Dès lors, que nous proposez-vous concrètement ? Nous connaissons d’expérience les problèmes qui se posent dans les commissariats.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Là encore, il n’y a aucune ambiguïté.

L’article 15-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l’unité de police judiciaire territorialement compétent. » En clair, la plainte sera traitée. En revanche, cela ne donne évidemment pas droit à une forme d’« immunité » contre toute mesure d’éloignement.

Le dispositif que vous suggérez aurait des effets totalement pervers. Il est inapplicable.

En réalité, je me demande si vous ne songez pas à une affaire ayant quelque peu défrayé la chronique et pour laquelle M. Sueur, qui était très engagé sur le dossier, m’avait sollicité. La décision prise à l’époque par le Président de la République ne saurait faire jurisprudence aujourd’hui. En effet, avec le recul, nous avons constaté qu’il y avait en l’occurrence beaucoup d’ambiguïtés. Nous avons été un certain nombre à nous émouvoir d’une situation qui ne correspondait peut-être pas à la réalité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je souhaite simplement apporter une précision.

Une jeune fille s’était présentée à une gendarmerie après avoir été l’objet de violences évidentes. La préfecture prit alors la décision de la renvoyer au Maroc dans les plus brefs délais, les gendarmes ayant constaté qu’elle ne se trouvait pas en situation régulière. Ce sont les seuls faits pertinents ici.

J’ai donc plaidé avec d’autres – et je tiens à souligner que vous-même m’avez écouté – que la République française ne pouvait pas apporter pour seule réponse à une femme victime de violences venant déposer une plainte à la gendarmerie de la renvoyer dans le tout prochain avion.

Le Président de la République en a tenu compte et il a pris une décision qui m’a paru juste et que je continue à saluer comme telle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 26, modifié.

(L’article 26 est adopté.)

Article 26 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 28 (Texte non modifié par la commission)

Article 27

(Non modifié)

L’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre V du même code est ainsi rédigé : « Exécution des obligations de quitter le territoire français et des interdictions de retour sur le territoire français ».

M. le président. L’amendement n° 168, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 168.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 27.

(L’article 27 est adopté.)

Article 27 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 29 (Texte non modifié par la commission)

Article 28

(Non modifié)

L’article L. 513-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 513-1. – I. – L’obligation de quitter sans délai le territoire français, qui n’a pas été contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai prévu au II de l’article L. 512-1 ou qui n’a pas fait l’objet d’une annulation, peut être exécutée d’office.

« L’obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire, qui n’a pas été contestée devant le tribunal administratif dans le délai prévu au I de l’article L. 512-1 ou qui n’a pas fait l’objet d’une annulation, peut être exécutée d’office à l’expiration du délai de départ volontaire.

« II. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 512-3, l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire français peut être d’office reconduit à la frontière. »

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. Cet article a trait aux conditions de l’exécution d’office de l’obligation de quitter le territoire français et des interdictions de retour.

L’article L. 513-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, visé par l’article 28 du projet de loi, concerne dans sa rédaction actuelle l’exécution d’office des « arrêtés de reconduite à la frontière », formulation supprimée par le présent texte et remplacée, comme on le sait, par une autre.

L’article 28 réécrit donc cet article L. 513-1 afin de tenir compte de l’unification de la procédure d’obligation de quitter le territoire prévue par l’article 23, article contre lequel la gauche s’est prononcée.

Nous l’avons vu, l’obligation de quitter le territoire français devient l’instrument principal de l’éloignement – certains ne souhaitent pas que l’on emploie le terme de « bannissement » – et peut s’accompagner de plusieurs mesures connexes, avec ou sans délai de départ volontaire, avec ou sans placement en rétention, avec ou sans interdiction de retour. Ces mesures viennent compliquer, une fois de plus, le contentieux de l’éloignement et l’exercice de leurs droits par les étrangers. Nous sommes ainsi aujourd’hui face à une extraordinaire usine à gaz !

Le I du nouvel article L. 513-1 du CESEDA concerne les obligations de quitter le territoire, qu’elles soient ou non assorties d’un délai de départ volontaire. Dans l’un et l’autre cas, des recours existent, bien entendu ; mais, après examen, peut-on encore parler véritablement de recours en ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français sans délai, disposition dont nous demandons la suppression ?

En effet, l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire est immédiatement exécutoire si elle n’a pas fait l’objet d’une annulation ou d’un recours devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures – délai difficile à tenir pour un primo-arrivant, c’est-à-dire pour une personne ne connaissant pas bien la législation en vigueur – au lieu de trente jours – délai préférable – dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire. Or, dans un laps de temps aussi court, l’étranger pourra être amené à contester pas moins de six décisions administratives, en plus de la contestation de l’obligation de quitter le territoire français elle-même : la décision relative au séjour, le refus du délai de départ volontaire, l’interdiction de retour sur le territoire français, le placement en rétention, le choix du pays de destination.

Dans ces conditions, je le répète, peut-on parler de recours effectif ? L’étranger concerné devra-t-il être au moins agrégé de droit ?

Non seulement cette disposition concernera beaucoup d’étrangers, puisque le nombre de cas où l’administration aura la possibilité de prononcer un refus de délai de départ a été augmenté, mais elle laissera, dans certaines situations, un large pouvoir discrétionnaire d’appréciation à l’administration. Je pense au risque de fuite, qui sera présumé tout simplement si l’étranger ne dispose pas de documents de voyage ou d’une pièce d’identité en cours de validité.

Pour mon groupe, au regard de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la Convention de Genève de 1951 sur le droit d’asile, le délai consenti par l’article 28 pour l’examen de la situation personnelle d’un étranger, qui risque, aux termes de dispositions qu’au demeurant nous désapprouvons expressément, un éloignement, un élargissement, un bannissement de l’Europe pendant deux à cinq ans, ne peut pas être aussi court.

Il serait temps, mes chers collègues, de réapprendre à ouvrir les portes et les fenêtres de la maison France au lieu de les fermer. Il serait temps de cesser de nous replier sur nous-mêmes avec, pour seul mot d’ordre, la France aux Français et les Français avec les Français !

Au moment où beaucoup d’étrangers vont être soumis à des obligations de quitter le territoire français sans espoir de retour avant longtemps, les membres du Gouvernement, depuis ce matin, encourent une interdiction de quitter le pays sans autorisation préalable ! Bonaparte, dont vous vous inspirez parfois mais en faisant preuve de moins de panache, n’a-t-il pas un jour déclaré de manière singulièrement prémonitoire : « mon gouvernement n’est pas une plaisanterie » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 69 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 169 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié.

M. Jacques Mézard. M. Mermaz vient de le rappeler brillamment, les dispositions de l’article 28, dont nous demandons la suppression, sont le prolongement des articles 23, 24 et 25 contre lesquels nous nous sommes déjà exprimés.

Nous sommes tout autant opposés à la possibilité offerte à l’alinéa 2 de l’article 28 de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, car cela va une nouvelle fois à l’encontre de la directive Retour.

Je suis d’accord avec M. Mermaz. Il suffit d’ailleurs de se reporter aux pages 135 et 136 du rapport de la commission des lois pour se convaincre que des étrangers n’ayant pas fait de droit, qui plus est à un niveau assez élevé, ou n’étant pas constamment assistés de personnes connaissant parfaitement le droit se trouveront perdus parmi cette accumulation de délais différents et de situations compliquées. Ces personnes, souvent en grande difficulté, ont plus besoin d’être assistées que d’être expulsées !

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Jacques Mézard. Je vous cite le rapport : « [Le texte] prévoit un délai de recours de quarante-huit heures contre une OQTF sans délai de départ volontaire, le jugement étant alors rendu dans les trois mois ou dans les soixante-douze heures en cas de rétention ou d’assignation à résidence ».

Il y est précisé : « [L’OQTF] assortie d’un délai de départ volontaire est exécutoire à l’issue de ce délai – trente jours dans le droit en vigueur […] –, si elle n’a pas été contestée devant le juge administratif dans ce délai, ou bien, lorsque l’OQTF a été contestée, si elle n’a pas été annulée dans le délai de jugement de trois mois – soit, le cas échéant, dans les soixante-douze heures de la notification de la rétention ou de l’assignation à résidence lorsqu’une telle décision a été prise. »

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un maquis !

M. Jacques Mézard. Cette accumulation de délais et de droits différents a manifestement pour objet de rendre la défense des étrangers la plus difficile possible.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Jacques Mézard. Or le droit, pour trouver une application juste et équitable, doit être clair. C’est une raison de plus pour soutenir la suppression de l’article 28.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 169.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Alors que les instances communautaires critiquent l’absence d’intégration dans le droit national de garanties procédurales pour les étrangers et que l’article 31 du projet de loi prévoit la possibilité de retarder la notification des droits, nous ne pouvons que craindre la portée de l’article 28.

Dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, l’étranger ne dispose que de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que ce délai est de trente jours dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire.

Compte tenu de la complexité de la procédure et de la brièveté des délais de recours, la plupart des étrangers n’auront matériellement pas le temps de déposer un recours dans les délais impartis. Or cet article prévoit que la décision non contestée pourra être exécutée d’office.

Ce montage participe de votre volonté d’expulser toujours plus et toujours plus vite alors que la directive prévoit que les États membres doivent veiller au respect d’une procédure équitable et transparente. L’article 28 contrevient à cette disposition. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 28 effectue une simple coordination avec l’article 23.

M. Jean-Jacques Mirassou. Drôle de coordination !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est donc défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.

Nous aurons un débat à l’article 34 au sujet des procédures, ce qui nous permettra de revenir sur certaines questions qui ont été soulevées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je ferai deux remarques de fond et j’apporterai une précision de forme.

D’abord, monsieur Mermaz, le délai de quarante-huit heures existe déjà pour l’arrêté de reconduite à la frontière. Il ne s’agit donc pas d’une disposition nouvelle.

Ensuite, des associations d’aide juridique aux étrangers œuvrent, comme vous le savez, dans les centres de rétention administrative, grâce au financement de l’État, lequel, chaque année, leur consacre plus de 6 millions d’euros. Nous ne laissons donc pas les étrangers totalement démunis. Ces 6 millions d’euros sont consacrés, notamment, à la CIMADE – organisme qui, a priori, n’encourage pas spontanément l’action du Gouvernement, mais avec lequel nous travaillons –, et à l’Ordre de Malte.

Monsieur Mermaz, je vous le dis très simplement : j’ai trouvé votre intervention particulièrement vindicative, pour ne pas dire agressive. Je croyais naïvement que l’âge et l’expérience incitaient à plus d’ouverture et de tolérance, ce en quoi, visiblement, pour votre cas précis, je me trompais ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je suis assez étonnée de votre réponse. En effet, vous le savez, sur place, dans les centres de rétention, et très souvent également en zone d’attente, les étrangers, qui maîtrisent mal la langue, ne disposent pas d’interprètes. Il n’y a pas non plus d’avocats et les associations n’y sont pas présentes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par ailleurs, ces dernières ont peu de moyens.

Lorsque la procédure s’enclenche, le temps imparti pour préparer la défense, surtout si c’est le week-end, est souvent déjà écoulé. Cette remise en cause du droit de la défense et des droits fondamentaux est presque anticonstitutionnelle. Nous ne pouvons pas accepter un tel recul.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 rectifié et 169.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 371, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. À la différence de M. le ministre, j’ai trouvé extrêmement probantes et claires les interventions de M. Mermaz, de M. Mézard et de Mme Mathon-Poinat. Je considère donc que cet amendement est déjà défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a eu l’occasion d’expliquer la nécessité de conserver une mesure d’éloignement sans délai de départ volontaire à l’article 23. Elle émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 371.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 28.

(L’article 28 est adopté.)

Article 28 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 30

Article 29

(Non modifié)

L’article L. 513-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 513-4. – L’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l’article L. 511-1 peut, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l’autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie, notamment pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ.

« Un décret en Conseil d’État prévoit les modalités d’application du présent article. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 53 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 171 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’article 7 de la directive Retour prévoit seulement qu’aux fins d’éviter la fuite de l’étranger celui-ci peut être obligé de se présenter régulièrement aux autorités. En aucun cas il n’est fait mention des diligences prises pour préparer le départ.

Aux termes de l’article 29 du présent projet de loi, l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut « être astreint à se présenter à l’autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie ». Cette disposition peut se comprendre, mais il est ajouté : « notamment pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ ».

Serait-il possible d’obtenir des précisions sur ce terme générique, sachant que l’article 7 de la directive Retour évoque seulement la possibilité de « déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé » ?

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 171.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article 29 est censé transposer le paragraphe 3 de l’article 7 de la directive Retour. Reconnaissez que vous faites preuve d’un zèle excessif, parce que cette directive ne prévoit pas l’astreinte de l’étranger à se présenter à l’autorité administrative ni aux services de police !

Selon la directive, la justification de ce type de mesure est uniquement la prévention du risque de fuite, ainsi défini : « le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier, et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une procédure de retour peut prendre la fuite ». Le projet de loi va donc bien plus loin, puisqu’il généralise ce contrôle à tous les étrangers qui ont bénéficié d’un délai de départ volontaire. Cette nouvelle disposition, comme celle qui vise la généralisation du bracelet électronique, participe en fait à la création d’un dispositif de contrôle et de surveillance des étrangers sans cesse criminalisés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, puisque ces deux amendements identiques tendent à supprimer l’article 29 aux termes duquel l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut être astreint à se présenter à la préfecture ou aux services de police ou de gendarmerie pour y indiquer les diligences accomplies dans la préparation de son départ.

Cette disposition est le corollaire de celles de l’article 23, qui fait de l’OQTF avec délai de départ volontaire la mesure d’éloignement de base : si l’administration doit en principe accorder un délai de départ volontaire, il semble légitime qu’elle puisse aussi vérifier que celui-ci est bien employé à préparer le départ.

J’ajoute cependant une observation concernant la rédaction de l’article 29. La commission des lois, contrairement à sa jurisprudence constante, a omis de supprimer un « notamment » à la fin de l’alinéa 2. Je me permets donc de déposer un amendement afin de réparer cette erreur.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 516, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer le mot :

notamment

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 rectifié et 171.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 516.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 375 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditions de cette astreinte sont notifiées par écrit dans l’obligation de quitter le territoire.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L’article 29 ouvre la possibilité d’astreindre un étranger à l’obligation de se présenter devant les autorités administratives pendant la période de départ volontaire, notamment pour leur indiquer les diligences qu’il accomplit en vue de l’organisation de son départ. Ne pas se soumettre à cette obligation peut être considéré comme une présomption d’absence de garantie de représentation, pouvant entraîner une décision de fin de délai de départ volontaire, ainsi qu’un placement en rétention.

Comme nos collègues qui viennent de s’exprimer, nous considérons que l’obligation imposée à l’étranger de justifier de ses démarches outrepasse, une nouvelle fois, les préconisations de la directive. En effet, cette dernière justifie ce type de mesure par la prévention des risques de fuite de l’étranger. Le projet de loi va beaucoup plus loin, car le simple fait, pour l’étranger, de se présenter aux autorités démontre qu’il n’a pas pris la fuite. Dès lors, nul besoin de l’obliger à faire état de l’organisation de son départ pour prouver qu’il n’a pas pris la fuite !

Par ailleurs, ce contrôle s’apparente à une violation de la vie privée de l’étranger dépourvue de tout fondement. C’est pourquoi nous défendions la suppression de cet article 29.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car elle a estimé qu’il était légitime que l’étranger puisse connaître, dès le prononcé de la mesure, les obligations auxquelles il devra se soumettre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 375 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié.

(L’article 29 est adopté.)

Article 29 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 31 (Texte non modifié par la commission)

Article 30

(Non modifié)

L’article L. 551-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 551-1. – À moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger :

« 1° Doit être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;

« 2° Fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;

« 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;

« 4° Fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission ou d’une décision d’éloignement exécutoire mentionnée à l’article L. 531-3 du présent code ;

« 5° Fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant en application de l’article L. 533-1 ;

« 6° Fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;

« 7° Doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;

« 8° Ayant fait l’objet d’une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire. »

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. L’article 30 concerne le placement en rétention de l’étranger sur décision de l’autorité administrative, pour une durée de cinq jours. Cet article est censé transposer le dispositif qu’organise en la matière la directive Retour ; malheureusement, il ne respecte pas les dispositions de cette directive inspirées par un esprit plus humaniste que celui qui anime les auteurs de ce projet de loi, comme nous l’avons déjà rappelé à de nombreuses reprises. Les dispositions susceptibles d’offrir une meilleure garantie aux étrangers sont gommées par l’adaptation au droit français de la directive Retour.

Il est d’abord précisé que l’étranger est placé en rétention « à moins qu’il ne soit assigné à résidence », mais les motifs de placement en rétention sont les mêmes que précédemment – absence de papiers, etc. –, à ceci près que l’interdiction de retour prononcée par le préfet constitue un motif nouveau de placement en rétention.

La directive Retour prévoyait une panoplie de mesures moins coercitives que l’assignation à résidence, telles que la remise du passeport aux autorités administratives, la simple obligation de pointage au commissariat sans obligation de garder le domicile, ou encore l’indication des démarches effectuées en vue du départ. La transposition est incomplète puisque, en n’envisageant que l’assignation à résidence comme seule mesure de substitution à la rétention, l’article 30 introduit une nouvelle restriction au droit des étrangers.

La directive prévoit également que, s’il n’existe plus de risque de fuite, ou si l’étranger « coopère » pleinement avec les autorités, la personne doit être remise en liberté. Mieux : même si un risque de fuite existe – qui sondera les cœurs ? – et que la rétention est la seule option pour garantir un éloignement, la personne doit être remise en liberté si cet éloignement n’est pas raisonnablement possible, pour des motifs juridiques – risques de « traitements inhumains ou dégradants », au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – ou autres, tels que l’absence de coopération des autorités consulaires, l’absence de représentation consulaire, comme dans le cas de la Somalie. Autrement, la rétention deviendrait un emprisonnement et revêtirait un caractère pénal.

La durée de la rétention initiale, pendant laquelle l’administration peut maintenir l’étranger en rétention sans l’intervention du juge judiciaire, passe de quarante-huit heures à cinq jours ; vous ne me direz pas qu’il n’y a aucun changement ! Ce délai devrait être replacé, nous dit-on, dans le contexte d’une réforme d’ensemble des procédures juridictionnelles d’éloignement. L’article 41, on le verra, porte, quant à lui, à quarante-cinq jours, contre trente-deux aujourd’hui, la durée maximale pendant laquelle un étranger peut être maintenu en rétention.

Cinq jours, quarante-cinq jours, ces durées peuvent sembler abstraites. Il faut rappeler ce qu’est concrètement cette rétention qui affecte la liberté d’hommes, de femmes et d’enfants dont le seul tort est d’être des étrangers. Elle les conduit parfois à s’automutiler, voire à commettre une tentative de suicide. Sur le site de la CIMADE – dont vous nous parliez tout à l’heure, monsieur le ministre, en oubliant de préciser que vous avez restreint son champ d’intervention –, on peut lire, en date du 4 février 2011, sous le titre « Une semaine presque ordinaire au centre de rétention du Mesnil-Amelot » – centre que j’ai eu l’occasion de visiter jadis en compagnie de Jean-Pierre Sueur –, un condensé des conséquences humaines dramatiques auxquelles peuvent conduire l’enfermement à tout prix et les dérives de la politique du chiffre. Cette dernière, d’ailleurs, ne règle rien, puisque les immigrés arrivent toujours, comme vous le savez !

En voici un exemple : « Lundi : après avoir subi deux tentatives d’embarquement, un monsieur de nationalité algérienne, maintenu en rétention par la préfecture du Val-de-Marne depuis le 13 janvier se taillade avec des lames de rasoir. La veille, il avait déjà avalé du savon. Suite à ces tentatives d’embarquement forcé, les autres personnes retenues se sont particulièrement émues de sa situation. Ce monsieur sera malgré ses blessures embarqué vers l’Algérie le jour-même. »

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.

M. Richard Yung. L’article 30 du projet de loi, modifie l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif au régime de placement en rétention administratif. Nous voulons attirer l’attention du Sénat sur le fait que le texte proposé par ce projet de loi pour l’article L. 551-1 crée plusieurs nouveaux cas autorisant l’administration à placer un étranger en rétention administrative. Je mentionne, en particulier, le placement en rétention administrative pour l’étranger qui doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire.

Nous avons dit hier tout le mal que nous pensons de cette nouvelle mesure, je n’y reviendrai donc pas, même si le mot « bannissement » a provoqué, semble-t-il, quelques crises d’urticaire… Nous considérons, en effet, qu’il s’agit d’une « double peine » pour l’étranger, d’où notre opposition.

Par ailleurs, les mesures de substitution à la rétention prévues par ce projet de loi sont, nous semble-t-il, insuffisantes. Or la directive 2008/115/CE précise bien que la décision de placement en rétention ne peut intervenir qu’après la prise en considération d’autres formes de contrôle. Elle prévoit ainsi explicitement que, si « d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives » peuvent être « appliquées efficacement », elles doivent se substituer à la rétention. J’ajoute que la consignation des documents d’identité, l’obligation de pointer auprès des services de police constituent autant de mesures de substitution efficaces.

Enfin, comme l’a rappelé Louis Mermaz, l’allongement de la durée de rétention initiale à cinq jours ne trouve aucune justification. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons l’examen de l’article 37.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.

Mme Bariza Khiari. Nous voici revenus à la transposition de la directive Retour, transposition dont nous constatons, de nouveau, qu’elle est incomplète. En effet, la directive Retour demande aux États membres d’essayer de privilégier des solutions qui ne passent pas par la rétention et le Gouvernement fait précisément l’inverse en favorisant cette dernière.

La directive prévoit que les mesures de rétention ne peuvent concerner que des étrangers dont on pense qu’il existe une forte probabilité de pouvoir les éloigner. Il s’agit d’un élément important, puisque vous savez que certains consulats ne vous permettent pas d’opérer cette reconduite à la frontière. Dès lors, puisque vous ne pouvez pas reconduire l’étranger visé – et vous le savez rapidement en général, tous les membres de la police aux frontières que nous avons rencontrés nous l’ont confirmé –, pourquoi le maintenir en détention ?

Vous n’avez donc pas transposé toute la directive, qui précise que ne peuvent être placés en rétention que les étrangers pour lesquels il existe des « perspectives raisonnables d’éloignement ». Nous aurions donc voulu que cette précision soit transposée dans l’article 30, ce qui n’est pas le cas.

Par ailleurs, la directive Retour encadre, dans son article 17, les conditions de rétention des mineurs et de leurs familles. Puisqu’il s’agit officiellement de transposer ce texte, nous aurions souhaité, là encore, que cela soit fait complètement.

En effet, selon la directive Retour, « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible ». Or ce qui devrait relever de l’exception devient de plus en plus la règle : on compte de nombreux mineurs en centre de rétention, les rapports de la CIMADE sont sans équivoque sur ce point.

Nous assistons donc aujourd’hui à une institutionnalisation de ce qui relevait auparavant de l’exception. Il ne s’agit ni du « dernier ressort » mentionné par la directive ni de « la période appropriée la plus brève possible ».

Résultat de la politique du chiffre, le nombre de personnes en rétention augmente inexorablement, alors que les centres de rétention, surtout en région parisienne, ne disposent pas toujours des capacités d’accueil suffisantes ; mécaniquement, le nombre d’enfants placés en rétention aux côtés de leurs parents est également en hausse. Nous considérons, dès lors, que le texte de la directive n’est pas respecté.

Parce que des enfants sont concernés, de manière quasi automatique, nous vous demandons de bien vouloir faire en sorte que le placement d’un enfant en centre de rétention soit vraiment l’exception. C’est une des raisons, parmi d’autres, qui motivent nos amendements.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 54 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 172 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 376 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s’agit là d’un nouvel amendement de suppression, qui concerne un article extrêmement important sur le plan des principes.

M’appuyant une fois encore sur le rapport de notre excellente commission, je rappelle que, dans le droit en vigueur, « l’assignation à résidence n’est pas une mesure choisie par l’administration mais résulte d’une décision du juge des libertés et de la détention qui peut la prononcer exceptionnellement ». Or, le placement en rétention administrative, mesure privative de liberté affectant l’étranger pendant cinq jours, devient aujourd’hui la norme.

Le rapport nous fournit d’ailleurs des explications à ce sujet.

M. le rapporteur a effectivement très bien appréhendé la difficulté qui se présente à nous, tout en proposant d’adopter l’article 30 sans modification. Ainsi fait-il remarquer que, « alors qu’une transposition parfaitement fidèle de la directive Retour aurait supposé de prévoir que la rétention ne peut être décidée par le préfet que si l’assignation à résidence ne suffit pas, le présent article met sur le même plan ces deux mesures, entre lesquelles le préfet est donc assez libre de choisir ».

Toutefois, et je reconnais là son objectivité, M. le rapporteur ajoute : « Toutefois, il est vrai que la transposition stricte de la directive sur ce point aurait probablement eu pour effet un net accroissement d’un contentieux administratif déjà nourri. » On ne saurait mieux le dire…

En définitive, pour éviter cet accroissement de contentieux, on pourrait priver quelqu’un de sa liberté pendant cinq jours, sans aucune difficulté – je n’ose dire par une décision arbitraire, même si cela y ressemble – et en contrôlant la mesure a posteriori, ce qui est tout de même assez curieux dans un cas de privation de liberté.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 172.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La directive Retour demande aux États membres d’essayer de privilégier des solutions qui ne passent pas par la rétention. Mais, manifestement, la logique de criminalisation, d’enfermement et – oui, il faut le dire – de bannissement de l’étranger prime sur le principe de dignité humaine, que la majorité a par ailleurs beau jeu d’inscrire dans la Constitution.

Selon la directive, les mesures de rétention administrative ne peuvent concerner que des étrangers dont la possibilité d’éloignement est fortement probable. Elle conditionne ce placement en rétention à des perspectives d’éloignement que ne prévoit pas l’article 30 du projet de loi, telles que la remise du passeport aux autorités administratives.

Encore une fois, monsieur le ministre, vous n’avez donc pas transposé ce texte intégralement.

Par ailleurs, le placement en rétention administrative décidé par l’autorité administrative peut durer cinq jours. Vous franchissez un cap – pas des moindres, convenez-en – en permettant une mise en rétention arbitraire : le juge n’étant pas saisi dans de brefs délais pour se prononcer sur la validité de la présence en rétention de l’étranger, il ne peut donc intervenir pour interpréter le caractère nécessaire de la mesure.

Enfin, ce dispositif instaure une discrimination entre l’étranger qui fera l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prononcée par le juge des libertés et de la détention et celui qui se verra placé en rétention administrative par l’administration.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 376.

M. Roland Courteau. L’article 30 tend à modifier l’article L.551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif au régime de placement en rétention administrative.

La nouvelle rédaction ajoute plusieurs nouvelles situations autorisant l’administration à placer un étranger en rétention administrative. C’est le cas notamment du placement en rétention administrative pour les étrangers devant être reconduits à la frontière en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire.

Pour le groupe socialiste, l’interdiction de retour sur le territoire français s’assimile à une double peine pour l’étranger obligé de quitter le territoire. Elle institue, de fait, le bannissement du territoire européen. Nous y sommes fortement opposés. Il n’y a pas lieu d’intégrer ce cas de figure dans le nouvel article L.551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Par ailleurs, les alternatives à la rétention semblent insuffisantes. L’article 15 de la directive Retour prévoit pourtant que « d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives », si elles peuvent être appliquées efficacement, doivent se substituer à la rétention. Ainsi, la consignation des documents d’identité et l’obligation de pointer auprès des services de police constituent des alternatives efficaces.

En outre, l’article L.551-1, dans la rédaction proposée, prévoit un allongement de la durée de rétention initiale à cinq jours, allongement qui ne trouve, selon nous, aucune justification.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article 30.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques de suppression de l’article 30.

En déposant l’amendement n° 54 rectifié, ses auteurs entendent manifester leur désaccord avec la création de l’interdiction de retour sur le territoire, dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre. Il n’y a donc pas lieu de revenir sur le fond de cette question.

Les auteurs de l’amendement n° 172 avancent, quant à eux, le motif suivant : l’article 30, dans sa nouvelle rédaction, ne transpose pas correctement la directive Retour, celle-ci prévoyant que la rétention doit être décidée seulement si des mesures moins coercitives ne peuvent pas être prises.

Il convient de noter que, désormais, le préfet pourra choisir entre la rétention administrative et l’assignation à résidence, ce qui n’est pas le cas dans le droit en vigueur. Le projet de loi va donc bien dans le sens de la directive Retour.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Nous partageons l’avis défavorable de la commission.

Je précise simplement à l’attention de M. Louis Mermaz, qui a évoqué tout à l’heure la CIMADE, que je reconnais tout à fait le rôle de cet organisme. Mais je me souviens parfaitement – j’étais chargé du portefeuille de l’immigration à l’époque – avoir souhaité mettre fin à sa situation de monopole.

J’ai privilégié l’ouverture et la diversité, ce qui explique que non seulement la CIMADE, mais aussi l’Ordre de Malte, Forum réfugiés, l’Association service social familial migrants, dite ASSFAM, et France terre d’asile travaillent aujourd’hui au sein des centres de rétention.

Je pense franchement que cette réforme, qui, à l’époque où elle a été proposée, avait pu susciter des inquiétudes, donne globalement satisfaction. En tous cas, je ne regrette absolument pas le choix qui a été fait.

Par ailleurs, il y a incontestablement des alternatives à la rétention administrative. Au moins trois sont prévues : l’obligation de présentation régulière à l’autorité administrative, l’assignation à résidence et la remise du passeport aux autorités. On ne peut donc pas dire que nous empruntons la seule voie de la rétention !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je rappelle que l’assignation à résidence existe depuis longtemps et, à mon sens, elle est moins douloureuse pour les familles et moins coûteuse pour l’État. En particulier, en cas de dépôt des documents de voyage, il existe une garantie.

Par ailleurs, j’ai récemment lu dans un rapport de la CIMADE sur les centres de rétention administrative que 30 % seulement des personnes passant par ces centres sont expulsées. Autrement dit, 70 % d’entre elles ne le seront finalement pas !

Ce taux me semble important à prendre en compte. Il montre que, parfois, voire assez souvent, la rétention administrative est inutile.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 rectifié, 172 et 376.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 377, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après la référence :

L. 561-2,

insérer les mots :

et s’il existe des perspectives raisonnables d’éloignement,

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 378.

Le paragraphe 4 de l’article 15 de la directive Retour énonce : « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres […], la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté. »

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée, le 30 novembre 2009, sur l’interprétation de ce paragraphe. Selon sa jurisprudence, il est nécessaire que, « au moment du réexamen de la légalité de la rétention par la juridiction nationale, il apparaisse qu’il existe une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien ».

Nous regrettons que le présent projet de loi ne comporte aucune disposition en vue de transposer cette obligation de remise en liberté.

C’est pourquoi nous proposons de conditionner le placement en rétention administrative à l’existence de « perspectives raisonnables d’éloignement ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement n° 377 tend effectivement à préciser que le placement en rétention administrative peut être effectué seulement s’il existe des perspectives raisonnables d’éloignement.

Il est vrai que cette circonstance ne figure pas expressément à l’article 30. Toutefois, elle résulterait aussi bien de l’application de l’article 33, qui prévoit expressément les mesures pouvant être prises par dérogation à la rétention administrative en attendant que la perspective raisonnable d’éloignement existe, que de celle de l’article L. 554-1 du CESEDA, selon lequel « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ».

La commission des lois demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 377 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 377.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 498, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

pour une durée de cinq jours

par les mots :

pour une durée de quarante-huit heures

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la suppression, votée en commission, de l’article 37 du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je rappelle que la réforme inscrite à l’article 37 est au cœur même du projet de loi, dans sa partie relative aux mesures d’éloignement.

La commission des lois a effectivement supprimé cet article 37 au motif – je ne pense pas trahir sa position, monsieur le président Hyest – de la constitutionnalité de la réforme et de l’atteinte aux droits des étrangers que celle-ci pourrait entraîner. Pour le Gouvernement, ces inquiétudes ne sont pas fondées, l’article 37 tendant à réformer selon des modalités appropriées et conformes aux exigences constitutionnelles.

C’est pourquoi, exceptionnellement, nous avons là une divergence avec la commission des lois ; j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une question délicate ! On ne peut pas dire que le juge administratif n’est pas, lui aussi, protecteur des libertés. Il prend d’ailleurs des décisions en se fondant sur sa connaissance propre du dossier de l’étranger. Or, au titre de l’article 66 de la Constitution qui protège les libertés publiques, le juge judiciaire a été intégré depuis longtemps dans le circuit.

Nous allons bientôt débattre de la garde à vue. À cet égard, le délai de quarante-huit heures appliqué dans le cadre de cette procédure a été considéré comme une privation de liberté.

Jusqu’à présent, le juge judiciaire se prononçait sur la liberté sans connaître le sort du dossier administratif. Les motivations des décisions sont d’ailleurs variées, mais quelquefois un peu systématiques. Ensuite intervenait la décision du juge administratif.

C’était le meilleur moyen de faire en sorte que les dossiers ne soient pas réglés par le juge administratif ! En effet une fois que la décision du juge judiciaire est prise, celle du juge administratif ne peut avoir de conséquence. Ce problème est compliqué...

Nous pourrions envisager, monsieur le ministre, une unification de la procédure contentieuse et la suppression des tribunaux administratifs, comme c’est le cas dans de nombreux pays.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette demande existe depuis longtemps !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Après tout, des esprits éminents et brillants ont proposé une telle unification. Cela paraît impossible aujourd’hui, surtout au vu des motifs qui ont présidé à la création du Conseil d’État et des tribunaux administratifs...

Il est évident que la disparité de jurisprudence à laquelle nous sommes confrontés jette un doute sur la cohérence de notre droit des étrangers. À titre personnel, j’ai toujours trouvé absurde un système dans lequel deux juridictions sont appelées à se prononcer sur un même dossier !

Certes, le Conseil constitutionnel a jugé qu’une durée de sept jours était trop longue, mais il n’a rien dit d’autre. C’est sa seule jurisprudence !

Bien que j’hésite, je ne voterai pas l’amendement du rapporteur, car j’estime que la réflexion peut encore progresser. Ne pourrait-on réduire encore cette durée et rapprocher les deux délais ?

Quoi qu’il en soit, la dualité de juridictions dans ce domaine pose un problème de fond, spécifique à cette branche du droit.

J’hésite beaucoup, car je tiens à ce que les libertés soient protégées, mais aussi à ce que la décision du juge administratif, qui connaît le dossier et doit examiner l’affaire, puisse peser. Trop souvent, en effet, celle-ci ne sert plus à rien, dès lors que l’étranger est remis en liberté et qu’il est entré sur le territoire français.

Nous savons bien que l’on prend de nombreuses mesures, mais que l’on en applique peu. C’est l’un des défauts de notre droit.

Si nous avions adopté l’ensemble des amendements proposés par nos collègues de gauche depuis le commencement de ce débat, il ne resterait plus qu’à supprimer le CESEDA, à laisser tous les étrangers entrer dans notre pays et y rester autant qu’ils le souhaitent ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Mme Raymonde Le Texier. Vous n’avez accepté aucun de nos amendements !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je dis la vérité : vous allez même au-delà de la législation votée sous la majorité de gauche ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est la réalité ! Il est un peu facile, dans ces conditions, de dire que l’on veut un débat digne... Je n’ai pas l’intention, pour ma part, d’aller dans le sens de ceux qui disent que les étrangers sont la cause de tous nos maux...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, certains le pensent...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a jamais été mon cas ! Je suis parlementaire depuis vingt-six ans, et j’ai toujours défendu les droits des étrangers lorsque je considérais que certains gouvernements exagéraient !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne parlais pas de vous ! Pourquoi vous mettre en colère ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne sais pas ce qui est le plus utile pour notre pays, dans le respect du droit des étrangers et dans le souci d’assurer l’efficacité de la politique menée. Je ne voterai donc pas l’amendement de la commission. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suggère que nous n’anticipions pas le débat sur l’article 37, à l’occasion duquel le président Longuet présentera un amendement.

Je suis tout à fait sur la même ligne que le président Hyest : il a parfaitement raison de dire qu’une partie de cet hémicycle veut aller nettement plus loin que la loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, adoptée en 1998, alors que M. Chevènement était ministre de l’intérieur sous une majorité de gauche.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre. M. Hyest vient de dire qu’il ne voterait pas l’amendement de la commission. Pour ma part, je confirme l’opposition du Gouvernement à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Pour notre part, nous voterons l’amendement du rapporteur.

Je suis tout à fait sensible, d’une manière générale, aux explications du président de la commission. En l’occurrence, il n’en demeure pas moins qu’une question de coordination et de cohérence se pose. (M. le président de la commission des lois opine.)

L’amendement n° 498 est le simple constat d’une position majoritaire, celle de la commission des lois, qui a proposé la suppression de l’article 37. Or le Parlement doit délibérer – on nous le rappelle assez souvent ! – sur le texte de la commission. Nous devons faire preuve de cohérence par rapport au processus législatif !

Il est logique et normal d’adopter l’amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission des lois. Il est également logique de considérer que le juge « normal » des libertés est bien, dans notre droit, le juge judiciaire, et non le juge administratif.

Je le dis très clairement : je suis de ceux qui sont favorables à l’unicité des juridictions. Je ne m’en suis jamais caché ! Mais nous n’y sommes pas encore... En attendant que cette unicité se réalise un jour, je constate que l’ensemble de nos textes disposent que le juge compétent pour statuer sur les questions relatives aux libertés est le juge judiciaire, et non le juge administratif. C’est une question de cohérence juridique, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis un peu gêné, monsieur le président. Il s’agit en effet d’un amendement de coordination par rapport à la position de la commission. Celle-ci ayant supprimé l’article 37, cet amendement doit logiquement être voté. (M. Jacques Mézard opine.)

Il y a deux solutions : ou bien on vote sur l’amendement n° 498 et, s’il est rejeté, il nous faut adopter, dans un souci de cohérence, l’amendement n° 1 rectifié ter de M. Longuet tendant à rétablir l’article 37 supprimé par la commission ; ou bien on réserve le vote sur cet amendement jusqu’à l’examen de l’article 37.

Je me suis borné à exprimer mes interrogations...

M. le président. Souhaitez-vous que le vote de l’amendement n° 498 soit réservé, monsieur le président de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Les termes du débat sont assez clairs ! La commission ayant supprimé l’article 37, il faut en revenir au délai initialement prévu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce que j’ai dit !

M. Richard Yung. À défaut, nous ferions preuve de la plus grande incohérence. Le président Hyest a eu tout à fait raison de le dire ! Pour ces raisons, et dans un souci de cohérence, nous voterons l’amendement du rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal !

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en première lecture ! (Sourires.)

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Mes collègues et moi-même allons suivre la position de la commission.

Certes, je comprends les arguments du président Hyest. Il serait effectivement plus simple que le juge d’un seul ordre intervienne pour contrôler l’ensemble d’un dossier, mais l’article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

Nous partageons l’avis du Conseil constitutionnel, selon lequel le juge des libertés et de la détention doit intervenir dans le plus court délai possible, et nous considérons que ce délai le plus court délai possible c’est quarante-huit heures.

Favorables à la position de la commission sur l’article 37, nous voterons, par voie de conséquence, l’amendement n° 498 du rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 498.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 154 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 186
Contre 152

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous applaudissons la commission !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 379 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous proposons la suppression de l’alinéa 9 de l’article 30 ; il s’agit donc d’un amendement de repli par rapport à l’amendement de suppression de l’article.

Ainsi que je l’ai évoqué lors de la présentation de ce dernier amendement de suppression, à aucun moment la directive Retour ne prévoit la rétention de l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction de retour, en tous les cas pas de la manière dont elle est prévue dans l’article.

Il est par conséquent cohérent de supprimer toute référence à une telle interdiction en supprimant l’alinéa 9 de l’article 30.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 379.

M. Roland Courteau. Le présent article, qui modifie l’article L. 551–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, détaille les situations dans lesquelles le préfet peut ordonner le placement d’un étranger en rétention administrative.

Ainsi, l’alinéa 9 dispose qu’un étranger peut être placé en rétention lorsqu’il « doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ».

Le groupe socialiste ne peut accepter cette possibilité nouvelle d’assortir une obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français allant de deux à cinq ans et s’y opposera tout au long de l’examen du texte.

Une telle disposition s’apparente selon nous – nous l’avons déjà dit – à un véritable bannissement de la personne concernée.

Par cette interdiction faite à une personne de séjourner dans notre pays, le Gouvernement remet au goût du jour une peine qui était pourtant tombée en désuétude en France, une peine infamante permettant de marginaliser des populations indésirables.

On trouve des analyses intéressantes des peines de bannissement et de l’exil qui existaient en Europe aux XVIe et XVIIe siècles. L’objectif recherché était alors non pas de faire œuvre de justice, mais plutôt de manifester sa force de façon violente, d’exclure l’autre.

Si l’on entre dans le détail de cette procédure d’interdiction de retour sur le territoire français, nos craintes sont alors confirmées : tout étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement est susceptible d’être frappé par une interdiction de retour. Cette double peine va vraisemblablement devenir automatique.

L’interdiction ne se limite pas au territoire français mais englobe l’ensemble du territoire européen. Aucun dispositif n’est prévu afin de protéger d’un tel bannissement des catégories d’étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner en France.

La directive Retour excluait explicitement les personnes victimes de traite des êtres humains ou ayant fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et coopérant avec les autorités.

Le projet de loi ne prévoit pas de mécanisme permettant à l’étranger frappé d’une interdiction de retour sur le territoire français ou IRTF d’annuler son inscription au système d’information Schengen lorsque l’IRTF aura été abrogée ou annulée, alors qu’une telle inscription se traduira pour l’individu concerné par l’impossibilité d’obtenir un visa ou un titre de séjour dans un pays européen.

Enfin, et je terminerai sur ce point, monsieur le président, le dispositif de reconduite d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ne prend pas en compte l’évolution de la situation des personnes concernées ; je pense non seulement à la situation personnelle des individus, mais aussi à celle du pays d’origine, qui ont pu basculer dans l’intervalle et qui pourraient justifier l’obtention d’un droit d’asile.

Mes chers collègues, j’espère que vous conviendrez avec nous qu’une telle notion d’interdiction de retour sur le territoire français est trop risquée et n’a pas de place dans notre corpus juridique, et qu’il faut par conséquent supprimer l’alinéa 9 de l’article 30.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission s’est déjà exprimée dans le cadre de la discussion de l’article 23. Elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos 55 rectifié et 379.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié et 379.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Par cet amendement, nous proposons de compléter l’article 30 par un alinéa ainsi rédigé : « Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. »

Le présent projet de loi a pour objet de transposer la directive Retour ; c’est du moins ce qui est déclaré. Par conséquent, autant aller au bout du processus en inscrivant dans le texte les dispositions relatives aux mineurs non accompagnés et aux familles comportant des mineurs.

L’article 17 de la directive prévoit que les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. Étant donné que la clause du droit national plus favorable ne joue pas au regard des dispositions du projet de loi, nous demandons la transposition pure et simple de l’alinéa 1 de l’article 17 de la directive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 56 rectifié tend à préciser que les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible.

Ce faisant, il tend à transposer expressément une disposition de l’article 17 de la directive Retour.

Du point de vue de la commission, cet amendement est satisfait pour ce qui est des mineurs non accompagnés.

En ce qui concerne les familles, il est vrai que des mineurs accompagnant leurs parents sont placés en rétention. Toutefois, le CESEDA prévoit certaines modalités spécifiques d’accueil pour ces familles. La situation de celles-ci est d’ailleurs déjà attentivement examinée par l’administration.

En outre, le dispositif du bracelet électronique prévu aux dispositions de l’article 33, que nous examinerons dans quelques instants, est précisément destiné à tenir compte de telles situations.

La commission a par conséquent émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 378, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au présent article ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne est immédiatement remise en liberté. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 378 tend à prévoir que la rétention ne peut perdurer s’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement ou que les conditions autorisant la mesure de rétention ne sont plus réunies.

Je rappelle simplement que ces dispositions résultent aussi bien de l’article L. 554–1 du CESEDA, aux termes duquel l’étranger peut être retenu seulement le temps strictement nécessaire à son départ, que de l’article 41 du présent texte, qui fixe le nombre limité de cas dans lesquels la rétention peut être prolongée.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 378.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 30, modifié.

(L'article 30 est adopté.)

Article 30
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 32 (Texte non modifié par la commission)

Article 31

(Non modifié)

L’article L. 551-2 du même code est ainsi modifié :

1° La troisième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Elle prend effet à compter de sa notification à l’intéressé. » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « que, pendant toute la période de la » sont remplacés par les mots : « qu’à compter de son arrivée au lieu de » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les meilleurs délais au sens du deuxième alinéa s’entendent compte tenu du temps requis pour informer chaque étranger de ses droits lorsqu’un nombre important d’étrangers doivent être simultanément placés en rétention. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 57 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 173 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 381 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié.

M. Jacques Mézard. Selon le droit actuellement en vigueur, la notification de ses droits à un étranger qui fait l’objet d’une décision de placement en rétention doit être effectuée dès le début de la privation de liberté.

Or l’article 31, s’il était adopté, ne permettrait à l’étranger de faire valoir ses droits qu’à partir de son arrivée au lieu de rétention. Aucune justification objective légitime, liée par exemple à l’urgence ou à des circonstances particulières, n’est avancée.

Permettez-moi à ce stade de rappeler que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment l’arrêt Medvedyev du 29 mars 2010, impose, au titre de l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que toute personne privée de liberté en vertu de la loi soit aussitôt traduite devant un magistrat, étant entendu qu’un membre du parquet n’est pas un magistrat au sens de cette interprétation, que nous approuvons.

Il s’agit donc d’une nouvelle restriction des droits, d’une atteinte très claire aux droits fondamentaux de la personne.

Nous demandons par conséquent la suppression de l’article 31 du présent projet de loi.

D’ailleurs, le rapport de la commission précise que, dans un arrêt en date du 31 janvier 2006, la Cour de cassation considère « que la notification du placement en rétention, l’information de la personne concernée sur ses droits et la possibilité pour celle-ci de les faire valoir devaient être simultanées. »

Il est également indiqué dans le rapport que – et je conteste le bien-fondé de cette appréciation – le report de l’exercice de ses droits par l’étranger à compter de son arrivée au centre de rétention est justifié par l’impossibilité matérielle pour l’administration de permettre cet exercice pendant le trajet jusqu’au centre de rétention.

Certes, il existe une proposition de modification de l’article 38, mais elle ne peut nous satisfaire eu égard aux principes visés au présent article 31, dont nous demandons très légitimement la suppression.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 173.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous nous appuyons sur les mêmes références que M. Mézard pour défendre le présent amendement, notamment sur l’arrêt Medvedyev du 29 mars 2010.

Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme considère que ces dispositions sont contraires à l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où ce texte impose que toute personne arrêtée doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires, à l’exclusion du ministère public.

Par ailleurs, dans un arrêt du 31 janvier 2006, la Cour de cassation a considéré que la notification du placement en rétention, l’information de la personne concernée sur ses droits et la possibilité pour celle-ci de les faire valoir devaient être simultanées.

Il résulte donc de cette décision que l’arrestation d’une personne, son placement en garde à vue et le prolongement de cette mesure ne peuvent s’envisager que sous le contrôle d’un juge du siège.

Le même raisonnement peut être appliqué au placement en rétention ; or seul le procureur de la République est informé immédiatement, le contrôle du juge des libertés et de la détention n’intervenant qu’après quarante-huit heures.

En outre, l’article 31 précise que la décision de placement prend effet dès la notification de celle-ci à l’intéressé. Si cet article est adopté, l’étranger ne pourra donc faire valoir ses droits qu’à partir de son arrivée au lieu de rétention.

Rien ne justifie, selon nous, un tel retard dans la notification de ses droits à un individu privé de liberté.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 381.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’irai dans le même sens que mes collègues. L’article 31 a pour objet de préciser la procédure applicable pour la notification de leurs droits aux étrangers placés en rétention.

Ces nouvelles dispositions mettent entre parenthèses les droits des personnes retenues pendant tout le temps nécessaire, laissé à la seule appréciation de l’administration, à leur arrivée dans un centre de rétention.

Ce faisant, les auteurs du projet de loi ne tirent aucune conséquence des errements passés de l’administration.

Après les arrestations tant dans la « jungle » de Calais en 2009 que sur le littoral corse en 2010, la plupart des juridictions avaient censuré le comportement de la préfecture, qui, de manière délibérée, avait choisi de disperser sur tout le territoire national plus de cent personnes retenues.

Dans ces deux cas, l’autorité judiciaire était unanime pour rappeler qu’il lui incombe de veiller au respect des droits des personnes retenues, en dépit des pratiques de l’administration.

Dorénavant, l’essentiel des droits de la personne retenue ne seront ouverts à cette dernière « qu’à compter de son arrivée au lieu de rétention ».

L’assistance d’un interprète, le conseil d’un médecin ou l’entrevue avec un avocat seront suspendus dans l’attente du transport et pendant le transport. Rien ne justifie, selon nous, un tel retard dans la notification de ses droits à un individu qui est déjà privé de liberté.

Cette privation est d’autant plus grave qu’elle pourra s’étendre pendant une durée indéterminée. Les textes ne prévoient en effet aucune limite de temps pour effectuer le transfert.

Notre amendement tend à la suppression de l’article 31 afin d’éviter la création de périodes de non-droit pour l’étranger retenu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 31, qui comporte des précisions relatives à l’exercice par l’étranger des droits qui lui sont garantis en rétention.

Cet article prévoit notamment le report de l’exercice des droits de l’étranger à l’arrivée au centre de rétention, report qui est justifié par le fait qu’il est matériellement impossible pour l’administration de garantir l’exercice de certains droits avant cette arrivée au centre de rétention.

Par ailleurs, je tiens à préciser que le texte de la commission intègre à l’article 38 une disposition prévoyant que le report devient irrégulier si le délai entre la notification du placement et l’arrivée au centre est anormalement long, ce qui évite la création d’une période de non-droit trop importante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 rectifié, 173 et 381.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 382, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Après la troisième phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 31 concerne, on l’a dit, la décision de placement en rétention et les modalités de celle-ci.

Or une disposition prévoyant la remise à l’étranger d’un double de la décision de placement en rétention est supprimée, sans explication. Cela mériterait au moins des éclaircissements !

La décision de placement en rétention, qui doit être motivée, est en principe susceptible de recours. La « non-remise » du double de la décision prive l’étranger et son avocat d’une connaissance précise et immédiate des motifs qui ont justifié le placement en rétention.

Cette disposition porte atteinte au droit à un recours effectif garanti par la Cour européenne des droits de l’homme.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que l’article 31, dans sa rédaction actuelle, met en place une procédure manifestement contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et en contradiction avec la jurisprudence.

Pour rappel, dans son arrêt Medvedyev du 29 mars 2010, la Cour européenne des droits de l’homme statue que l’arrestation d’une personne, son placement en garde à vue et le prolongement de cette mesure ne peuvent s’envisager que sous le contrôle d’un juge du siège. Ainsi, dans cette affaire, la Cour a estimé que la privation de liberté subie à compter de l’arraisonnement et jusqu’à l’arrivée à Brest n’était pas « régulière ».

Le même raisonnement peut être appliqué au placement en rétention puisque l’article 31 crée une période de privation de liberté durant laquelle l’étranger n’aura accès ni à un médecin, ni à un avocat.

Il est donc inévitable que la mise œuvre de cette période de non-droit entraîne à l’avenir de nouvelles condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je me permets de rappeler à Mme Boumediene-Thiery que la notification, prévue par le texte, comporte nécessairement la remise d’un double de la décision de placement en rétention à l’intéressé.

La commission estime donc que cet amendement est satisfait et, s’il n’est pas retiré, son avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 382.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 31.

(L'article 31 est adopté.)

Article 31 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 33 (Texte non modifié par la commission)

Article 32

(Non modifié)

À la seconde phrase de l’article L. 552-4 du même code, après les mots : « l’exécution », sont insérés les mots : « d’une obligation de quitter le territoire français en vigueur, d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 58 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 174 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 383 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 58 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 174.

Mme Éliane Assassi. C’est en effet un amendement de coordination : nous continuons de nous opposer à l’inscription du principe de bannissement des étrangers dans notre droit, ce qui nous conduit, évidemment, à demander la suppression de l’article 32.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 383.

Mme Bariza Khiari. L’article 32 du projet de loi tend à obliger le juge des libertés et de la détention à motiver spécialement une décision d’assignation à résidence à l’encontre de l’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une interdiction de retour sur le territoire français.

Par coordination avec notre amendement n° 351 à l’article 23 tendant à supprimer les dispositions relatives à la création de l’OQTF et de l’IRTF, nous proposons donc la suppression de cet article 32.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 rectifié, 174 et 383.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 384, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

d'une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur,

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Comme je l’ai dit voilà quelques instants, l'article 32 du présent projet de loi tend à obliger le juge des libertés et de la détention à motiver spécialement une décision d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une OQTF ou d'une IRTF.

Par coordination avec nos amendements tendant à supprimer toute référence à la peine de bannissement, nous proposons de modifier la rédaction de l'article 32.

J’en profite pour évoquer une discussion qui a eu lieu hier entre le ministre qui était au banc du Gouvernement et M. Sueur. Le terme « bannissement » a fait l’objet de remarques. L’interdiction de retour sur le territoire français, c’est un bannissement. Ce mot est brut, brutal, il fait mal à vos oreilles, voire à vos consciences. C’est la raison pour laquelle vous ne voulez pas l’entendre. Mais l’interdiction de retour sur le territoire est bien un bannissement. C’est pourquoi nous avons demandé la suppression de l’article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 384.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 411 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger qui a choisi de bénéficier de l'aide au retour volontaire après son placement en rétention peut, dans les conditions définies au présent article, bénéficier d'une assignation à résidence. Celle-ci ne doit pas faire l'objet d'une motivation spéciale. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. La directive dite « directive Retour » prévoit, d’une part, dans son article 15, paragraphe 1, que le placement en rétention est l’exception et, d’autre part, à son article 7, que le départ volontaire est la règle.

Ce constat nous amène à considérer que les migrants qui sont placés en rétention et qui demandent à bénéficier du dispositif de l’ARV, l’aide au retour volontaire, devraient pouvoir être assignés à résidence.

En l’état actuel du droit, un étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et qui est placé en rétention ne peut pas solliciter le dispositif d’aide au retour financé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration en application de l’article L. 511–1 du CESEDA.

Cette situation n’est pas satisfaisante, car les migrants qui sollicitent un dispositif d’aide au retour s’inscrivent dans une démarche de coopération avec les autorités françaises. Ils doivent donc pouvoir bénéficier des mesures alternatives à la rétention.

J’ajoute que l’assignation à résidence de ces migrants présenterait le double avantage de désengorger les centres de rétention administrative et de limiter les traumatismes subis par les migrants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Aux termes de cet amendement, les étrangers qui demandent l’aide au retour pendant qu’ils sont placés en rétention devraient pouvoir être assignés à résidence.

Or, l’article 34 du projet de loi permet déjà à tous les étrangers à qui une OQTF est notifiée de demander l’aide au retour, qu’ils aient ou non obtenu un délai de départ volontaire. Par conséquent, il ne serait pas logique de leur proposer à nouveau cette aide alors qu’ils n’ont pas obtempéré à la mesure d’éloignement et ont été placés en rétention.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 411 rectifié.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 32.

(L'article 32 est adopté.)

Article 32 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article additionnel après l'article 33

Article 33

(Non modifié)

Le livre V du même code est ainsi modifié :

1° Le titre VI devient le titre VII ;

2° L’article L. 561-1 devient l’article L. 571-1 et le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « territoire, », sont insérés les mots : « d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, » ;

b) Les mots : « ou d’extradition » sont remplacés par les mots : «, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen » ;

3° L’article L. 561-2 devient l’article L. 571-2 ;

4° Après le titre V, il est rétabli un titre VI ainsi rédigé :

« Titre VI

« Assignation à résidence

« CHAPITRE IER

« Art. L. 561-1. – Lorsque l’étranger justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays, l’autorité administrative peut, jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation, l’autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l’assignant à résidence, par dérogation à l’article L. 551-1, dans les cas suivants :

« 1° Si l’étranger fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ;

« 2° Si l’étranger doit être remis aux autorités d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;

« 3° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en application de l’article L. 531-3 ;

« 4° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;

« 5° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal.

« La décision d’assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, et renouvelée une fois ou plus dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception, cette durée ne s’applique ni aux cas mentionnés au 5° du présent article, ni à ceux mentionnés aux articles L. 523-3 à L. 523-5 du présent code.

« L’étranger, astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l’autorité administrative, doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L’autorité administrative peut prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l’article L. 611-2.

« Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4.

« Art. L. 561-2. – Dans les cas prévus à l’article L. 551-1, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au II de l’article L. 511-1 qu’il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l’article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l’assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.

« Art. L. 561-3. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État.

« CHAPITRE II

« Assignation à résidence avec surveillance électronique

« Art. L. 562-1. – Dans les cas prévus à l’article L. 551-1, lorsque l’étranger est père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation dans les conditions prévues à l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique.

« La décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par l’autorité administrative pour une durée de cinq jours.

« La prolongation de la mesure par le juge de la liberté et des détentions s’effectue dans les mêmes conditions que la prolongation de la rétention administrative prévue au chapitre II du titre V du présent livre.

« Art. L. 562-2. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique emporte, pour l’étranger, interdiction de s’absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par l’autorité administrative ou le juge des libertés et de la détention en dehors des périodes fixées par ceux-ci.

« Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le seul lieu désigné par le juge des libertés et de la détention pour chaque période fixée. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à la personne assignée le port, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, d’un dispositif intégrant un émetteur.

« Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre chargé de l’immigration et le ministre de la justice. La mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

« Le contrôle à distance de la mesure est assuré par des fonctionnaires de la police ou de la gendarmerie nationales qui sont autorisés, pour l’exécution de cette mission, à mettre en œuvre un traitement automatisé de données nominatives.

« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Dans la limite des périodes fixées dans la décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, les agents chargés du contrôle peuvent se rendre sur le lieu de l’assignation pour demander à rencontrer l’étranger. Ils ne peuvent toutefois pénétrer au domicile de la personne chez qui le contrôle est pratiqué sans l’accord de celle-ci.

« Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence avec surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4.

« Art. L. 562-3. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

5° Après l’article L. 552-4, il est inséré un article L. 552-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 552-4-1. – À titre exceptionnel, le juge peut ordonner l’assignation à résidence avec surveillance électronique dans les conditions prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-3 lorsque l’étranger est père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation dans les conditions prévues à l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code. »

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. L’article 33 traite de l’assignation à résidence, dont il modifie en fait la conception, en l’adaptant.

Première observation, cet article vise, en particulier, à couvrir le cas où une personne ayant fait l’objet d’une OQTF se voit privée du délai de départ volontaire, mesure qui, nous le répéterons au fil des amendements que nous allons présenter, est injuste.

En effet, cette mesure précarise les personnes concernées et elle les place, en termes de temps ou, plus exactement, de manque de temps, dans des circonstances telles qu’il ne leur est pas possible de rédiger leur dossier dans des conditions convenables.

Deuxième observation, les formes alternatives à la rétention ne sont pas prises en considération, ce qui est contraire à l’esprit de la directive.

Nous déposerons un amendement visant à permettre à la personne assignée à résidence d’obtenir une autorisation provisoire de travail, ce qui, à notre avis, ne peut qu’être positif, tant pour elle que pour la société.

Troisième observation enfin, avec ce texte, les mineurs non accompagnés risquent de se trouver, non pas systématiquement peut-être, mais beaucoup plus souvent qu’à l’heure actuelle, placés en assignation à résidence avec leurs parents.

Je comprends la nécessité de ne pas séparer les enfants de leurs parents, mais nous n’avons pas la même approche du problème : nous considérons que les formes alternatives à la rétention valent mieux pour les parents et leurs enfants. Au fond, votre solution revient en effet à mettre les enfants en rétention,…

M. Richard Yung. … même si juridiquement ils ne le sont pas.

Par ailleurs, nous aurons l’occasion de dire ce que nous pensons des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile, ou PSEM, c’est-à-dire au bracelet électronique, qui ont été introduites, par amendement de M. Marini, dans cet article 33.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 59 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 175 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’article 33 tend à définir un nouveau régime de l’assignation à résidence, laquelle sera prononcée par l’autorité administrative, et non par le juge des libertés et de la détention, à la différence de l’assignation à résidence judiciaire.

Nous ne sommes naturellement pas opposés à tout ce qui peut constituer une mesure alternative à la rétention, et sur ce point l’assignation à résidence peut être une solution intéressante.

Nous sommes en revanche plus que réservés sur l’interprétation adoptée dans cet article qui ne prend pas en compte le report de l’éloignement dans les situations visées par l’article 9 de la directive, alors que ce report garantit précisément la protection des réfugiés et l’efficacité des recours contre les mesures d’éloignement.

La directive, et cela mérite d’être rappelé, n’impose pas d’assigner à résidence les personnes dont l’éloignement est reporté ; elle n’en fait qu’une faculté parmi d’autres mesures qui ne sont pas ici visées.

Parallèlement, le régime défini nous paraît disproportionné : la faculté d’imposer l’assignation à résidence à des demandeurs d’asile ou à des réfugiés statutaires reconnus par d’autres pays ou aux étrangers qui décident d’exercer un recours contre l’obligation de quitter le territoire français peut être interprétée comme une sanction contre l’exercice d’un droit, ce qui n’est pas justifiable.

S’agissant du placement sous surveillance électronique mobile, il faut rappeler – nous reviendrons sur ce point à l’occasion de l’examen d’amendements ultérieurs – que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 décembre 2005, fixe, en l’espèce, un cadre très précis imposant notamment une adéquation avec l’objectif visé, surtout, une décision du juge, ainsi que le recueil du consentement de l’intéressé. Autant de points qui sont absents de l’article 33.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est tout de même bizarre !

M. Jacques Mézard. Nous examinerons tout à l’heure un amendement, que nous avons déposé et qui, me semble-t-il, a recueilli l’avis favorable de la commission, relatif au consentement de la personne pour toute mise sous bracelet électronique. Mais demeure la question de l’absence d’autorisation du juge. Au niveau des principes, il s’agit d’une dérive tout à fait inacceptable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 175.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 175, 176 et 177.

Avant tout, je souhaite faire une remarque préliminaire, qui, d’ailleurs, pourrait s’appliquer à la discussion que nous avons eue précédemment.

Une chose est de revenir sur le CESEDA, ce que vous ne voulez pas, contrairement à nous. Pour autant, cela ne signifie pas ne pas avoir de politique d’immigration. Le problème est, en réalité, de définir cette politique, mais il n’est plus l’heure d’aborder ce débat. Une autre chose est de dénier aux étrangers les droits élémentaires dont bénéficie toute personne susceptible d’être privée de liberté. Que la situation soit claire ! Le champ est différent.

Monsieur le ministre, vous évoquez sans cesse le problème des étrangers qui viennent en France, les directives européennes, le CESEDA, votre politique d’immigration, etc. Il existe une autre question sur laquelle on ne peut pas transiger : toute personne humaine a des droits élémentaires qui doivent être respectés.

L’article 33 définit le nouveau régime de l’assignation à résidence et procède à des modifications de l’actuel livre V du CESEDA.

D’une part, il prévoit que la durée de cette nouvelle assignation à résidence, prononcée par l’autorité administrative, peut être de six mois renouvelables, laps de temps que nous trouvons extraordinairement long. Pourraient, en outre, tomber sous le coup de cette mesure les étrangers auxquels un délai de départ volontaire n’a pas été accordé. Ce sont les premiers points sur lesquels nous sommes en désaccord.

D’autre part, ce même article étend la mesure pénale que constitue la surveillance électronique aux personnes qui font l’objet d’une assignation à résidence. Ce dispositif vise normalement et expressément les personnes mises en examen ou condamnées par l’autorité judiciaire et qui peuvent bénéficier d’un aménagement de peine.

Le présent projet de loi prévoit que cette mesure puisse être prise par l’autorité administrative les cinq premiers jours, ôtant ainsi la garantie du juge des libertés et de la détention, alors que dans le cadre de la procédure pénale seule l’autorité judiciaire est compétente pour décider d’une telle mesure.

En effet, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention est compétent lorsqu’il s’agit d’une mesure alternative à la détention pendant le contrôle judiciaire. Vous connaissez cela par cœur, mes chers collègues.

Ce dispositif reflète donc parfaitement la volonté du Gouvernement de criminaliser la présence étrangère. Les personnes étrangères se trouvant en rétention ne sont pas poursuivies ou condamnées pour un délit ou un crime !

Il nous semble inconcevable que des personnes étrangères, parents d’enfants mineurs, en attente de l’exécution d’une décision administrative de reconduite fassent l’objet de mesures relevant du champ pénal.

Enfin, l’article 33 prévoit que les forces de police ou de gendarmerie aient la charge du suivi et du contrôle du bracelet électronique durant l’assignation à résidence.

Or les forces de police ont déjà pu exprimer leur mécontentement par rapport à la dérive de leurs missions ; elles devront encore remplir une nouvelle tâche bien éloignée de leur fonction première qui est le maintien de l’ordre public et la recherche des infractions.

Par ailleurs, il est aberrant que l’ordre administratif – on comprend que les magistrats administratifs se mettent massivement en grève demain – dispose d’un pouvoir appartenant à l’ordre judiciaire, seul garant des libertés individuelles.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 33.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’article 33, alors que celui-ci apporte plusieurs modifications importantes au droit positif – cela a été rappelé tout à l’heure –, comme la possibilité pour le préfet de prononcer une assignation à résidence plutôt qu’un placement en rétention.

Il est bien sûr nécessaire de conserver cet article. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 59 rectifié et 175.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis que la commission sur les amendements identiques nos 59 rectifié et 175. Je rappelle que l’article 33 organise un régime nouveau d’assignation à résidence qui est en parfaite conformité avec la directive Retour.

Par le biais de l’amendement n° 176, vous proposez, madame Borvo Cohen-Seat, de supprimer toute référence à l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire. La mesure qui vous est soumise correspond également à la transposition de la directive Retour. Je vous rappelle qu’une telle référence a déjà été retenue à l’article 23. Il est donc logique que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à la volonté de supprimer la possibilité de prononcer une assignation à résidence avec placement sous surveillance électronique, vous savez, madame Borvo Cohen-Seat, qu’une telle assignation a en fait pour objet de limiter autant que possible la rétention des familles accompagnées d’enfants mineurs. Je vous rappelle que ces derniers, hormis les cas où l’objectif poursuivi est de ne pas les séparer de leurs parents, ne sont pas placés en rétention. Telle est la réalité.

Pour une famille, l’assignation à résidence peut être préférable à la rétention, j’en suis convaincu. Je précise que le placement sous surveillance électronique ne concernerait bien sûr que les adultes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais pas sans décision du juge et sans consentement de la personne concernée !

M. Brice Hortefeux, ministre. Aussi, l’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je comprends bien que l’assignation à résidence soit préférable au placement au centre de rétention. Cependant, je suis particulièrement gênée par la mise sous bracelet électronique. En effet, jusqu’à aujourd’hui, le placement sous surveillance électronique est bel et bien une sanction : il résulte d’une condamnation prononcée par un juge. Or, en l’occurrence, la sanction devient, en quelque sorte, une mesure de sûreté imposée sans décision du juge. Une telle disposition va beaucoup trop loin et n’est pas acceptable dans notre droit.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Boumediene-Thiery, vous êtes opposée à la rétention, au bracelet électronique, à l’assignation à résidence. Bref, vous êtes contre tout ! Nous avons très bien compris votre position. Par conséquent, ne relancez pas le débat ! Ainsi, nous gagnerons tous du temps !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Et le droit de s’exprimer, monsieur le ministre ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne pouvez pas nous empêcher de parler !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 rectifié et 175.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Alinéas 11 à 19

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je vais encore énerver M. le ministre…

M. Brice Hortefeux, ministre. Pas du tout !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Un parlementaire a le droit de s’exprimer et, pour ma part, j’y recourrai sans cesse. Il faudra vous y faire !

L’amendement n° 11 tend à supprimer les alinéas de l’article 33 relatifs au durcissement du régime de l’assignation à résidence opéré par le présent projet de loi.

L’assignation à résidence prévue à cet article est d’application plus restrictive que celle qui est visée par l’article L. 561-2 du CESEDA.

L’étranger aurait désormais la charge de démontrer qu’il ne peut pas quitter le territoire, ou qu’il ne peut pas retourner dans son pays pendant une durée maximale d’un an – six mois renouvelables une fois. Il s’agit là d’une restriction à la liberté fondamentale d’aller et venir qui est disproportionnée dans le temps.

De plus, la motivation de cet article est critiquable.

La directive Retour impose bien le report de l’éloignement dans les situations considérées à son article 9 paragraphe 1. Le report garantit la protection des réfugiés et l’efficacité des recours contre les mesures d’éloignement. Mais la directive n’impose absolument pas aux États d’assigner à résidence les personnes dont l’éloignement est reporté. Elle ne prévoit qu’une faculté.

Dans la panoplie des mesures que les États peuvent mettre en place afin d’éviter les risques de fuite, la France aurait donc pu choisir une autre disposition. Considérer l’assignation à résidence comme la seule mesure alternative en cas de report de l’éloignement est excessif.

De plus, la faculté d’imposer l’assignation à résidence à des demandeurs d’asile ou à des réfugiés statutaires reconnus par d’autres pays que la France, ou encore aux étrangers qui décident d’exercer un recours contre l’obligation de quitter le territoire français peut être interprétée comme une mesure disproportionnée sanctionnant l’exercice d’un droit et devrait donc être interdite, d’autant qu’elle remet en cause les droits des réfugiés et demandeurs d’asile.

M. le président. L'amendement n° 491, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. -  Alinéa 4

Supprimer les mots :

, d'interdiction de retour sur le territoire français

II. - Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Hier soir, nous avons longuement expliqué notre opposition au bannissement. Aussi, par cohérence, nous proposons de supprimer cette référence, puisque l’article 33 vise l’« interdiction de retour sur le territoire français ».

Hier soir encore, M. Richert, présent au banc du Gouvernement, m’a objecté que nous parlions de bannissement alors que ce mot était banni du présent projet de loi. Il a estimé que j’étais de mauvaise foi parce que j’évoquais un terme qui ne figure pas dans le texte en question. Monsieur le ministre, je ne ferai pas un développement sur le mot et la chose, car il est des manières de choisir des formulations plus lyophilisées, euphémistiques mais qui ne changent rien. Lorsque vous payez vos impôts, même si l’on vous dit que ce sont des contributions, vous comprenez bien que ce sont en réalité des impôts. Même si d’aucuns estiment qu’il ne s’agit « que » d’une interdiction de revenir sur le territoire français, nous estimons, pour notre part, qu’il s’agit d’un bannissement, contraire aux traditions de notre République. C’est pourquoi nous avons déposé l’amendement n° 491.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 176 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 385 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Si le délai de départ volontaire accordé à l'étranger est expiré ;

L’amendement n° 176 a déjà été défendu.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 385.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit, là encore, d’un amendement de cohérence. Vous savez que nous sommes opposés à la notion même de privation d’un délai de départ volontaire. Nous considérons que les droits les plus élémentaires, ne serait-ce que celui de solliciter une défense, supposent l’absence d’une telle privation. Nous sommes donc pleinement cohérents en vous soumettant le présent amendement.

M. le président. L'amendement n° 386, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger qui a sollicité le dispositif d'aide au retour après avoir été placé en rétention, peut, dans les conditions fixées par le présent article, être assigné à résidence.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, votre gouvernement, comme les précédents, fait beaucoup de propagande pour l’aide au retour. Si quelqu’un placé en centre de rétention choisit de bénéficier de cette aide, vous pourriez peut-être le dispenser de séjourner dans une telle structure.

Tout comme M. le rapporteur, vous connaissez les statistiques. Je veux tout de même vous rappeler que, en 2008, 75 000 étrangers ont connu en France l’expérience d’un enfermement administratif, c’est-à-dire d’un placement en centre de rétention. Alors que la presse aujourd'hui, à la suite de l’ensemble des médias hier, fait état de certains séjours, il est sûr que ces 75 000 étrangers, qui ont eu l’occasion de se faire une certaine idée de la France, ont trouvé un peu moins de palmiers et de sable chaud dans les centres de rétention que dans les villégiatures qui défraient la chronique. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Colette Giudicelli. Parlez aussi des voyages de Mitterrand en Égypte ! (Exclamations sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes un certain nombre à visiter régulièrement des centres de rétention.

M. Jean-Pierre Sueur. Et, même si les personnels, monsieur le ministre, font du travail et s’efforcent de considérer les êtres humains du mieux qu’ils peuvent, le Mesnil-Amelot, à côté de l’aéroport, dans ces conditions austères, donne une vision peu flatteuse de notre pays à toutes les personnes qui y sont retenues et pour lesquelles la France était le pays des libertés et d’une certaine qualité de vie.

M. Richard Yung. Des barbelés !

M. Jean-Pierre Sueur. Puisque nous pouvons leur épargner cela, nous proposons qu’on le leur épargne.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 64 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 179 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'assignation à résidence est assortie d'une autorisation de travail.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié.

M. Jacques Mézard. En l’occurrence, il est question non pas de villégiatures, mais d’autorisation de travail.

L’étranger qui serait assigné à résidence doit naturellement pouvoir continuer à vivre dans des conditions décentes, dans l’attente de son éloignement. Puisqu’il ne peut pas sortir de chez lui, il ne peut donc pas travailler et subvenir à ses besoins. Il ne peut pas davantage avoir accès aux dispositifs d’aide sociale.

Par cet amendement, nous souhaitons remédier à cette situation en accordant une autorisation de travail, qui revient, de fait, à ouvrir droit aux prestations sociales.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 179.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans autorisation de travail, on ne peut subvenir à ses besoins de façon régulière, on n’a accès ni à l’aide sociale, ni aux dispositifs d’accueil, ni au logement. Pourtant, les étrangers qui bénéficient de l’assignation à résidence ont vocation, de fait, à se maintenir sur le territoire français de façon régulière, sur du court, du moyen ou du long terme. En conséquence, ils doivent pouvoir y vivre.

En vertu des articles L. 523–4 et L. 523–5 du CESEDA, les mesures d'assignation à résidence des étrangers faisant l'objet de mesures d'expulsion sont assorties d'une autorisation de travail. Dans un souci de protection et de cohérence par rapport à d'autres étrangers assignés à résidence, les personnes visées à l'article 33 qui feront l'objet de ces mesures d'assignation doivent se voir délivrer une autorisation de travail.

M. le président. L'amendement n° 387, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision d'assignation à résidence est assortie d'une autorisation provisoire de travail.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. J’indique à notre collègue qui a souhaité m’interrompre tout à l’heure que, si elle souhaite développer ses arguments, je ne verrais aucun inconvénient à ce qu’elle m’interrompît (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), si M. le président l’y autorise.

M. le président. Mon cher collègue, je vous ai donné la parole pour présenter l’amendement n° 387, je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir le faire.

M. Gérard César. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Ayant cru comprendre ce que disait notre collègue Colette Giudicelli, je lui précise qu’il n’est pas nécessaire de faire le bilan de l’ensemble des déplacements des autorités de notre pays, dans des conditions que l’on connaît depuis Louis XIV et même avant, pour répondre à ce que j’ai dit.

Il y a tout simplement des questions de décence utiles, et il n’est pas très facile d’être dans un centre de rétention. Ma chère collègue, je pense que vous visitez, comme moi-même, des centres de rétention : ce n’est pas forcément la villégiature la plus agréable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont des prisons !

M. Jean-Pierre Sueur. Par conséquent, si quelqu’un demande à bénéficier de l’aide au retour, il serait logique, de la part de la République, de le dispenser de séjourner dans ce type de centre.

Cela devrait vous rassurer, chère collègue : ainsi que j’ai cru le comprendre, ce midi, le Président de la République a décidé qu’aucun ministre ne pourrait plus partir à l’étranger – j’ai pensé à vous, monsieur le ministre (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) – sans solliciter une autorisation de Matignon et de l’Élysée. (Mme Bernadette Dupont et M. Gérard César s’exclament.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Hortefeux ne part pas à l’étranger, il va en Auvergne !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes rassurés : depuis trois ans, nous attendions la République irréprochable, elle va maintenant arriver !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous devrez, monsieur le ministre, aller en vacances dans nos régions. Un Auvergnat comme vous y sera très heureux et nous aussi !

Monsieur le président, je vais répondre à votre attente.

M. Gérard César. Quand même !

M. le président. Il vous reste une minute et dix secondes !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, monsieur le président ! Notre amendement se défend de lui-même. (Sourires.) Monsieur le ministre, si vous prenez la décision d’assigner une personne à résidence pendant six mois et davantage et que cette personne n’a pas le droit de travailler, une question toute simple se pose : comment vit-elle ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui ! C’est absurde !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans le cas de l’assignation à résidence, l’autorisation provisoire de travail serait de bon sens.

M. le président. L'amendement n° 390, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est parent d'au moins un enfant mineur résident en France et qu'il justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, l'autorité administrative autorise l'étranger à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je fais des efforts de concision mais cet amendement est tellement évident que je me demande s’il est utile de le défendre.

Comme vous le savez, l'article 17 de la directive Retour dispose que « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible ».

Par cet amendement, nous proposons de systématiser l'assignation à résidence pour les parents d'enfants qui se verraient notifier une mesure d'éloignement.

En effet, celles et ceux qui visitent les centres de rétention ne sont pas particulièrement fiers ni satisfaits, en-dehors de toute considération politique, d’y voir de jeunes enfants. L’assignation à résidence est une mesure alternative dans l’intérêt des familles et des jeunes enfants.

M. le président. L'amendement n° 391, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les prescriptions liées à l'assignation à résidence ne peuvent faire obstacle au droit d'accès des mineurs au système éducatif.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je serai encore plus rapide, si vous me le permettez, monsieur le président.

Nous considérons que les prescriptions liées à l’assignation à résidence ne peuvent faire obstacle au droit d’accès des mineurs au système éducatif, puisqu’il n’a échappé à personne que l’école est obligatoire quand on est sur le territoire de la République française, que l’on soit titulaire de papiers ou non.

M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et indique les délais et voies de recours

II. – Alinéa 17, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et indiquant les délais et voies de recours.

M. Jacques Mézard. Cet amendement est retiré, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 62 rectifié est retiré.

L'amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 17, deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou plus

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement, qui porte sur l’alinéa 17 de l’article 33, pose le problème du renouvellement indéfini de l’assignation à résidence de l’étranger. Selon nous, il faut être vigilant sur ce sujet, même s’il existe déjà des garde-fous.

L’assignation à résidence peut être prononcée, aux termes de l’alinéa 17, pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois ou plus. Cela fait problème. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les mots « ou plus ».

M. le président. L'amendement n° 499, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la LOPPSI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements, à l’exception de celui qu’elle a elle-même présenté ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 11 tend à supprimer les alinéas relatifs à l’assignation à résidence des étrangers qui ne peuvent quitter le territoire français.

Ces alinéas reprennent les dispositions de l’article L. 513–4 du CESEDA, actuellement en vigueur, les conditions posées étant les mêmes. La seule nouveauté consiste dans la limitation dans le temps de la mesure, qui ne pourra pas dépasser une année.

La commission des lois demande le retrait de cet amendement ; à défaut elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 491 vise à supprimer toute référence à la notion d’« interdiction de retour sur le territoire français ». Pour les raisons déjà exposées, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 176 est un amendement de coordination qui a pour objet de supprimer la mention de l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire. La commission a émis un avis défavorable.

Sur l’amendement n° 385, pour les mêmes raisons, elle émet le même avis : défavorable.

L’amendement n° 386 tend à prévoir que l’étranger qui a sollicité une aide au retour après avoir été placé en rétention peut être assigné à résidence.

Or, les dispositions du CESEDA ainsi visées concernent le cas où l’étranger est dans l’impossibilité de quitter le territoire français, ce qui ne correspond pas au cas visé par les auteurs de l’amendement.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 64 rectifié a pour objet de prévoir que les étrangers assignés à résidence, en mesure alternative à la rétention, peuvent bénéficier d’une autorisation de travail.

Or, les étrangers concernés par ce type d’assignation à résidence seront, en principe, rapidement éloignés du territoire : il ne serait donc pas logique d’accéder à cette demande.

La commission émet un avis défavorable.

Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 179, qui tend à prévoir que, comme dans certains cas d’expulsion, l’étranger assigné à résidence peut bénéficier d’une autorisation de travail.

En ce qui concerne l’amendement n° 387, même commentaire et même avis défavorable.

L’amendement n° 390 tend à prévoir que l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et ayant un enfant à charge soit autorisé à se maintenir provisoirement sur le territoire avec une assignation à résidence.

La mesure d’assignation à résidence vise non pas à autoriser l’étranger à se maintenir sur le territoire, mais à s’assurer de sa présence dans des lieux fixés, en vue de son éloignement.

En outre, les dispositions visées ici concernent les cas où l’étranger est dans l’impossibilité de quitter la France ou de rejoindre son pays, ce qui ne correspond pas, je pense, à l’intention des auteurs de l’amendement.

La commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 391 a pour objet de préciser que l’assignation à résidence ne peut faire obstacle au droit d’accès des mineurs au système éducatif.

Je rappelle qu’en France la scolarité est obligatoire pour les enfants en école primaire, y compris en cas d’assignation des parents à résidence, en vertu de l’article L. 131–1 du code de l’éducation.

La commission estime que l’amendement est satisfait et demande son retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 61 rectifié, contrairement à ce que craignent ses auteurs, le texte prévoit que l’assignation à résidence ne pourra durer au total plus d’un an.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Par l’amendement n° 64 rectifié, vous proposez, monsieur Mézard, que chaque décision d’assignation à résidence concernant un étranger en instance d’éloignement soit assortie d’une autorisation de travail.

Or il faut éviter une approche systématique. L’autorisation doit être accordée au cas par cas.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur l’amendement identique n° 179.

En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 499 présenté par M. le rapporteur.

Par l’amendement n° 11, Mme Alima Boumediene-Thiery considère que la mesure d’assignation à résidence est trop restrictive.

Or, je le rappelle, elle est strictement conforme à l’obligation de transposition des articles 9 et 14 de la directive Retour. Cela donne de surcroît à l’étranger en situation irrégulière une certaine sécurité juridique.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 491, comme sur les amendements identiques nos 176 et 385.

De même, il est défavorable à l’amendement n° 386, ainsi qu’à l’amendement n° 387 – pour les raisons évoquées par M. le rapporteur – et à l’amendement n° 390.

L’amendement n° 391 est inutile, me semble-t-il, puisque le code de l’éducation prévoit déjà que l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. Cela signifie que l’accès au système éducatif est juridiquement assuré.

En ce qui concerne l’amendement n° 61 rectifié, j’émets également un avis défavorable.

Enfin, monsieur Sueur, je ne résisterai pas à la tentation de vous rappeler deux points précis.

Tout d'abord, vous avez employé encore une fois le mot « bannissement ». Or nous avons mené des recherches, et le dictionnaire de l’Académie française…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il adore cela !

M. Brice Hortefeux, ministre. … donne pour ce terme la définition suivante : « Condamner quelqu'un à quitter son pays, sa patrie, ou lui en interdire l’entrée ».

Cette définition montre clairement que votre utilisation du mot « bannissement » est inappropriée.

Ensuite, vous vous êtes tourné tout à l'heure vers Mme Giudicelli et avez évoqué avec ironie la « République irréprochable ». Je ne veux pas relancer un débat qui n’est pas celui d’aujourd'hui, mais je tiens tout de même à préciser deux points, puisque vous avez interpellé votre collègue et que celle-ci, par un mouvement de tête, me donne son assentiment pour vous répondre.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes visionnaire, monsieur le ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre. Non, observateur, monsieur Sueur. C’est totalement différent.

Premièrement, vous devez constater que c’est pendant ce quinquennat, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, que, pour la première fois dans l’histoire de la République, un contrôle a été mené par la Cour des comptes sur le budget de l’Élysée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat manifeste son ironie.) Cela ne s’était jamais produit auparavant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous demande pas de vous en réjouir bruyamment ou d’applaudir frénétiquement à cette mesure, mais vous pourriez au moins avoir une moue de satisfaction.

Deuxièmement, et dans le même ordre d’idée, c’est aussi sous ce quinquennat que, pour la première fois, tant le Président de la République que le Premier ministre ont décidé d’acquitter sur leurs fonds personnels les frais liés à leurs déplacements privés.

Je ne porte pas de jugement sur les pratiques qui existaient antérieurement : je constate que ces deux mesures très concrètes, précises et lisibles ont été adoptées sous la présidence de Nicolas Sarkozy. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Madame Borvo Cohen-Seat, comme vous n’avez jamais été directement associée au pouvoir, vous pouvez faire des commentaires (M. Gérard César sourit.), mais M. Sueur, lui, est naturellement obligé d’approuver cette mesure.

Enfin, monsieur le sénateur, je suis très sensible aux préoccupations que vous avez exprimées au sujet des futures vacances des ministres. Des mesures ont en effet été décidées ce matin par le Président de la République. Peut-être renoue-t-on ainsi avec une tradition ancienne, gaulliste, qui, il est vrai – je vous l’accorde bien volontiers –, était tombée en désuétude dans les gouvernements précédents, quels qu’ils soient. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Trucy. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 491.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, comme toujours, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos propos.

Tout d'abord, je souligne que tout ce qui va dans le sens de la vertu ne peut que recevoir notre assentiment.

Ensuite, s'agissant du bannissement, j’ai été sensible à votre référence à l’Académie française. J’observe d'ailleurs que M. le ministre chargé des collectivités territoriales est revenu en séance ; il a senti que le débat reprenait ! (Sourires.)

Toutefois, j’en suis désolé, la référence au dictionnaire de l’Académie française – on eût pu, naturellement, se reporter également à celui de la maison Larousse, de Paul Robert, de Furetière ou de Littré, tant il en existe – ne change rien à l’affaire, comme aurait dit Georges Brassens. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Ici, l’étranger se voit infliger une condamnation à ne pas revenir. On lui dit : « Monsieur – ou madame –, vous ne pouvez pas rentrer en France », pendant une période limitée, certes, mais cette interdiction s’applique bien.

Monsieur le ministre, j’ai demandé hier soir – naturellement, je ne poserai pas de nouveau la question aujourd'hui – en quoi il était utile à la République française qu’un tel dispositif existât.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bon emploi du subjonctif imparfait.

M. Roland Courteau. Il n'y a pas eu de réponse !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, monsieur Courteau, nous n’avons rien entendu, et je vous sais pourtant très attentif.

Un vote a eu lieu, et nous le respectons. Toutefois, selon nous, il a autorisé le bannissement, nonobstant le dictionnaire de l’Académie française et tous les autres.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourtant, vous vous servez des dictionnaires !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Hyest, vous vous réveillez soudain ! Mais que se passe-t-il ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Marques d’agacement sur les travées du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Méfiez-vous !

M. Jean-Pierre Sueur. En fait, M. Hyest ne dort jamais. Il a toujours l’esprit en éveil.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourtant, vous me fatiguez parfois !

M. Jean-Pierre Sueur. Je le sais, et d'ailleurs je vous rends hommage. (Sourires.)

Pour nous, il s'agit d’un point de débat très important…

M. François Trucy. Un point de broderie.

M. Jean-Pierre Sueur. … et nous aurions souhaité que, sur cette question, comme sur celle de la déchéance de la nationalité, le Sénat prenne une position claire. C’est notre opinion, et nous l’exprimons.

Enfin, vous m’avez convaincu, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pour ce qui concerne l’amendement n° 391. En effet, vous avez affirmé, à juste titre d'ailleurs, qu’il existait dans la République une obligation d’éducation pour tous les enfants présents sur notre sol, y compris ceux dont les parents font l’objet d’une assignation à résidence. Aussi, à la suite de vos explications, nous retirons cet amendement. (M. François Trucy marque sa satisfaction.)

M. le président. L’amendement n° 391 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 491.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 176 et 385.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 386.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié et 179.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 387.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 390.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 61 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 499.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 63 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 178 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 392 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 20, dernière phrase

Remplacer le mot :

quarante-cinq

par le mot :

vingt

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’alinéa 20 de l’article 33 concerne l’assignation à résidence.

Sans relancer le débat précédent, j’observe qu’a été créée aujourd'hui l’obligation de rester en France – l’OREF (Sourires.) –, à laquelle les ministres sont contraints de déférer. Je leur souhaite d'ailleurs de pouvoir saisir le juge des libertés afin d’être autorisés à voyager hors de nos frontières.

Cela dit, l’administration pourra, dans les hypothèses visées à l’alinéa 20 de l’article 33, prononcer une assignation à résidence pour une durée pouvant aller jusqu’à quarante-cinq jours et renouvelable une fois.

Or un tel délai me semble tout à fait disproportionné au regard de l’article 41 du projet de loi, qui prévoit que le juge des libertés et de la détention – un magistrat indépendant – peut ordonner la prolongation de la rétention pour une durée maximale de vingt jours.

Nous considérons quant à nous – il s'agit toujours du même débat de principe – qu’il est anormal que les pouvoirs de l’administration soient supérieurs à ceux d’un magistrat dont le rôle est de protéger les libertés, comme le précise d'ailleurs l’article 66 de la Constitution.

Il nous semble donc logique de rendre homogènes ces deux délais.

En ce qui concerne l’assignation à résidence, j’ai noté que M. le rapporteur faisait preuve d’une prudence qu’il convient de saluer.

En effet, dans son rapport, il a souligné que cette nouvelle mesure d’assignation à résidence comme alternative à la rétention « ne semble pas totalement compatible avec l’article 15 de la directive Retour qu’elle vise à transposer ».

Il a même ajouté que « l’assignation à résidence, telle que définie par l’article L. 561–2 nouveau, constitue simplement une alternative à la rétention, que le préfet n’est en aucun cas tenu de mettre en œuvre, même si une telle mesure est suffisante pour s’assurer de la personne de l’étranger en instance de reconduction. »

Pour lui, « introduire une priorité de l’assignation à résidence serait d’une part largement incompatible avec les conditions concrètes de l’éloignement des étrangers, d’autre part serait sans doute à l’origine d’un contentieux abondant. »

Ici encore, on reconnaît que ce projet de loi crée des difficultés juridiques : manifestement, ces dispositions n’entrent pas dans le cadre de la transposition de la directive Retour ; en outre, on permet au pouvoir administratif d’assigner un étranger à résidence pendant des délais considérables, puisqu’il s'agit non pas de vingt jours, mais de quarante-cinq jours renouvelables, soit quatre-vingt-dix jours au total.

Il y a ici un glissement, qui n’est pas un glissement progressif vers le plaisir, mais qui, malheureusement, est contraire à nos principes en matière de libertés individuelles et fondamentales.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 178.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi aussi, je considère que cette disposition ne peut être maintenue.

Le juge des libertés et de la détention, saisi par l’administration dans le cadre d’une demande de prolongation du maintien en rétention, peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours, celle qui est prévue à l’article 41 du projet de loi.

Or une mesure administrative particulièrement contraignante pour l’étranger et portant atteinte à sa liberté d’aller et venir ne doit pas pouvoir excéder dans sa durée une décision prononcée par un magistrat.

En outre, ce dispositif instaure une discrimination entre l’étranger qui fera l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prononcée par le juge des libertés et de la détention et celui qui se verra assigné par l’administration.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 392.

Mme Patricia Schillinger. En l’état du droit, dans le cadre d’une demande de prolongation du maintien en rétention, le juge des libertés et de la détention, saisi par l’administration, peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours, renouvelable une fois, soit quarante jours au total.

Parallèlement, le présent article du projet de loi permet à l’autorité administrative d’assigner un étranger à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, soit quatre-vingt-dix jours au total.

Or une mesure administrative particulièrement contraignante pour un étranger et portant atteinte à sa liberté d’aller et venir ne doit pouvoir excéder, dans sa durée, une décision prononcée par un juge judicaire.

Aussi, cette disposition, qui libère le pouvoir coercitif de l’administration, peut faire craindre une utilisation excessive de l’assignation à résidence.

En effet, le recours par l’administration à cette modalité de restriction de liberté n’est ni anodin, ni indolore pour les droits des étrangers.

En vertu de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un placement en assignation à résidence entraîne automatiquement la mise en place d’un examen à juge unique, sans rapporteur, et dans un délai de soixante-douze heures après la contestation de l’obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire et de l’interdiction de retour.

Par conséquent, alors que l’étranger peut bénéficier d’une assignation à résidence d’une durée maximale de quatre-vingt-dix jours, son sort est jugé en trois jours.

Or l’urgence imposée par la rétention administrative, privative de liberté, qui justifie que le juge administratif soit tenu de statuer dans un délai très bref, n’existe nullement en matière d’assignation à résidence.

Les étrangers soumis à une assignation à résidence doivent donc bénéficier du même régime de contentieux administratif que ceux qui disposent d’une pleine liberté.

En revanche, étant donné que l’assignation à résidence représente une restriction importante à la liberté d’aller et venir, l’étranger doit avoir la possibilité d’effectuer un recours contre cette décision.

Pour ces différentes raisons, nous demandons que le pouvoir du juge administratif en matière d’assignation à résidence soit calqué sur celui du juge des libertés et de la détention.

Ainsi, eu égard aux conséquences pour les droits des étrangers, précédemment évoquées, le juge administratif ne doit pouvoir assigner un étranger à résidence que pour une durée maximale de vingt jours, à l’instar du juge des libertés et de la détention. Il en est de même pour la prolongation de l’assignation à résidence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les trois amendements identiques nos 63 rectifié, 178 et 392 tendent à prévoir que la mesure d’assignation à résidence comme mesure alternative à la rétention puisse être prononcée pour une durée de vingt jours renouvelable une fois et non pas, comme le prévoit le projet de loi, de quarante-cinq jours renouvelable une fois.

Je rappelle que ce délai de quarante-cinq jours a été fixé pour correspondre à la durée maximale de la rétention administrative.

Toutefois, tandis que le juge des libertés et de la détention intervient, dans le cas de la rétention, au bout de quarante-huit heures puis, une seconde fois, dans le délai de vingt jours, il n’interviendrait pas du tout dans le cas de l’assignation à résidence prévue comme alternative à la rétention.

Il peut donc sembler raisonnable de limiter la durée de cette assignation, celle-ci restant tout de même une restriction de liberté. Sur ce point, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. L’idée des auteurs de ces amendements identiques est de limiter à vingt jours la durée pendant laquelle l’autorité administrative peut assigner à résidence un étranger en situation irrégulière plutôt que de le placer en rétention.

Il s’agit bien d’une mesure alternative à la rétention. Il est donc logique qu’elle soit de même durée, soit de quarante-cinq jours au maximum. Cette disposition est évidemment plus favorable à l’étranger que la rétention, puisqu’elle ne restreint pas sa liberté de circulation.

C’est la raison pour laquelle nous avons tous intérêt à maintenir le délai de quarante-cinq jours prévu par le texte, par homothétie avec ce qui était prévu en termes d’alternative à la rétention.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. J’estime, à titre personnel, qu’il faut durcir les positions et les mesures actuelles en matière d’immigration, mais de façon cohérente. De ce point de vue, l’argument qui consiste à établir une comparaison entre le pouvoir du juge et celui de l’administration me semble tout à fait pertinent.

Il faut respecter les juges. Après les propos particulièrement malvenus tenus récemment par le chef de l'État à leur égard, c’est aujourd'hui l’occasion pour le Parlement de témoigner de son respect pour leur fonction.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, puisqu’il n’y a plus qu’un ministre présent au banc du Gouvernement au lieu de deux…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y en a eu trois !

M. Jacques Mézard. En effet, monsieur le président de la commission !

M. Philippe Richert, ministre. C’est le prix de gros ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Je ne me serais pas permis d’utiliser cette expression, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

Dans votre avis, vous avez dit, me semble-t-il, que l’assignation à résidence ne portait pas atteinte à la liberté de circulation. C’est un argument qui me paraît assez contestable, à moins que je n’aie pas bien compris ce que signifie une assignation à résidence.

Soyons très clairs : il s’agit d’une mesure coercitive.

M. Philippe Richert, ministre. Bien sûr !

M. Jacques Mézard. J’entends bien que votre propos est de dire que la mesure de l’assignation à résidence est moins grave que la rétention.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jacques Mézard. C’est un argument que je comprends. Cependant, le problème n’est pas là. Pour nous, il réside dans le fait que cette nouvelle mesure d’assignation à résidence, telle qu’elle est libellée, est prise par décision administrative et sans aucune référence au juge des libertés et de la détention.

C’est sur ce problème que la commission vous interroge et, à cet égard, sa demande de précision me paraît parfaitement justifiée.

Pour notre part, nous ne pouvons pas souscrire au raisonnement qui vient de nous être tenu.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié, 178 et 392.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 177 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 388 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 22 à 36

Supprimer ces alinéas.

L’amendement n° 177 a déjà été défendu.

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l'amendement n° 388.

M. Ronan Kerdraon. Comme alternative à la rétention, les alinéas 22 à 36 de l’article 33 du présent projet de loi créent pour les étrangers en instance d’éloignement, parents d’enfants mineurs, une nouvelle forme d’assignation à résidence, une assignation à résidence « avec surveillance électronique ».

Il s’agit de permettre à l’autorité administrative de prononcer, lorsque l’assignation à résidence est impossible, c’est-à-dire quand l’étranger n’offre pas de garanties de représentation suffisantes, une surveillance électronique.

L’objectif serait de « limiter » l’enfermement des enfants dans les centres de rétention administrative. L’intention est louable, certes, mais elle n’empêche pas de rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait conduire systématiquement à interdire tout placement de familles avec enfants en centres de rétention administrative.

Nous demandons la suppression de ces alinéas pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, c’est une mesure pénale qui va s’appliquer à des personnes qui ne sont ni mises en examen ni condamnées par l’autorité judiciaire. Introduite par la loi pénitentiaire de 2009, cette décision d’assignation est prise par une autorité judiciaire, dans un cadre législatif très précis, pour des personnes mises en examen ou condamnées par cette autorité et pouvant bénéficier d’un aménagement de peine.

Or, en l’occurrence, c’est l’autorité administrative, et non le juge des libertés individuelles, qui en décidera pour les cinq premiers jours. On soumet une fois de plus les étrangers aux seules décisions des préfectures et des services de police.

M. Ronan Kerdraon. Ensuite, les conditions dans lesquelles se mettra en place une telle mesure sont plus que floues. Ce sont les forces de police ou de gendarmerie, déjà quelque peu « distraites » de leurs missions premières que sont le maintien de l’ordre public et la recherche des infractions, qui auront la charge du suivi et du contrôle du bracelet électronique durant l’assignation à résidence. Mais, surtout, quelles seront les garanties pour les personnes assignées qui vont devoir assumer le bracelet ? Quid du contrôle sur les conditions et la durée de l’utilisation du bracelet électronique ?

Enfin, le Gouvernement présente cette « solution », qu’il aurait paradoxalement préféré ne pas voir adoptée, comme une alternative à la rétention, « préférable à un placement en rétention » a dit le ministre. Avoir le choix de se pendre ou de se noyer… C’est un faux débat.

Dans un grand nombre de cas, le placement en rétention administrative ne règle rien, puisque près des trois quarts des placements n’aboutissent pas à une reconduite à la frontière. Il faudrait que le Gouvernement finisse par s’interroger sur la pertinence de la systématisation du recours à la rétention administrative et sur le coût pour la nation d’un tel dispositif, non seulement en termes financiers, mais aussi en termes d’image de notre pays. En outre, il convient, à l’évidence, de ne pas oublier le coût humain qui en résulte en raison du stress important subi par les personnes placées en rétention, de leur désespoir qui les conduit parfois à s’automutiler ou à tenter de se suicider.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Ronan Kerdraon. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de ces alinéas.

M. le président. L'amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 24

Remplacer le mot :

administrative

par le mot :

judiciaire

II. - Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette décision peut être prise pour une durée de cinq jours.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 60 rectifié et 89 rectifié.

L’amendement n° 60 rectifié vise à remplacer, à l’alinéa 24, le mot « administrative » par le mot « judiciaire ».

Cet alinéa prévoit que le placement sous surveillance électronique peut être décidé par l’autorité administrative.

Or, nous le savons tous, une telle disposition est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 8 décembre 2005 portant sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, celui-ci a clairement indiqué qu’une mesure de placement sous surveillance électronique devait être prononcée par un juge parce que, même si elle est moins contraignante que le placement dans un centre de rétention, il s’agit néanmoins d’une atteinte à la liberté.

C’est là un point très important. Si nous donnons le feu vert au placement sous surveillance électronique par l’autorité administrative, aujourd'hui la disposition s’applique aux étrangers, mais qu’en sera-t-il demain ? Ce serait un précédent tout à fait fâcheux.

Une telle mesure est contraire à nos principes, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à l’article 66 de la Constitution.

L’amendement n° 89 rectifié concerne le consentement. En effet, si nous allions dans cette voie, et d’ailleurs même si nous n’y allions pas, le placement sous surveillance électronique nécessite impérativement le consentement de la personne à l’encontre de laquelle la mesure est prononcée.

Ces deux amendements sont conformes à la jurisprudence et aux principes de notre République.

M. le président. L'amendement n° 395, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Patient, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 24 et 25

Remplacer les mots :

l'autorité administrative

par les mots :

le juge des libertés et de la rétention, avec l'accord de l'intéressé,

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. À défaut d’une suppression totale des alinéas 22 à 36 de l’article 33, nous demandons au moins qu’aux alinéas 24 et 25 dudit article les mots « le juge des libertés et de la détention, avec l’accord de l’intéressé, » soient substitués aux mots « l’autorité administrative ».

L’article 33 permet en effet à l’autorité administrative de soumettre l’étranger, lorsque l’assignation à résidence est impossible, c’est-à-dire quand l’étranger n’offre pas de garanties de représentation suffisantes, à une surveillance électronique sous forme d’un bracelet électronique fixe.

Or seule l’autorité judiciaire est compétente pour décider d’une telle mesure. L’assignation à résidence avec surveillance électronique est en effet une mesure pénale, prise par une autorité judiciaire, dans un cadre législatif très précis, avec le consentement du prévenu ou du condamné.

Dès lors, pourquoi laisser, en l’occurrence, à la discrétion de la préfecture une décision particulièrement contraignante pour l’étranger ?

Pourquoi cette mesure, attentatoire à la liberté d’aller et venir, devrait-elle être décidée par l’autorité administrative, et ce contrairement à la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005 concernant la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales ?

Le projet de loi consacre, là encore, un recul important, au profit de l’administration, du rôle du juge des libertés et de la détention, considéré comme trop « permissif » et, au regard de ses décisions de remise en liberté, comme venant faire « échec » à l’éloignement.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à adopter le présent amendement.

M. le président. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Compléter cet alinéa par les mots :

, après accord de l'étranger

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements identiques nos 177 et 388 visent à supprimer le principe de l’instauration du bracelet électronique comme mesure alternative au placement en rétention. Sur le plan juridique, il est incontestable que le recours au bracelet électronique constituait jusqu’à présent l’exécution d’une peine. En l’occurrence, il s’agit d’une évolution, mais qui va dans le bon sens dans la mesure où elle évite de placer une personne en rétention, notamment lorsqu’elle a des enfants. C’est donc une avancée importante.

Voilà pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 60 rectifié tend à prévoir que la mesure de placement sous surveillance électronique prévue à l’article 33 comme mesure alternative à la rétention dans certains cas soit décidée non par le préfet mais par l’autorité judiciaire. Il est vrai qu’en matière pénale le placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution de peine – mesure de sûreté ou mesure de contrôle judiciaire – est toujours décidé par un juge.

En l’occurrence, ce n’est pas tout à fait le cas pour la rétention. Il revient à l’autorité administrative de décider de cette mesure. Toutefois, le juge des libertés et de la détention doit bien valider la prolongation du placement sous surveillance électronique au terme d’un délai de cinq jours. En outre, le placement sous surveillance électronique semble une mesure plus favorable.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 395.

L'amendement n° 89 rectifié tend à prévoir l’accord de l’étranger pour son placement sous surveillance électronique. Cet ajout est conforme à la position antérieure de la commission, par exemple lors de l’examen de la LOPPSI 2, ainsi qu’à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Les amendements identiques nos 177 et 388 tendent à supprimer la possibilité de l’assignation à résidence avec placement sous surveillance électronique. Pourtant, ce dispositif a pour seul objectif de limiter autant que possible la rétention des familles accompagnées d’enfants mineurs. Pour elles, l’assignation à résidence peut être préférable. Il va de soi que la surveillance électronique ne concernerait que les adultes.

Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Elle a été introduite sur l’initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Les conditions de sa mise en œuvre doivent donc être maintenant précisées. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 60 rectifié et 395, qui ont pour objet de subordonner le placement sous surveillance électronique à une décision du juge judiciaire, en invoquant une exigence constitutionnelle. Or, en réalité, aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que l’autorité administrative prenne une telle mesure, dès lors qu’il s’agit de l’exécution d’une décision relevant de sa compétence et qu’elle ne poursuit aucune finalité répressive. La mesure administrative d’assignation à résidence ne constitue ni une peine ni une sanction. C’est donc bien à l’autorité administrative, et non à l’autorité judiciaire, qu’il appartient de décider ce placement sous surveillance électronique mobile.

L'amendement n° 89 rectifié vise à conditionner le placement sous surveillance électronique au consentement des intéressés. C’est méconnaître l’esprit dans lequel a été conçu ce régime : l’assignation à résidence avec bracelet électronique constitue une mesure alternative à la rétention, moins contraignante et moins coercitive. Ce dispositif a été introduit dans le projet de loi à l'Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur, afin d’offrir aux familles avec enfants une solution permettant d’éviter la rétention. Je le répète : la surveillance électronique ne concernerait que les adultes.

Vous invoquez des raisons constitutionnelles, j’ai déjà indiqué que celles-ci n’avaient pas lieu d’être prises en compte. Pour permettre cette expérimentation et tenir compte de l’avis émis par la commission des lois sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 177 et 388.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 395.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le principe, vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste et apparentés sont favorables à toute mesure pouvant favoriser la réduction du nombre d’étrangers placés en centre de rétention. C’est d’ailleurs l’esprit de la directive Retour, que votre transposition pervertit sans arrêt.

Or j’ai l’impression que vous tâchez coûte que coûte de faire un centre de rétention bis. Il s’agit d’éloigner les étrangers qui risquent de s’ajouter à la rétention. Et je crains que, ce faisant, vous ne soyez en train de créer une autre mécanique. En d’autres termes, le nombre de rétentions sera toujours le même, mais de plus en plus de personnes seront assignées à résidence. Qui plus est, nous sommes sur le point de leur imposer un bracelet électronique sous l’autorité du juge administratif, ce qui est contraire à notre droit.

Nous ne pouvons que contester avec force une logique qui ne correspond pas du tout à l’esprit dans lequel l’assignation à résidence a été instituée.

C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 33, modifié.

(L'article 33 est adopté.)

Article 33 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 34 (début)

Article additionnel après l'article 33

M. le président. L'amendement n° 396, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l'application du dispositif d'aide au retour volontaire. Il est notamment fait mention des perspectives visant à rendre le principe de retour volontaire plus incitatif.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je pense que cet amendement recueillera un large soutien, puisque nous demandons que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l’application du dispositif d’aide au retour volontaire.

Vous le savez, il s’agit d’une modalité destinée aux migrants en situation irrégulière, notamment à travers l’octroi du délai de départ volontaire et l’attribution d’une aide au retour et à la réinsertion dans le pays d’origine.

Selon nos informations, le dispositif d’aide au retour volontaire fonctionne moyennement bien. En particulier, l’aide financière est versée de manière fractionnée : 30 % en France avant le départ, 50 % six mois après le retour dans le pays de destination et 20 % douze mois après ce retour. Cependant, en raison de critères très restrictifs, comme seule l’administration française sait en inventer, l’État effectue au mieux le premier versement, les deuxième et troisième n’étant quasiment jamais versés.

Par conséquent, il serait opportun que le Gouvernement se penche sur cette question et remette un rapport au Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission préfère que le Parlement exerce son pouvoir de contrôle et elle émet par conséquent un avis défavorable sur la remise au Parlement d’un nouveau rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 396.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives au contentieux de l’éloignement

Section 1

Dispositions relatives au contentieux administratif

Article additionnel après l'article 33
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 34 (interruption de la discussion)

Article 34

Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Procédure administrative et contentieuse

« Art. L. 512-1. – I. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant. L’étranger qui fait l’objet de l’interdiction de retour prévue au troisième alinéa du III du même article L. 511–1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander l’annulation de cette décision.

« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III.

« II. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.

« Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I.

« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III.

« III. – En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français, et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation. Toutefois, si l’étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l’obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français.

« Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l’étranger si celui-ci est retenu en application de l’article L. 551-1 du présent code. Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention ou en son sein, il peut statuer dans cette salle.

« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.

« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.

« Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation.

« Art. L. 512-2. – Dès notification de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger auquel aucun délai de départ volontaire n’a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d’avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L’étranger est informé qu’il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l’article L. 511–1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend.

« Art. L. 512-3. – (Non modifié) Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français dès l’expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n’a été accordé, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français.

« L’obligation de quitter le territoire français ne peut faire l’objet d’une exécution d’office ni avant l’expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n’a été accordé, avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n’ait statué s’il a été saisi. L’étranger en est informé par la notification écrite de l’obligation de quitter le territoire français.

« Art. L. 512-4. – (Non modifié) Si l’obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.

« Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d’assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l’étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l’autorité administrative en application du II de l’article L. 511-1 ou de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 511-3-1. Ce délai court à compter de sa notification.

« Art. L. 512-5. – (Non modifié) L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine, sauf s’il a été placé en rétention. »

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif proposé à l’article 34 est qualifié pompeusement de « réforme du contentieux des mesures d’éloignement ».

Au regard des nouvelles mesures introduites et de la complexité croissante du contentieux qui en découle, si le projet de loi est adopté, nous serons devant un régime d’exception applicable aux seuls étrangers, mais cela ne sera pas la première fois !

L’article 34, qui est important, n’atteint pas vraiment le but recherché d’une simplification. Bien au contraire ! Nous sommes loin du temps où Stendhal voulait écrire comme le code civil ! Je doute qu’il prendrait aujourd'hui pour exemple le texte du présent projet de loi.

En multipliant les possibilités – les critères permettant à l’administration de prononcer une obligation de quitter le territoire français sont larges et flous – offertes à l’administration pour éloigner les étrangers – avec ou sans délai de départ volontaire, possibilité d’une interdiction de retour; assignation à résidence, etc. –, le Gouvernement a créé les conditions d’un contentieux complexe, qui, d’ailleurs, mais c’est la règle avec ce gouvernement, n’est pas assorti des moyens budgétaires. J’ai déjà fait remarquer que l’absence de moyens budgétaires nourrit l’arbitraire : sans un nombre suffisant de policiers, le travail est bâclé ; par ailleurs, les droits des étrangers ne s’exercent pas, sans compter toutes les entraves mises au fonctionnement de la justice et les moyens insuffisants dont disposent tant les juges administratifs que les juges judiciaires.

Qu’en sera-t-il pour l’étranger qui ne maîtrise pas la langue française et devra contester toutes ces mesures, en urgence, dans un délai de quarante-huit heures ? Qu’en sera-t-il pour le juge administratif qui pourrait être amené dans certains cas à statuer simultanément sur six décisions administratives ?

Ainsi, dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, l’étranger disposera de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que le délai sera de trente jours dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire.

Or, dans le cas d’un délai de quarante-huit heures, l’intéressé peut être amené, en vertu de l’alinéa 6 de l'article 34, à contester dans un même recours non seulement l’obligation de quitter le territoire, mais aussi la décision relative au séjour, la décision refusant un délai de départ volontaire, celle qui mentionne le pays de destination et, le cas échéant, celle qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que le placement en rétention, soit six décisions administratives.

En raison de la complexité de la procédure et de l’extrême brièveté des délais de recours, la plupart des étrangers n’auront pas la possibilité de déposer un recours dans les délais impartis. Et ceux qui y parviendraient n’auront pas la possibilité de respecter les conditions de fond et de forme indiquées, ce qui impliquera un rejet de leur requête.

Cette justice d’exception a été renforcée par un amendement adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale prévoyant la possibilité d’organiser des audiences « foraines », « à proximité immédiate [du] lieu de rétention ou en son sein », pour juger du contentieux administratif.

Après l’extension des zones d’attente à l’ensemble du territoire, des audiences foraines, maintenant, et le spectacle de juridictions tenant audience dans des lieux divers et variés, notamment dans les centres de rétention…

Autrement dit, les étrangers pourront être jugés à part, séparés qu’ils seront des autres justiciables - encore une exception.

De surcroît, c’est un juge unique, et non la formation collégiale du tribunal, qui devient compétente.

Comment l’indépendance des juges peut-elle être assurée lorsque les audiences ont lieu à proximité ou dans l’enceinte d’un centre de rétention sous haute surveillance policière, même si l’on assiste en ce moment à un rapprochement des magistrats et des policiers, victimes, les uns et les autres, des réflexions que vous savez ?

Nous partageons le point de vue des syndicats de magistrats administratifs, pour qui cette mesure est « à la fois injustifiable sur le plan des principes, notamment au regard de la solennité de la justice et de sa nécessaire indépendance vis-à-vis de “l’administration d’accueil”, intenable en pratique compte tenu des temps de déplacement et des délais très contraignants dans lesquels il faudra les effectuer, et dommageable sur le plan de la réflexion du juge, isolé et dont l’accès à ses outils de travail restera plus qu’aléatoire ».

Une fois encore, ce sont les conditions d’une justice bâclée, donc, déplorable.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. Je saisis cette occasion pour poser une question au Gouvernement sur un point évidemment en relation avec l’article 34. Il s’agit de la procédure administrative et contentieuse de l’éloignement d’étrangers.

Je voudrais attirer votre attention sur le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’application du règlement européen dit « Dublin II », texte qui organise les mouvements de personnes entrées sur le territoire de l’Union européenne et qui fixe, en particulier, la règle du pays de primo-arrivée.

Dans un arrêt de Grande chambre du 21 janvier dernier, M.S.S. contre Belgique et Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le transfert d’un demandeur d’asile afghan de la Belgique vers la Grèce, en application du règlement Dublin II, était contraire aux articles 3 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, articles qui sont respectivement relatifs à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et au droit à un recours effectif.

Les juges de Strasbourg ont ainsi condamné non seulement la Grèce pour les lacunes graves qui sont constatées dans ce pays en matière de procédure d’asile et de traitement des demandeurs d’asile, mais aussi, par ricochet, la Belgique, laquelle avait renvoyé le demandeur d’asile afghan dans le pays méditerranéen par lequel il était arrivé en Europe.

D’une certaine manière, c’est la fin du règlement Dublin II et de la règle du pays de primo-arrivée.

Mais, au-delà de la condamnation de la Grèce et de la Belgique, c’est, plus largement, l’application automatique du règlement Dublin II qui est visée. Les juges considèrent en effet qu’il appartient aux États membres de prendre en considération les risques de mauvais traitements dans le premier pays européen d’accueil, d’une part, et dans le pays d’origine où risque d’être renvoyé le demandeur d’asile, d’autre part.

Plusieurs États membres ont déjà entendu ces critiques et ont limité leurs transferts vers la Grèce en procédant à des examens individuels. La Norvège, la Finlande, l’Allemagne, la Suisse et la Suède ont ainsi devancé leurs partenaires européens dès 2008.

Plus récemment, et depuis cette décision de janvier dernier, le Royaume-Uni, l’Autriche et le Danemark les ont rejoints.

La France fait partie des pays qui continuent à renvoyer des demandeurs d’asile en Grèce. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, quand et comment le Gouvernement entend tirer les conséquences de cet arrêt majeur, qui consacre le droit d’asile comme prévalant contre les autres considérations.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 180 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L'amendement n° 397 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 180.

M. Bernard Vera. Cet article concentre toutes les problématiques de la réforme du contentieux des étrangers introduit par ce projet de loi, mais aussi les raisons de la colère des magistrats administratifs qui sont en grève, je le rappelle, aujourd’hui même.

Elles concernent la procédure applicable au contentieux de l’éloignement des étrangers placés en rétention administrative.

À ce jour, l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement peut être placé en rétention par l’administration.

La juridiction administrative est compétente pour contrôler la légalité de la décision de placement en rétention et de la mesure d’éloignement.

La juridiction judiciaire, gardienne des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution, est, quant à elle, compétente pour statuer sur la validité de la prolongation de la rétention, qui constitue une mesure privative de liberté, et, plus précisément, est chargée de vérifier la régularité de la procédure d’interpellation et l’accès de la personne retenue à l’exercice effectif de ses droits.

Les juridictions des ordres administratif et judiciaire, en raison de leurs compétences respectives, sont donc investies de missions de contrôle différentes.

Actuellement, lorsqu’un étranger est placé en rétention administrative, la décision d’éloignement dont il fait l’objet est examinée par la juridiction administrative selon une procédure d’urgence dérogatoire, par un juge unique – statuant seul –, sans conclusions du rapporteur public, qui doit statuer dans les soixante-douze heures.

Le projet de loi, qui crée une nouvelle mesure d’interdiction de retour sur le territoire français, prévoit qu’une telle décision sera, elle aussi, contrôlée dans le cadre de la procédure d’urgence lorsque l’étranger est placé en rétention.

Or aucune situation d’urgence ne justifie, ici, une telle dérogation aux garanties normales de la procédure administrative !

De plus, il s’agit, avec l’interdiction de retour sur le territoire français, d’un nouveau type de décision, particulièrement lourde de conséquences pour l’étranger, et dont les conditions de mise en œuvre devront être précisées par la jurisprudence.

L’examen de la décision d’interdiction du territoire français devrait donc naturellement être effectué selon la procédure normale, c’est-à-dire par une formation collégiale de trois juges, après conclusions du rapporteur public.

Cet article prévoit aussi qu’une décision d’éloignement peut être mise à exécution dès que le juge administratif s’est prononcé sur sa légalité. Cette inversion de l’ordre d’intervention des juges pourra donc permettre à l’administration, dans certains cas, de procéder à l’éloignement de l’étranger avant même que le juge judiciaire ne se soit prononcé sur la privation de liberté dont l’intéressé a fait l’objet.

Cette stratégie d’évitement du juge des libertés et de la détention aura pour conséquence de priver, en pratique, l’étranger ayant fait l’objet d’une mesure privative de liberté d’un accès effectif au juge judiciaire, ce qui est n’est pas admissible.

Conjugué au principe de la délocalisation des audiences, sur lequel nous reviendrons, qui porte gravement atteinte à la sérénité des débats et à la qualité de la justice, cet article ne fait que créer une justice expéditive pour les étrangers. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons le supprimer.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 397.

M. Roland Courteau. L’article 34 prévoit une refonte totale du contentieux administratif de l’éloignement.

Le nouveau dispositif a d’ores et déjà réuni contre lui le monde associatif qui défend les droits des étrangers et les professionnels concernés, c’est-à-dire les juges administratifs, qui sont vent debout contre cette colossale charge de travail supplémentaire.

Une telle opposition ne peut être que comprise, partagée et soutenue tant les propositions du Gouvernement sont attentatoires aux droits des étrangers et, en premier lieu, au droit au recours effectif.

En effet, les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, sans délai de départ volontaire, n’auront que quarante-huit heures pour introduire un recours contre ces décisions.

De plus, nous dénonçons le fait que les étrangers sont victimes d’une véritable « double peine administrative ». En effet, la rétention administrative ou l’assignation à résidence entraînent l’examen de la requête contre l’OQTF, le refus de délai de départ et d’interdiction du territoire par un juge unique, sans l’intervention du rapporteur public, qui aura un délai de soixante-douze heures pour statuer.

L’examen par un juge unique nous semble une entorse inacceptable au principe de la collégialité, garantie fondamentale contre l’arbitraire. Aucune situation d’urgence ne justifie une telle dérogation, d’autant moins que les décisions en question, comme l’interdiction de retour sur le territoire français, sont lourdes de conséquences pour l’étranger. L’examen de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF, devrait donc naturellement être effectué selon la procédure normale, c’est-à-dire par une formation collégiale de trois juges, après conclusions du rapporteur public.

Bien d’autres points de cette refonte du contentieux administratif de l’éloignement sont intolérables et doivent être combattus. À défaut de pouvoir tous les citer, je vais en mentionner quelques-uns.

Par exemple, nous refusons la restriction de l’accès à l’aide juridictionnelle. La possibilité d’avoir recours à cette aide n’est prévue que pour les étrangers qui demandent l’annulation de la décision d’OQTF à laquelle ils sont soumis, si celle-ci s’accompagne des trente jours de délai de départ volontaire. Quid des autres, ceux qui sont soumis à une OQTF sans délai de départ volontaire ?

En outre, l’article 34 permet la délocalisation des audiences du tribunal administratif. Ainsi, des audiences pourront avoir lieu dans des salles spécialement aménagées à proximité immédiate des lieux de rétention, voire au sein des centres de rétention ! Ce n’est pas sans poser problème…

Ainsi, le principe de la publicité des débats n’est pas garanti, car les zones où se situent les centres de rétention sont très mal desservies par les transports en commun et d’accès très difficile. Cet obstacle sera également rencontré tant par l’avocat et l’interprète de l’étranger que par le juge administratif lui-même. Le magistrat devra faire des heures de route afin d’aller rendre la justice dans un préfabriqué, au plus grand mépris du caractère solennel et symbolique des lieux de justice.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur trois arrêts rendus le 16 avril 2008 par la Cour de cassation, qui a déclaré illégale la tenue d’audiences délocalisées dans l’enceinte d’un centre de rétention.

L’article 34, qui instaure une justice d’exception pour l’étranger privé de liberté, qui fait fi des garanties procédurales - aide juridictionnelle, procès équitable, recours effectif -, au point de proposer que les audiences aient lieu dans des cabanes préfabriquées au fin fond des zones aéroportuaires, doit être supprimé !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais revenir sur l’objet de cet article que les amendements ont vocation à supprimer.

L’article 34 occupe une place essentielle dans l’architecture du texte puisqu’il s’inspire à la fois de la directive Retour et du rapport qui avait été établi par Pierre Mazeaud pour mettre en place un recours effectif en urgence contre la décision administrative de placement en rétention et les mesures d’éloignement sur lesquelles ce placement est fondé.

Même si la réforme est affaiblie, il faut le reconnaître, depuis la suppression par la commission des lois de l’article 37, qui prévoit l’intervention du juge des libertés et de la détention une fois que le contentieux administratif est purgé, la remise en ordre de la procédure administrative opérée ici vaut par elle-même. Elle n’a pas besoin d’exister par rapport à tout autre dispositif. C’est la mise en place d’un recours en urgence.

J’émets donc, au nom de la commission des lois, un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Je commencerai par répondre aux interrogations de M. Yung, qui me demande quelles suites seront données à l’arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme.

D’abord, cet arrêt concerne l’application du règlement européen Dublin II, qui est l’un des fondements du régime européen de l’asile. Il prévoit, en effet, non pas tant l’éloignement d’un demandeur d’asile, que son réacheminement vers l’État européen juridiquement responsable de l’examen de cette demande. Telle est la question qui est ici posée.

Ensuite, cet arrêt porte à examiner avec beaucoup d’attention la mise en œuvre du réacheminement vers la Grèce, puisque la Cour européenne des droits de l’homme considère d’un œil critique la situation réelle du système d’asile grec.

À ce jour, la France, comme plusieurs États que vous avez cités, a toujours veillé à apprécier au cas par cas les possibilités de réacheminement vers la Grèce des demandeurs d’asile.

De surcroît, parce que nous examinons les conséquences complémentaires à tirer de cet arrêt, nous avons, dans l’intervalle, suspendu les réacheminements vers la Grèce.

Sur les amendements identiques nos 180 et 397, qui visent à supprimer l’article 34, nous contestons à la fois l’inconstitutionnalité de l’intervention du juge administratif avant le juge judiciaire et l’augmentation du contentieux administratif qui pourrait résulter de la réforme que nous proposons.

L’objet de l’article 34 est de fixer les règles selon lesquelles le juge administratif statue sur les décisions d’éloignement en procédure normale et en procédure d’urgence. Il énonce toutes les garanties procédurales dont bénéficient les étrangers, notamment le caractère suspensif du recours, qui est en tout point conforme à ce qu’exige la directive Retour. La compétence du juge administratif en ce domaine ne fait évidemment aucun doute.

L’article 34 prévoit en outre – c’est la nouveauté – un véritable recours efficace contre la décision de placement en rétention prise par le préfet. Ce recours n’existait pas véritablement jusque-là. C’est une garantie nouvelle pour l’étranger.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Considérer que le juge administratif doit intervenir systématiquement avant le juge judiciaire en cas de placement me semble tout de même poser un problème de constitutionnalité.

Sur la question de la Grèce, il est évident que, si nous n’agissons pas rapidement pour faire appliquer au moins les accords de Dublin, nous retrouverons toujours la même impasse : aujourd’hui, un grand nombre de personnes préfèrent rester en France sans demander l’asile, donc dans un espace de non-droit, plutôt que d’être obligées de repartir en Grèce, où, à supposer qu’elles puissent faire une telle demande, et rien n’est moins sûr, elles savent déjà que la démarche ne pourra pas aboutir.

Il y a donc là un problème d’application du règlement européen.

Concernant maintenant les audiences sur place, outre le fait que les syndicats y sont opposés, cela risque de poser problème dans la mesure où, lors des audiences, très souvent, il est nécessaire que l’on puisse voir les amis, la famille afin de constater la réalité des liens qui ont été tissés en France. Si les audiences se déroulent en dehors des enceintes traditionnelles, ces liens et cette réalité sociale et familiale ne pourront pas être démontrés.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180 et 397 tendant à supprimer l’article 34.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 155 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 398, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4, après la première phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

L'étranger peut également, dans un délai d'un mois suivant la notification de cette décision, exercer un recours administratif gracieux et hiérarchique. Le délai initial de trente jours pour formuler un recours contentieux devant le tribunal administratif est prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Depuis 2006, tout étranger qui reçoit de la préfecture une décision de refus ou de retrait de son titre de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, dispose d’un délai d’un mois pour déposer un recours contentieux devant le tribunal administratif contre la décision de refus de séjour et la mesure d’éloignement.

Actuellement, ce délai ne peut en aucun cas être prolongé par un recours gracieux ou hiérarchique.

Ces recours restent théoriquement ouverts à l’étranger, mais ils sont inutiles puisque seul le recours contentieux formé dans le délai d’un mois permet d’empêcher l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à ce que le tribunal se soit prononcé.

Pourtant, en matière administrative, les recours administratifs précontentieux sont d’usage courant. Ils sont efficaces à plusieurs titres.

Premièrement, ils permettent à l’individu de demander à l’administration un nouvel examen de sa situation, ce qui a son importance.

Deuxièmement, ils ont pour effet d’alléger la charge de travail pesant sur les tribunaux, puisqu’une partie des situations est réglée à l’amiable.

Enfin, troisièmement, si, comme nous le suggérons, le recours gracieux contre une OQTF proroge le délai initial de trente jours pour former un recours contentieux, l’étranger disposera de véritables délais pour contester une obligation de quitter le territoire français et pour préparer sa défense.

La mise en place de recours administratifs préalables contre les OQTF apparaît ainsi souhaitable, en ce qu’elle répond à la double exigence d’efficacité et de respect du droit au recours.

Pour ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 398 tend à instaurer un recours hiérarchique contre les mesures d’éloignement qui pourrait être formé dans un délai d’un mois et prorogerait d’autant le délai de recours contentieux. Un tel report en la matière ne paraît pas souhaitable s’agissant d’une mesure qui doit être exécutée à brève échéance.

Par ailleurs, je tiens à signaler au Sénat que le Conseil d’État a validé ce délai d’un mois dans une décision du mois de juillet 2007.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 398.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Il est constant dans notre droit que le bénéfice de l’aide juridictionnelle peut être sollicité par une partie à l’instance jusqu’à ce que la juridiction rende sa décision.

Or l’alinéa 5 de cet article 34 rompt avec ce principe général, principe destiné pourtant à garantir le droit d’accès au juge qui participe du caractère équitable de la procédure. En fixant à l’introduction de l’instance le délai limite pour demander une aide juridictionnelle, cet alinéa participe au recul général des droits de l’étranger que porte ce projet de loi.

Nous demandons donc que le droit commun s’applique, d’autant que l’article 13 de la directive Retour dispose : « Les États membres veillent à ce que l’assistance juridique et/ou la représentation nécessaire soient accordées sur demande gratuitement conformément à la législation ou à la réglementation nationale applicable en matière d’assistance juridique ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur l’amendement n° 65 rectifié, la commission des lois émet un avis défavorable.

Cet amendement vise à supprimer la précision selon laquelle l’aide juridictionnelle peut être demandée « au plus tard » – j’insiste sur cette expression – lors de l’introduction de la requête en annulation. Toutefois, cette précision est absolument nécessaire dans la mesure où une demande formulée le jour de l’audience entraîne obligatoirement le report de celle-ci à une date ultérieure.

Il y a, là encore, en arrière-fond de cet amendement, des propositions qui ne sont pas acceptables en termes de procédure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Je partage l’argumentation du rapporteur et suis également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 183, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

de l'article

par les mots :

des articles L. 561-1 et

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Toute décision prise par l’administration doit pouvoir être contestée. Or le projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour l’étranger de déposer un recours auprès du tribunal administratif contre l’assignation à résidence prise en application de l’article L.561-1 du CESEDA, alors qu’il a bien prévu des voies et délais de recours contre celle qui est prise en application de l’article L.561-2 du même code.

Ainsi, le projet de loi instaure un régime discriminatoire entre les étrangers selon l’article en vertu duquel ils ont été assignés à résidence. Le présent amendement entend y remédier.

M. le président. L'amendement n° 401, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 6 

Remplacer les mots :

de l'article L. 561-2

par les mots :

des articles L. 561-1 et L. 561-2

II. - Alinéa 10, première phrase

Remplacer les mots :

de l'article L. 561-2

par les mots :

des articles L. 561-1 et L. 561-2

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. L’article 34 réécrit les dispositions du CESEDA relatives à la procédure contentieuse devant le juge administratif pour les étrangers faisant l’objet de mesure d’éloignement.

Il prévoit notamment, dans son alinéa 6, une procédure de recours contre les décisions d’assignation à résidence prises en vertu de l’article L. 561-2 du même code, c'est-à-dire celles qui sont décidées comme mesures alternatives à la rétention.

Cependant, il existe une deuxième catégorie d’assignations à résidence, celles de l’article L. 561-1 du CESEDA. Elle concerne les étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire, mais qui se trouvent dans l’impossibilité de regagner leur pays d’origine ou un autre pays.

Or le texte de l’article 34 est muet quant à la possibilité d’exercer une procédure de recours contre ces assignations à résidence-là.

Ainsi, le projet de loi instaure un régime discriminatoire entre les étrangers selon l’article en vertu duquel ils ont été assignés à résidence. Pis, il prive l’étranger assigné à résidence d’un droit de recours contre la décision d’assignation.

J’ose croire qu’il s’agit là d’une simple erreur matérielle des rédacteurs du projet de loi et que celle-ci sera réparée par l’adoption de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les deux amendements prévoient que le recours en urgence pourra s’exercer également contre les mesures d’assignation à résidence de longue durée, c'est-à-dire celles qui sont prévues par les dispositions du nouvel article L. 561-1.

Or cet article concerne le cas où l’étranger est dans l’impossibilité de quitter le territoire à court terme. Dès lors, c’est le contentieux administratif de droit commun qui doit s’appliquer, avec le traditionnel recours pour excès de pouvoir dans le délai de deux mois.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 401.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Alinéas 7 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il appartiendra au demandeur d’asile de contester dans les quarante-huit heures la décision d’éloignement et l’interdiction de retour, avec tous les aléas d’une telle procédure, compte tenu de la brièveté du délai, alors qu’il sera placé en rétention et que l’assistance d’un avocat pour l’aider à introduire un recours juridictionnel n’est pas prévue dans ce cas.

Cette aide à l’exercice du recours reposera sur l’association présente dans le centre de rétention. Il existe toutefois un risque que le recours ne soit pas introduit en temps utile, puisque les associations – je le rappelle – ne sont pas sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Les conséquences d’une telle restriction des garanties normales de la procédure administrative, justifiées par l’urgence liée à la privation de liberté, devraient au moins être tempérées en cas d’annulation de la rétention administrative ou de l’assignation à résidence, avec un retour aux procédures et aux délais normaux.

Le « juge de l’urgence » devrait, ainsi, d’abord examiner la légalité du placement en rétention ou de l’assignation à résidence, son annulation devant le conduire à renvoyer à la formation collégiale l’examen de la légalité de l’obligation de quitter le territoire français, du refus de délai de départ et de l’interdiction du territoire.

De façon identique, si la rétention est annulée par le juge judiciaire, la saisine du juge unique devrait devenir caduque, et ce pour respecter les principes d’une procédure équitable et d’un recours effectif tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

M. le président. L'amendement n° 399, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

III. - Alinéa 10, deuxième phrase

Supprimer les mots :

et contre la décision refusant un délai de départ volontaire,

IV. - Alinéa 16

Supprimer les mots :

ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français

V. - Alinéa 17, première phrase

Supprimer les mots :

ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative

VI. - Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’article 34 du projet de loi prévoit que les migrants qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, disposent d’un délai de quarante-huit heures pour en demander l’annulation.

Cette disposition risque de poser de nombreuses difficultés. Je rappelle que, pendant ce délai, le migrant pourrait être amené à contester dans un même recours non seulement l’obligation de quitter le territoire français, mais aussi la décision relative au séjour, la décision refusant un délai de départ volontaire, celle qui mentionne le pays de destination et, le cas échéant, celle qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français et le placement en rétention, soit six décisions administratives !

Compte tenu de l’interprétation extensive des dispositions de l’article 7, paragraphe 4, de la directive Retour, il est à craindre que l’obligation de quitter le territoire français ne soit très souvent prononcée sans délai de départ volontaire. De nombreux migrants risqueraient ainsi de devoir ester en justice dans un délai très court et suivant une procédure extrêmement complexe. Le droit à un recours effectif, qui est inscrit à l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, serait ainsi foulé aux pieds.

M. le président. L'amendement n° 400, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

suivant sa notification par voie administrative

par les mots :

à compter du moment où il a pu exercer son droit à l'assistance d'un conseil

II. - Alinéa 10, première phrase

Remplacer les mots :

suivant sa notification

par les mots :

à compter du moment où il a pu exercer son droit à l'assistance d'un conseil

III. - Alinéa 17, première phrase

Remplacer les mots :

suivant sa notification par voie administrative

par les mots :

à compter du moment où il a pu exercer son droit à l'assistance d'un conseil

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Si, comme le prévoient les articles 31 et 34 du projet de loi, l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat est différé jusqu’à l’arrivée de l’étranger au centre de rétention, il est anormal que le délai de recours contentieux, extrêmement bref, commence à courir dès la notification, alors que plusieurs heures peuvent séparer l’un de l’autre.

L’étranger ne pouvant aucunement introduire un recours juridictionnel pendant le trajet vers le centre de rétention, il convient de traduire expressément dans la loi l’adage classique selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l’impossibilité d’agir.

Retarder l’intervention de l’avocat en maintenant la notification comme point de départ du délai de recours contentieux grèverait trop lourdement le droit à un recours effectif, spécialement consacré par l’article 5, paragraphe 4, et surtout par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et exposerait la France à une condamnation par la Cour de Strasbourg.

Nous proposons de faire courir le délai de recours à partir du moment où l’étranger aura exercé son droit à l’assistance d’un conseil et non à partir de la notification administrative de la décision.

Cette solution doit être commune aux recours formés contre l’obligation de quitter le territoire sans délai et contre le placement en rétention et, par conséquent, doit s’appliquer aussi au calcul du délai avant l’expiration duquel la mesure d’éloignement ne peut être exécutée d’office.

M. le président. L'amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 10, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce recours suspend la décision d’éloignement qui a justifié le placement en rétention ou l’assignation en résidence.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Cet amendement vise à rendre suspensif le recours formé contre la décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence. Il répond à la fois à un souci de respect des droits fondamentaux et à des préoccupations d’ordre pratique.

À l’heure actuelle, l’administration procède déjà à des reconduites à la frontière avant l’expiration du délai de recours de quarante-huit heures, ce qui a pour effet de soustraire la décision de placement au contrôle du juge et, donc, au droit à un recours effectif.

Or la philosophie générale de la nouvelle procédure fixée par le projet de loi restreint l’application des droits essentiels de la procédure dans les cas d’urgence. Cela sert à justifier une exécution d’office sans contrôle juridictionnel effectif puisque, même si l’étranger introduit un recours, la décision du juge n’intervient qu’après l’éloignement de la personne, ce qui ne fait guère de sens en cas d’annulation de la décision.

De plus, même s’il est prévu un recours urgent contre l’arrêté de placement en rétention, ce recours n’est pas plus suspensif de l’exécution de la mesure d’éloignement sur la base de laquelle il est prononcé.

Nous souhaitons donc réparer cette absurdité juridique en rendant justement le recours suspensif.

M. le président. L'amendement n° 402, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 10, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce recours est suspensif de la décision d'éloignement sur le fondement de laquelle l'arrêté de placement en rétention est prononcé.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Une personne peut être placée en rétention alors même que la décision de placement en rétention fait l’objet d’un recours et n’est donc pas définitive. Nous demandons que le recours contre une décision de placement soit suspensif.

M. le président. L'amendement n° 181, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

1° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce recours est suspensif de la décision d'éloignement sur le fondement de laquelle l'arrêté de placement en rétention est prononcé.

2° Deuxième phrase

Supprimer les mots :

et contre la décision refusant un délai de départ volontaire,

3° En conséquence, première phrase

Remplacer les mots :

de l'article L. 561-2

par les mots :

des articles L. 561-1 et L. 561-2

et troisième phrase

Remplacer les mots :

du même article L. 561-2

par les mots :

des mêmes articles L. 561-1 et L. 561-2

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Chaque année, des milliers d’étrangers sont placés en rétention sur la base d’une mesure d’éloignement ne pouvant pas ou plus faire l’objet d’un recours qui en suspendrait l’exécution.

Aujourd’hui, l’administration procède déjà à des placements en rétention suivis de reconduites à la frontière dans les premières quarante-huit heures, le départ étant organisé en amont de l’interpellation. En conséquence, aucun juge ne contrôle la légalité et l’opportunité du placement en rétention. La légalité de la procédure judiciaire précédant l’arrivée en rétention n’est pas davantage contrôlée.

Cet amendement met en cause le pouvoir laissé à la police et à l’administration d’agir sans contrôle des juges, ni possibilité de recours effectif. Ce pouvoir serait bien plus grand encore si le juge des libertés et de la détention intervenait plus tardivement.

Si le projet de loi prévoit un recours urgent contre l’arrêté de placement en rétention, ce recours n’est pas suspensif de l’exécution de la mesure d’éloignement sur la base de laquelle il est prononcé.

Or, sans le recours suspensif contre le placement en rétention que notre amendement vise à introduire pour tous les étrangers dont la mesure d’éloignement est ancienne ou dépourvue de recours suspensif, le projet de loi instaurerait non plus la primauté du juge administratif, mais bien la possibilité d’une neutralisation totale durant cinq jours des deux juges, judiciaire et administratif.

Mes chers collègues, nous vous proposons de remédier à cette absurdité en adoptant notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 184, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer les mots :

ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 185 et 186.

Dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, l’étranger dispose de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que ce délai est de trente jours dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire.

Or, dans ce délai de quarante-huit heures, l’intéressé peut être amené, en vertu de l’alinéa 6 de l’article 34, à contester dans un même recours non seulement l’obligation de quitter le territoire, mais aussi la décision relative au séjour, la décision refusant un délai de départ volontaire, celle qui mentionne le pays de destination et, le cas échéant, celle qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français et le placement en rétention, soit six décisions administratives, comme mon collègue l’a déjà fait remarquer tout à l’heure.

Il est clair qu’en raison de la complexité de la procédure et de la brièveté des délais de recours, la plupart des étrangers n’auront pas la possibilité de déposer leur recours dans les délais. Pour ceux qui y parviendraient malgré tout, tout laisse à penser qu’ils ne pourront pas respecter les conditions de fond et de forme posées par l’article R. 222-1 du code de justice administrative, ce qui impliquera un rejet de leur requête par ordonnance de tri, sans audience.

La Cour européenne des droits de l’homme a considéré, dans un arrêt récent, du 2 septembre 2010, YP et LP contre France, que le recours contre un arrêté de reconduite à la frontière à la suite d’une décision de rejet de l’OFPRA, s’il est suspensif, n’est pas pleinement effectif : en effet, l’étranger dispose de peu de temps pour déposer la requête et les perspectives raisonnables de succès de ce recours sont faibles.

Ce dispositif n’offrant pas aux étrangers un droit au recours effectif doit donc être supprimé.

De plus, les critères permettant à l’administration de prononcer une obligation de quitter le territoire français sont extrêmement larges et flous, et dépassent de beaucoup les possibilités ouvertes par l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008.

M. le président. L'amendement n° 185, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Supprimer les mots :

ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 186, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 12 tend à supprimer les dispositions relatives au recours exercé contre une OQTF sans délai de départ volontaire, au motif que le délai de quarante-huit heures prévu pour ce recours serait trop bref.

Compte tenu de la nature de l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, qui remplace l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, cette brièveté est inévitable. Cette décision a en effet vocation à être exécutée à brève échéance.

La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 399 tend à supprimer de l’article 34 les mentions relatives à l’OQTF sans délai de départ volontaire.

Cette mesure, au sujet de laquelle nous nous sommes déjà expliqués, a été créée par l’article 23 du texte. Il est donc nécessaire qu’un recours à son encontre puisse être formé.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 400 tend à prévoir que le délai de quarante-huit heures dont dispose l’étranger pour contester une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ou son placement en rétention commence à courir à partir du moment où il a pu exercer son droit à l’assistance d’un conseil et non au moment de la notification de la mesure.

En effet, le présent projet de loi reporte le moment où l’étranger peut exercer ses droits à l’arrivée au centre de rétention, alors que ceux-ci étaient auparavant garantis dans les meilleurs délais suivant la notification du placement.

Toutefois, la commission a adopté, lors de l’élaboration de son texte, un amendement à l’article 38 visant à permettre au juge des libertés et de la détention de s’assurer que le délai entre la notification du placement en rétention et l’arrivée au centre n’a pas été anormalement long.

Ce dispositif me semble répondre pour l’essentiel à la préoccupation des auteurs de l’amendement. La commission les invite donc à le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Les auteurs de l’amendement n° 66 rectifié souhaitent que le recours dirigé contre le placement en rétention ait pour effet de suspendre la mesure d’éloignement. Or un recours suspensif peut déjà être déposé contre cette mesure en même temps que le recours contre la mesure de rétention. Il ne serait donc pas logique que le recours contre le placement en rétention suspende la décision d’éloignement dans la mesure où, par définition, l’exécution de celle-ci met fin à la rétention.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur les amendements nos 402 et 181, qui ont le même objet.

Enfin, la commission a déjà exposé les raisons pour lesquelles elle est défavorable aux amendements nos 184, 185 et 186.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. L’amendement n° 12 vise à supprimer les alinéas qui prévoient un délai de recours de quarante-huit heures contre l’OQTF lorsque le délai de départ volontaire n’est pas accordé.

Je rappelle, à la suite de M. le rapporteur, que ce dispositif n’est pas nouveau. Le délai de recours contre la mesure d’éloignement non assortie d’un délai de départ volontaire – aujourd’hui, l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière – est déjà de quarante-huit heures. Ce délai a été fixé par la loi RESEDA du 11 mai 1998.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Le dispositif de l’amendement n° 399 est cohérent avec le refus de l’obligation de quitter sans délai le territoire français de ses auteurs.

Cela étant, je le répète, la création de cette mesure procède de l’exigence de transposition de la directive Retour. Tel est en effet l’objet de l’article 23, qui a été adopté par le Sénat.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Concernant l’amendement n° 400, le Gouvernement, tout comme la commission, émet un avis défavorable.

L’amendement n° 66 rectifié ainsi que les amendements nos 402 et 181, qui ont le même objet, visent à ce que l’exercice par l’étranger du recours en annulation d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence suspende la décision d’éloignement.

Je rappelle qu’il s’agit d’une nouvelle voie de recours devant le juge administratif imposée par la directive Retour. Le juge, saisi dans les quarante-huit heures, statue en soixante-douze heures.

Ce contentieux est autonome par rapport au contentieux de la mesure d’éloignement, le recours étant bien, dans ce cas, suspensif. Il peut être formé alors même que la décision d’éloignement ne serait pas contestée ou est devenue définitive, c’est-à-dire jugée légale par un juge.

Dès lors, le recours contre la décision de placement en rétention ne saurait avoir pour effet de suspendre les effets de l’obligation de quitter le territoire français.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.

Les auteurs des amendements nos 184, 185 et 186 veulent rappeler leur opposition de principe à l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.

Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de cette question. Par ailleurs, cette mesure a été adoptée à l’article 23.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 399.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Khiari, l’amendement n° 400 est-il maintenu ?

Mme Bariza Khiari. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 400.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 402.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 182, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 11, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Les dispositions dont nous demandons la suppression prévoient que les audiences tenues par le juge administratif dans le cadre des procédures concernant les étrangers en rétention pourront se tenir dans les salles d’audience déconcentrées installées au sein ou à proximité immédiate des centres de rétention administrative.

Outre qu’elle porte atteinte à l’indépendance des magistrats administratifs, cette mesure est injustifiable sur le plan des principes, notamment au regard de la solennité de la justice et de sa nécessaire indépendance vis-à-vis de « l’administration d’accueil ». Elle est également intenable en pratique, compte tenu des temps de déplacement et des délais très contraignants dans lesquels il faudra les effectuer. Elle est enfin dommageable sur le plan de la réflexion du juge, qui se trouvera isolé et dont l’accès à ses outils de travail restera plus qu’aléatoire.

La justice étant rendue par des magistrats au nom du peuple français, les audiences doivent se tenir dans une juridiction, dans un lieu dédié et solennel, seul à même d’assurer la sérénité des débats et l’autorité de la justice administrative.

De plus, la qualité de la justice rendue par un magistrat isolé dans un centre de rétention sera nécessairement mise à mal. Celui-ci ne disposera en effet ni de l’ensemble de ses outils de travail et de réflexion ni de la présence de ses collègues magistrats avec lesquels des conversations informelles peuvent être engagées en cas de doute sur une solution ou un raisonnement juridique.

Une telle mesure exposera aussi le juge administratif aux pressions administratives et portera atteinte tant à son indépendance vis-à-vis de l’administration d’accueil qu’au principe fondamental de publicité des audiences.

Enfin, en pratique, tenir des audiences dans des centres de rétention impliquera, pour le juge administratif, des temps de déplacement et des délais très contraignants, mais aucune mesure de compensation n’a été prévue. Grâce à votre réforme de la carte judiciaire du 1er janvier 2010, 178 tribunaux d’instance et juridictions de proximité ont été supprimés, ce qui éloigne d’autant les magistrats des centres de rétention.

Pour ne prendre qu’un exemple, le tribunal administratif de Montpellier est compétent pour les centres de rétention de Sète et de Perpignan, éloignés respectivement de trente-deux kilomètres et de cent soixante-cinq kilomètres. Rien que cela !

Si l’on considère que les magistrats traitent deux cent quatre-vingts dossiers par an, cette mesure risque d’aboutir à une désorganisation des juridictions au détriment des justiciables, qui, bien que vous ne cessiez de le nier, ont le droit d’être jugés équitablement.

C’est la raison pour laquelle nous vous demandons la suppression de ces dispositions.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 403, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. L’alinéa 11 de l’article 34, qui a été introduit par un amendement présenté par le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, tend à autoriser le juge administratif à tenir des audiences délocalisées dans des salles spécialement aménagées à proximité immédiate des centres de rétention administrative ou en leur sein.

Cette mesure vise à réduire les coûts en ressources humaines et financières liés aux nombreuses escortes nécessaires pour conduire les étrangers des centres de rétention vers les juridictions administratives.

La possibilité de tenir des audiences délocalisées existe déjà pour les juges judiciaires lorsque ceux-ci sont conduits à se prononcer sur la prolongation de la rétention administrative. L’article L. 552-1 du CESEDA, créé par la loi du 26 novembre 2003, prévoit en effet qu’un juge des libertés et de la détention peut statuer dans des salles « spécialement aménagées à proximité immédiate [du] lieu de rétention ».

Lorsque la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure sera entrée en vigueur, il leur sera également possible de tenir des audiences au sein même des centres de rétention.

Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer ces mesures, qui posent de très nombreuses difficultés à la fois de principe et d’ordre pratique.

Les dispositions prévues à l’alinéa 11 de l’article 34 ne garantissent pas le respect du droit à un procès équitable, tel qu’il résulte des articles de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Elles sont contraires à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a considéré que, pour respecter les règles d’indépendance et d’impartialité, la salle d’audience doit être identifiée comme un lieu judiciaire à part entière, signalisée, dans un bâtiment distinct qui n’apparaisse pas comme une extension du centre de rétention.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Bariza Khiari. La justice ne saurait être rendue dans un lieu dépourvu de solennité qui, de surcroît, appartient à l’une des parties.

La tenue d’audiences délocalisées risque d’accroître « la confusion parfois déjà présente dans l’esprit des justiciables entre l’administration et le juge administratif ».

En outre, les centres de rétention étant souvent isolés, excentrés et difficiles d’accès, il est à craindre que l’exercice des droits de la défense ne soit gravement entravé lors des audiences délocalisées.

Ce type d’audience poserait inévitablement des problèmes en termes de déplacement pour les familles et les soutiens.

La mise en place d’une justice d’exception pour les étrangers placés en rétention pourrait, à terme, déboucher sur une remise en cause des droits des personnes placées en détention. Cette crainte est d’autant plus justifiée que le droit des étrangers est devenu depuis quelques années un « terrain d’expérimentation » pour réformer les autres pans de notre droit. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de la dernière phrase de l’alinéa 11.

J’ajoute que les principes fondamentaux de notre État de droit ne sauraient être sacrifiés sur l’autel de la rigueur budgétaire. La vague de contestation des magistrats en direction de l’exécutif est historique. Il est temps que ce dernier renoue avec le corps des magistrats. Il y va de la stabilité de nos institutions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer la possibilité de tenir des audiences de jugement des OQTF au sein des centres de rétention administrative.

Outre son aspect pratique, une telle organisation permettra d’éviter de longs déplacements aux escortes. Indépendamment de l’économie réalisée, que nous pouvons évidemment évoquer, n’oublions pas que ce déplacement est toujours une épreuve, y compris pour la personne retenue. Cette disposition peut donc aussi être perçue comme un avantage pour elle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 403.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 404, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 15, deuxième phrase

Remplacer les mots :

est informé qu'il peut recevoir

par le mot :

reçoit

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. L’article L. 512-2 du CESEDA, tel qu’il résulte de la rédaction de l’article 34, prévoit que le migrant soumis à une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire est informé qu’il peut recevoir communication des principaux éléments de la décision qui lui a été notifiée.

Selon M. le rapporteur, cette disposition vise à transposer l’article 12, paragraphe 2, de la directive Retour. Ce dernier prévoit, certes, que les principaux éléments des décisions liées au retour sont fournis aux étrangers qui en font la demande. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la directive s’applique « sans préjudice des dispositions plus favorables ». Les autorités françaises peuvent donc parfaitement mettre en place un régime plus protecteur pour les migrants.

Étant donné le délai très court dont bénéficie le migrant pour demander l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire – quarante-huit heures –, nous considérons que les principaux éléments de la décision administrative doivent lui être automatiquement communiqués afin qu’il puisse préparer au mieux sa défense. Il y va du respect du droit à un procès équitable.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que l’étranger reçoit systématiquement communication dans une langue qu’il comprend des principaux éléments de la décision qui lui a été notifiée.

Je rappelle que le texte de la commission prévoit déjà que l’étranger est informé et qu’il peut demander ces éléments – cela ne pose pas de difficulté –, alors que le texte initial ne prévoyait aucune information particulière pour l’étranger.

Les dispositions intégrées dans le texte lui paraissant équilibrées, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 404.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 405, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ni avant que le juge des libertés et de la détention n'ait statué

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. L’amendement n° 405 vise à modifier l’article L. 513-3 nouveau, qui précise l’effet suspensif des recours formés contre les obligations de quitter le territoire français.

Ainsi, ces obligations ne peuvent être exécutées d’office avant l’expiration du délai de départ volontaire. Si un recours a été formé dans ce laps de temps, l’administration doit attendre qu’il ait été jugé.

Par ailleurs, si l’obligation de quitter le territoire français n’a pas été assortie d’un délai de départ volontaire, le demandeur d’asile bénéficie de deux jours pour contester la décision.

Nous estimons que la brièveté de ce délai – quarante-huit heures ! – fait peser des menaces importantes sur l’exercice du droit d’asile.

Vous savez, mes chers collègues, que le demandeur d’asile placé en rétention ne peut recevoir l’assistance d’un avocat pour l’aider à introduire un recours juridictionnel. Vous savez également que ce sont souvent les associations présentes dans les centres de rétention qui assurent l’aide à l’exercice du recours. Comment pourraient-elles assumer une telle mission en si peu de temps ?

Il en résulte également que, si le recours n’est pas formé à temps et si une demande n’a pas pu être enregistrée en rétention, la mesure pourra être exécutée à tout moment, avant même que la personne étrangère ait été présentée au juge judiciaire. Cette incongruité est liée au fait que le délai de saisine du juge va être porté à cinq jours, au lieu de quarante-huit heures, par le présent projet de loi.

Un étranger pourra donc être reconduit à la frontière avant même que le juge des libertés et de la détention ait pu examiner la légalité de son interpellation et le respect de ses droits tout au long de la procédure. Ce n’est vraiment pas acceptable !

Cet amendement tend donc à prévoir la suspension de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français jusqu’à ce que le juge des libertés et de la détention ait statué sur la régularité du placement en centre de rétention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à rendre impossible l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français avant que le juge des libertés et de la détention n’ait statué. Il présente un inconvénient majeur : cette disposition s’appliquerait même quand l’intervention du juge des libertés et de la détention n’a pas lieu d’être, comme lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’éloignement, mais qu’il n’a pas été placé en rétention.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, il s’agit là de vérifier les conditions de l’interpellation, non de l’expulsion elle-même ou de la reconduite à la frontière.

Les personnes qui s’occupent de collectifs de sans-papiers constatent souvent des interpellations pour délits de faciès. Ces interpellations n’étant pas justifiées, elles sont cassées, et les personnes concernées retrouvent alors la liberté.

De la même façon, je trouve tout à fait inacceptable que l’on puisse exécuter une mesure d’expulsion avant d’avoir examiné les conditions de légalité de l’interpellation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 405.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Remplacer les mots :

a été

par le mot :

est

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement n’est pas simplement de nature rédactionnelle.

Je relis l’alinéa 20 de l’article 34 : « L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine, sauf s’il a été placé en rétention. » Nous proposons de remplacer : « sauf s’il a été placé en rétention » par : « sauf s’il est placé en rétention ».

En effet, une personne qui a été libérée doit pouvoir bénéficier d’une aide au retour. Or la rédaction actuelle laisse à penser que toute personne qui a fait l’objet d’une rétention, fondée ou non, est exclue du bénéfice de ce dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le projet de loi prévoit que l’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays, sauf s’il a été placé en rétention. Vous proposez que cette exclusion ne s’applique pas aux étrangers qui ont été en rétention, mais qui ne le sont plus. J’y suis défavorable.

Le fait qu’un étranger ait été placé en rétention signifie soit qu’il ne lui a pas été accordé de délai de départ volontaire, parce que son comportement, par exemple, constituait une menace pour l’ordre public ou qu’il révélait un risque de fuite, soit parce qu’il n’a pas respecté le délai de départ volontaire dont il avait bénéficié et au cours duquel il pouvait demander l’aide au retour. Il n’y a donc pas lieu, dans ces conditions, d’être particulièrement généreux envers de telles personnes.

Là se situe la différence entre votre approche, monsieur le sénateur, et la position du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’avoue que je n’ai pas compris l’explication de M. le ministre.

Si une personne n’est plus en rétention, si elle a recouvré la liberté et qu’elle demande à quitter le territoire, pourquoi ne pourrait-elle pas bénéficier de l’aide au retour ? Si elle n’est plus en rétention, elle n’est plus sous la menace d’une expulsion.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je dois dire que je n’ai pas, moi non plus, bien compris les explications du Gouvernement.

J’ai noté que la commission est favorable à cet amendement de bon sens, la philosophie de la directive Retour étant d’encourager les retours volontaires. L’aide au retour va exactement dans ce sens, et il est normal de chercher à faciliter le retour de cette manière-là.

Les exemples donnés par le Gouvernement ne reflètent pas la totalité des cas qui peuvent se présenter.

Alors que la commission est favorable à cet amendement, je vous avoue que je comprends mal votre position, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Ma position est très claire : si des personnes ont été placées en rétention, c’est que, pour des raisons diverses, elles n’ont pas joué le jeu du départ volontaire.

M. Jacques Mézard. Non, pas toutes !

M. Philippe Richert, ministre. J’ai donné quelques exemples, on pourrait en trouver d’autres.

De ce fait, nous n’avons pas à faire bénéficier automatiquement d’une aide au retour des personnes qui ont été placées en rétention, même si elles ont depuis recouvré leur liberté.

C'est la raison pour laquelle je confirme, au nom du Gouvernement, l’avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.

(L'article 34 est adopté.)

Article 34 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale

3

Communication relative à des nominations

M. le président. J’informe le Sénat que, saisie en application de l’article 28 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, la commission de l’économie a émis un avis favorable sur la nomination de M. Jean-Christophe Le Duigou et de M. Frédéric Gonand au sein du collège de la Commission de régulation de l’énergie.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 9 février, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de Cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-120 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

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Article 34 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Articles additionnels après l’article 34

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion d'un projet de loi

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Nous poursuivons la discussion des articles.

TITRE III (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L'ÉLOIGNEMENT

CHAPITRE II (suite)

Dispositions relatives au contentieux de l'éloignement

Section 1(suite)

Dispositions relatives au contentieux administratif

M. le président. Nous en sommes parvenus, au sein de la section 1 du chapitre II du titre III, aux amendements portant article additionnel après l’article 34.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 35 (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 34

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 406 rectifié ter, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 est ainsi rédigé :

« Cette décision qui n'a pas été contestée devant le tribunal administratif dans les délais prévus à l'article L. 531-5 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office. » ;

2° Le premier alinéa de l'article L. 531-3 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions de l'article L. 531-5 » ;

3° Après l'article L. 531-4, il est inséré un article L. 531-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-5. - I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision prévue au présent chapitre, peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le même recours en annulation peut également être dirigé contre la décision relative au séjour et la décision mentionnant le pays de destination qui l’accompagnent le cas échéant.

« L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au II.

« II. - En cas de décision de placement en rétention l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. La décision ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de soixante-douze heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif.

« Si la décision est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Cet amendement concerne le sort de ceux que l’on appelle les « Dublinés », en référence au règlement européen dit « Dublin II », qui impose de renvoyer les demandeurs d’asile à la case départ, en quelque sorte, c'est-à-dire vers le premier pays de l’Union européenne où ils sont entrés.

L’objet du règlement est clair : il s’agit d’éviter que la même personne ne dépose de multiples demandes d’asile dans plusieurs États membres.

Dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce sont les articles L. 531-1 et suivants qui fixent la procédure de renvoi des étrangers vers l’État membre compétent pour traiter de la demande d’asile.

Contrairement aux obligations de quitter le territoire français, les OQTF, et aux arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, les APRF, de tels arrêtés ne peuvent pas faire l’objet d’un recours suspensif.

Or, dans les cas de décisions de remise à un État européen, l’intéressé peut établir des craintes de mauvais traitements dans le pays concerné. Déjà, le 20 mai 2010, le Conseil d’État a suspendu par une ordonnance de référé-liberté un renvoi vers la Grèce de demandeurs d’asile palestiniens qui avaient été maltraités dans ce pays.

Surtout, le 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt de grande chambre condamnant conjointement la Grèce et la Belgique pour violation du droit au recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cet arrêt est historique ! C’est un premier pas vers la refonte d’un système qui, avec sa logique implacable, provoque pour les « Dublinés » de véritables drames humains.

Dans l’attente d’aménagements au niveau européen du règlement Dublin II, nous proposons de prendre en compte la condamnation par la Cour de Strasbourg et d’instaurer un recours de plein droit suspensif contre les décisions de renvoi vers les autres États membres de l’Union européenne. Le recours proposé sera similaire aux recours contre les OQTF.

M. le président. L'amendement n° 187, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

I. - Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 est ainsi rédigé :

« Cette décision qui n’a pas été contestée devant le président du tribunal administratif dans les délais prévus à l'article L. 531-5 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office. »

II. - Après l'article L. 531-4, il est inséré un article L. 531-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-5. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision prévue à l'article L. 531-1 du présent code peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, au président du tribunal administratif.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement.

« Par dérogation au précédent alinéa, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. La décision ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif.

« Si la décision est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement s’inscrit dans la même perspective que l’amendement n° 406 rectifié ter.

En application de la convention de Schengen ou de la procédure Dublin, lorsqu’un étranger est admissible dans un autre État européen, il fait l’objet d’un arrêté de réadmission fondé sur les articles L. 531-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Contrairement aux OQTF et aux APRF, que ce projet de loi entend au passage fusionner, de tels arrêtés ne peuvent pas faire l’objet d’un recours suspensif.

Or l’intéressé peut établir des craintes de mauvais traitements dans ce pays européen. Les demandeurs d’asile renvoyés en Grèce – cela a déjà été évoqué – ou détenus dans des pays comme Malte en sont les exemples les plus frappants.

Ainsi, le Conseil d’État a suspendu par une ordonnance de référé-liberté du 20 mai 2010 un renvoi vers la Grèce de demandeurs d’asile palestiniens qui avaient été maltraités dans ce pays. Mais une telle procédure n’est pas très accessible.

De même, lors d’une audience de grande chambre le 1er septembre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme a examiné la situation des demandeurs d’asile en Grèce.

Il s’agit donc d’anticiper la refonte du règlement Dublin II, en projet, et de nous soustraire à la menace d’une condamnation par la Cour en instaurant un recours suspensif contre les arrêtés de réadmission similaire aux recours contre les refus d’entrée au titre de l’asile, c'est-à-dire avec un délai de quarante-huit heures pour saisir la juridiction, qui a soixante-douze heures pour statuer.

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié ter, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Cette décision peut être exécutée d'office, si elle a pu être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de trente jours suivant sa notification, et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une annulation. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’irai dans le même sens que les deux orateurs précédents.

Cet amendement consiste à introduire un recours suspensif de plein droit contre les arrêtés de remise à un autre État européen.

En effet, lorsqu’un étranger est admissible dans un autre État européen, en application de la convention Schengen ou de la procédure Dublin, il fait l’objet d’un arrêté de réadmission fondé sur les articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’introduction d’un recours suspensif de plein droit répond à une exigence de conformité à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à la jurisprudence.

En effet, le 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt de grande chambre condamnant conjointement la Grèce et la Belgique pour violation du droit au recours effectif en considérant que « l’effectivité d’un recours au sens de l’article 13 demande impérativement un contrôle attentif par une autorité nationale, un examen indépendant et rigoureux de tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3, ainsi qu’une célérité particulière ; il requiert également que les intéressés disposent d’un recours de plein droit suspensif ».

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission émettra le même avis sur les amendements nos 406 rectifié ter, 187 et 14 rectifié ter.

Ces amendements, notamment l’amendement n° 406 rectifié ter, tendent à prévoir que les recours administratifs contre les décisions de réadmission dans un autre État européen prononcées en vertu des articles L. 531-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont un caractère suspensif.

En effet, les requêtes en annulation à l’encontre de ces décisions de réadmission dans d’autres pays de l’Union européenne visant des ressortissants de pays tiers, demandeurs d’asile ou non, ne sont pas suspensives de plein droit.

Certes, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt du 6 mars 2008, ces décisions peuvent faire l’objet d’un référé-suspension, selon les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. En outre, s’agissant des demandeurs d’asile, le règlement Dublin II n’impose pas de recours suspensif.

Toutefois, alors que la Cour européenne des droits de l’homme semblait auparavant reconnaître le bien-fondé de tels arguments, un arrêt du 21 janvier dernier semble clairement impliquer que ce type de procédures n’est pas suffisant pour assurer un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment parce qu’il ne permet pas réellement d’évaluer, dans le cas d’un demandeur d’asile, si la personne ne risque pas d’être soumise à des traitements inhumains ou dégradants dans le pays où elle est réadmise.

Il est sans doute nécessaire d’avancer sur le sujet. Il faut encore réfléchir pour élaborer un dispositif équilibré.

Quoi qu’il en soit, la commission des lois émet un avis de sagesse sur ces trois amendements, dont l’objet est similaire. Néanmoins, dans l’hypothèse où le Sénat déciderait d’en adopter un, la commission donnerait plutôt la préférence à l’amendement n° 406 rectifié ter, qui est le plus complet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous l’avons bien compris, les auteurs de ces trois amendements souhaitent compléter le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par une disposition instituant un recours suspensif de plein droit sur les mesures de réadmission « Dublin ».

À cet égard, je souhaite procéder à quelques rappels.

Tout d’abord, la remise des demandeurs d’asile, dite « remise Dublin », correspond à une logique non pas d’éloignement, mais de coopération entre États s’accordant une confiance mutuelle.

Ensuite, et je reprends les propos de M. le rapporteur, le Conseil constitutionnel a validé l’absence de recours suspensif en 1993.

En outre, les auteurs des amendements ont fait allusion à une ordonnance de référé du Conseil d'État, qui a suspendu le renvoi en Grèce. C’est donc la preuve que le dispositif fonctionne. Pour autant, le référé n’est pas suspensif.

Néanmoins, le Gouvernement a évidemment pris acte de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 janvier dernier et de ses attendus sur l’effectivité des recours. Cette décision fait actuellement objet d’une expertise très active, aux termes de laquelle il reviendra au législateur de se prononcer s’il y a effectivement lieu à réforme sur cette question, dont l’importance évidente exclut une proposition hâtive.

Vous comprendrez que, dans de telles circonstances, il soit impossible de soutenir ces trois amendements.

Le Gouvernement émet donc un avis fermement défavorable sur les amendements nos 406 rectifié ter, 187 et 14 rectifié ter.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l’amendement n° 406 rectifié ter.

M. Richard Yung. Le point dont nous débattons est extrêmement intéressant, et je remercie M. le rapporteur de la position qu’il vient de prendre, ménageant une certaine possibilité de choix entre les amendements.

Pour notre part, nous soutenons évidemment l’amendement n° 406 rectifié ter.

La décision de la Cour européenne des droits de l’homme est importante.

M. Richard Yung. En réalité, elle est frappée au coin de bon sens, ce qui devient plus en plus rare…

La Cour européenne des droits de l’homme a pris acte du fait que certains pays, notamment la Grèce, n’offrent pas du tout les conditions convenables minimales d’accueil des demandeurs du droit d’asile.

Dans un certain nombre de cas, les centres de rétention ont été supprimés. Dès lors, les personnes qui sont renvoyées sont simplement lâchées près de la frontière turque !

C'est la raison pour laquelle l’adoption de l’amendement n° 406 rectifié ter nous paraît non seulement fondée juridiquement, mais aussi justifiée humainement !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je remercie M. le rapporteur de s’en remettre à la sagesse du Sénat ; cela prouve qu’il entend tout de même certains arguments…

À mon sens, nous serions avisés de nous placer plutôt du côté de ceux qui offrent le plus de possibilités de recours et de droits. En clair, nous devrions suivre la Cour européenne des droits de l’homme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 406 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34, et les amendements nos 187 et 14 rectifié ter n’ont plus d’objet.

Articles additionnels après l’article 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 36

Article 35

(Non modifié)

Le second alinéa de l’article L. 513-3 du même code est ainsi rédigé :

« Le recours contentieux contre la décision fixant le pays de renvoi n’est suspensif d’exécution, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 512-3, que s’il est présenté en même temps que le recours contre l’obligation de quitter le territoire français ou l’arrêté de reconduite à la frontière qu’elle vise à exécuter. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 68 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 188 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 68 rectifié.

M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à supprimer l’article 35, en parfaite coordination avec les positions qui ont été les nôtres sur les articles précédents.

Par ailleurs, monsieur le ministre, l’article 35 prévoit que « le recours contentieux contre la décision fixant le pays le pays de renvoi n’est suspensif d’exécution […] que s’il est présenté en même temps que le recours contre l’obligation de quitter le territoire français ou l’arrêté de reconduite à la frontière qu’elle vise à exécuter ». Que signifient ici les termes « en même temps » ? Les deux recours contre ces deux décisions doivent-ils engagés le même jour ? Doivent-ils faire l’objet d’un même acte de procédure ? Cette précision n’est manifestement pas dans le texte.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 188.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit d’un amendement de coordination. Nous demandons la suppression de cet article pour exprimer clairement notre opposition à la réforme du contentieux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer un article de pure coordination. La commission des lois a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Défavorable !

Pour répondre à la question de M. Mézard, « en même temps » signifie qu’il doit s’agir d’un acte unique.

M. le président. Cette précision sera consignée au procès-verbal et servira à l’interprétation de la loi.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 rectifié et 188.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 35.

(L'article 35 est adopté.)

Article 35 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Articles additionnels après l'article 36

Article 36

(Non modifié)

I. – À l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, les mots : « litiges relatifs aux » sont remplacés par les mots : « recours en annulation dont le tribunal administratif est saisi en application du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et sur ceux formés contre les ».

II. – Le chapitre VI du titre VII du livre VII du même code est ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Le contentieux des obligations de quitter le territoire français et des arrêtés de reconduite à la frontière

« Art. L. 776-1. – Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les obligations de quitter le territoire français, les décisions relatives au séjour qu’elles accompagnent, les interdictions de retour sur le territoire français et les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application de l’article L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile obéissent, sous réserve des articles L. 514-1, L. 514-2 et L. 532-1 du même code, aux règles définies par les articles L. 512-1, L. 512-3 et L. 512-4 dudit code.

« Art. L. 776-2. – Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les décisions fixant le pays de renvoi qui accompagnent les obligations de quitter le territoire français et les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application de l’article L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile obéissent aux règles définies par l’article L. 513-3 du même code. » – (Adopté.)

Article 36
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Article 37 (Supprimé)

Articles additionnels après l'article 36

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 189 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L'amendement n° 372 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« L'étranger peut également exercer un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision. Le recours devant le tribunal administratif est prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 189 rectifié.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’absence de prorogation du délai de recours contentieux en cas d’introduction d’un recours administratif gracieux ou hiérarchique a été prévue par la loi du 24 juillet 2006 et est dérogatoire au droit commun du contentieux.

Les recours administratifs suspensifs offrent l’avantage de régler une partie des litiges à l’amiable en permettant de saisir directement l’autorité qui a pris la décision de rejet. Les refus ne donneraient dès lors plus systématiquement lieu à un recours contentieux, ce qui aurait pour conséquence d’éviter l’engorgement des tribunaux administratifs.

Par ailleurs, le principe d’un recours administratif non suspensif combiné avec un délai de trente jours pour introduire un recours devant le tribunal administratif est particulièrement préjudiciable à l’étranger. Ce dernier ne dispose, en effet, que d’un temps très bref pour organiser sa défense.

Les délais sont d’autant plus difficiles à tenir que le nombre de décisions administratives à contester est beaucoup plus important qu’auparavant, ce qui entraîne une complexification indéniable du contentieux des étrangers.

La conséquence directe est que nombre d’étrangers se retrouveront dans l’impossibilité de contester leur OQFT dans les temps et pourront donc être éloignés sans qu’un juge ait pu examiner leur situation.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 372 rectifié.

M. Claude Domeizel. Nous revenons à la charge sur une proposition qui a été présentée dans l’après-midi par mon collègue Claude Bérit-Débat.

En droit des étrangers, le recours administratif, qu’il soit gracieux ou hiérarchique, ne suspend pas le délai contentieux.

Ce régime est dérogatoire au droit commun. Il est particulièrement défavorable aux migrants visés par une mesure d’éloignement, qui, je le rappelle, doivent introduire un recours devant le tribunal administratif dans un délai de trente jours, délai d’autant plus court que les étrangers peuvent être amenés à contester un nombre très important de décisions administratives.

L’absence de prorogation du délai contentieux en cas d’introduction d’un recours administratif pousse donc la plupart des étrangers à saisir directement le juge administratif.

Cette situation est regrettable, car les recours administratifs présentent l’avantage de pouvoir régler une partie des litiges « à l’amiable » en saisissant directement l’autorité qui a pris la décision défavorable au migrant.

J’ajoute, par ailleurs, que le Conseil d’État, dans un rapport de 2008, a préconisé l’instauration de recours administratifs préalables obligatoires à l’encontre de certains types de décisions en matière de droit des étrangers.

En outre, l’extension des recours administratifs préalables permettrait, ce qui n’est pas négligeable, de désengorger les juridictions administratives dans la mesure où les décisions administratives d’éloignement ne donneraient plus systématiquement lieu à un recours contentieux.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de permettre aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement d’exercer un recours administratif préalable qui suspendrait le délai contentieux.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette précision est d’ordre réglementaire.

Par ailleurs, le Conseil d’État a jugé dans une décision du 11 juillet 2007 que, en raison de l’intérêt qui s’attache au règlement rapide de la situation des étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le délai d’un mois est suffisant.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 189 rectifié et 372 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 190 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

« 1º Donner acte des désistements ;

« 2º Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ;

« 3º Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

« 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsqu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

« 5º Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou la charge des dépens ;

« 6º Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'État statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'État en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

« 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés.

« Les présidents des cours administratives d'appel et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel et les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1º à 6º. Ils peuvent, de même, annuler une ordonnance prise en application des 1º à 5º à condition de régler l'affaire au fond par application de l'une de ces dispositions. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il nous paraît essentiel de modifier, en introduisant un nouvel article dans le CESEDA, le dispositif prévu actuellement par le 7° de l’article R 222-1 dudit code, car il instaure clairement une justice à double vitesse ainsi qu’une discrimination flagrante pour les personnes qui ne sauront pas rédiger convenablement leur recours et qui n’auront pas eu la possibilité de se faire assister dans la rédaction de leur requête.

Au regard de la technicité de ce contentieux, on ne peut faire porter la responsabilité d’une requête mal rédigée et mal argumentée sur l’administré, pour qui cette procédure est souvent incompréhensible.

Il est également essentiel de modifier le dispositif de non-mise en demeure instauré par le 4° de ce même article afin de laisser une possibilité aux intéressés de régulariser leur demande.

Les conséquences pour les personnes n’ayant pas, par méconnaissance, respecté une règle de fond ou de forme et qui voient, de ce fait, rejeter leur requête au tri, sans aucune mise en demeure préalable, sont totalement disproportionnées. Je pense, par exemple, au fait d’avoir oublié de fournir les pièces en quatre exemplaires, cas assez fréquent.

Par ailleurs, certains éléments de preuve sont parfois longs à rechercher et le délai de recours imparti aux personnes est beaucoup trop court.

M. le président. L'amendement n° 191 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

« 1º Donner acte des désistements ;

« 2º Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

« 3° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent. Il vise à mieux tenir compte de la complexité des procédures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit de dispositions d’ordre réglementaire. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 2

Dispositions relatives au contentieux judiciaire

Articles additionnels après l'article 36
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Articles additionnels après l'article 37

Article 37

(Supprimé)

M. le président. L’article 37 a été supprimé par la commission.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article prévoyait de reculer de deux à cinq jours l’intervention du juge judiciaire dans la procédure d’éloignement.

Nous l’avons souvent souligné au cours du débat, selon le Conseil constitutionnel, la rétention administrative doit être placée sous le contrôle du juge en vertu de l’article 66 de la Constitution, qui fait de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle.

Actuellement, l’étranger en instance d’expulsion est présenté successivement au juge des libertés et de la détention puis au juge administratif. Le juge des libertés et de la détention intervient donc dans un délai de quarante-huit heures avant le juge administratif.

Or le Gouvernement tient absolument à inverser le déroulement actuel des recours pendant la rétention. Cette réforme de la procédure d’expulsion est, pour lui, l’une des bases du projet de loi.

Le texte initial prévoyait donc de repousser de quarante-huit heures à cinq jours le contrôle de la rétention par le juge des libertés et de la détention. Le juge administratif serait intervenu dans un délai de cinq jours et, au terme de ce délai seulement, le juge des libertés aurait pu décider de prolonger ou non la rétention.

Cette inversion, qui entraîne donc un allongement considérable du délai de privation de liberté avant toute intervention du juge judiciaire, a été votée par l’Assemblée nationale.

Sur l’initiative des sénateurs socialistes, la commission des lois du Sénat s’est cependant opposée à la mesure en décidant d’en revenir à ce qui prévaut actuellement : d’abord intervient le juge des libertés et de la détention, et ensuite seulement le juge administratif.

La commission a, en effet, estimé que l’intervention de l’autorité judiciaire était une nécessité constitutionnelle et a adopté l’amendement en ce sens de notre collègue Richard Yung.

À travers cet amendement, le contrôle de la légalité de la rétention par un juge du siège, indispensable au rétablissement des droits, avait été réintroduit.

C’était sans compter, cependant, l’entêtement du Gouvernement et celui de certains de nos collègues, dont M. le rapporteur, qui s’est déclaré, à titre personnel, favorable à ce dispositif.

L’un des motifs officiels serait la clarification, l’enchevêtrement des procédures administrative et judiciaire rendant – paraît-il – de nombreuses mesures d’éloignement quasi inexécutables.

L’étranger, nous dit-on également, pourra toujours déposer un référé-liberté auprès du juge administratif pour être remis en liberté.

En réalité, le vrai motif est que la politique suivie par le Gouvernement, la politique du « chiffre », toujours elle, qui ne change rien en profondeur, mais qui complique la vie de beaucoup de personnes et oblige les policiers à accomplir un travail qu’ils apprécient de moins en moins – nous le savons par leurs syndicats –, serait mise à mal par les juges des libertés et de la détention, suspectés d’ordonner trop souvent des remises en liberté pour non-respect des procédures.

Comme s’il n’était pas important que les procédures soient respectées !

Si l’intervention du juge des libertés et de la détention est repoussée à cinq jours, les étrangers risquent d’être expulsés avant même d’avoir été présentés à un juge judiciaire. Le report de l’intervention du juge des libertés et de la détention chargé, notamment, de contrôler la régularité des procédures permettra d’éloigner très rapidement des étrangers.

Le juge administratif va pouvoir, ainsi, juger du bien-fondé d’une privation de liberté alors que la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel assigne cette compétence au juge judiciaire dont le contrôle doit intervenir « dans le plus court délai possible » ou « dans les meilleurs délais », c'est-à-dire certainement pas au bout de sept jours !

Pour le groupe socialiste, rétablir l’ordre des interventions de l’un et de l’autre juge ne constitue pas une mesure de défiance à l’égard du juge administratif, dont nous apprécions le travail dans le sens de la défense des libertés, mais vise à rappeler le rôle prépondérant du juge des libertés et de la détention, chargé de se prononcer sur le principe de l’incarcération, constitutionnellement garant de la liberté individuelle, qui est une exigence dans un État civilisé.

Les juges administratifs, qui seront en grève le 10 février prochain pour manifester leur opposition à ce texte et pour d’autres raisons, notamment pour dénoncer le manque de moyens, ne sont pas non plus ravis de cette « inversion ». Ils craignent d’être débordés, cette mesure, indiquent-ils, « impliquant une intervention beaucoup plus rapide – quarante-huit à soixante-douze heures – et plus fréquente du juge administratif, qui va non seulement entraîner une surcharge de travail très importante, mais également désorganiser significativement les juridictions puisqu’il est acquis qu’aucun renfort ne leur sera accordé pour la mettre en œuvre ».

La situation des tribunaux administratifs est semblable à celle de tous les tribunaux en France : manque de moyens, de greffiers, de matériels, de photocopieuses, d’ordinateurs. Nul n’ignore le délabrement considérable dans lequel se trouve le système judiciaire français.

Pour conclure, retarder l’intervention du juge judiciaire représenterait un profond recul, de nombreux étrangers pouvant, pendant ce délai de cinq jours, être reconduits à la frontière, même s’ils ont fait l’objet d’une procédure irrégulière que seul le juge judiciaire aurait pu apprécier et annuler.

Ainsi l’étranger en séjour irrégulier, comme le fait observer la Commission nationale consultative des droits de l’homme, disposerait-il de moins de garanties que la personne suspectée du plus grave des crimes. Celle-ci, dès qu’elle est placée en garde à vue, voit cette mesure contrôlée par le procureur de la République et la décision de prolonger sa privation de liberté au-delà de quarante-huit heures est prise par un magistrat du siège.

C’est dire à quel point le rétablissement de l’article 37 serait préjudiciable à la liberté et aux droits élémentaires des étrangers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous voici parvenus à un moment décisif de la discussion de ce projet de loi. Nous sommes à nouveau placés devant un choix qui sera lourd de conséquences.

Monsieur le président, la presse a relevé que le Sénat s’honorait d’être le défenseur des libertés. Quelques interrogations se sont pourtant fait jour, ici ou là : le Sénat continuera-t-il à jouer ce rôle ? Oui, je le sais, car telle est sa raison d’être !

Lors de l’examen de ce projet de loi, nous avons vécu un premier moment important, lorsqu’a été abordée la question de la déchéance de la nationalité ; nous avons connu un deuxième moment très important, lorsque nous avons refusé de réduire l’accès des étrangers à la médecine, dans des conditions qui auraient placé des êtres humains en situation très difficile ; nous abordons maintenant la question du délai d’intervention du juge judiciaire. Mes chers collègues, vous savez que le vote qui sera émis ce soir aura des conséquences non négligeables.

Lors de l’examen de l’article 30, un vote a déjà été émis ; la conséquence logique de ce vote serait que l’article 37 ne fût pas rétabli.

Il n’aura échappé à personne que la commission des lois, comme l’a excellemment rappelé notre collègue Louis Mermaz, a d’abord refusé, sur l’initiative de Richard Yung, d’adopter cet article et qu’elle a confirmé sa position en rejetant, lors de sa dernière réunion, un nouvel amendement tendant à le rétablir.

La question est donc de savoir si, ce soir, le Sénat désavouera sa commission des lois. J’espère qu’il ne le fera pas.

Je souhaite également rappeler un élément que j’ai déjà évoqué lors de la discussion générale, mais qui me paraît important.

Le juge constitutionnel est très clair : il a toujours considéré comme inconstitutionnel le maintien en détention pendant sept jours sans intervention du juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel rappelait alors que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».

Le plus court délai possible est celui qui est pratiqué aujourd’hui, à savoir quarante-huit heures, et aucune justification ne permet de l’allonger. Si le Sénat le faisait, il se placerait en contradiction avec la Constitution – je viens d’expliquer pourquoi : l’analyse du Conseil constitutionnel s’impose aux pouvoirs publics –, mais aussi avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui, dans son article 5, énonce de manière très précise : « Toute personne arrêtée ou détenue […] doit être aussitôt » – l’adverbe n’est pas indifférent ! – « traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer les fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure ».

Je souscris, bien sûr, aux propos de Louis Mermaz relatifs au malaise des magistrats de l’ordre judiciaire – tout le monde est au courant ! – ou à l’inquiétude des magistrats de l’ordre administratif – selon eux, si l’article 37 était voté dans sa rédaction d’origine, son application se heurterait à d’énormes problèmes de moyens.

Ces considérations doivent naturellement être prises en compte, mais, au-delà de la question des moyens, se pose la question du principe : une personne privée de liberté, dans la République française, a le droit d’avoir accès à un juge le plus vite possible ! Vouloir différer l’intervention du juge n’est pas justifiable et pose un problème de respect des libertés fondamentales.

Mes chers collègues, j’ai vraiment confiance dans le vote que le Sénat émettra ce soir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’associe aux excellents propos que viennent de tenir mes collègues.

Évidemment, la position du juge constitutionnel n’a pas échappé à notre commission et c’est la raison pour laquelle elle a supprimé l’article 37 de ce projet de loi.

À l’heure actuelle, le Gouvernement est dans l’obligation de modifier la législation relative à la garde à vue, car l’absence, dès la première heure, d’un défenseur aux côtés d’une personne retenue, c’est-à-dire privée de liberté, n’est pas conforme aux principes fondamentaux de notre droit.

De même, notre système judiciaire est critiqué, puisque le juge chargé de contrôler la garde à vue n’est pas indépendant de l’exécutif, au sens où l’on entend communément cette indépendance.

Or le Gouvernement et sa majorité manifestent une très grande réticence à admettre que notre système de contrôle de la privation de liberté n’est pas conforme aux droits élémentaires de la personne, qu’il s’agisse du respect des droits de la défense ou de l’intervention d’un juge indépendant.

Si le Sénat devait adopter l’amendement déposé par M. Longuet, qui s’est empressé de proposer le rétablissement de l’article 37, nous irions de nouveau, cette fois en matière de rétention, à l’encontre des règles communément admises dans le domaine du contrôle de la privation de liberté. De plus, nous manifesterions, à l’égard des étrangers, la volonté de violer allègrement les principes fondamentaux relatifs à la garantie des droits de la défense, d’une part, et au respect des droits des personnes privées de liberté, d’autre part.

Nous devrions donc avoir la sagesse, comme nous l’avons fait tout à l’heure, lors de la discussion de l’article 30, de nous conformer le plus possible à la formule qui préserve un minimum de garanties dans le contrôle de la privation de liberté. Il me paraîtrait tout à fait déplorable de forcer les principes comme le Gouvernement tente de le faire.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Longuet, Nègre et Demuynck, Mme Dumas et MM. Courtois, J. Gautier, César et Garrec, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article L. 552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « de quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « de cinq jours » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « Il statue » sont remplacés par les mots : « Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ».

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Je n’aurai pas la prétention, à cet instant, de retracer l’histoire républicaine de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. Depuis 1790, ces deux ordres sont séparés et la République ne s’en est pas plainte.

Le code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile est de nature administrative et les services chargés de son application sont placés sous le contrôle du juge administratif. Le droit français a toujours reconnu à l’autorité administrative, dans des cas limités mais parfaitement définis, la possibilité de prendre des décisions entraînant des mesures privatives de liberté, en l’occurrence, s’agissant d’un étranger qui demande l’accès au territoire et dont la situation devrait être vérifiée, une mesure de rétention.

Le Conseil constitutionnel, reprenant une jurisprudence relative au rôle du juge judiciaire gardien des libertés, estime impensable qu’un juge judiciaire n’intervienne point dans un délai d’au moins sept jours. Il ne porte pas d’autre jugement et donne la possibilité à l’administration d’exercer sa responsabilité.

Je propose donc, en déposant cet amendement, de permettre à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge administratif, d’assurer une mission de service public au bénéfice de la collectivité tout entière.

Cette initiative s’inspire des conclusions de la commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien parlementaire et juge de l’ordre judiciaire, qui avait su parfaitement restituer, dans ses propositions, la distinction entre le rôle de l’autorité administrative, placée sous le contrôle du juge administratif, et le rôle du juge judiciaire, qui peut être saisi au-delà d’un délai de cinq jours. Mais à quoi servirait-il de donner des responsabilités à l’autorité administrative, placée sous le contrôle du juge administratif, si les décisions de cette autorité étaient contrecarrées, dans les faits, par des décisions judiciaires ? Ces dernières décisions sont d’ailleurs d’une autre nature, puisqu’elles portent sur le principe de la rétention et non sur l’application du droit d’accueil.

Nous risquerions donc d’aboutir à des situations d’une grande complexité, sources de contradictions incompréhensibles, à la fois pour les malheureux qui sont candidats à l’accueil et, le cas échéant, pour ceux qui veulent les défendre ou les soutenir.

C’est la raison pour laquelle, en déposant cet amendement qui tend à rétablir l’article 37, je ne fais que marcher dans les pas d’un juriste éminent, Pierre Mazeaud, et restituer leurs responsabilités respectives aux autorités administrative et judiciaire.

L’autorité administrative est placée sous le contrôle du Conseil d’État, tout aussi respectueux de la liberté individuelle que le juge judiciaire – la jurisprudence du Conseil d’État le prouve, et vous le savez ! Nous voulons ensuite donner au juge judiciaire la possibilité d’examiner les situations individuelles, au terme d’un délai de cinq jours qui permet à l’administration de fonctionner, car c’est elle qui doit faire appliquer ce code. Ma démarche vise donc un objectif de clarification.

Je comprends parfaitement les oppositions, mais nous devons faire fonctionner un système, dans un pays où le juge administratif est un juge à part entière, placé sous l’autorité du Conseil d’État, juridiction ô combien exigeante et responsable en matière de respect de la liberté individuelle.

Nous ne pouvons pas accepter ce procès d’intention qui est instruit contre l’amendement de rétablissement : ne pas le voter reviendrait à désorganiser le fonctionnement d’un service qui travaille au bénéfice de la collectivité nationale tout entière, et d’abord des étrangers en situation régulière, qui sont les premières victimes de l’entrée d’étrangers en situation irrégulière. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous abordons, en cet instant, un sujet important qui touche au cœur même de ce projet de loi.

Le présent amendement, défendu par notre collègue Gérard Longuet, tend à rétablir les dispositions l’article 37 qui prévoient le report à cinq jours de l’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention, au lieu des quarante-huit heures de notre droit positif. Cet amendement est solidaire de la rédaction initiale de l’article 30, qui autorisait le préfet à placer un étranger en rétention pour une durée de cinq jours.

Au stade de l’examen en commission, en qualité de rapporteur, je n’ai pas proposé la suppression de cet article. En effet, j’avais estimé qu’il allait dans le sens d’une meilleure administration de la justice, notamment en permettant de bien distinguer le contentieux administratif du contentieux judiciaire et en créant un véritable recours en urgence contre la décision administrative de placement en rétention.

Cette meilleure séparation des deux contentieux est conforme aux préconisations du rapport Mazeaud, qui analysait les nombreux dysfonctionnements du système actuel et montrait que le statu quo en la matière n’était pas tenable.

La manière la plus efficace de résoudre ces problèmes aurait consisté, certes, à unifier les contentieux judiciaire et administratif, mais une telle unification, je le dis clairement, est impossible sans une révision constitutionnelle.

M. Gérard César. Bien sûr !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dès lors, la solution proposée à l’article 37 du projet de loi m’était apparue comme certes peut-être imparfaite à certains égards, puisqu’elle reporte à cinq jours l’intervention du seul juge compétent pour vérifier la régularité de la privation de liberté, mais tout de même nettement préférable au statu quo.

La commission a toutefois supprimé cet article, estimant qu’un tel report présentait un risque d’inconstitutionnalité, en privant l’étranger de recours contre les conditions de sa privation de liberté – interpellation, garde à vue, notification et exercice des droits garantis par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – pendant un délai trop long.

De quels repères disposons-nous en la matière ?

En 1980, le Conseil constitutionnel a estimé qu’une durée de sept jours de rétention sans contrôle de l’autorité judiciaire était excessive, en arguant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».

Par ailleurs, il a validé en 1997 une saisine du juge judiciaire au bout de quarante-huit heures, au lieu de vingt-quatre heures, pour prolonger la rétention.

Enfin, il n’a pas eu à se prononcer sur le délai de quatre-vingt-seize heures en zone d’attente fixé par le législateur en 1992. En outre, il a considéré que la contrainte exercée en zone d’attente est moindre que celle qu’implique la rétention.

Au total, que disent ces décisions ?

Elles indiquent seulement qu’un délai de quarante-huit heures n’est pas contraire au principe du plus court délai possible, alors qu’un délai de sept jours est excessif.

Comme je l’ai déjà signalé, la commission a toutefois estimé que le délai de cinq jours présentait un risque d’inconstitutionnalité et a maintenu la suppression de l’article 37 du projet de loi.

Notre collègue Louis Mermaz l’a très justement rappelé tout l’heure et je le répète, j’étais personnellement hostile à la suppression de l’article 37. Toutefois, la commission, dont je suis ici le porte-parole, a émis un avis défavorable sur l’amendement qui vient d’être présenté par M. Longuet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. L’article 37 constitue un point central de la réforme des procédures et contentieux de l’éloignement des étrangers. Il vise, au nom de la bonne administration de la justice, à mettre fin à l’enchevêtrement actuel des procédures, lié au fait que deux juges ont à intervenir en même temps, dans le respect de la compétence constitutionnelle des ordres de juridiction : pour les décisions administratives, le juge administratif ; pour la privation de liberté, le juge judiciaire.

Actuellement, le juge des libertés et de la détention statue avant le juge administratif, qui doit rendre sa décision au plus tard cinq jours après le placement en rétention : quarante-huit heures de délai pour engager le recours, soixante-douze heures de délai pour juger.

L’ordre d’intervention actuel du juge administratif et du juge judiciaire crée régulièrement des situations absurdes. Ainsi, il arrive qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger sur le fondement d’une mesure d’éloignement qui sera annulée postérieurement par le juge administratif. La rétention n’est que la conséquence logique d’une décision de reconduite à la frontière : il est donc rationnel de vérifier la légalité de la mesure de reconduite à la frontière avant d’examiner si la rétention est justifiée.

La réforme vise à mettre fin aux situations dans lesquelles un juge des libertés et de la détention peut être conduit à se prononcer sur la prolongation d’une mesure de privation de la liberté, alors même que la légalité de la décision ordonnant celle-ci est contestée et peut être annulée par le juge administratif pendant la rétention de l’étranger.

Elle permettra en outre d’avoir un véritable contrôle sur la décision administrative de placement en rétention par le juge administratif, juge naturel des décisions de l’administration. La directive Retour elle-même impose un contrôle juridictionnel effectif sur la décision de placement en rétention dès le début de celui-ci.

Comme M. Longuet l’a expliqué, la réforme suit en réalité les préconisations du rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, qui a dénoncé l’enchevêtrement des procédures.

Cinq jours est un délai strictement nécessaire pour permettre au juge administratif de statuer sereinement, mais rapidement. Quarante-huit heures est le délai minimum au nom du droit pour former un recours effectif. Le juge administratif disposera de soixante-douze heures, à compter de la saisine, pour examiner en urgence la légalité de cinq décisions, portant sur l’obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire, le pays de renvoi, l’interdiction de retour et le placement en rétention. À l’heure actuelle, il bénéficie du même délai pour statuer sur deux ou trois points seulement : l’obligation de quitter le territoire français ou l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, le pays de renvoi, très rarement le placement en rétention.

C’est pour cette raison, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement présenté par M. Longuet et vous invite à l’adopter.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Ce débat est à mon sens le plus important de la discussion de ce projet de loi. La question de la déchéance de la nationalité, si elle présentait un grand intérêt, avait surtout une portée médiatique : il s’agissait d’amuser la galerie… Ici, nous touchons aux principes fondamentaux, à l’organisation des pouvoirs publics et de la justice en France.

Voilà pourquoi ce débat est important. Je crois d’ailleurs que le Sénat le considère comme tel, puisqu’il mène une discussion de fond, faisant apparaître des lignes de fracture différentes des clivages politiques habituels.

Jusqu’à présent, le juge des libertés et de la détention intervenait avant le juge administratif. Le rapport Mazeaud, sans formuler de recommandations particulières en la matière, indique qu’une inversion de cet ordre pourrait être envisagée.

Quoi qu’il en soit, il est clair que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relève du juge administratif, tandis que le juge des libertés et de la détention est le garant des libertés fondamentales. Certains d’entre nous donnent la priorité au respect du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et estiment donc que le juge administratif doit intervenir en premier, tandis que d’autres, dont nous sommes, considèrent, au nom des principes fondamentaux de la République et des libertés fondamentales, que l’intervention du juge des libertés et de la détention est plus essentielle encore : c’est probablement là une ligne de fracture qui scinde notre assemblée.

Par ailleurs, alors que, selon le Conseil constitutionnel, un délai de sept jours est excessif, on nous propose de prévoir un délai de cinq jours, auquel s’ajoutent les vingt-quatre heures accordées au juge des libertés et de la détention pour prendre sa décision, soit un total de six jours…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Philippe Richert, ministre. C’est faux !

M. Richard Yung. Cette proposition semble donc avoir été pesée au trébuchet, pour satisfaire a minima aux observations du Conseil constitutionnel.

Pour notre part, nous ne sommes pas disposés à prendre de risque en la matière : un délai de cinq ou de six jours nous semble excessif, le délai actuel de deux jours étant à nos yeux tout à fait raisonnable.

J’observe enfin que ce débat de fond ne peut être abstrait du contexte politique dans lequel il s’inscrit. Les attaques répétées contre les juges, la mise en cause de leur travail ou de leur prétendu laxisme auxquelles nous assistons actuellement pourraient entraîner l’opinion publique à penser qu’il s’agit au fond, dans cette affaire, de marquer de la défiance envers les juges, de les « punir »… Même s’il n’y a aucune raison de penser que vous considériez différemment le juge administratif et le juge judiciaire, c’est bien ce message politique que vous avez essayé de faire passer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Ce débat est effectivement très intéressant, et j’ai écouté avec beaucoup d’attention les explications de M. Longuet, ainsi que celles de M. le rapporteur.

La proposition avancée, qui n’a pas été validée par la commission des lois, consiste d’abord à allonger de quarante-huit heures à cinq jours la durée du placement en rétention décidé par l’autorité administrative. Il s’agit ensuite de savoir quel juge va trancher et selon quel ordre. Pour l’heure, il est tout à fait justifié d’évoquer un enchevêtrement des procédures.

M. Longuet a souligné qu’une mission de service public devait être accomplie. Je peux entendre cet argument, mais doit-on, au nom de cette mission de service public, faire évoluer dans une mesure considérable un certain nombre de nos principes fondamentaux ? Il existe manifestement une divergence d’interprétation très nette de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Pour ma part, j’ai l’habitude de lire les excellents documents qui sont élaborés au sein de cette assemblée. À la page 34 du rapport de la commission, nous trouvons un très bon exposé de la situation.

Si j’ai bien compris les explications du Gouvernement et de M. Longuet, la proposition qui nous est faite vise à conjurer le risque que le juge des libertés et de la détention autorise la prolongation d’une mesure de rétention qui serait ensuite annulée par le juge administratif.

Or, selon l’excellent rapport de la commission, « il convient toutefois de noter que ce cas est relativement peu fréquent et qu’il arrive au contraire souvent que le juge des libertés et de la détention remette un étranger en liberté du fait d’une irrégularité commise par l’administration. […] Il aurait donc sans doute fallu, pour respecter pleinement la directive, qu’un recours complet, aussi bien sur la légalité de la procédure de placement en rétention que sur la légalité de la mesure de rétention elle-même, pût être exercé en urgence. » Un peu plus loin, en caractères gras, le texte se poursuit en ces termes : « Or, l’intervention de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, est ici une nécessité constitutionnelle. »

On peut certes faire de l’exégèse sur la décision du 9 janvier 1980 du Conseil constitutionnel, mais, en définitive, celle-ci précise que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». En outre, le 24 avril 1997, le principe d’une saisine du juge judiciaire au terme d’un délai de quarante-huit heures, au lieu de vingt-quatre heures auparavant, a été établi.

Par conséquent – je cite toujours le rapport –, « si un délai de quarante-huit heures peut apparaître comme le délai “le plus court possible” compte tenu des difficultés matérielles liées à la présentation de chaque étranger retenu au juge des libertés et de la détention, il n’en irait pas nécessairement ainsi d’un délai de cinq jours ».

Le risque d’inconstitutionnalité retenu par la commission des lois est donc réel. Vous essayez en fait de passer en force : l’enchevêtrement des procédures est certes un véritable problème, mais ce projet de loi ne nous donne pas les moyens d’en sortir. Les évolutions proposées sont à mon sens tout à fait excessives et contraires aux principes dégagés par la jurisprudence. On pourra m’objecter que l’étranger retenu peut toujours faire un référé-liberté, mais on risque alors d’aboutir à une multiplication des procédures judiciaires.

Contrairement à ce que l’on nous dit, la solution qui nous est proposée ne représente pas la voie de la simplicité. Elle ne permettra pas de résoudre le problème de l’encombrement des tribunaux et nous fera courir un risque sur le plan constitutionnel, comme l’a très justement relevé la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. L’amendement présenté par M. Longuet pose de vraies questions et met en lumière certaines incohérences dans le traitement du contentieux des mesures d’éloignement.

Le système actuel peut effectivement aboutir à des situations peu satisfaisantes.

Il arrive que le juge administratif se prononce sur un recours alors même que l’étranger concerné n’est plus en rétention, soit parce qu’il a été libéré à la demande du juge des libertés et de la détention, soit parce qu’il a été reconduit à la frontière, de sorte que le recours est devenu sans objet.

En outre, il peut arriver qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger sur le fondement d’une mesure d’éloignement qui sera annulée postérieurement par le juge administratif.

Il est donc vrai que des incohérences existent dans le système en vigueur ; nous l’avions d’ailleurs signalé lors de l’examen de l’article 30. Pour autant, la solution proposée est-elle satisfaisante ?

Cela a été rappelé, la mise en œuvre du mécanisme qui nous est soumis retarderait largement l’intervention du juge judicaire, afin de mettre fin à l’enchevêtrement des interventions des juges administratif et judiciaire. En d’autres termes, le juge judiciaire n’interviendrait qu’après l’examen des recours devant le juge administratif.

L’étranger, qui sera à la disposition immédiate de l’administration, puisque toujours retenu, pourra donc être renvoyé sans même que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur la régularité de la procédure de son placement en rétention. Ce constat figure d’ailleurs à la page 34 du rapport de la commission.

Il nous apparaît indispensable de rappeler l’exigence posée par l’article 66 de la Constitution : le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle.

En la matière, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le délai de cinq jours proposé présente donc un risque évident d’inconstitutionnalité.

Prenons un autre exemple de mesure de privation de liberté : en matière de garde à vue, mes chers collègues, viendrait-il à l’idée de l’un d’entre nous de proposer que le contrôle d’un juge judiciaire n’intervienne qu’au terme de cinq jours ? Évidemment non !

Je ferai une dernière remarque, concernant le juge administratif. La question n’est pas tant de savoir si celui-ci a, de fait, un rôle protecteur des droits et des libertés, que de vérifier le respect des impératifs posés par l’article 66 de la Constitution. Si le juge administratif est bien un juge indépendant et protecteur, il ne fait aucun doute que seule l’autorité judiciaire peut légitimement contrôler les conditions de détention d’une personne.

Pour l’ensemble de ces motifs, le groupe de l’Union centriste n’est pas convaincu par le dispositif présenté par M. Longuet. Sa mise en œuvre entraînerait un recul important en matière de contrôle de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire, qui est pourtant une exigence constitutionnelle. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Certains propos entendus m’amènent à formuler deux observations.

Tout d’abord, on ne peut pas comparer une procédure de garde à vue, qui obéit à des règles de procédure pénale, et la procédure, liée à un droit spécifique, celui des étrangers, qui nous occupe ce soir : le fondement juridique est autre. Établir une telle comparaison est de nature à induire en erreur.

Ensuite, il a été dit que le juge des libertés et de la détention intervenant dans la procédure serait amené à rendre sa décision au-delà du délai de cinq jours : c’est une erreur ! Sa décision devra bien être rendue dans le délai de cinq jours. (M. le ministre approuve.) Si le juge des libertés et de la détention ne statue pas dans les vingt-quatre heures du cinquième jour, la personne retenue sera immédiatement remise en liberté. À l’inverse, si le juge des libertés et de la détention est saisi le troisième ou le quatrième jour et décide avant le terme du délai de cinq jours de remettre en liberté la personne retenue, cette décision s’appliquera immédiatement.

Il faut que les choses soient bien claires : le cinquième jour est véritablement une échéance butoir.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. On peut certes tout justifier, mais il me semble que certaines déclarations visent avant tout à affirmer la cohérence d’un groupe autour de postures avantageuses.

Je tiens à redire que le délai sera de cinq jours au total, et non de six ou de sept jours, comme cela a pu être affirmé à tort. Les choses sont tout à fait claires ! (M. Louis Mermaz fait un signe de dénégation.)

En outre, la procédure en question concerne non pas des personnes se trouvant en position d’accusées (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame), mais des étrangers dont on examine la situation. Ils sont placés non pas en détention, mais en rétention : ce n’est pas la même chose.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont privés de liberté !

M. Philippe Richert, ministre. Si l’amendement présenté par M. Longuet devait ne pas être adopté, le problème de l’enchevêtrement des interventions du juge administratif et du juge des libertés et de la détention ne serait toujours pas réglé. Or nous avons tous dit que la situation actuelle n’était pas satisfaisante.

Par ailleurs, j’ai entendu dire que les juges administratifs auraient trop de travail. Je rappelle, à cet égard, qu’un effort particulier est prévu dans le budget afin de remédier à cette situation. Je ne détaillerai pas les mesures inscrites dans le projet de loi de finances à ce titre, sachant bien que cela ne fera changer personne d’avis…

Contrairement à ce que certains ont affirmé, le maintien du statu quo n’offre pas nécessairement plus de garanties aux étrangers retenus. L’adoption de l’amendement n° 1 rectifié ter permettrait de donner plus de cohérence au système. Voilà pourquoi le Gouvernement y est favorable.

Chacun votera en son âme et conscience, mais finissons-en avec ces oppositions systématiques bloc contre bloc ! Un groupe peut parfois souhaiter se fédérer autour d’une position de principe, mais je ne suis pas persuadé que c’est en travaillant ainsi que nous pourrons améliorer le fonctionnement de nos institutions.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous nous expliquez en quelque sorte, monsieur le ministre, que, du fait du manque de juges et de l’impossibilité où ceux-ci se trouvent de statuer immédiatement, il faut prolonger le délai de rétention.

M. Philippe Richert, ministre. Mais non !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Au fond, cela revient à faire payer aux étrangers retenus votre incurie ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

L’étranger n’est pas un criminel, même s’il est peut-être entré de manière illégale sur notre territoire !

M. Gérard César. Ce n’est pas sérieux ! C’est n’importe quoi !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 156 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 184

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

En conséquence, l’article 37 demeure supprimé.

Article 37 (Supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 38

Articles additionnels après l'article 37

M. le président. L’amendement n° 407, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, le contrôle de titre prévu à l'alinéa précédent ne peut être fondé que sur des éléments objectifs d'extranéité déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé. »

2° Au dernier alinéa, les mots : « à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement tend à préciser les conditions dans lesquelles peut intervenir un contrôle d’identité.

Nous savons que les contrôles d’identité se fondent principalement sur l’apparence, c’est-à-dire non pas sur ce que les personnes font, mais sur ce qu’elles sont, ou plutôt sur ce qu’elles paraissent être. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat acquiesce.)

Des études de terrain ont ainsi montré que les personnes d’origine africaine ou maghrébine courent de sept à huit fois plus de risques d’être contrôlées que les « caucasiens ». Le style vestimentaire ou l’apparence sont également des facteurs déterminants à cet égard.

Je rappelle que, dans deux décisions rendues en août 1993, le Conseil constitutionnel avait réaffirmé que les contrôles d’identité devaient n’intervenir que dans des circonstances particulières et être nécessairement fondés sur des critères objectifs.

Dans sa décision du 5 août 1993, le juge constitutionnel avait formulé une réserve d’interprétation sur la loi relative aux contrôles et vérifications d’identité. Il avait également précisé que l’autorité procédant au contrôle d’identité doit toujours justifier des circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre public.

Dans sa décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel avait exprimé une autre réserve d’interprétation, portant cette fois sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, en indiquant que les contrôles d’identité doivent s’opérer « en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant […] toute discrimination de quelque nature qu’elle soit entre les personnes ».

Nous estimons que le moment est venu d’inscrire les principes dégagés par la jurisprudence constitutionnelle dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’objectif des auteurs de l’amendement n° 407 est de compléter les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives à l’obligation, pour les étrangers, d’être en mesure de présenter les documents justifiant leur droit à circuler ou à séjourner en France, en ajoutant des conditions inspirées de la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 1993.

Il s’agit de préciser que le contrôle des documents justifiant le droit à séjourner ou à circuler ne peut se fonder que sur des éléments objectifs d’extranéité.

La préoccupation des auteurs de l’amendement est sans doute légitime, mais la commission des lois s’est interrogée sur la clarté de telles dispositions. Elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. J’ai bien compris que les auteurs de l’amendement souhaitent proscrire les contrôles « au faciès », en inscrivant dans la loi que les contrôles de titre de séjour doivent se fonder sur des éléments objectifs d’extranéité déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé.

Il va de soi que les contrôles « au faciès » sont déjà proscrits. La jurisprudence de la Cour de cassation est claire : si un tel contrôle était pratiqué pour l’interpellation d’un étranger séjournant irrégulièrement en France, le juge des libertés et de la détention en tirerait des conséquences de droit, telles que l’impossibilité de prolonger la rétention.

Cela étant dit, je voudrais revenir sur certains de vos propos, monsieur Yung.

J’ai été choqué, monsieur le sénateur, que vous puissiez laisser entendre que les contrôles « au faciès » seraient monnaie courante et que nos policiers, nos gendarmes les pratiqueraient avec délectation… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit d’une attaque gratuite contre notre police et notre gendarmerie, qui font leur travail très sérieusement et souvent dans des conditions très difficiles ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a des instructions et elles sont appliquées ! Nous avons pu le vérifier, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Je souhaite réagir aux propos de M. le ministre.

Nous avons procédé à des auditions de policiers. Ces derniers, comme je l’ai déjà dit, en ont assez du travail qu’on leur demande de faire. L’un d’eux a tenu devant nous les propos suivants : « On nous demande de vider la mer avec une petite cuillère, parce que, de toute façon, les immigrés sont là. »

Certains policiers nous ont expliqué qu’on leur avait demandé d’effectuer les contrôles d’identité en tenue civile, parce que de telles opérations faisaient penser à des rafles si l’on y procédait en uniforme…

On leur avait également donné les instructions suivantes : « Il faut faire du Chinois et de l’Indien, parce qu’ils sont plus facilement reconnus par leurs consulats que d’autres. »

Enfin, les personnes auditionnées nous ont indiqué qu’on leur demandait de faire du chiffre en matière de gardes à vue, et que les commissaires de police n’atteignant pas les objectifs fixés voyaient leur carrière en pâtir.

M. Louis Mermaz. Monsieur le ministre, nous avons recueilli des témoignages directs de cet ordre. Par conséquent, j’infirme complètement vos propos et je souhaite que l’amendement présenté par notre collègue Richard Yung soit voté !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris tout à fait aux propos de Richard Yung et de Louis Mermaz et je soutiens pleinement cet amendement.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser une question.

Tout à l’heure, vous avez indiqué, s’agissant de l’amendement de M. Longuet, qu’un effort serait consenti en faveur de la justice administrative. Quelle sera la réalité de cet effort ? Je suppose qu’il portera sur l’effectif des magistrats.

Par ailleurs, M. Mercier, ministre de la justice et des libertés, affirme, dans un entretien publié ce soir dans Le Monde, qu’un effort va être accompli pour les juges d’application des peines – c’est la moindre des choses, compte tenu du contexte – et les conseillers d’insertion et de probation, ainsi que pour les greffiers. Enfin, M. Mercier déclare que les réformes nouvelles – l’instauration de jurys populaires en correctionnelle, par exemple – poseraient la question des moyens.

Monsieur le ministre, vous serait-il possible de nous dire – peut-être aurons-nous demain soir des réponses en regardant la télévision, mais il nous paraît bon que le Parlement fasse son office ! – combien de postes seront créés, pour l’année en cours, au titre de l’effort annoncé pour les juges administratifs, les juges d’application des peines, les conseillers d’insertion et de probation, les greffiers et enfin les magistrats, eu égard à l’instauration des jurys populaires en correctionnelle ? En outre, combien de postes prévoyez-vous de créer au titre du budget de 2012 ? Pour la suite, nous verrons…

En tout cas, si vous pouviez nous fournir dans les jours à venir – je comprends tout à fait qu’il vous soit impossible de le faire immédiatement – des données précises sur les mesures que vous prévoyez d’inscrire dans une loi de finances rectificative, d’une part, et dans le projet de loi de finances initiale pour 2012, d’autre part, cela permettrait d’éclairer les débats. Nous devons pouvoir mesurer la portée et la nature exactes des efforts annoncés par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Voilà des questions précises !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’associe à ces questions, que nous posons d’ailleurs nous-mêmes régulièrement. À l’heure où les personnels de la justice descendent dans la rue, il importe que le Parlement puisse débattre de la mobilisation de moyens propres à éviter la survenue de catastrophes.

En ce qui concerne les contrôles « au faciès », monsieur le ministre, M. Mermaz a bien exprimé ce que les policiers que nous avons entendus pensent du travail qui leur est demandé.

Étant une élue de Paris, je peux vous affirmer que les stations de métro « Belleville », « Porte d’Ivry », « Porte de Vitry », « Gare du Nord » sont des lieux privilégiés pour procéder à des contrôles « au faciès »… Curieusement, les policiers effectuent beaucoup moins de contrôles d’identité dans d’autres stations ! Je vous invite à aller constater cette réalité par vous-même !

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, loin de nous l’idée de critiquer notre police nationale : nous avons suffisamment dénoncé son manque de moyens et les coups portés aux services publics de notre pays.

Vos propos sont particulièrement provocateurs, dans la mesure où vous savez comme nous que certains jeunes des quartiers sont parfois contrôlés plusieurs fois par jour, par des équipes différentes, parce que les policiers se trouvent dans l’obligation de faire du chiffre, ainsi que l’a rappelé Louis Mermaz.

Ces jeunes gens sont contrôlés, alors qu’ils sont français, à cause de leur couleur de peau, de leur taux de mélanine ! Voilà pourquoi nous parlons de contrôles « au faciès ». Il ne faut pas ignorer ou minorer ces pratiques, qui existent dans notre pays.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 407.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 408, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune obligation de quitter le territoire français ne peut être délivrée à l'encontre d'un étranger consécutivement à un contrôle de titre jugé irrégulier. »

Je constate que cet amendement n’a plus d’objet.

Articles additionnels après l'article 37
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 39

Article 38

L’article L. 552-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552-2. – Le juge rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 553-1 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Il s’assure également que l’étranger n’a pas été privé de la possibilité d’exercer ses droits pour une durée excessive du fait d’un délai anormalement long entre la notification du placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. Il informe l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 192 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 409 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 192.

Mme Marie-Agnès Labarre. Les nouvelles dispositions introduites par cet article tendent à mettre les droits des étrangers entre parenthèses pendant tout le temps nécessaire, au gré de la seule administration, à leur arrivée dans un centre de rétention et à la notification de leurs droits.

Concrètement, cela signifie que les nombreux étrangers qui n’arriveront dans un centre de rétention que de longues heures après leur placement théorique dans celui-ci seront privés de leur droit de contester la mesure d'éloignement dont ils font l'objet.

De plus, la privation de liberté durant leur transfert – qui pourra donc s'étendre pendant un temps indéterminé – est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne seront applicables. De ce fait, les étrangers concernés ne seront donc plus protégés et ne jouiront d'aucun droit, ce que nous refusons.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 409.

M. Claude Domeizel. Le présent article est lié à l’article 31 du projet de loi, dont nous avons préalablement contesté les dispositions. Il vise à modifier l’article L. 552-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au détriment des personnes retenues.

En effet, s’il était adopté, serait supprimée l’obligation d’informer l’étranger de ses droits « au moment de la notification de la décision de placement » dans un centre de rétention administrative. Cette obligation serait remplacée par une disposition vague et imprécise, selon laquelle l’étranger serait informé de ses droits « dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention ».

Une telle modification serait lourde de conséquences : les droits des étrangers se trouveraient mis entre parenthèses pendant la période s’étendant de la notification de la décision de placement à l’arrivée effective au centre de rétention administrative.

En outre, sachant que le délai pendant lequel un étranger peut former un recours contre la mesure d’éloignement est de quarante-huit heures, de nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans ce dernier, seraient privés de la possibilité de contester la mesure d’éloignement dont ils font l’objet.

Le dispositif de cet article est donc une entrave au droit au recours, posé notamment par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Enfin, l’adoption de cette disposition créerait un véritable vide juridique entre le moment du placement théorique de l’étranger dans un centre de rétention administrative et celui de son arrivée effective dans ce lieu.

En effet, la privation de liberté que subissent les étrangers durant le transfert est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne sont applicables. En conséquence, les étrangers sont privés de liberté sans qu’ils puissent faire valoir leurs droits.

Dans ces conditions, il nous paraît indispensable de supprimer cet article, qui n’est pas viable juridiquement et dont le dispositif constitue une atteinte aux droits fondamentaux des étrangers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 38 est indispensable, puisqu’il détermine les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention en cas de placement en rétention.

La commission est donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 192 et 409.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Nègre, Couderc, Beaumont, Milon, Houel et Cointat, est ainsi libellé :

Alinéa 2

I. - Première phrase

Après les mots :

dans les meilleurs délais

insérer le mot :

possible

II. - Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Lors de l’examen du texte en commission des lois, celle-ci a opéré deux modifications à l'article 38.

Dans la première phrase, qui enjoint au juge des libertés et de la détention de s'assurer que l'étranger a été pleinement informé de ses droits, l'expression initiale : « dans les meilleurs délais possibles » a été amputée du mot : « possibles ».

Après la première phrase, le texte adopté par la commission des lois précise que le contrôle du juge des libertés et de la détention doit également s'exercer sur l'effectivité des droits au regard de la durée du transfert au centre de rétention.

S'il est bien entendu que ces modifications visent seulement à amender le texte pour éviter une interprétation par trop restrictive des droits de l'étranger, elles n’en risquent pas moins d'avoir un effet contraire à celui auquel tend cet effort de précision.

En effet, l'article 38 a une visée essentiellement pragmatique : il a pour objet d’engager le juge des libertés et de la détention à prendre en considération les circonstances concrètes du placement en rétention.

La suppression du mot « possibles » atténue la portée de cette réforme, qui, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation, vise à rappeler l’obligation faite au juge des libertés et de la détention d’exercer un contrôle in concreto.

Tout d’abord, l'ajout des précisions relatives au contrôle par le juge des libertés et de la détention de l’effectivité, pour l’étranger, de la possibilité de faire valoir ses droits au regard du délai d'acheminement au lieu de rétention est superfétatoire, dès lors qu'il incombe au juge judiciaire d'exercer toutes les investigations utiles pour vérifier l'effectivité de l'exercice des droits de la personne retenue.

Ensuite, cet ajout risque de constituer le support d’un rebond d’un contentieux sensible, connu sous la dénomination de « jurisprudence Mappy », dans lequel des juges de première instance se sont fondés sur les données fournies par des sites internet pour contester la durée des trajets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement vise à réintroduire le mot « possibles » au second alinéa de l’article 38, alors qu’il a été supprimé par la commission.

L’expression « dans les meilleurs délais possibles » semblant quelque peu redondante, il paraissait en effet préférable d’en rester au droit en vigueur, qui évoque simplement les « meilleurs délais ».

Par ailleurs, l’amendement vise à supprimer une garantie insérée dans cet article par la commission des lois, dont le texte prévoit que le juge des libertés et de la détention s’assure, corrélativement au report des droits au moment de la rétention, que le délai entre la notification et le placement en rétention n’a pas été anormalement long.

Pour autant, la commission a pour l’essentiel validé la modification souhaitée par le Gouvernement, puisqu’elle a accepté que l’étranger puisse exercer ses droits non plus « dans les meilleurs délais suivant la notification », mais seulement « à compter de son arrivée au lieu de rétention ».

Il s’agit simplement d’éviter ainsi de créer une période indéfinie au cours de laquelle l’étranger ne pourrait exercer ses droits, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, qui n’autorise un report que pour des raisons objectives.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement émet pour sa part un avis favorable sur cet amendement. Celui-ci prévoit en effet de supprimer une phrase qui, en ayant pour objet d’attirer de façon plus spécifique l’attention du juge des libertés et de la détention sur le temps de transfert jusqu’au lieu de rétention, pourrait donner à entendre que l’administration prendrait un malin plaisir à faire durer celui-ci !

L’intérêt des services chargés de ces transferts est précisément qu’ils durent le moins longtemps possible, pour pouvoir ensuite se consacrer à d’autres missions.

Si elle n’était pas supprimée grâce à l’adoption de l’amendement de M. Beaumont, la phrase en question risquerait d’inciter le juge des libertés et de la détention à censurer le choix du lieu de rétention opéré par l’administration. Or ce choix répond à de multiples contraintes opérationnelles. Le contraindre davantage encore ne pourrait que nuire à l’efficacité de l’action de nos services. Je sais bien qu’il y a peu de chances que cet amendement soit voté, mais je tenais néanmoins à le souligner.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous n’aimons pas cet article 38, dont nous avons d’ailleurs proposé la suppression, à cause de cette nouvelle conception selon laquelle le délai de notification courrait à compter de l’arrivée au centre de rétention. Nous ne pensons nullement, monsieur le ministre, que l’administration prenne un « malin plaisir » à faire durer le transfert, mais nous estimons que la défense des droits et des libertés fondamentales doit être assurée le plus tôt possible.

M. Philippe Richert, ministre. Évidemment !

M. Richard Yung. Cela étant dit, puisque notre amendement de suppression de l’article a été rejeté, nous soutenons la position de la commission des lois : nous préférons la rédaction à laquelle, dans sa grande sagesse, elle est parvenue, car les deux modifications contenues dans l’amendement n° 94 rectifié sont à nos yeux limitatives des libertés individuelles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

valoir

Supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement de repli vise à supprimer les mots : « à compter de son arrivée au lieu de rétention ». Cette formule implique en effet le report du départ du délai de notification de ses droits à l’étranger qui fait l’objet d’une décision de placement en rétention à l’arrivée effective au lieu de rétention.

Les contraintes opérationnelles évoquées par M. le ministre ne sauraient être mises en balance avec le respect des libertés fondamentales. Comme nombre d’autres articles de ce projet de loi, l’article 38 marque un recul à cet égard, sans pour autant faciliter véritablement l’accomplissement de leur travail par les agents de l’administration.

De plus, en restreignant un droit fondamental, cet article contrevient à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

J’ajoute que, même avec les améliorations apportées par M. le rapporteur, auxquelles je souscris, l’article 38 sera certainement source de contentieux, car il comporte des expressions particulièrement vagues laissant place à l’interprétation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

Après les mots :

disposition de la justice,

insérer les mots :

dans des conditions fixées par le procureur de la République,

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. L’article L. 552-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que l’étranger est maintenu à disposition de la justice pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance.

Afin de sécuriser plus clairement encore la situation de l’étranger pendant ce délai, le présent amendement tend à préciser que les conditions du maintien à disposition de la justice sont fixées par le procureur de la République.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’une précision importante : la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.

(L'article 38 est adopté.)

Article 38
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 40

Article 39

Après l’article L. 552-2 du même code, il est inséré un article L. 552-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 552-2-1. – Une irrégularité formelle n’entraîne la mainlevée de la mesure de placement en rétention que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 71 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 193 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 410 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’article 39 prévoit qu’« une irrégularité formelle n’entraîne la mainlevée de la mesure de placement en rétention que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ».

Comme l'article 10, il vise donc à limiter les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités formelles qu'il constate par la remise en liberté de la personne maintenue en rétention, en introduisant une hiérarchie entre les irrégularités formelles suivant qu'elles porteraient ou non atteinte aux droits des étrangers.

Concrètement, cela signifie que l'étranger devra justifier devant le juge de cette « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, pour pouvoir obtenir l'annulation de la procédure.

De plus, une telle disposition engendrera très certainement un contentieux portant sur la définition de ce qui est « substantiel » et de ce qui ne l’est pas.

Il s’agit d’une matière qui doit être analysée comme un domaine pénal. Or, selon la jurisprudence constante de nos juridictions, en matière pénale les nullités doivent toujours être examinées de la manière la plus stricte possible.

En somme, cela traduit, encore une fois, un manque de confiance envers les magistrats, qu’il s’agit en outre de pousser à ne pas tenir compte d’un certain nombre de causes de nullité. Existe-t-il, dans une procédure qui aboutit à une privation de liberté, des nullités qui n’entraînent pas de préjudice pour la personne qui en est victime ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 193.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article vise à limiter les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités qu’il constate par la mise en liberté de la personne maintenue en rétention ou en zone d’attente, en introduisant une hiérarchie entre les irrégularités selon qu’elles porteraient ou non atteinte aux droits des étrangers.

Concrètement, cela signifie que l’étranger devra justifier devant le juge de cette « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, pour pouvoir obtenir l’annulation de la procédure.

Or les nullités susceptibles d’être invoquées par un étranger sont d’ordre public et doivent être considérées comme portant grief intrinsèquement.

En ce sens, la série d’arrêts rendus par la Cour de cassation le 31 janvier 2006 rappelant à l’ordre la cour d’appel de Paris illustre l’inanité d’une telle disposition.

La CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis rendu sur le présent projet de loi, souligne par ailleurs que « s’agissant d’un contrôle de la régularité d’une procédure ayant mené à une privation de liberté, […] cette procédure touchant aux droits les plus fondamentaux, le vice de procédure doit s’analyser in concreto […]. De plus, la définition du caractère substantiel des vices de procédure ne manquerait pas de susciter un abondant contentieux et serait une source supplémentaire d’insécurité juridique. »

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 410.

M. Roland Courteau. L’article 39 institue la règle selon laquelle il n’y aurait pas de nullité sans grief en matière de prolongation de la rétention par le juge des libertés et de la détention. Ce « tri » des nullités limite, selon nous, les cas dans lesquels le juge pourra sanctionner les irrégularités qu’il constatera. Un tel dispositif donnerait satisfaction à l’administration, qui trouve trop tatillon le contrôle des juges.

Cette nouvelle hiérarchie des causes de nullité de la procédure, établie en fonction de leur gravité supposée et de leur incidence sur les droits des étrangers, tend à faire oublier que les nullités susceptibles d’être invoquées causent toujours un grief. En effet, la nature même de la procédure induit un risque d’atteinte aux libertés individuelles.

De plus, l’ajout de l’exigence du caractère substantiel de l’irrégularité pourrait avoir pour effet de rendre les droits de l’étranger théoriques ou illusoires.

Bref, la notion d’atteinte aux droits est éminemment subjective. Il suffira au juge ayant constaté l’irrégularité d’alléguer qu’il n’est pas démontré que celle-ci ait porté atteinte aux droits de la personne retenue pour qu’il puisse décider de prolonger la rétention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 39 écarte les moyens de nullité formels lorsqu’ils ne portent pas atteinte aux droits de l’étranger.

L’adoption de l’amendement n° 500, que je présenterai dans quelques instants au nom de la commission, permettra d’équilibrer ce dispositif.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. L’article 39 se bornant à intégrer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation, il n’est pas de nature à susciter un contentieux. Bien au contraire, il aura pour effet d’homogénéiser la jurisprudence des juges du fond, qui se caractérise aujourd’hui par des divergences en la matière.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 rectifié, 193 et 410.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 500, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

présente un caractère substantiel et

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est identique à l’amendement n° 495 de la commission, adopté à l’article 10, relatif aux zones d’attente.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 500.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)

Article 39
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 40 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 40

(Supprimé)

M. le président. L’article 40 a été supprimé par la commission.

Article 40
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 41 (début)

Article 40 bis 

(Non modifié)

À la seconde phrase de l’article L. 552-6 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 72 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 195 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 412 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’article 40 bis tend à faire passer le délai pendant lequel le parquet peut demander que soit prononcé le caractère suspensif de la décision de remise en liberté de quatre à six heures. Rien ne justifie, selon nous, un tel allongement.

L’actuel délai de quatre heures pose déjà une série de problèmes pratiques, en particulier pour les avocats, qui sont obligés de réagir dans l’urgence, à des heures tardives lorsque la demande d’effet suspensif intervient à la suite d’audiences tenues l’après-midi.

Je rappelle que ce délai de quatre heures est calqué sur celui du référé-détention, prévu à l’article 148-1-1 du code de procédure pénale.

Ce parallélisme des procédures doit s’appliquer jusqu’au bout, puisque dans le cas d’espèce la situation de l’étranger n’est pas objectivement différente de celle de la personne placée en détention provisoire.

Cet allongement du délai engendrera des contraintes supplémentaires pour les forces de l’ordre chargées de l’escorte de l’étranger, qui seront obligées de patienter deux heures de plus dans l’attente d’un hypothétique appel. Par conséquent, si vous voulez être cohérent jusqu’au bout avec la révision générale des politiques publiques, n’allongez pas ce délai, car une telle mesure, que rien ne justifie juridiquement, créerait des dépenses supplémentaires liées à la mobilisation des escortes deux heures de plus.

En réalité, vous ne cessez d’allonger la procédure afin de réduire les droits des personnes concernées.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 195.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Conformément à la tendance à l’allongement généralisé de la durée de privation de liberté, aux termes de l’article 40 bis, l’étranger devra rester à la disposition de la justice pendant non plus quatre heures, mais six heures.

Aujourd’hui, lorsqu’un étranger est libéré ou assigné par le juge, la préfecture ou le parquet peuvent faire appel de la décision. Pour obtenir que ce recours, qui n’est pas suspensif par nature, soit déclaré comme tel, le parquet doit le demander au premier président de la cour d’appel, et ce dans un délai de quatre heures.

La disposition proposée tend à accorder plus de temps au parquet pour contester les décisions de remise en liberté ou d’assignation prononcées par le juge des libertés et de la détention, au détriment encore une fois de l’exercice du droit au recours. Elle va à l’encontre du principe du contradictoire et alourdira en outre les procédures, ainsi que le travail des avocats et des escortes.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 40 bis.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 412.

M. Richard Yung. Pourquoi ce délai de six heures ? Il semble calqué sur celui du référé-détention en matière pénale, mais les deux procédures n’ont rien à voir…

L’allongement proposé peut être dommageable. Ainsi, imaginez un avocat saisi au dernier moment, en fin d’après-midi, après avoir attendu pendant six heures : il ne pourra pas former de recours contre la déclaration du caractère suspensif de l’appel du parquet. Le principe du contradictoire ne sera pas respecté, c’est pourquoi nous sommes opposés à cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’actuel délai de quatre heures laissé au parquet pour demander la déclaration du caractère suspensif de l’appel ne paraît pas suffisant pour permettre au ministère public d’accomplir les diligences nécessaires : en effet, la demande du parquet doit être motivée. Or, celui-ci étant rarement présent aux audiences devant le juge des libertés et de la détention, il doit, avant de faire appel, obtenir communication du dossier, en prendre connaissance et rédiger la motivation de sa demande.

C’est pourquoi, comme pour les zones d’attente, l’article 44 prévoit, en matière de rétention, de porter à six heures le délai permettant de demander la déclaration du caractère suspensif de l’appel. Par coordination avec cette disposition, le présent article prévoit logiquement que l’étranger soit maintenu à la disposition de la justice pendant six heures, et non plus quatre heures.

La commission émet donc un avis défavorable sur les trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement, suivant le même raisonnement, est également défavorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 72 rectifié, 195 et 412.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 40 bis.

(L'article 40 bis est adopté.)

Article 40 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 41 (interruption de la discussion)

Article 41

L’article L. 552-7 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552-7. – Quand un délai de vingt jours s’est écoulé depuis l’expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l’article L. 552-1 et en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi.

« Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport, et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l’administration, pour pouvoir procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai de vingt jours mentionné au premier alinéa.

« Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, l’ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration du délai de vingt jours mentionné au premier alinéa et pour une nouvelle période d’une durée maximale de vingt jours.

« Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, si l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le juge de la liberté et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée d’un mois qui peut être renouvelée. La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder six mois. Toutefois, lorsque, malgré les diligences de l’administration, l’éloignement ne peut être exécuté en raison, soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires, la durée maximale de la rétention est prolongée de douze mois supplémentaires.

« L’article L. 552-6 est applicable. »

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. L’article 41 vise à porter à quarante-cinq jours, au lieu de trente-deux aujourd’hui, la durée maximale de rétention administrative et à mettre en place un régime dérogatoire de rétention administrative pouvant durer jusqu’à dix-huit mois pour les étrangers sous le coup d’une mesure d’interdiction pénale du territoire national ou d’expulsion en raison d’activités terroristes.

Après une première période de rétention de cinq jours, l’administration pourra demander une prolongation de vingt jours, contre quinze jours actuellement. Ensuite, une nouvelle prolongation de vingt jours pourra être requise si la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée sans que ce défaut d’exécution soit imputable à un manque de diligence de l’administration.

Le Gouvernement a avancé plusieurs explications pour justifier cette mesure : transposition de la directive Retour, amélioration de l’efficacité de la procédure d’éloignement, lenteur de la délivrance des laissez-passer consulaires, absence éventuelle de moyen de transport pour reconduire l’étranger à la frontière…

Cette disposition nous semble abusive et infondée.

Elle est abusive, puisque, par définition, la rétention administrative est une privation de liberté la plus courte possible, ne visant qu’à tenter d’organiser l’éloignement de l’étranger.

Cette disposition est infondée, car elle ne résulte aucunement de la nécessité de transposer la directive Retour, laquelle se borne à fixer une durée de rétention maximale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Six mois !

M. Louis Mermaz. Cette directive détermine un plafond, mais n’oblige nullement les États membres à le retenir dans leur législation.

La mesure proposée va encore accroître les souffrances, les tensions, les gestes de désespoir des personnes retenues, parfois accompagnées d’enfants, dont les associations, la presse et les élus qui se sont rendus dans des centres de rétention ont pu malheureusement témoigner.

La commission des lois du Sénat a adopté un amendement déposé par le Gouvernement sur le présent projet de loi. Si ce texte était définitivement voté par le Sénat, il permettrait de détenir certains étrangers plus de dix-huit mois en centre de rétention administrative. Certes, sont visées des personnes auteurs de faits graves, mais ce n’est pas une raison pour instituer une sorte de Guantanamo à la française.

Serait en effet créée une nouvelle forme de rétention administrative pour des personnes soupçonnées d’activités terroristes que le Gouvernement souhaite expulser. Pourraient également être concernés d’anciens ressortissants français dénaturalisés, qui, après avoir purgé une peine de prison, ont fait l’objet d’une interdiction de séjour en France ou d’un arrêté d’expulsion qui n’a jamais pu être exécuté parce que cela serait contraire aux articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, ces personnes risquant la peine de mort ou de mauvais traitements en cas de renvoi dans leur pays d’origine. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a demandé à diverses reprises à notre pays de ne pas les expulser. Une condamnation de la France est même intervenue à ce titre, les précautions nécessaires n’ayant pas été prises.

La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez voté contre !

M. Louis Mermaz. … permet pourtant de placer sous bracelet électronique et d’assigner à résidence certains étrangers ayant été condamnés pour des faits graves touchant au terrorisme, mais non expulsables.

Cette nouvelle rétention administrative servirait dans les cas où, aux termes du projet de loi, il y aurait toutes raisons de croire que l’exécution de la mesure d’expulsion ou d’assignation à résidence ne permettrait pas un contrôle et une supervision suffisants de la personne.

Il n’est pas acceptable que l’on puisse détenir dans les mêmes lieux des personnes soupçonnées d’actes terroristes et des personnes qui sont simplement en attente de départ. Une telle confusion est dangereuse pour les personnes sous le coup d’une mesure d’expulsion. Il importe donc de ne pas créer des situations de ce genre.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 196 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 413 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’article 41, dont nous demandons la suppression, porte de quinze à vingt jours la durée de la première prolongation de la rétention et à vingt jours la durée maximale de la seconde prolongation, soit un allongement de la durée totale de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours.

Or, M. le ministre de l’intérieur nous a longuement expliqué, durant la discussion générale, que cette mesure laissait la France en dessous de la moyenne européenne et faisait pratiquement de notre pays un exemple à suivre en la matière. Ces explications ne nous ont guère convaincus.

En effet, cet article conduit à une banalisation de la privation de liberté. Il institue, de fait, la rétention en « mode de gestion » de la politique d’immigration, pour reprendre les termes de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Cette logique contrevient à l’esprit de la directive Retour, qui vise, au contraire, à faire de la privation de liberté l’ultime recours, au bénéfice de mesures alternatives à l’enfermement. Or, nous avons pu constater, au fil de la discussion des articles, que ces mesures alternatives sont pour ainsi dire marginalisées dans ce texte, y compris l’assignation à résidence, dont les modalités ne sont pas satisfaisantes. De surcroît, la directive impose que la rétention soit aussi brève que possible.

On ne peut, en conséquence, que s’étonner de cet allongement totalement disproportionné à l’objectif visé, a fortiori quand le rapport de la commission précise que la durée moyenne de rétention est actuellement de dix jours et qu’elle ne devrait pas augmenter avec l’application du dispositif de l’article 41. À quoi sert-il, dans ces conditions, puisque, selon la CIMADE, seules 3 000 personnes ont fait l’objet en 2009 d’une rétention au-delà du vingt-huitième jour ? Quel est l’objectif ? Comment expliquer cette modification au regard des chiffres figurant dans le rapport ?

J’ajouterai que la systématisation de l’enfermement engendre un coût important pour nos finances publiques. En 2007, la Cour des comptes relevait, dans son rapport public, que « la relance de la politique d’éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière, partie intégrante d’une politique globale d’immigration a été engagée avant même que l’adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée. […] Le doublement du nombre de reconduites à la frontière a été obtenu au prix d’un accroissement important des moyens mobilisés pour le fonctionnement des centres, mais aussi dans les préfectures et dans les services de police et de gendarmerie, sans que l’ensemble des dysfonctionnements existant en amont de la rétention ait été corrigé. Il conviendrait d’avoir une mesure plus précise de l’efficacité de l’action publique à chaque stade de la procédure. »

En mobilisant ainsi de nombreux fonctionnaires de la police, des préfectures et des tribunaux, l’allongement de la durée de rétention s’inscrit à contre-courant d’une politique générale de réduction des déficits publics, par ailleurs dévastatrice.

Vous n’appliquez pas les politiques que vous nous demandez de mettre en œuvre systématiquement dans nos collectivités. Nous avons là une nouvelle illustration du fait que – les chiffres le démontrent – ce projet de loi ne se justifie pas.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 196.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article porte le délai de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours. La rétention administrative n’est pourtant qu’une mesure de privation de liberté pour le temps strictement nécessaire à l’éloignement de l’étranger, mais l’allongement proposé témoigne d’un changement de sa nature : elle devient une véritable mesure punitive.

Comme l’a dit mon collègue Jacques Mézard, l’examen des statistiques montre que la majorité des étrangers sont reconduits dans les dix premiers jours. Les chiffres ne permettent donc pas de justifier l’allongement du délai de rétention.

L’argument de la transposition de la directive Retour invoqué par le Gouvernement à maintes reprises est, lui aussi, peu crédible. En effet, la directive dispose que la rétention doit être le dernier recours possible en vue de garantir l’éloignement. En outre, elle n’impose aucunement aux États membres d’augmenter la durée de rétention.

Quant à l’argument relatif au temps nécessaire à l’obtention d’un certain nombre de laissez-passer consulaires, je ferai observer que, si ces documents sont certes nécessaires à l’expulsion de l’étranger, le Comité interministériel de contrôle de l’immigration nous apprend que, de janvier à septembre 2009, ils n’ont été délivrés en dehors des délais de rétention que dans 2,9 % des cas.

L’augmentation de la durée maximale de rétention est dangereuse et ne tient guère compte, d’ailleurs, de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui s’inquiète, à juste titre, de la banalisation de la privation de liberté.

Dans ces conditions, cette mesure risque fort d’entraîner une multiplication des tensions, des violences et des actes de désespoir que l’on peut malheureusement déjà constater.

Cet article aura pour seul effet de porter atteinte aux droits fondamentaux des migrants. Il privilégie définitivement et de façon disproportionnée la détention des étrangers comme mode routinier de contrôle des personnes devant être éloignées du territoire et opère une confusion dangereuse entre rétention administrative et surveillance des personnes, ce qui ouvre la voie à des amalgames menant à la criminalisation des étrangers en situation irrégulière.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 413.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je fais miennes les observations formulées par mes collègues sur l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative.

J’insisterai plus particulièrement, pour ma part, sur le régime dérogatoire de rétention administrative, qui pourrait, demain, durer jusqu’à dix-huit mois, pour les étrangers sous le coup d’une mesure d’interdiction pénale du territoire national ou d’expulsion en raison d’activités terroristes, et déboucher, selon le mot de mon collègue Louis Mermaz, sur la création d’une sorte de Guantanamo à la française.

L’allongement à quarante-cinq jours de la durée maximale de la rétention serait justifié, selon le Gouvernement, par la nécessité de transposer la directive européenne Retour, d’augmenter l’efficacité de la procédure d’éloignement et de disposer de plus de temps pour obtenir un plus grand nombre de laissez-passer consulaires.

Or, on s’aperçoit que ces arguments ne tiennent pas.

Tout d’abord, cette mesure n’est dictée par aucun impératif de transposition. Elle est même certainement en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement français au moment de l’adoption de la directive Retour.

En outre, en 2008, seulement 2,28 % des laissez-passer consulaires ont été obtenus au-delà du délai actuel de rétention et la grande majorité des reconduites ont été effectuées durant les dix premiers jours de rétention, et la quasi-totalité d’entre elles avant le dix-septième jour. Il apparaît donc que l’allongement de la durée maximale de rétention ne permettra qu’une augmentation marginale du nombre de mesures d’éloignement exécutées.

En conséquence, la mesure proposée ne se justifie pas au regard des objectifs visés. En revanche, l’extension du recours à la rétention administrative et l’allongement de sa durée auront malheureusement une incidence certaine sur les souffrances subies par les étrangers.

Nous demandons la suppression de l’article 41.

D’une part, la mesure sera coûteuse pour les finances publiques – 533 millions d’euros hors coûts pour les préfectures et les juridictions – et détournera de nombreux fonctionnaires de leurs missions premières.

D’autre part, ce nouvel allongement de la durée de la rétention banalisera une privation de liberté qui devrait être la plus courte possible et demeurer l’exception.

En n’épargnant aucune catégorie de personnes, y compris parmi les plus vulnérables, la mesure proposée ne fera qu’aggraver les souffrances psychologiques des quelque 30 000 personnes retenues, en particulier celles des enfants. Elle accroîtra également les tensions existant déjà à l’intérieur des centres de rétention et multipliera les gestes de désespoir des étrangers retenus.

Aujourd’hui, 10 % des étrangers placés en rétention, soit plus de 3 000 personnes, restent privés de liberté entre vingt-huit et trente-deux jours, faute de laissez-passer consulaires. Si la durée maximale de rétention passe à quarante-cinq jours, ces personnes seront privées de liberté pendant treize jours supplémentaires ! Cela va beaucoup trop loin ; nous devons faire cesser cette escalade !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 41 vise à porter de trente-deux à quarante-cinq jours le délai possible de rétention. La commission a confirmé cette disposition du texte pour trois raisons : l’Union européenne négocie des accords de réadmission sur la base de quarante-cinq jours ; la durée maximale de rétention fixée par la directive étant de six mois, le texte reste très en deçà de cette limite ; cet allongement ne concernera qu’une minorité d’étrangers retenus.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 73 rectifié, 196 et 413.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. L’article 41 comporte deux mesures principales : il porte à quarante-cinq jours la durée maximale de la rétention administrative et crée un régime spécifique de rétention administrative pour des personnes ayant été condamnées pour terrorisme – rien que cela !

En ce qui concerne, tout d'abord, l’allongement de trente-deux à quarante-cinq jours de la rétention administrative de droit commun, cette mesure est nécessaire, car elle permettra la réussite des éloignements, qui échouent souvent en raison d’une délivrance trop tardive des laissez-passer consulaires.

En effet, le délai moyen de délivrance d’un laissez-passer consulaire est de trente-cinq jours pour la Chine, de trente-six jours pour le Pakistan, de trente-sept jours pour l’Inde, de trente-huit jours pour le Mali, de quarante-trois jours pour le Nigéria. Nous ne pouvons donc en rester à une durée de rétention maximale de trente-deux jours.

Cette mesure n’est pas excessive. Ainsi, la durée de rétention est illimitée au Royaume-Uni, elle est de dix-huit mois au Danemark, aux Pays-Bas, en Suède et en Allemagne, de huit mois en Belgique, de six mois en Autriche et de soixante jours en Espagne et en Italie. Vous voyez donc que nous n’avons pas prévu une durée de rétention exagérée.

En ce qui concerne, ensuite, le régime spécifique de rétention des terroristes, que les auteurs de ces amendements entendent donc supprimer, je voudrais souligner que j’attache une importance primordiale à cette mesure.

Aujourd’hui, certains individus condamnés pour des activités terroristes et faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire ou d’une mesure d’expulsion administrative ne peuvent être immédiatement éloignés pour des raisons diverses, notamment de procédure.

Dans l’attente de leur éloignement vers leur pays d’origine ou vers un pays tiers dans lequel ils seraient légalement admissibles, l’administration n’a d’autre solution, actuellement, que d’assigner ces individus à résidence dans des hôtels ! Je pense que chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, concevra facilement que cette situation n’offre pas de garanties suffisantes en termes de sécurité.

Vous comprendrez que nous ne soyons pas favorables aux amendements de suppression d’un tel article.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 73 rectifié ter, 196 et 413.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 414, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Patient, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Introduit dans le projet de loi au travers de l’adoption d’un amendement déposé à la dernière minute par le Gouvernement lors de la réunion de commission des lois du 19 janvier dernier, l’alinéa 5 de l’article 41 met en place un régime dérogatoire de rétention administrative au-delà de la période maximale de quarante-cinq jours prévue dans le texte pour les étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire français pour des actes de terrorisme.

Si cette disposition était définitivement adoptée, elle permettrait de maintenir en rétention administrative jusqu’à dix-huit mois des personnes étrangères qui, en quelque sorte, seraient ainsi frappées d’une double peine. En effet, le juge des libertés et de la détention se prononcerait une première fois pour prolonger la rétention d’un mois, puis plusieurs fois ensuite, jusqu’à atteindre une durée totale de six mois.

Nous sommes bien sûr totalement opposés à cette mesure, pour plusieurs raisons.

Premièrement, le Gouvernement n’a pas démontré en quoi le système des assignations à résidence, bien qu’il soit loin d’être satisfaisant sur le plan des garanties procédurales, ne constituerait pas, dans ce cas d’espèce, une alternative valable.

Deuxièmement, le placement d’une personne dans un centre de rétention de migrants pour une durée s’étendant jusqu’à dix-huit mois serait en infraction avec le droit à la liberté d’aller et venir inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Troisièmement, il faut tout de même rappeler que la seule finalité de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger et qu’elle ne peut être ordonnée que le temps strictement nécessaire à sa mise en œuvre.

En l’occurrence, il est manifeste que telle n’est pas la vocation de cette rétention de dix-huit mois, qui, comme la rétention de sûreté, mélange mesure de sûreté contre une dangerosité présumée de la personne et punition d’un comportement passé, déjà sanctionné par une peine pénale. Il y a donc là une confusion et un amalgame dangereux.

Enfin, comme M. le rapporteur l’a constaté lui-même lors de l’examen du texte en commission, cette disposition pose le problème de la cohabitation, au sein des mêmes centres de rétention, d’étrangers – y compris des enfants ! – faisant l’objet d’une simple procédure d’éloignement et appelés à ne rester que quelques jours et d’étrangers terroristes ou liés au terrorisme, qui y resteraient beaucoup plus longtemps. Une telle cohabitation poserait problème !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a intégré l’amendement du Gouvernement à son texte. Elle a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 414.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 414.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41.

(L'article 41 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 41 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 10 février 2011, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 239, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (n° 225, 2010-2011).

Rapport de Mme Colette Giudicelli, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 256, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 257, 2010-2011).

Avis de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 252, 2010-2011).

Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 275, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART