M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc parvenus au terme de l’examen en première lecture de ce projet de loi, dont l’objectif est tout simplement de poursuivre dans la voie ouverte en 2007, en adaptant notre législation aux évolutions européennes et en recherchant de nouveaux moyens pour lutter contre des filières en constante mutation.

La France a une longue tradition d’accueil et d’intégration, à laquelle nous sommes tous attachés. Pour autant, il est important de continuer à lutter contre l’immigration irrégulière. Cette tradition d’hospitalité nous amène et même nous oblige à rester une terre d’intégration, où l’immigration puisse être choisie et réussie, sous peine de mettre en péril notre cohésion nationale.

La France a le droit, comme tous les pays, de décider qui elle veut ou qui elle peut accueillir sur son territoire. Car tout laxisme en matière d’immigration ne peut qu’engendrer le développement de tous les racismes.

Le projet de loi que nous allons voter, et ce n’est une surprise pour personne, s’inscrit dans cette continuité : ce double défi d’intégration et de lutte contre l’immigration illégale.

Il répond également aux exigences de l’évolution du droit européen. Nous participons donc modestement et progressivement à la construction d’une politique européenne de l’immigration et de l’asile.

Je tiens en cet instant à saluer le travail minutieux et équilibré mené par notre rapporteur, François-Noël Buffet, et par la commission des lois, sous le regard attentif de son président, Jean-Jacques Hyest.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce texte, en espérant que la navette parlementaire permettra encore de poursuivre cette réflexion collective s’agissant de certaines autres mesures importantes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des débats qui vont s’achever, le Sénat est revenu sur plusieurs mesures inacceptables à nos yeux, et c’est tant mieux.

Je tiens à saluer le travail de la commission des lois, en particulier sur les articles 17 ter et 26, relatifs à la santé des étrangers, sur les articles 37 et 40, relatifs à la place du juge administratif et du juge judiciaire dans la procédure de rétention des étrangers.

Ces sujets sont complexes eu égard à l’enchevêtrement des procédures administratives et civiles qu’a souligné hier le président Longuet. Nous sommes conscients du problème, mais nous estimons que le dispositif prévu par le texte comportait de graves risques d’inconstitutionnalité et soulevait plus de difficultés qu’il n’en résolvait.

Le juge des libertés doit intervenir dans les plus brefs délais, car, qu’on le veuille ou non, si la rétention n’est pas une garde à vue, elle reste une privation de liberté.

Ces avancées notables par rapport au texte initial ont été obtenues en commission et réaffirmées en séance. Aussi, je remercie notre rapporteur, dont la rigueur fait honneur à la commission des lois.

Nous avons également pris acte avec satisfaction de la suppression, à l’article 3 bis, de la mesure portant déchéance de la nationalité. Nous souhaitions qu’il ne se trouvât pas, dans notre hémicycle, de majorité pour la voter ; nous avons été entendus, notamment par nos collègues centristes. Cet article représentait un recul de nos valeurs, portait atteinte à notre Constitution, stigmatisait une énième fois les étrangers naturalisés. Cette mesure ouvrait la porte à des dérives que nul ici ne souhaite à l’évidence, mais que nous ne pouvons pas prévoir.

Grâce à ces modifications, le texte s’en trouve amélioré. Il n’en reste pas moins un mauvais texte.

Ainsi, vous persistez à inscrire dans la loi le délit de solidarité. Nous ne pouvons l’accepter, parce que venir en aide à une personne qui en a besoin ne saurait constituer le motif d’une incrimination. Monsieur le ministre, vous avez essayé de distinguer, parmi les différents motifs, le motif humanitaire. Pour ma part, je ne vois pas comment on peut établir une distinction entre les motifs d’aide : ils sont toujours humanitaires.

Cet article, à lui seul, révèle la philosophie profonde de ce texte : l’étranger est d’abord un profiteur potentiel avant d’être un être humain. Ceux qui lui viennent en aide ne devraient pas le faire. Seuls comptent les étrangers diplômés, les étrangers « de qualité », les « bons » étrangers.

Je reviens sur le « mariage gris », typique de cet esprit de suspicion. Selon vous, il est le fait d’étrangers qui se marient à des Français ou à des Françaises pour avoir des papiers et une carte de séjour. Il n’est pas un vrai mariage parce que l’un des deux conjoints a trompé l’autre sur les motifs de l’union.

J’avoue que, si ce genre de situation peut éventuellement exister, nous sommes bien en peine d’intervenir, en tant que législateur. Quels outils juridiques proposer pour juger de la véracité du consentement de quelqu’un, de la validité de ses sentiments ? Comment diable un juge va-t-il pouvoir décider qu’un étranger a dissimulé ses intentions à son conjoint, pour reprendre les termes de votre projet de loi ? À mon sens, on entre là dans le tréfonds des cœurs, dans l’intime, et il est très difficile de trancher.

On se trompe parfois avec les sentiments : on croit aimer et l’on finit par se rendre compte qu’on se leurre. On change alors d’avis, on demande le divorce. Nombre de couples vivent ces situations ; c’est même assez fréquent chez des couples « franco-français ». Ces mariages ne sont pas pour autant considérés comme frauduleux. Pourquoi une telle suspicion dès que le mariage implique des étrangers ?

Cela ferait presque rire si les peines encourues n’étaient pas si lourdes : sept ans de prison, 30 000 euros d’amende, soit autant que pour le proxénétisme et la traite d’êtres humains.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Nous avons modifié le texte !

Mme Bariza Khiari. Croyez-vous, mes chers collègues, que cette peine soit en adéquation avec le délit constaté ? Quel pouvoir met-on ainsi dans les mains du conjoint français, qui pourra disposer aisément d’une arme contre son compagnon en cas de difficulté de couple ? Cette inégalité dans le couple me paraît dangereuse et porteuse de conflits assez malsains.

Laissons au contraire nos compatriotes faire preuve de discernement sur leurs relations ; ils sont adultes et doués de raison. Si on leur accorde le droit de vote, c’est précisément parce que l’on estime qu’ils sont capables de réfléchir avant de s’engager. Cela est aussi valable en amour.

Je n’ajouterai rien à ce qu’a fort bien dit Richard Yung sur la purge des nullités et sur d’autres sujets.

En conclusion, monsieur le ministre, je m’étonne qu’un grand nombre de textes importants pour le quotidien de nos concitoyens aient été examinés selon la procédure accélérée, cependant que ceux qui portent sur la sécurité et l’immigration le sont selon la procédure classique, à savoir deux lectures dans chaque chambre, comme si l’on voulait poser, par cet étalement dans le temps, les thèmes de la prochaine campagne électorale et surenchérir sur les thèses de Mme Le Pen, qui stigmatise, elle, les musulmans.

Qu’y a-t-il là d’étonnant après, notamment, le funeste débat sur l’identité nationale, le texte sur la burqa, le déchaînement sur les minarets ou la viande halal et, aujourd’hui, ce texte sur les étrangers et les immigrés ? Souhaite-t-on ainsi distiller encore et toujours la peur de l’autre, de l’étranger ?

C’est la raison pour laquelle nous dénonçons une fois de plus cette stigmatisation constante. Qu’on cesse de faire des immigrés les boucs émissaires de tous nos problèmes et les otages réguliers de nos élections en refusant d’aborder les problèmes de fond que sont le chômage, la pauvreté, la précarité, le logement, l’éducation ou la désindustrialisation de la France.

Ce grand auteur qu’est Milan Kundera disait il y a déjà quelque temps : « L’immigré, c’est le grand souffrant de notre siècle. » Il parlait bien entendu du XXe siècle. C’est malheureusement toujours le cas au XXIe !

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je me prononce contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, le Gouvernement aurait dû s’abstenir, c’est-à-dire retirer ce texte : c’était le projet de M. Besson et il manifestait la volonté du Président de la République, au-delà d’une cinquième discussion sur l’immigration – et au moins d’une sixième sur la sécurité – de s’adresser à une partie de son électorat de 2007, celle qui avait sans doute tendance à s’éloigner et qu’il fallait entretenir dans ses idées sur les étrangers, après les avoir largement alimentées.

D’ailleurs, nous pouvions penser que le chef de l’État en avait pris conscience puisqu’il a décidé de supprimer le ministère de l’identité nationale. Il a dû se rendre compte que l’existence d’un tel ministère n’était pas tellement « payante » dans la mesure où cette partie de son électorat ne semblait pas lui être particulièrement fidèle.

Eh bien non ! Nous avons eu droit au discours de Grenoble, puis à des attaques intolérables contre les Roms !

Tous ces discours sont extrêmement dangereux, car, s’ils ne sont pas forcément rentables électoralement – c’est à vous d’en juger ! –, ils ont cependant des effets très négatifs.

Je ne sais pas à qui tout cela profite mais, à force d’attiser des peurs, les propos se lâchent !

On a vu des choses très étranges, par exemple un hebdomadaire qui a titré : « La France envahie par les Chinois ! ». Sans doute voulait-il parler d’une invasion économique, mais on a eu l’impression de voir tout à coup ressurgir cette vieille lune du « péril jaune » !

Ensuite, on a vu un camp de Roms, près de Marseille, attaqué et mis à sac par des bandes. Voilà encore des gens qui se lâchent, non pas verbalement mais par des actes !

Tout cela est très grave, et si vous aviez retiré cet énième texte, monsieur le ministre, vous auriez montré que vous ne vouliez pas continuer à vous servir de ces peurs. La peur est particulièrement mauvaise conseillère en politique.

Vous pouviez au contraire jouer la carte de la confiance, et il y a fort à faire en la matière. Je pense bien entendu à la confiance sur le plan économique et social. Vous en êtes bien loin, mais vous auriez pu donner l’exemple en Europe, par exemple en ratifiant la convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Vous pouviez aussi transposer les directives, mais en ne reprenant que les mesures communes les plus protectrices à l’égard des migrants.

Vous auriez ainsi prouvé que nous n’avons pas peur des étrangers, pas peur des migrations, qui sont de toute façon inéluctables dans un monde ouvert. Vous ne pouvez pas libérer partout les capitaux et considérer que les individus doivent être cantonnés dans leur lopin, sinon dans leur ghetto.

Mais vous avez voulu encore et toujours afficher, sans mesurer les désastres que vous provoquez.

Majoritairement, le Sénat – la commission des lois, en particulier son président et son rapporteur, a indiscutablement joué un rôle – a refusé les abus les plus manifestes qui figuraient dans le texte venant de l’Assemblée nationale et qui plaçaient la France dans une position passablement honteuse. Je pense surtout à la déchéance de nationalité, une notion qui nous rappelle de bien mauvais souvenirs et que nous voudrions voir oubliée, en tout cas bannie – encore une notion que vous prisez ! – de notre législation et de notre vocabulaire.

Néanmoins, ce texte reste un texte d’affichage très négatif, avec des mesures qui auront des conséquences tout à fait désastreuses sur la vie réelle des migrants et leur situation en France.

Par conséquent, nous voterons, bien sûr, contre ce projet de loi, mais en émettant tout de même le vœu qu’on n’aille pas agiter certains esprits de manière à revenir finalement au texte initial. J’espère au moins que la majorité sénatoriale aura emporté l’adhésion de l’ensemble des parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Gournac. Alors, aidez-nous !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Au terme de ces débats, je voudrais dire que j’ai été attentif aux positions exprimées par les uns et les autres.

Je me tourne tout d’abord vers Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat pour saluer la constance du groupe CRC-SPG.

Je dirai ensuite à Mme Bariza Khiari que je suis toujours très sensible à ses propos, mais que, cette fois, son intervention m’a vraiment semblé, à bien des égards, terriblement caricaturale.

Les arguments que M. Yung a invoqués tout à l’heure ne m’ont pas semblé très honnêtes – qu’il ne m’en veuille pas –, car il a dit que ce texte ne se limitait pas à la simple transposition de directives européennes, laissant entendre que, si cela avait été le cas, la position de son groupe aurait été différente. Or nous connaissons la réalité : de toute façon, les socialistes auraient voté contre ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. Vous ne pouvez pas le savoir !

M. Brice Hortefeux, ministre. Mais je crois que je présume assez bien !

C’est d’ailleurs pourquoi je tiens à rendre hommage à Mme Boumediene-Thiery : elle, au moins, est totalement cohérente. Elle est pour l’immigration, qu’elle soit régulière ou irrégulière : tout le monde peut entrer chez nous, s’y installer, y circuler, tout cela n’a aucune importance !

M. Brice Hortefeux, ministre. Cette position est moins hypocrite que celle du groupe socialiste, qui prétend officiellement vouloir lutter contre l’immigration irrégulière, mais qui, dans la pratique, ne vote aucune des mesures qui permettent de promouvoir l’immigration légale. Pas une seule de ces mesures n’a trouvé grâce à leurs yeux ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !

M. Richard Yung. Évidemment, vous dites cela à un moment où nous ne pouvons pas répondre !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je remercie Yves Détraigne des propos qu’il a tenus, même si je regrette – j’y reviendrai – certaines positions ou certains votes qui ont été ceux de l’Union centriste.

Je remercie également Jacques Gautier de son analyse, qui reflète la lucidité qui a été celle de l’UMP, nous procurant ses encouragements à l’occasion de cette discussion.

Enfin, je sais gré à la Haute Assemblée, et plus particulièrement à M. le président de la commission et M. le rapporteur, d’avoir approuvé un certain nombre de mesures importantes : je pense aux dispositions destinées à lutter contre l’immigration clandestine, à encourager l’immigration professionnelle - notamment la « carte bleue » européenne –, à renforcer nos outils de contrôle des étrangers terroristes en voie d’expulsion, qui pourront désormais être placés en centre de rétention – très honnêtement, cela me paraît le minimum !

J’encourage d’ailleurs les sénateurs qui ont approuvé cette dernière mesure à se souvenir que certains ne l’ont pas votée. Les électeurs, grands, petits ou moyens, sont assez sensibles à cette absence de responsabilité…

Je mesure néanmoins que des nuances importantes se sont exprimées concernant certaines dispositions proposées par le Gouvernement et adoptées par les députés. Je pense à la réforme du contentieux de l’éloignement. Je pense aussi à la possibilité de retirer la nationalité française à des assassins de policiers et de gendarmes. Ces mesures ont été approuvées par l’Assemblée nationale et par la majorité de la majorité au sein de la Haute Assemblée.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est-à-dire une minorité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement, qui est attaché à ces mesures, veillera à ce que la suite du débat parlementaire permette, conformément à nos règles constitutionnelles, de mener à bien cette réforme nécessaire et indispensable. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. J’aime beaucoup cette formule : « la majorité de la majorité » ! Mais ce n’est pas la majorité au carré : c’est la minorité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
 

3

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Discussion générale (suite)

Adaptation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques

Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (projet n° 225, texte de la commission n° 257, rapports nos 256, 252 et 275).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai aujourd’hui l’honneur de vous présenter au nom du Gouvernement le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Ce titre dit assez la variété des sujets abordés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle plusieurs ministres porteront le texte : Xavier Bertrand, retenu à l’Assemblée nationale par la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique, et dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, mais également Nora Berra, qui devrait nous rejoindre dans quelques instants, Roselyne Bachelot, Frédéric Mitterrand et Éric Besson. Chacun d’entre eux est compétent sur un certain nombre de dispositions du projet de loi. Éric Besson sera d’ailleurs au banc des ministres pour vous présenter la partie du projet relative aux communications électroniques.

M. Jean-Pierre Sueur. Quel parterre !

M. Patrick Ollier, ministre. C’est pour faire honneur au Sénat, monsieur le sénateur !

Toutefois, cette variété ne doit pas masquer notre objectif commun : nous devons mettre notre droit national en conformité avec les obligations résultant du droit de l’Union européenne. Nous devons combler les retards de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives. Il est clair que nous ne pouvons plus attendre !

D’abord, ces retards ont un coût pour nos finances publiques : comme vous le savez, le traité de Lisbonne a renforcé les sanctions financières dans ce domaine. Je tiens à préciser que, si les dispositions en cause ne sont pas transposées, le risque est extrêmement fort que nous ayons à payer une amende qui se chiffrerait à 90 millions d’euros environ.

Ensuite, ces retards nous mettent dans une forte insécurité juridique puisque les citoyens de l’Union européenne peuvent désormais attaquer un État pour déficit de transposition.

Surtout, ces retards ne sont pas sans conséquences sur l’image de notre pays et sur sa crédibilité en Europe. Pour que la France soit forte dans les négociations européennes, pour qu’elle puisse peser sur les choix politiques faits lors de l’adoption des directives, nous devons être exemplaires dans la transposition de ces directives.

Or nous sommes, en ce domaine, au quinzième rang des États de l’Union européenne : cela n’est pas acceptable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de demander au Parlement de combler ce retard en accélérant la transposition de plusieurs directives : tel est l’objet de ce projet de loi.

Celui-ci va nous permettre d’achever la transposition de plusieurs directives qui revêtent une importance majeure. Il s’agit en particulier de la directive Services et de la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles, dont j’ai d’ailleurs eu à connaître lorsque, dans une autre vie, je présidais la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappellerai brièvement les objectifs de la directive Services.

Dans sa version finale, elle vise à libérer le potentiel de croissance des marchés de services en Europe, en éliminant les obstacles juridiques et administratifs injustifiés qui freinent les échanges dans ce secteur.

Elle doit notamment permettre de simplifier l’établissement de petites et moyennes entreprises ou de prestataires de services de part et d’autre des frontières intra-européennes, et ainsi d’élargir le choix des consommateurs.

Il n’est en aucun cas question d’inciter au moins-disant social. Les exigences de qualifications et de conditions de travail sont celles du pays d’accueil. Ce principe est clairement affirmé.

Les durées de travail, le salaire minimum ou les conditions d’hygiène et de sécurité sont donc entièrement garantis, notamment dans notre pays.

Par ailleurs, un certain nombre de services de portée régalienne ou d’intérêt général sont exclus du champ de la directive, notamment la sécurité privée, les services judiciaires, certains services sociaux, le transport ou la radiodiffusion.

Une grande partie des dispositions de la directive ont déjà été transposées dans le cadre de différents textes de loi, comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie – que nous avons ensemble bien connue ! –, ou la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.

D’autres dispositions n’ont pas pu faire l’objet d’une adaptation législative définitive. C’est ce à quoi nous travaillons aujourd’hui.

Or, nous avons depuis longtemps dépassé la date butoir du 28 décembre 2009. À défaut d’une transposition complète de la directive Services, nous risquons une condamnation pour manquement entraînant une amende de plusieurs millions d’euros.

C’est la raison pour laquelle ce projet de loi, nécessaire, est également indispensable. Je reviendrai rapidement sur son contenu, que l’Assemblée nationale a très peu modifié.

Afin de transposer la directive Services, l’article 1er modifie la réglementation des débits de boissons. Il prévoit une déclaration administrative unique qui encadrera, de manière harmonisée, l’ensemble des lieux de vente de boissons alcooliques, dans le souci de garantir la santé et l’ordre publics. Cette déclaration n’entraînera aucun coût supplémentaire pour les mairies.

L’article 2 simplifie la réglementation relative à la revente des dispositifs médicaux d’occasion, tout en prévoyant que chaque dispositif devra avoir reçu un certificat de conformité.

L’article 2 bis fait de même s’agissant des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro d’occasion. Il s’agit, là encore, de garantir d’abord la sécurité sanitaire.

L’article 3 aménage le dispositif d’évaluation de l’activité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

L’article 4 simplifie l’accès aux activités de contrôle des installations techniques funéraires.

L’article 6, relatif aux entrepreneurs de spectacles, simplifie les procédures applicables aux opérateurs communautaires intervenant, à titre temporaire et occasionnel, sur le territoire national.

L’article 7 facilite l’activité en France des sociétés d’architecture d’un État membre de l’Union européenne. Il maintient cependant les conditions de qualifications requises pour l’exercice de la profession d’architecte.

L’article 8, relatif aux agences de mannequins, introduit un régime déclaratif pour les agences intervenant dans le cadre de la libre prestation de services. Il supprime également les incompatibilités professionnelles applicables aux salariés, dirigeants et associés des agences, car celles-ci sont contraires à la directive Services. Il prévoit cependant l’obligation pour ces agences de prendre toute mesure nécessaire pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu’elles emploient et pour éviter les situations de conflit d’intérêts.

Enfin les articles 9 et 10 viennent transposer la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour les professeurs de danse et les assistants de service social.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la transposition n’est pas faite de manière aveugle. Nous veillons à préserver nos intérêts, ainsi que les garanties qui peuvent être légitimement exigées pour les professions concernées.

Je prendrai un seul exemple. Sans doute un photographe pourra-t-il, demain, exercer les fonctions d’agent de mannequins, ce qui lui était auparavant interdit. Mais il le fera de façon encadrée. Il devra non seulement déposer une demande en vue d’obtenir une licence, en apportant des garanties morales, administratives, juridiques et financières, mais aussi déclarer publiquement ses autres activités professionnelles, ainsi que les mesures qu’il prend pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu’il emploie et éviter les conflits d’intérêts. De plus, s’il veut employer un mannequin âgé de moins de seize ans, il lui faudra obtenir une autorisation préalable spécifique.

Nous maintenons donc, dans ce projet de loi, de fortes garanties de nature à empêcher toute dérive.

Ce texte nous permet également de compléter l’adaptation de notre droit à d’autres dispositions du droit européen. Cette fois encore, il s’agit d’éviter de nous exposer à des condamnations financières.

Ainsi l’article 5, que je n’ai pas cité tout à l’heure, complète-t-il la transposition de la directive du 31 mars 2004 relative aux médicaments traditionnels à base de plantes, en nous permettant de tenir les délais prévus. Il va de soi que l’objectif n’est pas d’autoriser la mise sur le marché sans autorisation de nouveaux médicaments de ce type.

Je souhaite m’attarder un instant sur l’article 5 bis, qui adapte notre droit national au règlement du 13 novembre 2007 relatif aux médicaments de thérapie innovante. Je sais en effet qu’il a fait l’objet de longues discussions devant la commission des affaires sociales, ce dont Nora Berra a eu l’occasion de s’entretenir avec vous, madame la rapporteur.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est certain !

M. Patrick Ollier, ministre. Vous avez manifesté certaines réserves, s’agissant notamment de la possibilité offerte aux établissements hospitaliers de créer en leur sein un établissement pharmaceutique.

Pour tenir compte de vos remarques, madame la présidente, madame la rapporteur, tout en répondant aux besoins des malades, le Gouvernement proposera un amendement visant à mettre en place un encadrement conforme à celui que votre commission a appelé de ses vœux. J’espère que cette solution vous donnera satisfaction.

L’article 5 ter complète la transposition de la directive du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade.

L’article 5 quinquies habilite le Gouvernement à mettre en cohérence les dispositions nationales avec celles qui sont prévues par le règlement du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.

L’article 14 habilite le Gouvernement à transposer la directive du 6 mai 2009 relative au comité d’entreprise européen. Cette directive doit être transposée avant le mois de juin prochain. C’est la raison pour laquelle le vote de ce projet de loi revêt un caractère d’urgence, même s’il va de soi que nous travaillerons en concertation avec les partenaires sociaux.

Enfin, le chapitre III, que mon collègue Éric Besson viendra présenter devant vous, est relatif aux communications électroniques. Il nous permettra en particulier de transposer le nouveau cadre réglementaire européen dit « paquet télécoms », que nous sommes ici un certain nombre à bien connaître.