M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Anziani, Yung, Michel et Sueur, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 37

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L.O. 132 bis - Sont inéligibles en France, dans toute circonscription, les titulaires des fonctions suivantes, qu’ils les exercent ou les aient exercées depuis moins d’un an à la date du scrutin : les directeurs et directeurs adjoints, les chefs et chefs adjoints ainsi que les collaborateurs de cabinet du Président de la République, du Premier ministre et des membres du Gouvernement. »

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Le projet de loi organique étend le régime des inéligibilités aux membres des cabinets des exécutifs locaux. C’est une novation importante, mais il y a finalement « deux poids deux mesures ».

Monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il est permis de penser que les membres desdits cabinets ont une certaine influence au niveau local, personne, parmi nous, ne peut soutenir la thèse que les membres des cabinets ministériels n’ont aucun poids. Sans doute me direz-vous que leur influence à eux est diluée sur l'ensemble de la France et qu’elle ne concerne donc pas une circonscription particulière. Un tel argument n’est pas valable, et ce pour une raison simple : le texte vise notamment le Médiateur de la République et, demain, le Défenseur des droits ; ceux-ci sont touchés par les règles d’inéligibilités sur l'ensemble du territoire alors qu’ils ne sont pas liés à une circonscription particulière. Pourquoi ce qui vaut pour eux ne serait-il pas appliqué aux membres des cabinets ministériels ?

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Alain Anziani. En outre, il peut très bien arriver qu’un membre d’un cabinet ministériel suive un dossier précis concernant une circonscription particulière parce qu’il a comme objectif de s’y présenter aux élections.

Mme Nathalie Goulet. Cela existe !

M. Alain Anziani. Je ne suis donc pas le seul à le dire !

Sur un projet d’investissement routier, par exemple, n’a-t-on jamais vu tel membre de cabinet ministériel assurer une présence tout à fait remarquée dans la circonscription avant d’apprendre qu’il y était finalement candidat ?

Tout cela n’est pas digne de l'objectif de transparence à laquelle nous avons tout à l’heure souscrit.

M. Alain Anziani. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les membres des cabinets ministériels soient également concernés par ces inéligibilités.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission ne partage pas ce point de vue. Ce serait tout simplement une première que de rendre inéligibles aux élections législatives sur l'ensemble du territoire national les collaborateurs de cabinet du Président de la République, du Premier ministre et des membres du Gouvernement ; il n’y a pour l’instant aucune incompatibilité générale dans ce domaine.

M. Alain Anziani. Et le Médiateur de la République ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Sauf pour des cas très précis, monsieur Anziani, comme les membres du Conseil constitutionnel ou le Défenseur des droits, mais cela se justifie par d’autres raisons.

Croyez-vous vraiment qu’un chef de cabinet, dont la mission est de gérer l’emploi du temps d’un ministre, ait le moindre pouvoir pour ce qui est des élections locales ? En aucune façon ! (M. Richard Yung s’exclame.)

En réalité, ce sont les hommes politiques qui détiennent réellement le pouvoir. On se tromperait donc d’objectif en interdisant à leurs conseillers de se présenter aux élections.

M. Alain Anziani. C’est vrai que M. Guéant n’a aucun pouvoir…

M. Patrice Gélard, rapporteur. J’irai même plus loin : à mon avis, adopter cet amendement serait un mauvais service rendu aux institutions de la République et à leur bon fonctionnement. Nombreux sont les fonctionnaires de talent qui passent un certain nombre de temps dans les cabinets ministériels parce qu’ils ont justement envie, à un moment donné, de faire une carrière politique. Une telle disposition risquerait d’en dissuader certains, et c’est l'ensemble de la vie politique qui s’en trouverait affaiblie.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 16. (MM. Robert del Picchia, Michel Guerry et Christophe-André Frassa applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Les explications données par M. le rapporteur me conviennent parfaitement : j’émets également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je ne suis pas convaincu par l’argumentation de M. le rapporteur. L’histoire des trente dernières années en France fourmille d’exemples de membres de cabinet plus ou moins influents qui ont trouvé, sous quelque majorité que ce soit, un point de chute dans une circonscription ou un département.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Philippe Richert, ministre, et M. Patrice Gélard, rapporteur. Et alors ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ségolène Royal !

M. Richard Yung. Pour cela, ils ont souvent bénéficié d’une aide financière importante en utilisant finalement l’influence que leur donnait leur position. Voter cet amendement, c’est donc faire œuvre de salubrité en matière de démocratie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. C’est effectivement faire œuvre de salubrité que de voter un tel amendement, que je qualifierai d’amendement de « dissuasion nucléaire ». (Sourires.)

Nous savons bien qu’il ne sera pas adopté et il n’aurait aucun caractère rétrospectif. Mais, si une telle disposition avait été votée il y a trente ans, nous n’aurions pas eu la chance d’avoir comme député Mme Royal, MM. Hollande, Toubon, Bianco et Séguin… La mémoire me manque pour les citer tous.

M. Richard Yung. Et M. Chirac en son temps !

M. Jean-Pierre Michel. Aujourd'hui, nous entendons simplement demander aux collaborateurs de cabinet du Président de la République et des membres du Gouvernement de faire preuve de retenue. Ces derniers jours encore, nous avons vu un membre du cabinet du Président de la République, né à Arles, se répandre sur tous les écrans de télévision pour nous dire tout le bien qu’il pensait des révoltes arabes et pour nous inviter à revoir totalement la politique à l’égard des pays de la Méditerranée, politique qu’il avait d’ailleurs lui-même initiée mais qui aujourd'hui est tombée, si j’ose dire, dans la mer. Eh bien nous, nous disons : Ça suffit !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit certes d’un amendement de dissuasion nucléaire et je comprends la position de notre collègue Jean-Pierre Michel.

Je voudrais pour ma part attirer l’attention sur les difficultés susceptibles de se produire quand toute une équipe ministérielle part en campagne, déserte le cabinet en même temps que le ministre en exercice, lequel est souvent candidat à des élections législatives, sénatoriales, régionales, ou que sais-je encore. Cela pose un vrai problème sur lequel on pourrait s’étendre. Ainsi, dans mon département, je connais le conseiller d’un ministre important qui, futur candidat, distribue de la réserve parlementaire à qui mieux mieux. (Murmures sur diverses travées.)

M. Patrice Gélard. rapporteur. Ce n’est pas possible !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La réserve présidentielle, peut-être…

Mme Nathalie Goulet. C’est pourtant ce qui se passe ! La question ne se réglera probablement pas dans ce texte, et sûrement pas par cet amendement, qui est trop strict pour que son adoption soit d’actualité.

En tout état de cause, il y a là une question de déontologie : les collaborateurs de cabinet sont des gens de qualité dont nous avons besoin dans les ministères, certains d’entre eux ont ensuite un avenir politique possible, du moins si les électeurs le souhaitent ; mais tout cela ne peut pas se faire concomitamment.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens cet amendement. On dirait que nous voulons empêcher les membres des cabinets ministériels de devenir élus !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Eh oui…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi faudrait-il qu’ils deviennent élus alors qu’ils travaillent encore dans les ministères ? Ne pourraient-ils avoir la patience d’attendre un an, ce que font les titulaires de certains postes de la haute fonction publique ou du privé ?

Vraiment, je crois qu’on perd un peu la boussole ! Ce n’est pas parce que cela s’est produit qu’on doit continuer à le faire !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il fut un temps où les membres des cabinets ministériels étaient beaucoup moins nombreux. Je vous le dis franchement, ce n’était pas plus mal ! Aujourd’hui, ils sont très nombreux. Probablement espèrent-ils profiter de leur fonction pour être élus, alors qu’ils ont peu été sur le terrain avant d’être membres d’un cabinet. Et vous, mes chers collègues, qui aimez tellement le terrain, les circonscriptions, le travail de conviction, la proximité avec les citoyens ou avec les élus, s’agissant des sénateurs, vous feriez bien de voter sagement cet amendement !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je suis un peu étonné de ce débat. N’existe-t-il pas une circulaire – je dis bien une circulaire, pas une disposition législative – qui interdit à un membre de cabinet ministériel d’être candidat à une élection nationale ? Elle l’oblige à démissionner dans un délai donné, que je n’ai plus en tête. Je parle d’expérience, pour avoir vécu cette situation : lorsque j’étais candidat aux élections sénatoriales, j’ai quitté, en application de cette circulaire, les fonctions que j’exerçais dans un cabinet ministériel. Il existe donc déjà un texte qui réglemente cette situation.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sauf, mon cher collègue, que les auteurs de l’amendement vont plus loin que la circulaire, puisqu’ils veulent une inéligibilité d’un an !

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. J’adhère à ce que vient de dire Hervé Maurey. Mais alors, s’il y a une circulaire, cela prouve que nous avons raison ! Elle témoigne de la difficulté à être dans un cabinet ministériel tout en étant candidat ! Toutefois, une circulaire n’est qu’une circulaire. Réduite à une fonction interprétative, elle n’a pas une fonction normative. Nous, nous proposons d’aller jusqu’au bout et de faire en sorte que cette circulaire devienne une norme, inscrite dans un texte de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nathalie Goulet. Je m’abstiens !

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 38

Remplacer les mots :

vingt-quatre ans

par les mots :

dix-huit ans

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vais défendre cet amendement pour des raisons de fond. Il reprend la proposition que nous avons formulée en commission et vise à abaisser l’âge d’éligibilité des sénateurs à dix-huit ans, comme l’Assemblée nationale vient de le faire pour les députés et, par voie de conséquence, pour les présidentielles.

Depuis longtemps, mon groupe agit pour « dénotabiliser » notre assemblée et, parmi d’autres mesures, nous proposons donc l’abaissement de l’âge d’éligibilité. Il y a vingt ans déjà, nous avions proposé d’aligner l’âge d’éligibilité des sénateurs sur celui des députés, qui était, à l’époque, de 23 ans. Au bout d’un certain temps, vous en êtes venus à 30 ans. Et maintenant, en partant de notre amendement, qui vous a quand même posé quelques problèmes, vous avez bien voulu passer à 24 ans.

En tout cas, notre démarche est tout à fait claire. Nous estimons, nous, que citoyenneté et éligibilité doivent coïncider. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a abaissé l’âge d’éligibilité des députés à dix-huit ans. Il en va de même pour la candidature à l’élection du Président de la République. Il est, certes, fort peu probable que l’on ait un Président de la République de dix-huit ans – mais sait-on jamais ?

Lorsque l’on est en âge de voter et d’être reconnu responsable sur le plan pénal, on doit aussi pouvoir être élu. Affirmer le contraire me paraît porter atteinte à la crédibilité et à la force du suffrage universel !

Nombre d’arguments ont été avancés en faveur de l’abaissement de l’âge de l’éligibilité à dix-huit ans. Comment une personne majeure pourrait-elle être élue à la Présidence de la République et pas au Sénat ? Maintenir cette distorsion serait quand même étonnant !

J’ajoute que l’Assemblée nationale et le Sénat ont fondamentalement le même rôle – le pouvoir de faire la loi et de contrôler l’action du Gouvernement. Dans ces conditions, pourquoi une assemblée pourrait-elle accueillir des jeunes majeurs, et pas l’autre ?

Se rendant à cette évidence qu’il serait incongru que le Sénat demeure la seule assemblée élue refusant d’accueillir des jeunes de 18 ans, la majorité sénatoriale s’est empressée de ramener le seuil d’éligibilité à 24 ans ! Heureusement qu’il y avait mon amendement ! Sinon, je crois que rien n’aurait pu nous faire passer à 24 ans.

Se posent également des problèmes de constitutionnalité dans la mesure où la Constitution ne prévoit aucune obligation de détention d’un mandat électif local pour devenir sénateur. D’ailleurs, un certain nombre des membres de la Haute Assemblée sont devenus sénateurs sans avoir jamais eu un mandat local.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est rare !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En plus, je vous signale que les élus des Français de l’étranger ne disposent pas, par essence, d’un mandat local.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ils sont élus au suffrage universel direct !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat Pour éviter de discuter plus avant, M. Gélard nous propose d’exiger, pour être élu, un second mandat pour tous, créant une sorte d’obligation de cumul. À défaut, il se replierait sur une autre argumentation, plus difficile à tenir publiquement, fondée sur l’immaturité de la personne.

En conclusion, nous estimons qu’une assemblée, que ce soit l’Assemblée nationale ou le Sénat, a vocation à représenter l’ensemble de ses électeurs. C’est la raison pour laquelle nous avons maintenu cet amendement. Après tout, on pourrait fixer la majorité sénatoriale à 23 ans, maturité oblige ! Le fait de la lier à un mandat local crée, en quelque sorte, une obligation d’avoir exercé un mandat local avant d’être sénateur.

Je vous laisse à vos contradictions mais, en tout cas, nous voterons cet amendement !

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je voudrais apporter un élément d’information à l’intention de ma collègue Mme Borvo Cohen-Seat. Je tiens à lui dire que les sénateurs représentant les Français de l’étranger ont, dans leur immense majorité, commencé à être élus au suffrage universel direct en tant que membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Exactement !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Donc, on ne peut pas dire qu’ils sont élus sans avoir exercé un mandat. Je tenais à le préciser, car c’est le cas de la très grande majorité d’entre eux ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je voudrais rappeler que, depuis que la République est République, les sénateurs ont toujours été élus à un âge différent des autres. De 45 ans sous la IIIe République, l’âge est passé à 35 ans sous la IVe République avant d’être, il n’y a pas très longtemps, abaissé à 30 ans.

Pourquoi cette différence ? D’abord, parce que, ne l’oublions pas, nous sommes élus au suffrage indirect par des grands électeurs, lesquels sont des élus locaux. Par conséquent, ils ont, en règle générale, dépassé l’âge de 18 ans puisqu’il faut être majeur pour pouvoir être élu maire d’une commune ou grand électeur au Sénat.

Gardons cette particularité ! Sinon, il n’y a plus de particularité du Sénat.

Si nous avons retenu l’âge de 24 ans, c’est parce qu’il correspond à la somme de 18 et 6, ce dernier chiffre correspondant à la durée d’un mandat local éventuel. Cela ne veut pas dire qu’il faut préalablement avoir exercé un mandat local ! Cela veut dire que les sénateurs, qui représentent les collectivités territoriales, doivent tout de même avoir un minimum d’expérience acquise, par exemple, en regardant les autres. Cette condition me paraît s’imposer.

Ensuite, il est une autre raison sur laquelle j’attire votre attention, mais qui n’est pas de la même nature. Pensons aux départements dans lesquels les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel. Nos partis politiques, qui, comme chacun le sait, sont devenus très démocratiques, font généralement choisir les candidats de la liste par les militants. Eh bien, on risque de voir d’excellents sénateurs se faire biffer de la liste par les militants qui voudront systématiquement y placer quelqu’un qui aura entre 18 et 30 ans….

À ce moment-là, je crains que le système ne soit pas si favorable que cela ! Comme l’a dit très justement M. Michel, laissons-faire les choses ! Elles vont évoluer naturellement.

Je le répète, il y a un siècle seulement, il fallait avoir 45 ans pour être sénateur. Aujourd’hui, nous passons à 24 ans. Dans moins d’un siècle, je vous garantis que ce sera 18 ans !

La commission est défavorable à l’amendement n ° 8 rectifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Décidément, on n’avance pas !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Comme la commission, le Gouvernement est plutôt défavorable à l’amendement.

La position de la commission me paraît, en l’occurrence, raisonnable. Cette volonté systématique d’aller plus loin que les propositions faites finit, à un moment donné, par relever d’une forme de compétition pour montrer que, chaque fois, on peut aller encore plus loin et être encore plus blanc que blanc ! Cela ne va pas nécessairement dans le sens de ce qui est utile à la démocratie, qui a besoin, à un moment donné, de sérénité.

Passer de 30 à 24 ans, c’est donner un signe important !

M. Jean-Louis Carrère. C’est déjà beaucoup !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est grâce à mon amendement !

M. Philippe Richert, ministre. Pouvoir, à 24 ans, représenter les collectivités locales au Sénat me paraît, très franchement, constituer une avancée considérable ! Je regarde les choses à partir du poste que j’occupe, mais j’aurais dit la même chose si je siégeais encore sur ces travées.

Mme Nathalie Goulet. Merci, madame Borvo !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais quand même faire remarquer à M. le ministre, qui veut me faire la leçon, que c’est grâce à mon amendement que l’âge d’éligibilité va être abaissé à 24 ans !

M. Philippe Richert, ministre. Je vous en félicite !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'élection des députés et des sénateurs
Article 1er ter (Texte non modifié par la commission)

Article 1er bis

L’article L.O. 135 1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le fait pour un député d’omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d’en fournir une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la Commission pour la transparence financière de la vie politique d’exercer sa mission est puni de 30 000 € d’amende et, le cas échéant, de l’interdiction des droits civiques selon les modalités prévues à l’article 131-26 du code pénal, ainsi que de l’interdiction d’exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.

« Tout manquement aux obligations prévues au troisième alinéa est puni de 15 000 € d’amende. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par MM. Anziani, Yung, Michel et Sueur, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Après le mot :

puni

insérer les mots :

de trois ans d'emprisonnement et

2° Remplacer le montant :

30 000 €

par le montant :

45 000 €

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 18.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par MM. Anziani, Yung, Michel et Sueur, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

puni 

insérer les mots :

de trois ans d'emprisonnement et

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter les deux amendements.

M. Alain Anziani. Reconnaissons-le, ce texte comble un vide juridique. Jusqu’à présent, on pouvait faire une déclaration totalement mensongère. Elle n’était pas passible de la moindre sanction, ce qui était proprement un scandale !

Au-delà, la question se pose de savoir quelles sanctions il faut prévoir. Sur cette question, j’observe que nos collègues députés membres de la commission des lois s’étaient prononcés, toutes sensibilités politiques confondues, pour la création d’une incrimination spécifique. Ils avaient proposé qu’elle soit sanctionnée par une peine de deux ans d’emprisonnement, plus une amende, plus la déchéance des droits civiques.

Bien ! En général, c’est plutôt le Sénat qui, sur ces questions, montre la voie. Ici, c’est l’Assemblée nationale qui fait preuve d’audace en la matière.

Quoi qu’il en soit, sa commission des lois adopte, à la quasi-unanimité, un amendement. Et puis, patatras ! Tout à coup, en séance publique, M. Jacob sort son amendement, immédiatement suivi par M. Copé. Et ceux qui, à un moment donné, avaient cru voir la lumière avec cette peine d’emprisonnement ont sans doute vu soudain de l’ombre. Décidant de revenir sur leur position initiale, ils ont finalement supprimé la peine d’emprisonnement !

Pour ma part, je pense qu’il en faut une pour une raison très simple. Quand on dissimule sciemment dans sa déclaration une partie de son patrimoine, n’est-ce pas pour dissimuler une fraude ? Pour agir de la sorte, on doit bien avoir une raison ! Sans doute le fraudeur imagine-t-il pouvoir dissimuler l’enrichissement dont il a bénéficié.

Cet agissement doit-il être puni moins sévèrement qu’un vol ? Un voleur encourt trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Le fait d’avoir voulu tromper l’opinion publique, d’avoir voulu tricher avec le Parlement et la morale publique, ce fait-là, doit-il être puni moins sévèrement qu’un vol ? Nous ne le croyons pas. C’est la raison pour laquelle nous proposons de rétablir la peine d’emprisonnement, que nous fixons à trois ans. D’autres s’en tiennent à deux ans. Tout cela n’est évidemment pas essentiel. L’important, c’est, en tout cas, le principe de la peine d’emprisonnement.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Détraigne, Mme N. Goulet, MM. Deneux, Amoudry, Badré et Jarlier, Mmes Morin-Desailly, Payet et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

est puni

insérer les mots :

de deux ans d'emprisonnement,

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Je reviens sur la question qui vient d’être évoquée. Jusqu’à présent, la commission pour la transparence de la vie politique ne dispose d’aucun moyen de réagir lorsque la déclaration est erronée, mensongère, voire fantaisiste. Elle ne dispose de moyens que lorsqu’un assujetti ne dépose aucune déclaration.

Les députés avaient la volonté de créer un délit passible d’une peine de prison de deux ans. Or, lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, le président du groupe UMP a souhaité revenir purement et simplement en arrière et rayer d’un trait de plume la disposition visant à sanctionner une déclaration patrimoniale incomplète ou inexacte.

Ce revirement a soulevé un tollé général au sein même de la majorité. Selon la rédaction finale adoptée à l’Assemblée nationale, une déclaration mensongère constitue bien un délit, mais celui-ci n’est plus assorti d’une peine de prison.

Nous avons donc déposé un amendement tendant à rétablir une peine de prison de deux ans, et non de trois ans, comme dans l’amendement précédent. Nous revenons donc au texte initial élaboré par la commission des lois de l’Assemblée nationale, présidée par M. Warsmann.

Je rappelle que cette peine ne sanctionne pas une erreur légère, mais, selon, le texte issu de l’Assemblée nationale, « le fait pour un député d’omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ». Pour que cette peine soit encourue, le député concerné doit donc avoir fait preuve d’une réelle intention de frauder et de commettre un acte malhonnête.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, au moment où nos concitoyens exigent de leurs élus, à juste titre, la transparence et l’exemplarité, ne pas voter cet amendement reviendrait à envoyer un très mauvais signal. Cela signifierait que les parlementaires, une fois de plus, veulent être au-dessus des lois.

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

puni

insérer les mots :

de deux ans d'emprisonnement et

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Mes collègues ont fait l’historique du débat à l’Assemblée nationale. Je rappelle, pour ma part, que les travaux de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, la CTFVP, ont montré que le juge pénal ne prononçait quasiment jamais de sanction contre des élus et que de nombreux dossiers transmis au Parquet, qui présentaient un caractère exceptionnel justifiant cette saisine, faisaient le plus souvent l’objet d’un jugement de relaxe.

De nombreux délits mineurs sont aujourd’hui passibles de peines de prison, dans l’objectif de dissuader la petite délinquance, voire même d’éviter sa prolifération. Dans ces conditions, pourquoi le fait de prévoir une sanction pénale en cas de déclaration patrimoniale irrégulière poserait-il un problème ?