M. Pierre-Yves Collombat. Moins que les autres !

M. Charles Guené, rapporteur. … et pour le reste, nous demeurons dans l’expectative. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)

Je rappelle néanmoins que la dernière loi de finances a créé une taxe de risque systémique reposant uniquement sur le secteur financier et qui devrait rapporter, à terme, près de 1 milliard d’euros.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas cher !

M. Charles Guené, rapporteur. Quoi qu’il en soit, il me semble que les auteurs de la proposition de loi font un raccourci un peu rapide entre « actifs financiers » et « spéculation » ou, à tout le moins, « activités improductives ». Or, les actifs financiers détenus par une entreprise sont le plus souvent la contrepartie d’une opération réelle. Par exemple, les immobilisations financières, c’est-à-dire les actifs de long terme, tels que les titres de participation, correspondent à des choix stratégiques de l’entreprise et non à des opérations spéculatives. De même, le plus souvent, les actifs financiers de court terme ne sont que des modalités de gestion d’un excédent de trésorerie.

Au demeurant, je doute que l’assiette d’imposition définie à l’article 1er permette d’atteindre l’objectif que se fixe la proposition de loi. En particulier, plusieurs imprécisions rédactionnelles, que je détaille dans le rapport écrit, pourraient permettre aux entreprises d’échapper à la taxation.

L’article 2 fixe le taux de la taxation à 0,3 % pour la première année. Ensuite, ce taux évolue chaque année et pour chaque entreprise assujettie, à proportion d’un coefficient issu du rapport entre actifs financiers et valeur ajoutée.

Il me semble que, pour les auteurs, le ratio entre actifs financiers et valeur ajoutée correspond à un indicateur de l’intensité spéculative de l’entreprise, ce qui est très contestable pour les raisons que j’évoquais précédemment. Par exemple, le ratio serait très élevé pour les entreprises du secteur financier puisque, par définition, leur bilan est majoritairement constitué d’actifs financiers. Elles verraient donc leur imposition augmenter de manière exponentielle année après année.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes vraiment pas d’accord !

M. Charles Guené, rapporteur. En tout état de cause, un tel système ne manquerait pas de créer une lourdeur administrative supplémentaire, tout aussi injuste qu’inutile.

Je précise enfin, pour en terminer avec les modalités de l’imposition, que l’article 4 prévoit que ladite imposition n’est pas considérée comme une charge déductible au titre de l’impôt sur les bénéfices. Il s’agit d’une dérogation au droit commun de la fiscalité des entreprises qui ne trouve, en l’occurrence, aucune justification particulière.

J’en viens aux dispositions de la proposition de loi relatives à la péréquation.

L’article 3 prévoit que le produit résultant de l’imposition mise en place par les articles 1er et 2 sera versé à un fonds national de péréquation, dont les ressources seraient réparties au profit de l’ensemble des collectivités territoriales françaises.

Cette répartition se ferait en deux temps : d’abord, un abondement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP, puis une répartition du surplus entre les régions, les départements et le bloc communal.

Le dispositif proposé par le présent article souffre de plusieurs insuffisances qui ont conduit la commission des finances à ne pas l’approuver.

Tout d’abord, l’abondement des FDPTP, s’il était opérant – et nous verrons qu’il ne l’est pas –, est redondant.

En effet, l’article 1648 A du code général des impôts, dans sa rédaction actuelle, dispose déjà que les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle perçoivent en 2011 une dotation de l’État. Le montant de cette dotation est égal à la somme des versements effectués par eux au titre de 2009 au profit des communes, des EPCI et des agglomérations nouvelles dits « défavorisés ».

Cette disposition s’articule avec l’article 125 de la loi de finances pour 2011, qui a prévu qu’à compter de l’année 2012 les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle perçoivent chaque année une dotation de l’État dont le montant est égal à celui qui leur a été versé en 2011. Il résulte de ces deux dispositions que les FDPTP sont déjà garantis, à partir de l’année 2011, à hauteur des versements qu’ils auront effectués au profit des communes dites « défavorisées » au titre de l’année 2009.

En outre, puisque le dispositif proposé ne supprime pas les dispositions de l’article 125 de la loi de finances pour 2011, il conduirait donc, s’il était opérant, à verser deux fois les sommes visées aux FDPTP, et si, dans votre optique, ce n’est peut-être pas ennuyeux, cela soulève tout de même une difficulté.

M. Pierre-Yves Collombat. On peut les répartir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il suffit de déposer un amendement.

M. Charles Guené, rapporteur. Outre cette critique de fond que nous avons formulée, le dispositif proposé pour les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle est en pratique inopérant.

M. Charles Guené, rapporteur. D’une part, il ne traite que de l’année 2012 et rend donc incertaine l’alimentation des FDPTP à compter de l’année 2013. D’autre part, il a pour effet de supprimer la dotation de l’État qui doit, en 2011, alimenter les fonds départementaux de péréquation. Or le dispositif de l’article fait référence, pour calculer les montants reversés en 2012, à ceux de l’année 2011, qui auraient donc été nuls.

Enfin, en prévoyant que les bénéficiaires des reversements des FDPTP en 2011 percevront les mêmes montants en 2012, le dispositif proposé prive de toute marge de manœuvre les conseils généraux qui ont la charge de cette répartition.

Après abondement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, l’article 3 de la proposition de loi dispose : « Le surplus des ressources du fonds est alloué aux régions pour 20 %, aux départements pour 30 %, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale pour le solde, à chaque échelon, en fonction d’un indice synthétique représentatif de leurs ressources et de leurs charges dont les caractères sont définis par décret. »

Ces modalités de répartition appellent également de nombreuses réserves.

En effet, si l’on se réfère aux évaluations des auteurs de la proposition de loi, les 17,55 milliards d’euros restant à répartir après abondement des FDPTP viendraient augmenter les recettes des collectivités territoriales à hauteur de 3,5 milliards d’euros pour les régions, 5,3 milliards d’euros pour les départements et 8,8 milliards d’euros pour le bloc communal.

Si l’on compare ces montants aux recettes actuelles de chaque catégorie de collectivités territoriales, on constate que ces ressources supplémentaires viendraient accroître, en 2012, de 12,6 % les recettes totales des régions, de 7,9 % celles des départements et de 7,4 % celles des communes et des EPCI à fiscalité propre.

Je ne peux souscrire à cette proposition, qui majorerait d’une manière que j’estime inconsidérée les ressources des collectivités territoriales, sans rapport avec leurs besoins de financement. Certes, certaines collectivités sont dans une situation financière difficile. Mais un travail a-t-il été fait pour déterminer dans quelle mesure les régions, par exemple, ont besoin d’augmenter leurs dépenses de 13 % ? Quelles sont les dépenses jugées nécessaires face à ces recettes nouvelles ? Dans le contexte actuel déjà tendu de nos finances publiques, une majoration de la dépense locale d’une telle ampleur ne me paraît pas pertinente. On ne voit d’ailleurs pas pourquoi les communes ne verraient leurs ressources croître que de 7 % tandis que celles des régions augmenteraient de près de 13 %. (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.)

Enfin, je relève que les auteurs de la proposition de loi se contentent de se référer à une disposition réglementaire pour déterminer les modalités de répartition, au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales, des ressources du fonds national de péréquation.

Notre commission des finances a créé un groupe de travail qui s’attache notamment à définir les critères de ressources et de charges les plus pertinents pour mettre en place des outils de péréquation efficaces. J’estime qu’il convient de mener à bien cette réflexion, en évitant de renvoyer au pouvoir réglementaire la définition des critères d’une juste péréquation. Il eût sans doute été intéressant que les auteurs de la proposition de loi présentent à cet égard quelques suggestions. (Mme Marie-France Beaufils s’exclame de nouveau.)

D’ailleurs, contrairement à ce qui est avancé dans l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, plusieurs dispositifs législatifs ont déjà été votés : un fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, perçus par les départements, qui est opérationnel dès cette année, deux fonds nationaux de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, des régions et des départements et un fonds national de péréquation des recettes fiscales pour le bloc communal, qui devraient être opérationnels en 2012.

Il n’est donc pas exact d’affirmer qu’aucune réponse n’est apportée en matière de péréquation des ressources des collectivités territoriales et le Sénat veillera, à travers son groupe de travail et lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, à ce que les outils de péréquation prévus par la loi soient justes et efficaces.

Avant de conclure, je tiens à rappeler que les propositions de loi contenant des dispositions fiscales ne seront bientôt plus constitutionnellement recevables. En effet, le Gouvernement a déposé un projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques qui prévoit le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de fiscalité. Il s’agit d’une doctrine que la commission des finances a d’ores et déjà faite sienne depuis les conclusions de la seconde conférence sur le déficit, qui s’est tenue voilà un peu moins d’un an.

Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, la commission des finances n’est pas favorable à cette proposition de loi et elle vous propose donc de rejeter chacun de ses articles et l’ensemble du texte. (M. le président de la commission des finances applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il est naturel que la réforme de la taxe professionnelle suscite encore des débats au sein de votre assemblée.

Cette réforme de grande ampleur vient d’être mise en œuvre et nous devrons compléter, en fin d’année, l’important travail entamé en matière de péréquation des ressources entre les collectivités territoriales.

J’ai d’abord pensé que la proposition portée par votre collègue Marie-France Beaufils s’inscrivait dans cette perspective. Malheureusement, cette initiative n’est pas dépourvue d’approximations, de contradictions et de partis pris. Pour résumer, elle semble quelque peu irréaliste, et c’est pourquoi je vous demanderai de la rejeter, mesdames, messieurs les sénateurs.

Cette proposition semble également faire fi de tout le travail qui a été mené ici même, au Sénat, lors de l’examen des projets de lois de finances pour 2010 et 2011, et dont nous commençons à récolter les fruits en matière de péréquation. (Mme Marie-France Beaufils le conteste. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Tels sont les deux grands points que je souhaite développer devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Cette proposition de loi, outre qu’elle nous rappelle la vision du parti communiste en matière d’économie et de développement économique, me permettra aussi de faire le point sur la mise en œuvre des réformes de la taxe professionnelle et la situation des collectivités, notamment sur la réalité de la péréquation telle que le Sénat l’a votée à l’occasion de la loi de finances pour 2011.

Permettez-moi tout d’abord de vous rappeler que l’objectif de la réforme de la taxe professionnelle était avant tout économique. La taxe professionnelle était un impôt unique en son genre à l’échelle de l’Union européenne : elle renchérissait les investissements des entreprises françaises, encourageait les délocalisations et contribuait à l’affaiblissement de notre industrie, laquelle a déjà perdu près de 500 000 emplois en quinze ans. Indépendante des capacités contributives, cette taxe fragilisait aussi les entreprises confrontées à des difficultés financières.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les bras nous en tombent !

M. Philippe Richert, ministre. On peut bien évidemment refuser de voir ces réalités.

M. Thierry Foucaud. Ce que l’on voit surtout, c’est que le pouvoir d’achat n’augmente pas !

M. Philippe Richert, ministre. Mais, en tant que voisin de l’Allemagne, je ne peux m’empêcher de m’interroger : comment expliquer que ce pays affiche un excédent commercial de 150 milliards d’euros, là où nous totalisons un déficit de 50 milliards d’euros. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Pierre-Yves Collombat. On en reparlera dans dix ans, de l’Allemagne !

M. Philippe Richert, ministre. Qu’on le veuille ou non, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pourrons pas éternellement fermer les yeux sur cette réalité !

Notre objectif est de faire en sorte que notre pays soit compétitif (M. Gérard Le Cam s’exclame.) et qu’il soit, demain, à la hauteur des défis de la mondialisation.

M. Philippe Richert, ministre. La suppression de la taxe professionnelle permet de relancer l’investissement, de renouer avec des créations d’emplois plus dynamiques…

M. Philippe Richert, ministre. … et de restaurer l’attractivité de nos territoires.

Concrètement, le coût des investissements est réduit d’environ 20 % pour une entreprise, ce qui apporte une réponse pérenne à la faiblesse structurelle de l’investissement productif dans notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Corrélativement, la définition fiscale de la valeur ajoutée est profondément rénovée et les obligations déclaratives des entreprises sont simplifiées, avec la disparition de l’obligation de tenir une comptabilité spécifique pour les besoins du calcul de la TP.

La taxe professionnelle disparaît donc, au profit d’un nouveau prélèvement dénommé contribution économique territoriale, ou CET, composé, d’un côté, d’une cotisation foncière sur les entreprises, la CFE, dont le taux sera fixé par chaque commune, et, de l’autre, d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, dont le taux est fixé au niveau national.

Par ailleurs, les bases foncières des établissements industriels sont réduites de 30 % pour le calcul de la CFE, et les règles de liaison des taux sont renforcées.

Afin de limiter le coût de la réforme pour les finances publiques, une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, est instaurée. Elle vient limiter les gains des grandes entreprises des secteurs des télécommunications, de l’énergie et du transport ferroviaire, qui bénéficient fortement de la suppression de la taxe professionnelle, alors même que leur activité n’est pas la plus vulnérable au risque de délocalisation.

Toutes les catégories d’entreprises, petites ou grandes, seront gagnantes, mais l’allégement sera plus important pour les PME. Par ailleurs, tous les secteurs de l’économie bénéficieront globalement d’un allégement de leur charge fiscale : l’industrie comme les services, les transports ou encore le commerce. Seule la charge fiscale des secteurs de l’énergie et des activités financières demeurera stable.

Votre proposition, madame Beaufils, signerait un retour en arrière, désastreux pour les entreprises.

Vous prévoyez en effet d’introduire une taxation supplémentaire sur les actifs financiers des entreprises soumises à la contribution économique territoriale, dès lors que leur valeur nette serait supérieure à la valeur locative des immobilisations corporelles.

Cela vient remettre en cause la bascule d’imposition des investissements vers la richesse produite par les redevables, à savoir la valeur ajoutée, afin d’en finir avec cet impôt qualifié d’imbécile. Nul besoin de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, qui fut à l’origine de cette formule ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Par ailleurs, les entreprises qui disposent d’actifs financiers importants sont soumises, pour la majorité d’entre elles, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, dont le taux peut aller jusqu’à 1,5 % de la valeur ajoutée produite. La CVAE permet donc déjà de corréler le poids de la cotisation économique aux capacités contributives des entreprises ; il ne semble par conséquent pas nécessaire d’aller au-delà.

En outre, je vous rappelle que les produits financiers sont déjà pris en compte pour la détermination de la valeur ajoutée de certaines entreprises. C’est notamment le cas des établissements de crédit ou des sociétés d’assurance. Ainsi, les produits financiers de ces entreprises sont d’ores et déjà retenus pour le calcul de leur CVAE, et la proposition de loi conduirait donc à une double imposition de ces dernières.

De plus, cette proposition pénaliserait les groupes de sociétés, y compris les groupes industriels et commerciaux, même de petite taille, dont l’organisation suppose la détention d’actions de leurs filiales. Or, le fait d’exploiter une activité sous la forme d’un groupe plutôt que d’une société unique n’est pas en soi le signe d’une capacité contributive supplémentaire.

Enfin, en réformant la taxe professionnelle, nous avions pour objectif de réduire la charge pesant sur les entreprises, notamment sur nos industries. Cet objectif est atteint, puisque la réforme de la taxe professionnelle permet d’alléger la charge fiscale des entreprises de 4,7 milliards d’euros.

Vous proposez, au contraire, d’alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises de 18 milliards d’euros. Il suffit de faire le calcul : non seulement vous prévoyez de supprimer cet allégement de 4,7 milliards d’euros, mais vous remettez une couche d’imposition de l’ordre de 15 milliards d’euros.

Chacun est bien évidemment libre de penser ce qu’il veut, mais je tiens ici, au nom du Gouvernement, à attirer votre attention sur ce que peut représenter pour nos entreprises une charge supplémentaire de 15 milliards d’euros à l’heure où la concurrence internationale est au plus haut, où la compétitivité est de rigueur, et où notre pays commence tout juste à respirer de nouveau le développement économique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voudrait des exemples !

M. Philippe Richert, ministre. Le poids d’une telle contribution, de l’ordre de 18 milliards d’euros, serait tout simplement inacceptable pour nos entreprises, et détériorerait la compétitivité de notre économie, alors même que la reprise de notre économie s’amorce après une année 2009 sinistrée par la crise internationale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout le monde n’a pas été sinistré de la même manière !

M. Philippe Richert, ministre. En premier lieu, l’investissement des entreprises non financières n’a cessé d’accélérer depuis début 2010, pour atteindre une progression de 2,2 % au dernier trimestre.

En second lieu, la reprise de l’activité est confirmée par toute une série d’indicateurs : la production manufacturière a augmenté de 1,8 % en janvier (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.), les indicateurs de conjoncture ont progressé de trois points en mars et la consommation des ménages a crû de 0,9 % en février.

M. Philippe Richert, ministre. L’effet sur l’emploi est déjà perceptible : 125 000 emplois nets ont été créés en 2010, un chiffre que personne ne peut contester.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous contestons ce chiffre !

M. Philippe Richert, ministre. La réalité des chiffres est ce qu’elle est, monsieur Collombat ! Vous ne pouvez pas la contester.

J’ajoute que 21 000 emplois nets ont été créés au cours des deux premiers mois de 2011.

M. Philippe Richert, ministre. Enfin, en 2010, la France a vu les investissements étrangers progresser de 22 % par rapport à 2009. C’est encore une réalité, même si vous refusez également de l’admettre.

Certains auraient évidemment préféré se réjouir de la persistance du marasme économique. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le Front national qui se réjouit du marasme de votre politique !

M. Philippe Richert, ministre. Pour notre part, nous nous réjouissons lorsque l’économie de notre pays redémarre, et lorsque la création d’emplois est au rendez-vous.

La réforme de la taxe professionnelle contribue indéniablement à cette meilleure attractivité, tout en maintenant un lien entre activités économiques et territoires.

Votre proposition conduirait simplement à revenir sur cette avancée et à décourager les investissements étrangers. Il y a de meilleures façons de soutenir nos territoires !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes les rois des investissements étrangers, mais quels sont au juste leurs résultats ?

M. Philippe Richert, ministre. Quant à l’impact de cette proposition de loi sur les collectivités territoriales, il serait, lui aussi, significatif, sans que l’on sache réellement pour quelle raison et au titre de quelles compétences il faudrait subitement leur affecter 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires.

À cet égard, permettez-moi de déplorer l’absence d’étude d’impact de votre proposition. Les travaux de M. le rapporteur permettent heureusement de percevoir l’impact d’une telle mesure pour les collectivités territoriales : elle procurerait 12,6 % de recettes supplémentaires pour les régions, 7,9 % pour les départements et 7,4 % pour le bloc communal.

Aucun transfert, aucune création de compétence ne justifierait aujourd’hui un tel surcroît de ressources.

Tous ces éléments m’incitent donc à émettre un avis défavorable sur cette proposition de loi. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Pour autant, votre texte, madame Beaufils, aborde plusieurs sujets d’ores et déjà pris en compte ou inscrits dans le programme de travail du Gouvernement.

Votre présentation oublie en effet les garanties apportées dans le cadre de la réforme de la TP et les travaux engagés en matière de péréquation.

En premier lieu, l’exposé des motifs de votre proposition laisse accroire que la taxe professionnelle n’aurait pas été intégralement compensée et que sa réforme menacerait l’autonomie de gestion des collectivités territoriales.

Vous ne pouvez pourtant pas ignorer que l’engagement pris par le Gouvernement de compenser intégralement la taxe professionnelle aux collectivités territoriales a été respecté, tant en 2010, avec la compensation-relais de la TP, qu’en 2011, avec le nouveau panier de recettes fiscales et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.

Ainsi, la TP a été remplacée par la cotisation économique territoriale, à laquelle s’ajoute l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et ses neuf composantes, que vous avez oublié de mentionner.

De plus, les collectivités territoriales bénéficient de transferts d’impôts – taxe sur les surfaces commerciales, droits de mutation à titre onéreux, transfert des frais de gestion et de recouvrement –, si bien qu’au final la compensation de la taxe professionnelle est essentiellement assurée par des recettes fiscales.

En second lieu, cette compensation s’accompagne d’un développement sans précédent de la péréquation.

Je suis étonné, madame la sénatrice, de lire dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi que, selon vous, « aucune réponse n’est apportée sur la question de la péréquation des ressources ». Il s’agit certainement d’une inattention de votre part puisque, au contraire, nous développons la péréquation des ressources plus qu’aucun autre gouvernement de la Ve République – ce point avait, me semble-t-il, été relevé ici même, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, par l’un de vos collègues président de conseil général, habitué à gérer des masses budgétaires extrêmement évolutives, notamment en raison des compétences sociales des départements !

En effet, l’on assiste pour la première fois en 2011 au développement de la péréquation horizontale, c’est-à-dire la péréquation entre les ressources des collectivités territoriales.

Ainsi, la péréquation sur les droits de mutation à titre onéreux des départements permet, dès cette année, de redistribuer 440 millions d’euros au profit des départements dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne.

Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas les mêmes chiffres !

M. Philippe Richert, ministre. Nous avons tout simplement constaté, de 2009 à 2010, une augmentation de 35 % en moyenne des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Les recettes sont donc passées de 5,2 milliards à 7 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,8 milliard d’euros.

Mme Nicole Bricq. Mais nous ne sommes pas revenus aux recettes de 2007 !

M. Philippe Richert, ministre. Cette péréquation, qui a permis de répartir 440 millions d’euros, ne peut toutefois dépasser 10 % du montant des recettes, ce qui fait qu’aucun département ne voit ses recettes progresser de moins de 20 %. Il était important de le rappeler.

Ensuite, dès l’an prochain, une péréquation sur l’ensemble des recettes intercommunales et communales sera mise en place. Je remettrai un rapport sur ce sujet d’ici au 1er septembre prochain, et je ferai naturellement en sorte qu’il prenne en compte les propositions que la commission que vous présidez pourra établir, cher Jean Arthuis, tout comme celles du groupe de travail présidé par Gilles Carrez au sein du Comité des finances locales.

Enfin, une péréquation sera mise en place sur les écarts de croissance de CVAE des départements et des régions à l’horizon 2013, conformément à ce qui a été voté au Sénat.

De surcroît, les dispositifs existants sont maintenus. Ainsi, contrairement à ce que vous indiquez, il n’est pas nécessaire de prévoir un abondement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP : il est déjà en place ! En effet, la loi de finances pour 2011 prévoit explicitement un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à garantir le niveau de ressources des FDPTP consacré au soutien des communes dites défavorisées.

Quant à la part des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle autrefois consacrée aux communes dites « concernées », elle est intégrée dans le calcul de la compensation des collectivités territoriales concernées.

Ainsi, un véritable changement de paradigme est en train de s’instaurer en vue d’une meilleure équité entre nos territoires. Cette évolution s’opère tout en allégeant la charge fiscale qui pèse sur nos entreprises et en maintenant le lien nécessaire entre les activités économiques et les territoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons évidemment l’occasion de débattre de ces questions essentielles au cours de l’année, notamment en septembre prochain lors de la remise du rapport élaboré par le Gouvernement, rapport qui doit être débattu au Parlement, mais aussi, bien sûr, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Nous disposerons alors de propositions étayées.

Dans l’immédiat, je souhaite exprimer un avis défavorable, vous l’aurez compris, sur cette proposition de loi dont la réelle utilité, au fond, et comme le suggère votre commission des finances, a permis de susciter un débat et de rappeler quelques-uns des engagements constants du Gouvernement dans cette réforme majeure de la fiscalité locale, qui s’inscrit dans la volonté de réforme de notre État. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)