M. Jacques Blanc. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais que M. Lorrain se méfie : s’il continue de parler d’extrême gauche nous concernant, nous risquons de parler d’extrême droite, ce qui pourrait l’ennuyer… (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Afin donc que nous continuions à débattre dans le respect mutuel, monsieur Lorrain, désignez-nous plutôt la prochaine fois en nous appelant par notre nom de groupe, le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche !

Pour en revenir au statut de l’embryon, force est de constater qu’il s’agit d’un débat récurrent et que nous ne sommes pas d’accord. J’approuve totalement les positions qui ont été courageusement défendues, il faut le souligner, par M. le rapporteur.

L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Jean-Claude Gaudin, semble offrir une solution acceptable selon Mme la secrétaire d'État, même si ce n’est pas notre point de vue, ce qui en fait l’amendement « officiel ».

Mme Isabelle Debré. Pourquoi, les autres amendements ne sont pas officiels ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement souhaite donc aujourd'hui maintenir un régime d’interdiction des recherches sur l’embryon assortie de dérogations, signe qu’il veut tout de même laisser les recherches se poursuivre.

Oui, la liberté de la recherche est une nécessité, tout comme l’encadrement, du reste. On l’aura compris, il s’agit ici surtout d’une mesure d’affichage à l’égard des lobbies qui nous poursuivent tous, évidemment, moi moins qu’un élu de la majorité (Protestations sur les travées de lUMP), mais je ne suis pas dupe pour autant : j’habite près du Sacré-Cœur et je puis vous assurer que, sous mes fenêtres, j’en vois passer, des défilés et des pancartes !

En se déclarant favorable à l’amendement n° 51 rectifié, le Gouvernement adresse un mauvais signe à la recherche et un bon signe à ceux qui manifestent pour réclamer qu’un statut soit accordé à l’embryon !

Mme Isabelle Debré. C’est dommage, c’était un beau débat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous le savez tous, je place la dignité humaine au-dessus de tout. M. Raffarin a évoqué les dérives financières, qui font beaucoup de mal à ce principe.

Qu’il me soit permis de faire référence à une atteinte beaucoup plus proche de nous, qui me révolte : je veux parler du cas d’une maire UMP d’une commune d’Île-de-France qui, après avoir tenté, en vain, de refuser à un enfant réfugié kosovar l’accès à l’école, souhaite maintenant lui interdire l’accès à la cantine !

M. Bernard Cazeau. C’est scandaleux !

M. Guy Fischer. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’un élu veuille empêcher un enfant de prendre un repas par jour, voilà qui me scandalisera probablement jusqu’à la fin de mes jours !

M. Bernard Cazeau. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me révolte également quand d’aucuns continuent de soutenir l’interdiction du préservatif, en prenant la responsabilité que des enfants naissent malades du sida et soient voués à la mort dans les premiers mois de leur existence !

M. Bernard Cazeau. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela n’est pas, selon moi, conforme au principe de la dignité humaine, c'est-à-dire au respect de la dignité de ceux qui sont nés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Certes, nous avons tous des convictions, mais que certains ne les poussent pas à leur terme, voilà ce qui me révolte !

En tout état de cause, avec cet amendement, vous envoyez encore une fois un très mauvais signe à la recherche. En revanche, comme dans d’autres domaines, vous adressez un très bon signe, électoral cette fois, à ceux qui défilent et manifestent contre l’avortement ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je vais retirer l’amendement n° 27 rectifié au profit de l’excellent amendement n° 51 rectifié de Jean-Claude Gaudin.

Qu’il me soit permis, auparavant, de revenir sur deux arguments qui ont été avancés.

Le premier argument, défendu par M. le rapporteur, pour lequel j’ai du respect, car il a réalisé avec la commission un important travail, porte sur la question de la légitimité du politique par rapport aux chercheurs. Le second, exprimé avec modération par Bernard Cazeau, est que nos raisonnements reposeraient sur des convictions religieuses.

Tout d’abord, premier argument, celui d’Alain Milon. Comme Jean-Pierre Raffarin, je crains le régime qui verrait la science dicter aux hommes politiques leur comportement. La légitimité du politique doit rester incontestable. Si demain quelques chercheurs devaient dicter la loi aux Français, nous sortirions du régime démocratique pour entrer dans le règne des experts !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !

M. Bruno Retailleau. Or les experts se font souvent aussi l’écho des préoccupations des lobbyistes, chère collègue.

Notre mission est de construire l’intérêt général et le bien commun. Nous ne voulons pas d’un monde à la Orwell ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

La légitimité politique est le fondement de la démocratie, mes chers collègues ! Nous ne devons pas avoir honte d’affirmer qu’il revient au législateur de poser les bornes et les limites, sinon cessons de discuter et laissons les chercheurs nous dicter notre comportement au motif que toute avancée scientifique est forcément positive !

Le second argument est celui de M. Cazeau. J’ai lu énormément d’articles depuis plusieurs mois exprimant les positions et les convictions des uns et des autres. Il ressort de mes lectures que des personnalités de toutes les confessions – juive, musulmane, catholique –, voire des athées, parvenaient exactement aux mêmes conclusions que nous. Cela signifie donc que notre argumentation dans ce débat ne doit pas prendre obligatoirement sa source dans une quelconque conviction religieuse.

J’ai parlé tout à l’heure d’anthropologie. Notre réflexion, ici, est plutôt de cet ordre et n’est absolument pas de nature métaphysique.

Aujourd'hui, nombreux sont les grands pays qui font de la recherche sur les cellules embryonnaires. Certains d’entre eux encadrent énormément cette activité de recherche, et d’autres ont au contraire décidé de très largement la désencadrer. Or la comparaison des résultats obtenus n’est pas probante, indice que tout n’est pas aussi simple que certains voudraient le croire. Or si les résultats scientifiques ne sont pas probants, on peut tout simplement en conclure que le doute commande d’être très prudent, d’autant que le principe de précaution a aujourd'hui valeur constitutionnelle.

Ce principe est souvent invoqué en faveur du règne végétal ou animal, mais on y recourt finalement assez peu dès qu’il s’agit de l’humain…

M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Retailleau. Je suis favorable à l’application du principe de précaution dès qu’il y a un doute. Or c’est le cas ici.

D’autres possibilités existent. Adoptons une attitude de sagesse et maintenons le régime d’interdiction. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

Je retire l’amendement n° 27 rectifié, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié est retiré.

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je souhaite rappeler le message politique que voulait nous imposer la majorité.

Le rapport d’Alain Milon est très clair : « Le fond de l’argumentation de l’Assemblée nationale réside dans la nécessité d’un “interdit symbolique fort” dont la nécessité avait été envisagée avant d’être écartée par le Conseil d’État. » Cet interdit symbolique trouve ici sa transcription dans l’amendement n° 51 rectifié présenté par Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP.

« À cet interdit fort, mis en place afin de pouvoir y déroger, votre commission » – c’est tout à l’honneur de M. le rapporteur – « maintient sa préférence pour un régime de responsabilité assumée et encadrée. » C’est aussi notre position.

« Il convient à cet égard de lever une ambiguïté. Le rapporteur de l’Assemblée nationale, interprétant l’analyse du Conseil d’État concernant les régimes d’“interdiction assortie de dérogation” et d’“autorisation encadrée par des conditions”, a affirmé en effet que “dans le cas de l’interdiction, la possibilité de déroger est d’interprétation stricte, tandis que, dans le cas de l’autorisation, c’est la condition qui restreint la liberté de la recherche qui l’est”.

« Cela laisse entendre que l’autorisation encadrée permettra tout ce que le législateur n’aura pas explicitement pensé à interdire. Or il n’en est rien : l’autorisation encadrée telle que prévue en première lecture par le Sénat n’est pas une autorisation de principe, mais une autorisation sous conditions cumulatives, » – elles sont au nombre de quatre – « en dehors desquelles la recherche ne peut avoir lieu. »

Pour cette raison nous souscrivons totalement aux propos de la présidente de notre groupe, Nicole Borvo Cohen-Seat.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. Retailleau a parlé du principe de précaution comme s’il s’agissait ici de défendre l’herbe, les fleurs ou les arbres. Non, monsieur Retailleau, ce n’est pas cela, le principe de précaution pour les écologistes !

Aujourd'hui, en raison de la mondialisation et de l’essor de la technique, l’homme doit réfléchir avant toute action. Lorsqu’il s’engage dans un conflit armé, il a les moyens de faire sauter la planète. Lorsqu’il produit de l’énergie nucléaire, il peut, en cas de tsunami, irradier tout un continent.

L’homme a donc les moyens techniques de sa propre destruction. Le principe de précaution consiste justement à ne pas utiliser une technique tant que l’homme ne la maîtrise pas et qu’elle peut condamner la planète, c'est-à-dire l’espèce humaine. Cela n’a rien à voir avec la préservation des arbres, même si nous pensons, par ailleurs, que les forêts doivent être protégées !

Contrairement à ce que vous croyez, monsieur Retailleau, nous invoquons donc bien le principe de précaution pour préserver la vie humaine. Je me tiens donc à votre disposition pour une explication de texte sur l’écologie et sur le sens de l’inscription du principe de précaution dans la Constitution !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je tiens d’abord à rappeler que nous n’en sommes pour l’instant qu’aux explications de vote sur l’amendement n° 36 rectifié ter, qui interdit toute recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. S'il est voté, mais j'espère qu'il ne le sera pas, nul besoin de discussions supplémentaires : nous pourrons tranquillement rentrer chez nous…

Je voudrais revenir sur certains points qui ont été soulevés par MM. Raffarin, Blanc et Retailleau.

Monsieur le Premier ministre, cher Jean-Pierre Raffarin, vous aviez fait voter en 2004 la loi relative à la bioéthique, qui prévoyait un régime d’interdiction assorti d’autorisations exceptionnelles. Mais cette loi était révisable, et les autorisations n'étaient accordées que pour voir si la recherche allait donner des résultats. Au contraire, la loi que nous allons peut-être voter, en tout cas celle qui sera votée, ne prévoira pas de clause de révision, elle sera définitive ; de plus, nous savons aujourd'hui que les résultats sont là. C’est une première réserve que je formule.

Vous avez semblé choqué par des propos que j’ai tenus tout à l'heure : effectivement, je crains les régimes où la loi dicte la vérité scientifique, nous en avons d’ailleurs un certain nombre d’exemples, mais, comme vous, je craindrais bien évidemment tout autant les régimes où la science dicterait le droit, même si je n'en connais pas.

Vous avez raison, nous devons veiller à respecter le droit, qui doit régir l'ensemble de notre société. Mais permettez-moi de vous dire, malgré toute l'amitié que je vous porte, que, pour moi, le droit, c'est la transparence et la clarté, c'est-à-dire en l’espèce autoriser ou interdire. Ce n'est pas interdire tout en prévoyant des autorisations ou autoriser avec des interdictions : nous devons trancher. Cela ne me dérangerait pas que le Parlement choisisse d’interdire la recherche sur les cellules souches embryonnaires ; après tout, ce serait son choix, sa liberté, son droit. Je serais toutefois assez déçu, car je préférerais qu’il se prononce pour une autorisation réglementée.

Si le Sénat devait choisir une interdiction symbolique assortie d’autorisations exceptionnelles, je ne verrais dans cette solution aucune garantie de transparence. Ne s’agit-il pas plutôt de répondre à l'angoisse qu’éprouvent les Français s’agissant de la recherche sur l'embryon, cher Jacques Blanc ?

Il faudrait peut-être commencer par faire œuvre de pédagogie, expliquer en quoi consiste la recherche sur les cellules souches embryonnaires et sur l'embryon. Nous savons que ces recherches ne peuvent être effectuées que jusqu’à cinq jours, cinq jours et demi, après la fécondation. Si nous expliquions tout cela aux Français, ils seraient certainement favorables à ces recherches.

Jusqu’à présent, nous n’avons pas expliqué les termes du débat, ou nous les avons mal expliqués ; nous ne disposons peut-être pas non plus de la couverture médiatique suffisante pour le faire. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’angoisse qu’éprouvent les Français vient de la méconnaissance, non de la désapprobation ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde et M. Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Mes chers collègues, avant de procéder au vote, je tiens à vous préciser que, dans la mesure où l’amendement n° 36 rectifié ter vise à proposer une nouvelle rédaction pour l’article 23, son adoption rendrait sans objet tous les autres amendements en discussion commune.

Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié ter.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 235 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 331
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 33
Contre 298

Le Sénat n'a pas adopté.

Madame Hermange, le sous-amendement n° 31 rectifié quater est-il maintenu ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, après ce vote symbolique sur l’amendement n° 36 rectifié ter, je retire les sous-amendements nos 31 rectifié quater, 53 rectifié quater et 54 rectifié quater, ainsi que l’amendement n° 37 rectifié quater, car ils ne pourraient que subir le même sort.

M. le président. Les sous-amendements nos 31 rectifié quater, 53 rectifié quater et 54 rectifié quater ainsi que l’amendement n° 37 rectifié quater sont retirés.

M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur le président, je reprends au nom de la commission le texte du sous-amendement n° 31 rectifié quater.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 57, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, et dont le libellé est strictement identique à celui du sous-amendement n° 31 rectifié quater.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Mes chers collègues, si l'amendement n° 51 rectifié est adopté, la recherche sur toutes les cellules souches sera interdite, sur toutes les cellules souches, sans exception. Voilà bien tout le problème ! Si j’avais donné un avis favorable au sous-amendement n° 31 rectifié quater de Mme Hermange, c’est qu’il tendait à préciser que l’interdiction visait les recherches sur les cellules souches embryonnaires d’origine humaine. Cette précision est essentielle.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai retiré mon sous-amendement car l’explication apportée par Mme la secrétaire d'État m’a convaincue. L’intitulé du titre V du code de la santé publique est clair : mon sous-amendement n’est pas nécessaire. La pratique actuelle va d’ailleurs en ce sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement n° 57 ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Monsieur le président, je demande un vote par scrutin public sur ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais revenir sur les propos tenus par Mme la secrétaire d'État et par Mme Hermange à propos du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, en effet intitulé « Recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires », mais qui n’évoque pas la recherche sur les lignées de cellules embryonnaires. Or l’amendement n° 51 rectifié interdit la recherche sur les lignées. Si l’on ne précise pas qu’il s’agit des lignées de cellules embryonnaires humaines, toute recherche sera interdite.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 57.

M. Bernard Cazeau. Nous nous étonnons que ce problème n’ait pas été soulevé à l'Assemblée nationale. L’amendement de M. Gaudin semble aller au-delà de ce qu’il souhaite, et de ce que souhaitent les membres de la majorité qui l’ont signé.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Bernard Cazeau. Nous voterons donc le sous-amendement que vient de présenter M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je comprends que l’on soit dans le doute, mais doute ne veut pas dire confusion !

En commission, nous avons voté votre sous-amendement, madame Hermange, qui se différenciait des autres en ce qu’il apportait une précision technique, ainsi que vient de le rappeler M. le rapporteur.

Aussi, lorsque M. le président a demandé à Mme la secrétaire d’État quel était son avis sur le sous-amendement n° 57, nous nous attendions à ce qu’elle se déclare sur le fond favorable mais qu’elle juge son adoption superflue dans la mesure où la précision figurerait déjà, de manière implicite mais tout à fait compréhensible, dans le texte de l’amendement n° 51 rectifié. Au lieu de cela, Mme la secrétaire d’État a demandé un scrutin public ! C’est donc bien qu’une certaine clarification est nécessaire…

L’enjeu doit être de taille, pour que Mme la secrétaire d’État dramatise ainsi la situation ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Qu’y a-t-il donc derrière ce sous-amendement ? Ce n’est pas simplement un problème technique ! Mme la secrétaire d’État a conféré un enjeu réel au sous-amendement n° 57 en demandant un scrutin public sur ce qui n’est censé être qu’une confirmation ou une précision. (Mme la secrétaire d’État fait des signes de dénégation.) Nous ne sommes plus dans le doute, chers collègues, nous sommes en pleine confusion !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, en fait je sollicite une suspension de séance de cinq minutes. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Madame Debré, je vous propose que nous en terminions d’abord avec les explications de vote sur le sous-amendement n° 57.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Les mots « doute », « confusion » ont été prononcés, et, de fait, les choses commencent à devenir assez confuses.

Madame la secrétaire d’État, vous vous évertuez à complexifier un débat qui, étant donné l’importance du sujet, se devait d’être serein : nous discutons, je le rappelle, de la recherche sur l’embryon humain.

Pour notre part, nous soutenons le sous-amendement n° 57 comme nous avons soutenu, en commission, le sous-amendement n° 31 rectifié quater dont il reprend le texte, dans la mesure où il introduit une précision utile, et même nécessaire, dans l’amendement n° 51 rectifié.

Cela étant, nous sommes en complet désaccord avec la rédaction proposée par M. Jean-Claude Gaudin qui, loin d’en rester au droit existant, opère bien une régression.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

Mme Annie David. Actuellement, en effet, la recherche sur l’embryon est certes interdite en principe, mais il existe des dérogations. Or l’amendement n° 51 rectifié tend à interdire toute recherche sur l’embryon, sans aucune dérogation possible. C’est donc une véritable régression par rapport à la situation existante.

M. Guy Fischer. Une régression sans précédent !

Mme Annie David. Si l’on ajoute à cela l’amendement n° 55 déposé par le Gouvernement à l’article 24 ter B, qui vise à supprimer l’obligation de réviser tous les cinq ans la loi de bioéthique (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste), on voit clairement que vous voulez durcir le droit.

M. Guy Fischer. On verrouille, on cadenasse…

Mme Annie David. M. Raffarin disait tout à l'heure qu’il fallait respecter le droit, mais, avec ces deux amendements, non seulement nous ne respectons pas le droit mais en plus nous opérons, je le répète, une véritable régression par rapport aux dispositions en vigueur !

En effet, la situation sera « verrouillée » si l’on supprime l’obligation, instaurée en 2004, alors que vous étiez Premier ministre, monsieur Raffarin, de réviser la loi de bioéthique tous les cinq ans. La situation sera ainsi figée, ce qui constitue un signal très négatif envoyé au monde de la recherche.

M. Guy Fischer. Et un retour en arrière !

Mme Annie David. Si je partage votre opinion quand vous dites que ce n’est pas la science qui doit nous gouverner, je considère que nous devons tout de même prendre en compte l’avis des scientifiques et l’éclairage qu’ils nous apportent sur l’évolution de la société. Laisser le droit figé en l’état, cela revient à rater la marche, et rater le train de l’avenir.

On a invoqué une crainte par méconnaissance. Il me semble qu’il y a en effet, dans la population, une véritable méconnaissance de ce qu’est la recherche sur l’embryon. On entend parfois des discours qui sont à mille lieues de la réalité ! Si l’on voulait que nos concitoyens puissent faire un choix en toute connaissance de cause, il faudrait dire les choses simplement et honnêtement.

Nous avons eu la chance, lors de l’examen du projet de loi en commission, d’auditionner des personnalités multiples et diverses. J’ai apprécié ces auditions car, en toute franchise, j’étais moi-même un peu désorientée. Mais les interventions des personnes auditionnées et l’avis, qui me paraît sage, de notre rapporteur, m’ont permis de mieux appréhender les enjeux de la recherche sur l’embryon. C’est cette connaissance qu’il serait nécessaire de mettre à la disposition de tous, pour que nous puissions nous-mêmes prendre ici toutes nos responsabilités.

Nous soutiendrons donc le sous-amendement n° 57, car, si l’amendement n° 51 rectifié était adopté en l’état, cela constituerait un retour en arrière sans précédent, et nos chercheurs en viendraient à désespérer du législateur ! (M. Guy Fischer applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Compte tenu de mon antériorité dans cette affaire – j’étais en effet président de la commission des affaires sociales lors de l’adoption de la loi du 29 juillet 1994 –, je m’étais interdit de participer à ce débat. Je suis très partagé entre la position du Gouvernement, celle de mon groupe et celle de M. le rapporteur.

Toutefois, je considère que ce débat a prouvé que Mme Hermange et notre rapporteur avaient fait une plongée technique extrêmement importante dans le sujet qui nous occupe. Le sous-amendement qu’a proposé Mme Hermange, et qui a été repris par la commission, va dans le bon sens et corrige opportunément l’amendement de M. Gaudin.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d’État, avec toute l’amitié que je vous porte, je serais heureux que vous reveniez sur votre position et renonciez à votre demande de scrutin public. En effet, nos collègues ont raison, à mon avis, de considérer que l’interdiction de toute recherche sur les lignées de cellules souches constitue un retour en arrière même par rapport à la loi de 1994…

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Fourcade. … qui serait très mal accueilli par les milieux scientifiques, en particulier par les chercheurs eux-mêmes – je pense à Axel Kahn, par exemple.

Retirez donc votre demande de scrutin public, madame la secrétaire d’État !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je vais vous décevoir, monsieur Fourcade : je ne retirerai pas ma demande de scrutin public. En effet, on a créé de la confusion alors qu’il n’y avait pas lieu de le faire.

M. Guy Fischer. Ce n’était pas difficile !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je me suis expliquée tout à l'heure, mais je vais le faire à nouveau.

Aux termes de l’amendement n° 51 rectifié, l’interdiction de la recherche « sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches » serait intégrée au sein du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, intitulé « Recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires ». Nous savons donc de quoi nous parlons dès le libellé de ce titre V !

J’ajoute que l’alinéa incriminé mentionne en premier lieu la recherche sur « l’embryon humain » – j’insiste sur ce dernier adjectif. Fallait-il préciser à nouveau, dans la suite de la phrase, que l’interdiction de la recherche sur les « cellules souches embryonnaires » ne concerne que les seules cellules souches embryonnaires humaines ? Il me semble que c’est clairement sous-entendu : on ne parle pas de cellules souches embryonnaires animales ! De même, il va de soi que l’interdiction de la recherche ne porte que sur les lignées de cellules souches « embryonnaires humaines» ; les cellules induites ne sont pas concernées.

Le sous-amendement n° 57 ne fait donc que créer de la confusion alors que les choses sont claires. Je fais confiance aux chercheurs : ils savent très bien sur quoi porte l’interdiction que nous souhaitons édicter, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre global de la recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires, telle que définie dans ce titre V du code de la santé publique.

J’espère avoir, par cet éclairage supplémentaire, levé vos doutes, mesdames, messieurs les sénateurs, si tant est que la confusion en avait instillé dans vos esprits, et je maintiens ma demande de scrutin public.