M. Guy Fischer. Il y a de quoi faire !

M. Bernard Frimat. Plutôt que d’occuper le Parlement avec une révision constitutionnelle aussi inutile qu’inefficace, il serait préférable de nous proposer des mesures fiscales ou sociales qui s’inscrivent dans cette perspective.

La semaine prochaine, le Sénat discutera le projet de loi de finances rectificative tendant à abroger ce que vous présentiez hier comme un titre de gloire, à savoir le bouclier fiscal. Hélas ! vous profitez de l’occasion pour alléger l’imposition des patrimoines les plus élevés. Qu’est devenue votre volonté de réduire les déficits publics et de maîtriser les finances publiques ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

M. Guy Fischer. Tout cela sera jeté par-dessus bord !

M. Bernard Frimat. Elle s’est réfugiée dans la révision constitutionnelle, faute de trouver place dans votre politique.

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Bernard Frimat. Nous ne nous prêterons pas à ce qui n’est en réalité qu’une mascarade visant à vous permettre de vous parer d’habits vertueux et de dissimuler ainsi la politique d’injustice sociale qui est la vôtre.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous n’approuverons pas la révision constitutionnelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus en 2001 à surmonter les clivages politiques pour adopter à une très large majorité la loi organique relative aux lois de finances. Nous devons ensemble, de nouveau, préserver les générations à venir par la réforme majeure qui nous est soumise aujourd’hui.

Voilà trente ans, qui aurait pu imaginer une telle dégradation de nos déficits et de notre dette publics, amplifiée par la dernière crise ? Elle a atteint un seuil si critique que des mesures drastiques s’imposent. Michel Camdessus a raison de l’affirmer : « Nous avons tous besoin de règles pour soutenir notre vertu. » Il manque un instrument juridique s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, lois « jumelles » qui garantissent le respect d’une trajectoire de retour vers l’équilibre budgétaire. La consécration de l’équilibre des finances publiques comme principe constitutionnel, norme suprême s’imposant à toutes les autorités, est l’aboutissement de cette réflexion.

Une révision constitutionnelle n’est jamais anodine. Ce texte exprime l’engagement européen du Président de la République, pris lors du Conseil européen du mois de mars dernier dans le cadre du « Pacte pour l’euro plus ». Notre crédibilité à l’égard de nos partenaires européens et sur la scène internationale est liée au succès de nos réformes, que les agences de notation scrutent sans bienveillance. On peut juger cette situation exaspérante, révoltante, mais les taux d’intérêt de notre dette dépendent de leur appréciation.

La dissimulation de la réalité, les prévisions trop optimistes présentées à la Commission européenne, jamais vérifiées à l’échelon national, devraient désormais appartenir au passé. L’article 12 de ce projet de loi constitutionnelle introduit un contrôle parlementaire assorti d’un vote sur nos engagements européens, s’inscrivant dans un programme de stabilité. Je me réjouis de cette consultation parlementaire préalable à la remise du projet de programme de stabilité aux autorités communautaires, mais je soutiens la proposition de résolution du président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, et du rapporteur général de la commission des finances, M. Philippe Marini, car elle permettra un contrôle plus précis et plus efficace de la mise en œuvre dudit programme.

Le rapport Camdessus a inspiré ce texte, la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 en est la « répétition générale ». C’est elle qui a introduit la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.

Des hypothèses économiques prudentes sous-tendent ce projet de loi. J’ai toujours exprimé la conviction que les prévisions de croissance devaient être le plus modestes possible, en soulignant que, si elles étaient dépassées, nous pourrions affecter le surplus au remboursement de la dette, qui est prioritaire. J’avais même proposé de retenir pour hypothèse de base du projet de loi de finances une croissance zéro.

Or le Gouvernement a toujours présenté un scénario trop optimiste, le revoyant ensuite systématiquement à la baisse, avec les difficultés financières, administratives et politiques que cela induit. Pourquoi ne pas confier à un organisme indépendant, à l’image du Bureau central de planification néerlandais ou de l’Office for budget responsibility britannique, le soin d’établir l’hypothèse de croissance ? La Cour des comptes pourrait tenir ce rôle.

La sincérité des prévisions sera le socle des lois-cadres d’équilibre des finances publiques créées par l’article 1er du projet de loi constitutionnelle. Celui-ci instaure également, et c’est essentiel, le monopole des lois financières sur les prélèvements obligatoires. Cet article provoque une forte émotion au sein des commissions permanentes, qui se sentent dépossédées de leur droit d’amendement. Il faut donc souligner que tout parlementaire conservera bien sûr la possibilité de déposer des amendements sur les projets de loi financière. Je ne peux que me réjouir de cette rationalisation, qui met fin à une dispersion des dispositions fiscales et sociales nuisible à la cohérence et à la lisibilité de notre politique de prélèvements obligatoires.

Ce monopole est déjà respecté par l’ensemble des ministres, en application de la circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010. Pour sa mise en cohérence, un autre défi nous attend, celui de la suppression des niches fiscales et sociales : monsieur le ministre, quelle est votre stratégie à cet égard ?

L’anticipation du dépôt des projets de loi financière, corollaire de ce monopole, facilitera leur examen par le Parlement, et principalement par l'Assemblée nationale, première chambre saisie de ces textes.

Les lois-cadres couvrent a priori une période d’au moins trois ans, mais leur portée peut aller jusqu’à, par exemple, la législature entière. Elles peuvent aussi être « glissantes » et être prolongées d’un an. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, comment s’articulera concrètement ce « glissement », sans dérapage bien sûr ? Monsieur le ministre, à quel moment interviendra le vote ?

Je souscris pleinement à ce projet de loi constitutionnelle visant à rendre contraignant le principe de l’équilibre des finances publiques. Je reprendrai à mon compte cette phrase d’Édouard Herriot : « L’utopie est une réalité en puissance. » En l’occurrence, cette « règle d’or » sera peut-être bientôt une norme du droit positif.

Pourtant, je dois avouer que subsistent des interrogations sur les nombreuses lois organiques qui devront suivre la révision constitutionnelle pour donner corps à cette réforme, s’agissant en particulier des sanctions que pourra prononcer le Conseil constitutionnel.

Pour conclure, je fais mienne cette réflexion du rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, selon laquelle une assemblée parlementaire « est un lieu où l’on prend des responsabilités, et l’on ne peut le faire que par un vote ».

Je voterai donc ce projet de loi constitutionnelle qui, au-delà de la technicité de ses dispositions, pose un principe sage et responsable, qui tiendra lieu de garantie pour les générations futures. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes confrontés, depuis plus de trente ans, à des déséquilibres budgétaires de grande ampleur. Le budget de la nation a drainé, toutes ces années, un endettement qui s’accroît, ce qui reporte la charge sur les générations futures.

Cessons donc la course effrénée à l’endettement ! Au-delà de l’objectif que le Président de la République s’est fixé voilà quatre ans, il s’agit d’un engagement vertueux, fort, pour notre pays et les générations à venir.

C’est l’insuffisante maîtrise de nos comptes publics, notamment en période de croissance, qui a conduit aux déséquilibres budgétaires actuels. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés devant les Français à inscrire une règle d’or qui interdirait tout déficit budgétaire en dehors des dépenses d’investissement. Mais, avec la crise, qui a fait exploser le déficit budgétaire et la dette publique de la France, l’idée a pris du temps à mûrir. Pourtant, la constitutionnalisation de la règle d’or pourrait contribuer au redressement de nos finances publiques.

Ces contraintes sont désormais défendues à l’échelon européen. Les autorités estiment en effet qu’elles aideront à réduire les déficits et donc à consolider une zone euro actuellement en proie à une crise de confiance liée aux problèmes de financement de certains de ses membres.

Nous souffrons d’un problème structurel pour maîtriser nos comptes sur le moyen terme. Or la maîtrise de notre endettement et le retour à l’équilibre de nos finances publiques constituent non seulement une nécessité économique, mais également un impératif moral si nous voulons préserver notre liberté de choix pour la préparation de l’avenir, protéger notre modèle social et garantir notre souveraineté.

Cette situation appelle donc une amélioration de la gouvernance de nos finances publiques.

Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à respecter la trajectoire de déficits publics inscrite dans la loi de programmation des finances publiques – 6 % en 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013 –, quelles que soient les conditions économiques. C’est une trajectoire ambitieuse, peut-être réalisable, comme vous nous l’avez d’ailleurs démontré. Il est donc de notre devoir de soutenir la démarche engagée par le Gouvernement et le Président de la République.

La véritable question est aujourd’hui centrée, non pas sur l’objectif, mais sur la méthode. Vous nous proposez ainsi d’inscrire dans notre Constitution trois séries de dispositions de nature à modifier de manière radicale la gouvernance de nos finances publiques.

Tout d’abord, le projet de loi constitutionnelle tend à créer un instrument juridique nouveau, à savoir les lois-cadres d’équilibre des finances publiques – je n’apprécie pas vraiment cet intitulé, les lois-cadres ayant laissé un assez mauvais souvenir sous la IVe République –, dont les dispositions auront pour objectif, à un horizon pluriannuel défini, d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois-cadres pluriannuelles s’imposeront aux textes financiers ordinaires annuels.

Ensuite, le texte vise à assurer juridiquement le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale afin de régir le domaine de la fiscalité et celui des recettes de la sécurité sociale. Son objet est d’éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l’ensemble des textes législatifs, qui nuit à la cohérence globale de la stratégie budgétaire.

Enfin, vous proposez d’inscrire dans la Constitution le principe d’une transmission systématique au Parlement du projet de programme de stabilité avant qu’il ne soit adressé à la Commission européenne dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 avait déjà posé quelques jalons : l’article 34 de la Constitution prévoit désormais que les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation répondant à l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois de programmation préfigurent ce que pourraient être les lois-cadres en fixant, sur une période triennale, les plafonds globaux, par mission, des dépenses de l’État ainsi que l’impact annuel minimum des mesures nouvelles en recettes.

Cependant, vous souhaitez que nous franchissions une étape supplémentaire en inscrivant dans la Constitution le principe et les modalités institutionnelles d’un retour durable à l’équilibre des finances publiques. Il s’agit de mieux prendre en compte les échéances auxquelles nous devons faire face, notamment vis-à-vis de nos partenaires européens.

Nous souscrivons à l’idée que la Constitution ne se limite pas à organiser le fonctionnement de nos institutions, mais qu’elle est aussi l’expression du pacte social, comme M. le garde des sceaux nous l’a rappelé. Cette conception nous permettrait d’inclure dans la Constitution ce qu’on a appelé, à une certaine époque, les normes optatives, d’après les termes mêmes du professeur André Hauriou, qui, je le rappelle, fut également sénateur.

L’un de nos voisins et partenaires, l’Allemagne, a inscrit dans sa Constitution un calendrier de retour à l’équilibre budgétaire. Il s’agit aujourd’hui de nous engager, non pas dans une voie commune, mais dans une démarche parallèle afin de préserver notre modèle social et notre souveraineté pour les générations futures.

Je souhaite maintenant revenir sur plusieurs aspects du projet de loi constitutionnelle qui ont un impact important sur le fonctionnement du Parlement.

Il convient de rappeler ce que dit la Constitution en ce qui concerne les droits du Sénat. Ainsi, aux termes de l’article 39, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. L’article 72-2 dispose, quant à lui, que tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes.

Dès lors, il est difficile d’imaginer comment le Sénat pourrait discuter de l’organisation et des compétences des collectivités territoriales, tandis que l’Assemblée nationale légiférerait simultanément sur les finances locales. Il y a là un problème compliqué à résoudre. J’espère que nous trouverons une solution au cours de notre débat.

N’oublions pas non plus que, à l’occasion des réformes de retraites, de la justice, de la politique environnementale ou de la recherche, il n’est pas possible d’aborder la question des moyens séparément du fond. Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale devront-elles comprendre une série de dispositions complétant les réformes adoptées en cours d’année ?

Je sais que cette question a été longuement débattue en commission des lois. Je tiens d’ailleurs, en cet instant, à saluer son travail, sous l’autorité de Jean-Jacques Hyest, lequel a su nous proposer des solutions juridiquement valables et financièrement réalistes. Le sujet est d’autant plus important pour le Sénat que toute modification de l’article 39 et de l’article 72-2 de la Constitution aboutirait à une diminution de ses pouvoirs et donc à une transformation non désirée de la Constitution.

Le deuxième point que je souhaite aborder concerne le contrôle du respect du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Du fait de leur nature, les lois-cadres seront soumises avant leur promulgation à un contrôle systématique du Conseil constitutionnel. Celui-ci vérifiera leur conformité non seulement à la Constitution, mais aussi à la loi organique qui devra préciser les modalités de vote, leur contenu et les conditions de modification.

Nos collèges députés ont complété ce dispositif en portant une atteinte indéniable, comme l’a dit M. Hyest, aux travaux parlementaires. C’est pourquoi nous soutenons les propositions de la commission des lois en la matière, qui reviennent sur les mesures adoptées par l’Assemblée nationale.

Enfin, le texte prévoit que le Parlement votera sur le projet de programme de stabilité, sans avoir participé à son élaboration et sans que ce vote aboutisse à un texte engageant le Gouvernement. La solution proposée par la commission des lois d’ouvrir la discussion à toutes les commissions intéressées en permettant à une ou plusieurs commissions permanentes d’émettre un avis nous semble être équilibrée, le projet de programme de stabilité étant susceptible d’avoir des effets sur les finances de l’État, comme sur celles des collectivités territoriales et sur les comptes sociaux.

À ce stade, je forme le vœu que la Haute Assemblée ait une attitude responsable durant nos travaux et qu’elle élabore enfin un outil qui concilierait respect de l’initiative parlementaire et retour à l’équilibre budgétaire. La règle d’or que nous allons instituer à travers cette révision constitutionnelle est, certes, une règle contraignante, mais elle ne remplacera jamais le volontarisme politique pour réaliser les efforts nécessaires en matière de rigueur budgétaire. Il appartient à chacun de faire preuve de responsabilité !

Ces remarques étant faites, c’est donc sans surprise que je vous annonce d’ores et déjà que le groupe de l’UMP soutiendra l’initiative courageuse et ambitieuse que constitue ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une crise d’un type nouveau déstabilise des gouvernements et fait souffrir bien des peuples, depuis plus d’un an maintenant. Celle-ci porte un nom : il s’agit de la crise de la dette souveraine. Aujourd’hui, plus aucun pays de l’OCDE ne semble protégé ou à l’abri d’une telle conflagration.

La note de la dette grecque a encore été abaissée hier et se situe désormais à l’un des niveaux les plus faibles du monde. Mais la Grèce n’est pas seule ! Le Portugal y a perdu son précédent gouvernement ; l’Espagne et l’Italie sont fragilisées ; les États-Unis eux-mêmes risquent de voir leur note dégradée dans les prochains mois.

Nous avons consenti des efforts budgétaires importants dans le cadre des plans de relance pour faire face à la crise. Une partie de la perte de confiance vient d’ailleurs de ces efforts, mais cela ne saurait faire oublier que nous vivons au-dessus de nos moyens et que la France accuse un déficit structurel trop élevé depuis trop longtemps.

C’est dans ce contexte de risque et d’incertitude que le Gouvernement a annoncé vouloir inscrire dans la Constitution une « règle d’or » des finances publiques.

Les sénateurs du groupe de l’Union centriste se félicitent d’un tel projet, qui rappelle en grande partie les propositions que les centristes avaient avancées lors de la précédente campagne présidentielle. Je veux d’ailleurs affirmer devant vous l’unanimité des membres de mon groupe pour ériger en objectif prioritaire la lutte contre les déficits et pour la réduction de la dette. Je ne suis pas certain qu’une telle unanimité se retrouve dans tous les groupes. Je suis même parfois inquiet d’entendre les discours de certains de nos collègues, sinon au Sénat, du moins dans d’autres lieux, qui ne semblent pas avoir pris la mesure de la situation actuelle.

Le projet de loi constitutionnelle est avant tout un signal, qui est d’autant plus fort qu’il est envoyé aux marchés financiers à un moment où notre dette à court terme arrive à échéance et que nous avons participé, sur le plan européen, à la promotion et à la diffusion des « règles d’or » parmi les États membres.

Alors que faire à une époque où les États ne disposent plus de la même latitude dans la gestion de leurs finances publiques ? Faut-il attendre l’inflation, comme nous venons d’attendre la pluie ? Non ! Ce n’est pas l’inflation qui nous permettra d’apurer nos dettes.

Faut-il attendre une restructuration qui nous imposerait l’ingérence d’autorités internationales pour définir notre politique économique ? Certainement pas ! Je ne peux pas vouloir pour la France ce qui se passe actuellement dans d’autres pays.

Faut-il espérer une sortie de l’euro et un retour à une monnaie nationale ? Je ne m’étendrai pas sur le sujet, tant nous, centristes, sommes convaincus que les conséquences d’une telle mesure seraient catastrophiques.

Il nous faut donc regarder la réalité en face et adopter, pour commencer, le principe des lois-cadres. Je crois qu’il revient à chaque État européen de définir les modalités des lois-cadres qu’il veut se voir appliquer dans le cadre des contraintes budgétaires.

Nous avons déjà expérimenté un certain nombre de lois de programmation budgétaire, mais celles-ci ont montré leurs limites. Le temps est donc venu d’inscrire les lois de finances annuelles dans un cadre pluriannuel contraignant.

J’en viens à la fameuse question du monopole fiscal, qui suscite tant de réactions au sein des commissions de nos deux assemblées.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte par cette discussion générale pour adresser mes plus vifs encouragements aux uns et aux autres,…

M. François Zocchetto. … afin que nous parvenions à une position commune, consensuelle, qui pourrait – sait-on jamais ? – préfigurer un vote favorable au Congrès.

M. Jean Desessard. Ce sera dur !

M. François Zocchetto. Le monopole fiscal est, selon moi, un élément central de la stratégie d’assainissement des finances publiques, telle qu’elle est dessinée par le Gouvernement. Outre son avantage en termes de maîtrise du flux des recettes et des dépenses, cette règle sera un gage élémentaire de sécurité juridique pour les contribuables, qui trouveront ainsi davantage de lisibilité dans les textes financiers.

Aujourd’hui, force est d’admettre que les dispositions fiscales partent dans tous les sens.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sûrement pas ! Les mesures fiscales vont toujours dans le même sens !

M. Guy Fischer. Toujours pour les riches !

M. François Zocchetto. Quelle est la meilleure solution ? Il me semble que c’est probablement celle qui a été élaborée, il y a quelques instants, lors de la réunion de la commission des lois.

Je fais partie de ceux qui soutiendront sans hésitation l’amendement présenté par le rapporteur Jean-Jacques Hyest, qui vise à ce que chaque texte ayant une incidence en matière de charges ou de recettes fiscales soit approuvé par une loi de finances. Devant une telle proposition, qu’il nous soit permis de nous interroger aussitôt : d’accord pour une loi de finances, mais sous quel délai ?

Je formule quelques espoirs pour qu’un délai contraignant puisse être trouvé. Pourquoi pas trois mois, comme d’autres le suggèrent également ? Ainsi l’exécutif aurait-il l'obligation de présenter un projet de loi de finances rectificative une fois par trimestre au minimum.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bonne suggestion !

M. François Zocchetto. Je terminerai en évoquant une préoccupation que nous partageons tous ici en tant que sénateurs. Je veux évidemment parler du devenir des textes relatifs aux collectivités territoriales qui ont une incidence budgétaire en termes de recettes ou de charges fiscales.

Qu’adviendra-t-il de la priorité d’examen dont bénéficie le Sénat sur ces textes en vertu des dispositions constitutionnelles ? La réponse à cette question est selon moi toute simple : il suffit d’en rester aux modalités actuelles ; nous continuerons naturellement à être les premiers saisis des textes concernant les collectivités territoriales, quand bien même y figureraient des dispositions à caractère budgétaire.

Telles sont les quelques orientations que l’Union centriste souhaite voir étudiées au cours de notre débat. Au nom de mon groupe, je tiens à remercier le rapporteur et les rapporteurs pour avis, car ils ont permis, ne serait-ce qu’il y a quelques heures, de faire avancer ce débat si important pour nous-mêmes et, surtout, pour les générations à venir. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques dont nous débutons l'examen aujourd'hui est en réalité bien mal nommé. En effet, il s’agit moins de garantir l'équilibre des dépenses publiques que de basculer dans un ultralibéralisme contraire à notre pacte républicain.

Certains ont dénoncé, à raison, le fait que ce texte faisait de la politique de rigueur, pour ne pas dire d’hyper-austérité, que vous menez depuis des années un principe à valeur constitutionnelle. Oui, vous pérennisez ainsi l’hyper-austérité par la mise en place d’un carcan des plus contraignants !

M. Guy Fischer. Si cela se confirme, il convient d’apporter, me semble-t-il, une précision de taille : le projet de loi constitutionnelle ne constitue pas un objectif en soi, il n’est que la conséquence de votre politique.

Le but est bien, mes chers collègues, de basculer d’une république sociale vers une république ultralibérale, dans laquelle le champ d’intervention de l’État serait réduit aux seules compétences régaliennes, laissant ainsi les marchés financiers et les spéculateurs libres d’imposer leurs règles, contre l’intérêt des peuples.

M. Guy Fischer. Vous prenez votre revanche sur le Conseil national de la Résistance, le CNR, dont la création vous fut imposée par les circonstances historiques. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, parce que le pays était à reconstruire, parce que le paysage politique avait été bousculé par la collaboration et parce que le peuple de France voulait se retrouver, votre famille politique n’avait pas eu d’autres choix que de travailler à la réalisation du programme élaboré par le CNR.

Aujourd’hui, vous lui tournez définitivement le dos.

Par voie de conséquence, ce sont ceux que le programme du CNR voulait protéger – les salariés, les précaires, les retraités – qui paieront les frais de votre politique. De fait, tel est déjà le cas !

En prenant prétexte des déficits de la sécurité sociale, vous imposez, année après année, des mesures qui ont toujours pour effet de réduire les droits et la protection de nos concitoyens.

Cela prend la forme de déremboursements massifs de médicaments, alors que, dans le même temps, vous autorisez la vente de médicaments qui ne présentent aucun intérêt thérapeutique mais qui permettent aux laboratoires d’engranger des dividendes colossaux.

Cela prend également la forme de la fermeture des hôpitaux de proximité, au grand bonheur des cliniques privées commerciales, qui bénéficient déjà de la tarification à l’activité, la T2A, et de la privatisation des missions de service public.

Cela prend encore la forme des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, ce qui entraîne, de l’avis même de la Cour des comptes, la précarisation d’un nombre toujours plus important de salariés.

Demain, cette rigueur prendra la forme du recours aux assurances privées commerciales dans le cadre de la perte d’autonomie, pour la plus grande satisfaction des groupes mondiaux d’assurance.

Votre politique en la matière obéit à une règle : organiser sciemment, méthodiquement, l’appauvrissement, la réduction drastique des comptes sociaux pour justifier les reculs en matière de protection sociale et rendre crédible la transformation de la sécurité sociale en un mécanisme aux prestations réduites et réservées aux plus pauvres des plus pauvres.

Pourtant, une autre solution existe. Elle réside dans un changement radical de politique reposant sur un financement pérenne de la sécurité sociale. En 2009, année de crise, 105 milliards d’euros ont été distribués par les entreprises pour rémunérer le capital, sous la forme de dividendes notamment.