PRÉSIDENCE DE M. Jean-LÉonce Dupont

vice-président

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, le Gouvernement ou la commission des affaires européennes pourront répondre.

La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai écouté les propos de M. le ministre avec beaucoup d’attention. Je ne vois pas comment nous pourrions être en désaccord avec un certain nombre d’entre eux.

C’est notamment le cas lorsque vous dites, monsieur le ministre, que l’Europe et le monde sont à un tournant de leur histoire, qu’il est nécessaire d’avoir une discipline budgétaire et qu’une solidarité est tout autant indispensable. C’est aussi le cas lorsque vous parlez d’une croissance forte.

Là où le bât blesse, c’est lorsqu’il m’apparaît que votre discours européen, dont on peut comprendre certains aspects, est en décalage total avec la politique aujourd’hui menée dans notre pays. Dès lors, la crédibilité de la parole française me semble mise en cause.

M. Roland Courteau. C’est certain !

M. Yannick Vaugrenard. Je veux en prendre quelques exemples.

Lorsque vous choisissez de taxer seulement les revenus supérieurs à 500 000 euros à hauteur de 3 % – vous avouerez que ce n’est pas grand-chose –, vous demandez peu à ceux qui ont beaucoup et beaucoup à ceux qui ont peu !

Comparons avec d’autres pays : au Royaume-Uni, les hauts revenus sont taxés de manière spécifique à partir de 175 000 euros ; en Allemagne, Angela Merkel a instauré une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu au taux de 45 %, au lieu de 42 %. Il est clair que, dans ces pays, s’instaure une solidarité humaine indispensable : on ne peut pas demander une solidarité entre les pays européens sans demander une solidarité à l’intérieur de chaque pays, y compris le nôtre, entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui ont très peu.

Vous avez aussi parlé de croissance forte. Comment est-ce possible lorsqu’on vient d’imposer aux mutuelles, et donc à leurs adhérents, une taxation supplémentaire qui rapportera un milliard d’euros à l’État et dont il résultera une diminution de la consommation intérieure, donc de la croissance ? Là encore, il y a un décalage entre ce qui est dit au niveau européen et la réalité de la politique pratiquée dans notre pays.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Yannick Vaugrenard. C’est la raison pour laquelle, si nous ne changeons pas de politique en France, si nous n’instaurons pas une plus grande solidarité humaine et territoriale, les propos que nous tiendrons au niveau européen n’auront pas de crédibilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. J’ai bien compris, monsieur Vaugrenard, la tactique à laquelle obéit votre question : pour me faire répondre sur le plan européen, vous m’attirez, si j’ose dire, sur le « marché intérieur ». (Sourires.)

Pour essayer de vous répondre, je veux d’abord vous dire qu’il est très difficile de faire des comparaisons entre pays européens, qu’ils appartiennent ou non à la zone euro. Par exemple, il est difficile de comparer les systèmes de retraite respectifs de l’Allemagne et de la France. De même, il est difficile de comparer les taux de la taxe sur la valeur ajoutée en Grande-Bretagne et en France. On peut aussi rappeler qu’il existe chez nous un impôt de solidarité quand d’autres pays ont fait le choix de ne pas en instaurer un.

Autrement dit, une comparaison entre les pays européens nécessite une étude beaucoup plus approfondie que celle sur laquelle votre propos repose.

Ainsi, s’agissant des mutuelles, à lire le rapport qui leur a été consacré, on se rend compte que beaucoup d’entre elles – pas toutes, mais beaucoup – ont des marges de manœuvre très importantes, et que la solidarité pourrait aussi consister pour elles, plutôt qu’à accumuler du capital, à pratiquer une redistribution.

Quant à savoir qui sont les riches, je ne me risquerai pas à proposer ici un seuil. Un jour, un candidat potentiel avait dit qu’on était riche à partir de 4 000 euros par mois : une polémique inextinguible s’était ensuivie…

Soyons donc prudents lorsque nous voulons comparer des pays du point de vue de leur système social et de solidarité. La France consacre à la solidarité trois points de PIB de plus que tous les pays de la zone euro. Au sein de l’Union, elle se situe même devant la Suède ! Son système de solidarité interne n’a donc rien à envier à celui de ses partenaires.

Par conséquent, comparons ce qui est comparable et, si vous le voulez bien, revenons au débat européen sur la solidarité et la rigueur.

Lorsque, en France, nous créons de la croissance grâce à des dépenses d’avenir combinées à une rigueur budgétaire, nous obtenons le fameux triple A et nous ouvrons des perspectives pour la recherche et l’emploi. Lorsque nous tenons effectivement l’objectif fixé d’un déficit à 5,7 % du PIB, et que, dans ce but, pour trouver un milliard d’euros supplémentaires, nous faisons supporter l’effort à 87 % par les entreprises et les personnes les plus favorisées, c’est aussi une forme de solidarité que nous mettons en œuvre.

Ne m’entraînez donc pas dans un débat qui m’obligerait à vous répondre de manière très incomplète et avec beaucoup moins de compétence que François Baroin !

M. Jean-Jacques Mirassou. Sauf pour les mutuelles !

M. Jean Leonetti, ministre. Sur l’ensemble des sujets européens, gardons à l’esprit l’exigence d’équilibre entre la rigueur budgétaire et la solidarité, la croissance et la stabilité.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de poser trois questions, je veux revenir brièvement sur le programme d’aide aux plus démunis.

Nous nous étions permis, au sein de la commission des affaires européennes, d’interpeller le président Barroso en juin dernier. Il ne nous a toujours pas répondu ; ce n’est pas convenable puisque le traité de Lisbonne lui donne trois mois pour nous répondre : il serait donc temps qu’il le fasse !

Je connais votre engagement, monsieur le ministre, ainsi que celui du ministre de l’agriculture. J’aimerais savoir où vous en êtes concernant le programme européen d’aide aux plus démunis et si vous avez convaincu les six États membres qui constituaient la minorité de blocage.

Ma deuxième question a trait à la protection des épargnants et à l’encadrement des activités dites « à risque ». Je me réjouis que la réglementation européenne ait enregistré des avancées en ce qui concerne le secteur bancaire. Au-delà de l’indispensable stabilisation financière, il s’agit aussi de faire bénéficier les épargnants d’une forme de protection face aux activités considérées comme risquées, notamment les activités de trading. Où donc en êtes-vous, monsieur le ministre, au sujet de la séparation nette – qui a été réalisée dans certains pays anglo-saxons – entre les activités de trading pour compte propre et les autres activités ?

Ma dernière question porte sur le principe de réciprocité ; elle me permet de prolonger les propos de notre collègue Daniel Raoul, que je remercie et félicite d’avoir cité certains extraits du rapport de la commission des affaires économiques sur l’OMC.

Je rappelle que la commission des affaires européennes avait, à plusieurs reprises, préparé un rapport sur la préférence communautaire, en considérant que, depuis le traité de Rome de 1957, celle-ci n’était plus qu’un principe incantatoire, pour ainsi dire supplanté par les règles de l’OMC applicables au commerce international.

Je me réjouis que nous puissions enfin mettre tout cela en musique. Nous avons seulement à assembler les éléments du puzzle : clauses de sauvegarde, accord de l’OMC sur les normes phytosanitaires, dit SPS, passerelles avec l’Organisation internationale du travail.

Je pense que cette réponse est la bonne. Je la crois bien plus pertinente que les théories sur la « démondialisation » : à mon avis, ceux qui prônent la démondialisation méconnaissent profondément le sujet – ce qui est pardonnable –, ou bien cèdent à des tentations de populisme – ce qui est plutôt méprisable.

Je voudrais donc savoir où en sont vos négociations avec M. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC. Pour ma part, je dis très clairement que je ne suis pas du tout favorable à une conclusion du cycle de Doha : 2001, c’était il y a très longtemps et nous sommes allés beaucoup trop loin – je rejoins sur ce point Daniel Raoul – dans les concessions faites en matière agricole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. M. Bizet me pardonnera, mais l’ayant souvent rencontré dans sa fonction de président de la commission des affaires européennes, en quelque sorte au-dessus de la mêlée, je m’étonne de le retrouver aujourd'hui presque perdu dans l’hémicycle ! (Sourires. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

M. Jean Bizet. Je reste à droite ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Leonetti, ministre. À propos du programme européen d’aide aux plus démunis, ou PEAD, vous savez que la campagne hivernale de 2011 est assurée.

Vous savez aussi que ce sont les surplus de la PAC qui servaient à l’alimentation du fonds destiné aux plus démunis. Lorsque ces surplus ont cessé d’exister, une décision de justice nous a interdit de continuer à en acheter – ce que faisait l’Europe.

Il se trouve que, plus qu’un problème financier et économique, il s’agit pour l’Europe d’un problème d’image. Même si ce n’est pas tout à fait vrai, le grand public dira : « Comment, on peut donner des milliards à des banques et on ne peut pas donner quelques millions aux plus pauvres d’entre nous ? »

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Jean Leonetti, ministre. Cette situation est intolérable.

Le Président de la République et le Premier ministre ont confié à Bruno Le Maire et à moi-même la mission de trouver des solutions.

Je reviens du Luxembourg, où j’ai revu ce matin mes homologues tchèque, allemand et danois. Comme vous le savez, les Danois ont changé de majorité : peut-être nous trouverons-nous, de ce fait, dans une situation plus favorable.

Vous savez aussi que le dernier Conseil des ministres de l’agriculture a essayé de trouver une solution en créant deux lignes budgétaires distinctes : l’une consacrée à la solidarité, l’autre à l’agriculture. Mais devant l’échec probable de cette tentative, Bruno Le Maire a préféré reporter l’examen de cette question au 20 octobre.

Sachez, monsieur le sénateur, que nous sommes déterminés à trouver une solution. Nous ne laisserons pas les plus démunis d’entre nous sans aide européenne. C’est encore un sujet que j’ai évoqué ce matin devant le président Van Rompuy. Je suis sûr que nous arriverons finalement à trouver d’abord une solution permettant d’assurer la continuité pour les deux prochaines années, puis à définir des mécanismes différents.

S’agissant de la séparation entre banques d’affaires et banques commerciales, je veux vous dire que, lorsque Lehman Brothers tombe, Northern Rock tombe en même temps. Or Northern Rock est uniquement une banque de prêt. Être uniquement une banque d’affaires ou uniquement une banque de crédit n’offre donc pas la garantie d’une situation plus stable.

Cela dit, le débat existe et nous pouvons y réfléchir. Mais ne croyons pas que la mise en place d’une telle séparation nous mettrait nécessairement à l’abri.

En ce qui concerne la réciprocité, j’ai déjà dit qu’il fallait un commerce loyal. Je rappelle qu’il existe une façon de rendre le commerce loyal : imposer une taxe carbone aux frontières. Car il n’est pas normal de contraindre l’ensemble de l’industrie européenne à une démarche vertueuse tout en important des produits dont la fabrication n’a pas supposé le respect des mêmes règles.

Enfin, pour ce qui est de la démondialisation, je vous avoue franchement que je ne saurais pas très bien comment faire pour y parvenir… Mais j'ai cru comprendre que cette question permettrait au moins d’arbitrer entre deux candidats socialistes ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Rien n’est moins sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas le lieu d’en parler !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. J'ignorais que notre collègue aborderait le sujet sur lequel j’ai prévu de m'exprimer, mais, compte tenu de la gravité de la situation et du nombre de personnes concernées, et ce à quelques semaines de l'hiver, il me semble utile de vous interroger de manière plus précise, monsieur le ministre.

Nous sommes maintenant à quelques jours du 20 octobre, date à laquelle le ministre de l’agriculture rencontrera ses homologues européens.

Le contexte européen, évoqué longuement cet après-midi, est bien sûr marqué par une crise économique et financière très sévère qui plonge des millions d’Européens dans les affres de la pauvreté. Cette situation pourrait encore s’aggraver à la suite de la décision de six pays de l’Union européenne de réduire de plus de 70 % l’aide alimentaire européenne distribuée aux plus démunis.

En ce qui concerne notre pays, le Secours populaire français estime que 4,8 millions de repas risquent de ne pas être distribués à partir de 2012 si le PEAD fait défaut : sur les 700 tonnes de denrées récupérées chaque mois, 21 % proviennent du PEAD.

Cette décision inacceptable, si elle s’appliquait, reviendrait en quelque sorte à imposer une double peine à nos concitoyens, qui subissent déjà les effets de la crise, que la « concurrence libre et non faussée » gravée au cœur des traités européens ne fait qu’amplifier.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes et précises comptez-vous prendre pour que, à quelques semaines de l’hiver, les plus démunis de nos concitoyens puissent continuer de bénéficier de l’aide alimentaire de l’Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, je vais m’efforcer de vous apporter des éléments d’information supplémentaires.

Le PEAD représente 400 000 tonnes de denrées alimentaires, qui sont distribuées à 18 millions de personnes, ce qui n'est pas rien ! Le montant de l’enveloppe financière consacrée à ce programme fondé sur l’utilisation des surplus de la PAC est passé de 500 millions d’euros environ à 113 millions d'euros, ce qui correspond à un déficit majeur de près de 400 millions d’euros.

Pour la France, ce changement se révélera relativement neutre dans la mesure où notre pays récupère ce qu'il donne, à savoir entre 60 et 70 millions d’euros. La solution la plus simple – et la plus simpliste ! – consisterait à « nationaliser » l’aide aux plus démunis.

Cela étant, les arguments avancés par nos voisins allemands, qui ont formé le recours devant le tribunal, ne sont pas totalement infondés sur le plan juridique. Dans ce pays, l'aide aux plus démunis relève de la responsabilité des Länder et non de l’État fédéral. De fait, l’importance de cette redistribution est très différente selon les Länder.

Néanmoins, nous avons me semble-t-il réussi à convaincre l'ensemble de nos partenaires européens de la possibilité de trouver une solution équilibrée consistant en une ligne budgétaire relativement réduite au titre de la PAC et une autre au titre de la solidarité.

Ce matin, lors de la réunion qui s’est tenue à Luxembourg, nous avons évoqué la possibilité d’inclure le PEAD dans les fonds de cohésion. Si cette voie devait être suivie, il resterait alors à lever les obstacles juridiques et à surmonter l’opposition d'un certain nombre d'États qui disposent d’une minorité de blocage. Dans cette perspective, nous espérons pouvoir infléchir la position de nos amis tchèques ou danois. Mais, à l’issue de cette réunion, je dois avouer que je fonde de plus grands espoirs sur nos amis danois.

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure la volatilité des prix agricoles. Voilà trois mois et demi, j'étais le rapporteur d'une proposition de résolution sur cette question, qui a été adoptée à l'unanimité et que je vous invite à relire. Mais tel n’est pas l’objet de mon intervention, car je souhaite aborder avec vous la position de l’Europe face au changement climatique.

La prochaine conférence internationale sur les changements climatiques se tiendra à Durban à la fin du mois de novembre. Cette conférence s'inscrit dans la continuité de celle qui a eu lieu à Copenhague en 2009, qui avait consacré une rupture dans la logique de construction des négociations internationales sur le changement climatique, et de celle de Cancún, qui s’est tenue l’an dernier et qui n'avait pas pris position sur le prolongement du mécanisme de Kyoto.

La France, sous l'impulsion de l'Union européenne, a mené une politique particulièrement ambitieuse en la matière. De fait, en 2008, dans notre pays, le niveau des gaz à effet de serre était inférieur de 6,4 % à ce qu’il était en 1990.

Dans ces conditions, il faut que les grandes économies mondiales se mobilisent plus fortement à Durban. Le protocole de Kyoto est le seul outil juridique contraignant. Or les nouvelles puissances économiques que l'on appelle les BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – ont aussi estimé que le prolongement du protocole de Kyoto au-delà de 2012 serait la priorité numéro un de la conférence de Durban. Est-ce aussi votre opinion, monsieur le ministre ?

Le conseil européen des ministres de l'environnement a proposé une position commune sur le prolongement du protocole, mais il semble bien qu'il existe des divergences au sein de l'Union européenne. Ainsi, l’Italie, la Hongrie et les États membres de l'Europe centrale et orientale ont adopté des positions différentes s'agissant notamment du traitement du surplus des unités de quantité attribuées. Pourtant, quand bien même nous respecterions les objectifs fixés à Cancún, nous en resterions à 60 % des efforts nécessaires à accomplir pour que la température du globe n’augmente pas à terme de plus de deux degrés.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser deux questions.

Premièrement, si les engagements actuels sont insuffisants au regard du but à atteindre, est-il possible que l'Europe défende un objectif plus ambitieux de diminution des gaz à effet de serre que celui qui a été fixé à Kyoto ?

Deuxièmement, à l'heure où de nouvelles puissances pointent du doigt certaines mesures de l'Union européenne, telle la proposition que nous avons faite d’introduire l’aviation dans le système des quotas, celle-ci, traversant une crise économique majeure, est-elle aujourd’hui en mesure d'imposer sa politique unilatérale de lutte contre le réchauffement climatique à la Chine et aux États-Unis d'Amérique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison d’affirmer que nous nous trouvons actuellement dans une situation difficile.

Premièrement, le protocole de Kyoto arrive à échéance, alors même qu’il ne portait que sur 16 % des émissions de gaz à effet de serre, l’Union européenne ne représentant, quant à elle, que 11 % de l'ensemble des efforts qui ont été accomplis. Dans ce contexte, essayons d'abord d'intégrer ce qui a été prévu à Cancún en faisant en sorte que soient concrétisées à Durban les ébauches de décision qui ont été prises quant au Fonds vert et au contrôle des émissions de gaz à effet de serre.

Deuxièmement, au moment où le protocole de Kyoto arrivera à échéance en 2012, il faudra éviter tout hiatus en veillant à ce que de nouvelles décisions contraignantes, admises par tous, soient adoptées.

Troisièmement – et vous avez eu raison, monsieur le sénateur, d’évoquer ce point –, si les surplus des unités de quantité attribuées étaient entièrement reportés, l'intégrité de la seconde période s’en trouverait bien évidemment menacée.

La France a pour ambition de parvenir à la conclusion d’un Kyoto II, c'est-à-dire de ménager une période de transition avant l'élaboration d'un système contraignant et universel, et ce sans transiger avec les décisions qui ont été prises à Kyoto.

Vous le savez, de nombreux pays, parmi lesquels l’Inde, le Canada, le Japon, la Russie et les États-Unis, n’ont malheureusement pas fait leurs ces principes. Nous devons donc encore fournir beaucoup d'efforts, mais nous restons intimement persuadés qu’il est vital pour notre planète que la température globale n’augmente pas de plus de deux degrés.

M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon.

M. Alain Chatillon. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les petites et moyennes entreprises.

Il est question cet après-midi de l'Europe, mais je considère, pour ma part, que, nous, les Français, nous devons être beaucoup plus solidaires à l’égard de nos 2,9 millions de PME, qui sont les véritables créateurs d'emplois dans ce pays.

Si l’on établit une comparaison entre notre pays et l’Allemagne, on s'aperçoit que, chez nos voisins, les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, et les PME sont quatre fois plus importantes qu’elles ne le sont en France et que leur capacité d'autofinancement est, en moyenne, de deux à trois fois supérieure. Nous devons nous interroger sur cette disproportion.

Sur le plan des rémunérations, les salaires moyens horaires sont à peu près identiques, de l’ordre de 33 euros. En revanche, s’agissant des charges sociales, le différentiel est important, puisque celles-ci sont de 29 % en Allemagne, contre 43 % en France. Il y a là un vrai problème d'équité, qui pose la question de l’harmonisation de la fiscalité au niveau européen.

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la question de l’information relative à la réglementation communautaire.

En la matière, toutes les propositions émanent de nos collègues allemands et italiens. Les hauts fonctionnaires qui sont chargés de nous défendre et de nous représenter à Bruxelles n’ont aucune volonté d'évoquer ces sujets avec les syndicats professionnels de branche. C'est une erreur manifeste. Les Allemands et les Italiens ont, quant à eux – nous le constatons – un contact presque permanent avec leurs représentants.

Je prendrai un exemple concret, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, puisque vous avez fermement défendu ce dossier, ce dont je vous remercie : une réglementation applicable aux entreprises a été récemment adoptée. Les Français en ont été informés voilà seulement un mois, cependant que les Allemands l’avaient été depuis dix-huit mois. Il faut vraiment que cette disparité de traitement disparaisse. C’est la raison pour laquelle il faut demander à ceux qui sont chargés de représenter la France à Bruxelles d'être plus au fait de ces questions et, surtout, d’évoquer ces dernières avec les syndicats de branche.

Alors que j’étais moi-même président d'un syndicat de branche agroalimentaire, je me rappelle avoir eu toutes les peines du monde, dans le cadre de l’IDACE, l’organisation communautaire, à rencontrer nos homologues. Aussi, je souhaite que nos entreprises puissent bénéficier d’un véritable suivi.

Enfin, j’aborderai la question de l'accompagnement au niveau international.

On parle d'exportation, mais j’incline à penser qu’il vaut mieux parler d'internationalisation des activités. Du reste, les Allemands nous en apportent la preuve. Au sein de nos ambassades, nous devons pouvoir trouver des jeunes sachant véritablement insuffler une volonté de compétitivité et d’intégration aux entreprises qu'ils sont censés devoir défendre.

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Alain Chatillon. Nous devons faire un effort important pour accompagner des jeunes en contrat d'alternance tout en leur permettant d’intégrer le tissu actif, en défendant l'image de nos entreprises internationales.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes pour s'exprimer.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. J'ai rencontré récemment Yvon Jacob, ambassadeur de l’industrie française, avec lequel j'ai eu des échanges sur les sujets que vous avez abordés, monsieur le sénateur.

Assurant deux tiers des emplois et 60 % du chiffre d'affaires total de l'Union européenne, les PME sont effectivement la force économique de l'Europe. C'est dire si nous devons être très attentifs à leur environnement économique et administratif, et analyser, comme vous nous y engagez, monsieur le sénateur, les différences existant entre les capacités exportatrices de notre industrie et celles de nos voisins allemands, différences qui ne sont pas sans incidence sur l'équilibre de notre balance commerciale.

Vous le savez, le Small Business Act, qui a été adopté en 2008 sous la présidence française de l'Union européenne, a permis de mettre en place des mécanismes tendant à faciliter l'accès aux financements et aux marchés et à avoir une meilleure connaissance de l’environnement réglementaire.

Dans le cadre de l’Acte pour le marché unique, sur lequel travaille Michel Barnier, nous devons mettre en place un certain nombre de protections et adopter des mesures d'incitation.

D'abord, il convient de réduire les contraintes administratives. Vous avez été chef d'entreprise dans le secteur de l’agroalimentaire, monsieur le sénateur, et vous avez pu mesurer à quel point l'Europe peut parfois être pointilleuse, voire tatillonne, en édictant des réglementations n’ayant rien à voir avec la défense du consommateur.

Ensuite, il est nécessaire de réviser les directives relatives aux marchés publics, afin que les PME aient un meilleur accès à ces contrats.

Enfin, vous le savez, il est très important d’assouplir les règles communautaires applicables aux PME. C’est pourquoi nous essayons d'infléchir les directives dans le domaine du marché intérieur, pour permettre notamment aux PME d’accéder plus facilement aux fonds européens, pour protéger leurs intérêts commerciaux de la concurrence déloyale que nous avons évoquée tout à l'heure et pour leur garantir plus de souplesse dans l’accès aux petits marchés publics.

Comme vous l’avez indiqué à juste raison, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour faciliter la vie de nos petites et moyennes entreprises et les inciter à devenir exportatrices, en dépit de volumes de production souvent insuffisants.

Par ailleurs, nous devons aussi consentir un effort en matière d’information. Lors de l’élaboration des directives, l’ensemble des acteurs économiques devraient être sollicités en amont, et non pas quinze jours avant que celles-ci ne soient définies, c’est-à-dire lorsque le lobbying auprès des responsables politiques que nous sommes devient quelque peu inefficace.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’objet de ma question a déjà été abordé, mais, compte tenu de son importance, permettez-moi d’y revenir.

Le programme européen d’aide aux plus démunis permettait jusqu’à cette année d’apporter une aide alimentaire à 13 millions de citoyens des États membres. En France, cette aide se répartit principalement entre quatre grandes associations chargées de l’aide alimentaire : les Restos du Cœur, la Banque alimentaire, le Secours populaire et la Croix-Rouge.

Pour chaque association, on ne le dira jamais assez, ce programme représente un apport crucial en ce qu’il constitue jusqu’à 35 % des denrées alimentaires distribuées. Les aides de ce programme sont donc essentielles à l’action des associations françaises.

Plus largement, et en tant que composante incontournable de l’aide alimentaire en France, le PEAD est aussi l’un des premiers supports de nature à promouvoir l’insertion des publics en situation de précarité.

Sans revenir sur l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a déjà été évoqué, qu’il me soit simplement permis de rappeler que les associations demandent instamment au Gouvernement de soutenir et de faire aboutir rapidement une réforme du PEAD, en prévoyant la création d’un dispositif renouvelé et pérenne, qui inscrirait durablement l’objectif de sécurité alimentaire des populations européennes.

Monsieur le ministre, je sais que vous avez déjà répondu aux interrogations de plusieurs de mes collègues sur ce sujet, mais je tiens à mon tour à vous demander d’être particulièrement vigilant sur la suite à donner à cette question.