M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir vous acheminer vers votre conclusion…

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, ne pourrais-je pas emprunter les trois minutes allouées aux non-inscrits ? (Sourires.)

Des contradictions risquent de se faire jour. Qui dit que, à un moment donné, le document d’urbanisme lui-même ne sera pas illégal au regard de la loi Littoral ? La situation est très compliquée ; il faut y réfléchir à deux fois.

J’en viens à l’article 5. Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse serait élaboré par l’Assemblée de Corse. Pourquoi pas ? Une grande enquête devra toutefois être menée auparavant. Cela donnera lieu à un grand défoulement. Je n’aurai pas la cruauté de lire le rapport de la conseillère exécutive chargée de ce texte à l’Assemblée de Corse : une multitude de réunions devront être organisées. Il sera très difficile de respecter l’échéance rapprochée fixée pour l’élaboration du schéma, à savoir 2013.

Nous sommes en présence d’un texte surréaliste. Nous l’avons attendu pendant trente ans, mais il y est prévu que la révision interviendra dans un délai non plus de dix ans, mais de six ans. C’est un progrès considérable ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Je termine, mes chers collègues, car j’ai l’impression de vous ennuyer.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Pas du tout !

M. Nicolas Alfonsi. Faut-il vraiment un schéma d’aménagement dans une île de 8 000 kilomètres carrés et de 300 000 habitants ?

M. Nicolas Alfonsi. Il fut un temps où le président du conseil exécutif ne partageait pas nécessairement cette idée : la Corse n’est ni la Basse-Seine, ni la région Rhône-Alpes, ni l’Île-de-France. En réalité, les non-dits sont nombreux.

Mes chers collègues, je ne me suiciderai pas si vous n’adoptez pas les amendements que j’ai déposés (Sourires.), mais c’est une question de principe. Je considère pour ma part que le texte que nous allons voter porte atteinte à l’autonomie des collectivités et va créer des difficultés supplémentaires.

Je ne voudrais pas être pessimiste. Ainsi que je l’ai dit d’emblée, je n’ai pas l’esprit chagrin, mais si, comme je le pressens, la majorité sénatoriale s’associe à M. le ministre de l’intérieur sur un texte qui n’est pas anodin, que voulez-vous que je fasse ?

M. Jean-Jacques Mirassou. Prendre le maquis ?

M. Nicolas Alfonsi. Je risque de voter comme vous !

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera probablement moins chantant et plus banal que celui de M. Alfonsi. Mais ceux d’entre nous qui, sans être corses comme lui, connaissent un peu les spécificités de son île, peuvent comprendre les observations qu’il a formulées, même si les lois de la République doivent s’appliquer dans ce territoire comme ailleurs.

Je voudrais tout d’abord rendre hommage au rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, notre collègue Alain Houpert, qui a su nous éclairer sur les enjeux du présent texte et a tenu à entendre les principaux acteurs, à savoir les membres de l’Assemblée de Corse, les élus locaux et nationaux de ce territoire, ainsi que les représentants des services de l’État, des associations protectrices de l’environnement ou encore des assemblées consulaires.

Aux termes de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002, la collectivité territoriale de Corse a compétence pour élaborer un plan d’aménagement et de développement durable de la Corse. Ce plan emporte les mêmes effets qu’une directive territoriale d’aménagement ; il constitue le document stratégique de la Corse.

Un premier projet de plan d’aménagement et de développement durable a été élaboré en 2008. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a suscité, à l’époque, un débat passionné à l’Assemblée de Corse.

Dans une démocratie, le débat est naturel et nécessaire. Il doit surtout être fructueux, et pour cela il doit être sincère et objectif. En tout état de cause, le débat n’a pu s’engager dans la sérénité, le document ayant été « diabolisé » dès le départ.

L’examen de ce premier projet a donc été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse au bout de quelques mois, en 2009, et reporté.

Depuis 2003, ce plan a fait l’objet de toutes les discussions et de toutes les expertises ; il est aujourd’hui en panne. Ce sont donc les dispositions du schéma d’aménagement de la Corse approuvé par décret en Conseil d’État du 7 février 1992 – il y aura donc vingt ans l’année prochaine – qui sont toujours en vigueur à ce jour.

La crainte d’un développement touristique de l’île qui se ferait au détriment de son environnement littoral avait plané tout au long des débats. La peur du « tout-tourisme », de l’économie résidentielle, de la spéculation, de la dépossession et du bétonnage des côtes a abouti à la non-adoption du plan d’aménagement proposé.

Un nouveau projet a, en conséquence, été élaboré. L’Assemblée de Corse a donné son aval à l’avant-projet de loi et l’a fait compléter. Il n’y a aujourd’hui plus aucune ambiguïté sur le dessein de ce plan d’aménagement et de développement durable de la Corse.

Le nouveau projet affiche clairement une stratégie de développement durable et partagé, qui valorise les atouts propres et identitaires de la Corse.

Lors de son déplacement à Ajaccio, le 2 février 2010, le Président de la République a précisé qu’il souhaitait que soient intégrées dans le PADDUC les dispositions du Grenelle de l’environnement. Le nouveau plan d’aménagement et de développement durable de la Corse est donc la traduction d’orientations annoncées alors par le Président de la République. Il porte une vision de la Corse et de son avenir à moyen terme : un tourisme maîtrisé et équilibré en rapport avec la densité de la population résidente, un développement rural, agricole et forestier assaini financièrement, assis sur des projets collectifs et la recherche de la qualité, tel qu’il est défini dans le plan de développement rural de la Corse approuvé par l’Union européenne, un développement du tissu entrepreneurial fondé sur la responsabilisation du secteur privé, comme le prévoit le schéma directeur de développement économique, ainsi qu’une réelle valorisation du capital environnemental, inestimable richesse de la Corse.

Le nouveau PADDUC définit donc une véritable stratégie pour l’avenir de la Corse durant les quinze à vingt prochaines années, en synthétisant aussi harmonieusement que possible les grands objectifs du développement économique social et culturel, les principales orientations données à l’aménagement du territoire et surtout les préconisations faites pour assurer la protection de l’environnement.

Le projet de loi qui nous est soumis ce soir tend à modifier le contenu et la procédure d’élaboration du plan, jugée trop lourde et trop complexe. L’objectif est triple : préciser la vocation du plan en confortant son rôle de document structurant en matière d’aménagement ; intégrer les prescriptions du Grenelle de l’environnement et préciser la façon dont le plan s’inscrit dans la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme ; améliorer et simplifier la procédure d’élaboration, notamment en instaurant un débat sur les orientations fondamentales au sein de l’Assemblée de Corse.

Il importe d’insister sur le fait que, consultée sur l’avant-projet de loi, l’Assemblée de Corse, dans une délibération du 17 décembre 2010, a émis, à l’unanimité, un avis favorable, en demandant toutefois que soient pris en compte un certain nombre de modifications et d’ajouts, précisant notamment l’insertion du plan dans la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme.

Le présent projet de loi tient compte, pour l’essentiel, de ces souhaits, et il faut s’en féliciter. Il modifie le contenu du PADDUC. Il s’agit non pas de recentraliser cette démarche, mais plutôt de donner à la collectivité la possibilité d’élaborer une vision nouvelle, qui ne soit pas figée pour toujours et qui intègre la préoccupation nationale du développement durable, telle qu’elle ressort du Grenelle de l’environnement.

Les Corses souhaitent que ce plan soit le point de départ d’une nouvelle stratégie orientée vers un développement durable, la protection de l’environnement, particulièrement de l’environnement littoral, dans le respect de la loi Littoral et de la loi Montagne.

L’environnement est le ressort essentiel du développement de la Corse. Il est à la fois un atout qu’il faut préserver et un facteur de richesse. Tout découle de cette idée : les choix énergétiques, l’organisation des transports intérieurs, la conservation des terres à valeur agronomique, l’aménagement des espaces littoraux et de montagne, la préservation des sites, une bonne gestion de l’eau et du couvert végétal.

Cette stratégie doit permettre à la Corse de concilier de manière harmonieuse compétitivité, identité, aménagement et environnement.

Il est temps que la Corse prenne enfin pleinement confiance en elle-même et en ses potentialités. Elle se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire ; elle regarde vers l’avenir.

Monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui ne peut que recueillir l’adhésion des sénateurs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est avec enthousiasme que nous voterons ce texte.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les continentaux qui ont la chance de découvrir la Corse éprouvent souvent un double sentiment : d’émerveillement, bien entendu, devant la beauté de ces paysages préservés, dont ils ne se lassent pas, mais aussi, presque au même degré, d’étonnement.

En effet, pour tous ceux qui connaissent les rivages bétonnés de la Méditerranée, de l’Espagne à l’Italie, découvrir des paysages aussi peu urbanisés est souvent source d’interrogations. Comment la Corse a-t-elle pu résister ainsi à l’appétit des promoteurs et aux tentations touristiques, dans une Méditerranée où un certain tourisme de masse à courte vue a pris possession de tant de rivages et de sites magnifiques ?

C’est une histoire bien complexe qui a conduit à cette situation. Je ne la détaillerai pas ici, car nous n’en n’avons pas le temps, mais elle nous a légué un patrimoine unique, que notre première responsabilité est de préserver.

L’important aujourd'hui est de nous concentrer sur l’enjeu qui se dessine : conserver sur l’Île de Beauté un équilibre entre tourisme de découverte et préservation des paysages et des cultures, assurer à la Corse un revenu touristique régulier et important tout en préservant ses attraits et ses équilibres démographiques, montrer la voie d’un tourisme soutenable et, finalement, chercher ainsi à établir un véritable « modèle corse », qui pourrait s’appliquer en d’autres lieux, en Méditerranée ou ailleurs.

La nouvelle démarche d’élaboration d’un PADDUC qui nous est proposée aujourd’hui peut répondre à ces défis. Telle est notre conviction.

Un premier projet de PADDUC, défendu par une autre majorité à l’Assemblée de Corse, a été fortement contesté par nombre d’élus et de représentants de la société civile pour sa conception centrée sur le tourisme, sacrifiant littoral et terres agricoles.

En effet, l’application de ce plan aurait supprimé 10 % des espaces naturels remarquables du littoral, soit 7 000 hectares. Les Corses ne pouvaient laisser faire cela, et ce projet a amené la constitution d’un véritable front anti-PADDUC, réunissant plusieurs dizaines d’associations, de syndicats et d’organisations politiques et culturelles appelant, au travers d’une pétition largement diffusée, à s’unir contre un modèle qui « mis[ait] sur un tourisme massif, un déséquilibre démographique et une bétonisation des côtes. […] Dans ce type de société, la démocratie régresse, le pouvoir des clans s’intensifie, les grandes multinationales et l’argent douteux gèrent l’économie et le politique. » Voilà qui était clairement énoncé !

L’adoption du présent projet de loi, alternatif à ce premier PADDUC, est donc extrêmement attendue en Corse. Arriver à un consensus sur un sujet aussi sensible que celui-ci n’était pas évident. Pourtant, l’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité le cadre juridique qui permettra aux habitants de l’île d’élaborer ce plan essentiel pour leur avenir. Nous nous félicitons donc de cette volonté politique, soutenue par un processus démocratique. Nous avons la conviction que notre responsabilité aujourd’hui est de prolonger cette volonté et d’aller vite, pour que la Corse puisse, enfin, assumer son rôle dans l’élaboration de son propre plan de développement.

Nombre de communes de l’île n’étant régies par aucun document d’urbanisme local, comme M. le rapporteur l’a souligné tout à l'heure, nous savons que ce cadre juridique a jusque-là cruellement fait défaut aux Corses, ce qui a conduit à des situations de grande tension et, parfois, à un non-respect pur et simple de la loi.

L’un des grands enjeux de ce prochain PADDUC sera effectivement de ne plus laisser les élus locaux seuls face aux décisions d’urbanisme, seuls face à ces appétits immobiliers parfois capables de toutes les intimidations, comme l’ont montré, malheureusement, cet été encore, plusieurs faits divers, seuls aussi face à un État qui n’agit pas toujours pour faire respecter la loi.

Cette incapacité de l’État à faire respecter le droit est l’un des graves problèmes qui se posent aujourd’hui sur l’île.

M. Jean-Jacques Mirassou. Et pas seulement là !

M. Ronan Dantec. Comment demander à un maire de refuser un permis de construire s’il sait que l’État ne cherchera pas, de son côté, à faire démolir la construction illégale ? En soutenant les élus corses pour trouver, par le dialogue, les clefs du développement durable de l’île, nous devons aussi affirmer la volonté de la représentation nationale de faire respecter le droit en Corse. Dans ce cadre, la cartographie choisie est un élément central – on l’a vu au cours de ce débat –, en ce qu’elle garantit le caractère directif du PADDUC, qui doit s’imposer à tout autre document d’urbanisme et sera opposable à des initiatives individuelles.

Toujours dans cette perspective, le respect des lois Littoral et Montagne est une question majeure, et nous devons rester très vigilants sur les dérogations pouvant être accordées à l’Assemblée de Corse pour leur application. C’est en ce sens que nous avons cosigné, avec nos partenaires du groupe socialiste et apparentés, menés par Thierry Repentin, un amendement visant à inclure cette question dans le débat préalable obligatoire.

Soyons ici très clairs : pour nous, écologistes, l’autonomie donnée à l’Assemblée de Corse pour l’élaboration du PADDUC doit obligatoirement aller dans le sens du renforcement, et non pas de la fragilisation, de la loi Littoral.

Monsieur le ministre, c’est un point sur lequel nous souhaitons obtenir toutes garanties. J’ai bien noté d'ailleurs vos propos selon lesquels « les lois Littoral et Montagne resteront strictement applicables à la Corse ».

J’insisterai également sur la préservation des terres agricoles. Quand on sait que la Corse est obligée d’importer les tomates qu’elle consomme, on se rend compte à quel point la question de l’autonomie alimentaire de cette région est aujourd'hui centrale. La protection de ses terres nourricières doit être, pour la Corse, l’occasion de développer une agriculture de qualité, créatrice d’emplois et de richesses et, par conséquent, économe en carbone.

Rappelons en effet, après M. le rapporteur, que le présent texte entend intégrer les dispositions de la loi Grenelle II au PADDUC, notamment l’exigence de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À cet égard, monsieur le ministre, puisque nous évoquons le Grenelle de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, comment ne pas dire un mot du véritable scandale que constitue le projet de la centrale dite « au gaz », imposé par l’État contre l’avis des communes et contraire au PLU de la commune de Bastelicaccia ?

Ce dossier aberrant nécessiterait véritablement d’être remis à plat, sur la forme comme sur le fond.

Sur la forme, tout d’abord, car l’État, monsieur le ministre, ne peut à la fois inviter les Corses à prendre en main leur destin en matière d’urbanisme et imposer ses propres choix en termes d’infrastructures, au mépris des avis des élus locaux et des documents d’urbanisme, qui existent en l’occurrence.

Sur le fond, ensuite et surtout, car promouvoir le principe d’une centrale au gaz alors qu’il n’existe aucune garantie de connexion de cette installation au gazoduc GALSI est pour le moins cavalier et fait sérieusement craindre qu’il ne s’agisse au final d’une centrale au fioul lourd polluante, dont la mise en service serait une aberration en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

L’Assemblée de Corse s’est clairement prononcée contre ce type de centrales, et le présent débat est aussi pour moi l’occasion de souligner que l’autonomie énergétique de la Corse, grâce aux énergies renouvelables, doit faire partie des objectifs du PADDUC.

Je souhaite par ailleurs relever que l’une des modifications demandées par l’Assemblée de Corse lorsqu’elle s’est prononcée sur l’avant-projet de loi en décembre 2010 n’a pas été intégrée par le Gouvernement au présent projet de loi : celle qui porte sur la prise en compte des risques sanitaires d’origine environnementale, s’agissant particulièrement des terres amiantifères, qui sont une particularité corse. Ce point reste un sujet de préoccupation pour nous, et le dossier devra être rouvert.

Toutefois, le développement durable ne se limite pas à la protection de l’environnement : ne confondons pas les deux termes ! Parler d’urbanisation de la Corse suppose aussi d’évoquer l’accès au logement pour tous, alors que nous savons combien il est difficile, pour la population locale, de se loger, du fait de l’augmentation des prix dans les régions touristiques et, tout particulièrement, insulaires.

Le PADDUC devra être accompagné d’une véritable stratégie pour le logement, d’un plan de développement urbain des grandes villes corses, notamment en matière de logements sociaux. M. le rapporteur a rappelé tout à l'heure que le taux de logements sociaux n’était en Corse que de 10 %.

En ce sens, le PADDUC devra être enrichi des conclusions des assises du foncier et du logement menées en Corse durant plusieurs mois, avec l’ambition affichée de constituer une démarche déterminante pour le développement durable de l’île et « un préalable à l’élaboration du futur PADDUC ».

Présentées à l’Assemblée de Corse, les conclusions de ces neuf mois de débats, qui ont mobilisé plus de cinq cents personnes, insistent justement sur les outils dont aura besoin demain la Corse, en lien avec son PADDUC : un établissement public foncier, un établissement public d’aménagement et de construction de logements sociaux, une agence d’urbanisme… Il ne s'agit nullement d’une énumération à la Prévert, comme j’ai pu l’entendre dire. L’ensemble de ces outils existent déjà dans toute collectivité importante, et il est donc temps que la Corse s’en dote également.

Les perspectives sont nombreuses, et au travers de ce débat nous voyons que le PADDUC s’inscrit aujourd'hui dans une véritable logique de mobilisation de la société corse. Pour reprendre les propos de Maria Guidicelli, conseillère territoriale chargée du foncier et du logement, « pour la première fois, la Corse se dotera d’une politique du foncier et du logement. Ce sera la colonne vertébrale de notre PADDUC. Nous avons la responsabilité de lancer un processus de régulation sociale et de lutte contre la spéculation. Rien n’est pire que le statu quo. Nous sommes face à l’absolue nécessité de répondre à une urgence sociale. »

L’enjeu social de l’habitat ne doit donc pas être oublié quand on évoque le PADDUC, qui ne se limite pas aux enjeux touristiques et de la protection des paysages. Nous soutenons l’amendement de Thierry Repentin visant à ce que les organismes d’HLM puissent aussi être entendus, à leur demande, lors de l’élaboration du plan.

La Corse ne peut pas être aménagée sans que cela fasse l’objet d’un consensus entre les Corses eux-mêmes. Dotée d’une assemblée territoriale aux pouvoirs élargis, la société insulaire peut dorénavant s’appuyer sur un lieu de débat politique qui l’éloigne des pratiques clientélistes et des dérives violentes. Le consensus qu’elle a réussi à trouver sur la définition de la méthode d’élaboration de ce second PADDUC témoigne d’une maturité politique qui rompt avec les images d’Épinal.

Comme le disait le président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, il y a quelques jours, ce projet « est une véritable rupture par rapport à ce qui avait été fait auparavant. [Ce premier PADDUC] avait été élaboré sans concertation, il va falloir aller plus loin et poser les bases d’une nouvelle politique territoriale. » Notre responsabilité est donc d’accompagner ce processus par un vote de confiance et un soutien sans ambiguïté. Les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au plan d'aménagement et de développement durable de Corse
Article 2

Article 1er

L’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 4424-9. – I. – La collectivité territoriale de Corse élabore le plan d’aménagement et de développement durable de Corse.

« Le plan définit une stratégie de développement durable du territoire en fixant les objectifs de la préservation de l’environnement de l’île et de son développement économique, social, culturel et touristique, qui garantit l’équilibre territorial et respecte les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l’urbanisme.

« Il fixe les orientations fondamentales en matière de protection et de mise en valeur du territoire, de développement agricole, rural et forestier, de pêche et d'aquaculture, d’habitat, de transports, d’infrastructures et de réseaux de communication et de développement touristique.

« Il définit les principes de l’aménagement de l’espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l’implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives.

« La destination générale des différentes parties du territoire de l’île fait l’objet d’une carte, dont le degré de précision ne peut excéder 1/100 000e, et que précisent, le cas échéant, les documents cartographiques prévus à l’article L. 4424-10 et au II de l’article L. 4424-11.

« Le plan d’aménagement et de développement durable comporte les informations prévues par l’article L. 121-11 du code de l’urbanisme.

« Il prévoit des critères, indicateurs et modalités permettant à la collectivité territoriale de suivre l’application de ses dispositions et leurs incidences.

« II. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse prend en compte les projets d’intérêt général et les opérations d’intérêt national répondant aux conditions fixées par les articles L. 121-9 et L. 121-9-1 du code de l’urbanisme et comporte, le cas échéant, les dispositions nécessaires à leur réalisation.

« Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse prend en compte les risques naturels, sanitaires et technologiques. Il doit être compatible avec les objectifs et les orientations fondamentales des plans de gestion des risques d’inondation prévus par l’article L. 566-7 du code de l’environnement, lorsqu'ils existent, ainsi qu’avec les dispositions définies par les 1° et 3° de cet article.

« III. – Les schémas de cohérence territoriale et, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme, les schémas de secteur, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec le plan d’aménagement et de développement durable de Corse, notamment dans la délimitation à laquelle ils procèdent des zones situées sur leur territoire et dans l’affectation qu’ils décident de leur donner, compte tenu respectivement de la localisation indiquée par la carte de destination générale des différentes parties du territoire de l’île et de la vocation qui leur est assignée par le plan. »

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

, dont le degré de précision ne peut excéder 1/100 000e

par les mots :

, dont l’échelle est déterminée par délibération de l’Assemblée de Corse

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à supprimer la mention d’un plafond de l’échelle de la carte relative à la destination générale des différentes parties du territoire corse. Ce plafond, fixé au 1/100 000e, nous semble en effet poser problème, pour les raisons que j’ai déjà évoquées.

J’ai rappelé que, à cette échelle, un centimètre sur la carte équivaut à un kilomètre sur le terrain. La seule épaisseur d’un trait, fût-il fin, représenterait donc plusieurs dizaines de mètres dans la réalité. Il n'y a donc pas d’inquiétude à avoir sur une délimitation des zones qui se ferait parcelle par parcelle.

Au fond, je ne suis pas convaincue qu’un tel plafond soit pertinent. Retenir une échelle un peu plus élevée ne mettra pas davantage les communes sous tutelle de l’Assemblée de Corse.

Au-delà des chiffres, d’autres raisons nous ont incités à présenter cet amendement. En effet, nous ne nous contentons pas de demander la suppression de cette clause, nous suggérons de la remplacer par une mention laissant à l’Assemblée de Corse le soin de délibérer sur cette question des échelles.

En effet, une telle disposition est prévue pour toutes les autres cartographies instituées par ce texte afin de préciser le PADDUC. En outre, cela faisait partie des demandes initiales des Corses. Le débat de décembre 2010 à l’Assemblée de Corse a permis de faire ressortir la volonté de cette collectivité de s’emparer de la question de la définition des échelles ; je pense que, en effet, un tel sujet relève de sa compétence.

Certes, j’entends bien les raisons constitutionnelles qui ont poussé à préciser ainsi le texte, mais croit-on vraiment que l’Assemblée de Corse prendrait le risque d’établir un PADDUC trop précis, qui serait immédiatement frappé d’inconstitutionnalité, alors même qu’il est si nécessaire d’en instaurer un rapidement ? Nos débats et les différents rapports parus sur le sujet véhiculent tous ce message clair : le PADDUC ne doit pas descendre à un degré de précision excessif, afin que les collectivités de rang inférieur ne soient pas mises sous tutelle. Tout le monde s’accorde sur ce point. La doctrine me semble donc limpide, et nous pensons que les élus de Corse sont des gens responsables.

Soyons dès lors à notre tour raisonnables : si nous croyons véritablement en la décentralisation, la définition de l’échelle de la carte associée au PADDUC doit être laissée à l’Assemblée de Corse.

À mon sens, cette précision ne relève pas du domaine législatif, et c'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, cette mise en cohérence. Ma commune est dotée d’un PPRI : pour l’élaborer, nous avons été obligés de descendre à l’échelle du 1/2 000e, voire du 1/500e. Fixer un plafond au 1/100 000e ne me semble pas pertinent.