M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tant mieux ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’alternance au Sénat doit servir à décrypter en détail le dernier budget de la majorité sortante et à montrer aux Français pourquoi il est temps de dire « stop » à des ajustements budgétaires précipités, sans vision claire des efforts à engager et sans assurance qu’ils seront justement partagés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous allons entamer l’examen d’un budget inédit, dans le cadre d’une situation inédite, par un Sénat inédit. (Sourires.) Le budget est inédit, car il a été modifié avant d’avoir été examiné. Je ne saurais le critiquer, car il s’agit bien de l’une des conséquences de la situation inédite à laquelle nous sommes confrontés.

D’ici à la fin de l’année, la République italienne devra refinancer 20 milliards d'euros de dettes. Au cours du premier trimestre 2012, elle devra à nouveau refinancer de l’ordre de 200 milliards d'euros de dettes.

Les questions monétaires et financières internationales ont été évoquées, tour à tour, par M. le ministre de l’économie et par Mme la rapporteure générale. Elles sont absolument au cœur de la réalité que nous vivons, et pas ailleurs. Elles concernent non pas seulement cette Europe institutionnelle et désincarnée, mais aussi la vie de chacune et chacun de nos concitoyens.

Alors, certes, nous sommes bien en peine d’imaginer ce que pourra être le chemin de ces prochains mois. Nous savons, comme l’a dit M. François Baroin, qu’il faudra s’évader d’un réseau de contraintes trop rigides, trop doctrinales, contradictoires les unes par rapport aux autres. Il est clair que le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, dans la configuration qui lui a été donnée, n’est pas suffisant pour faire face à la situation et inspirer confiance. Il est non moins clair que la Banque centrale européenne, la BCE, comme le Fonds monétaire international, le FMI, seront nécessairement les leviers, les lieux où pourront se décider de nouvelles stratégies.

Je n’en dirai pas plus sur cet aspect des choses, mais que chacune et chacun d’entre nous mesurent la gravité avec laquelle il faut aborder, à présent, les questions de finances publiques.

Mes chers collègues, le moment ne se prête pas au dénigrement systématique. Nous devons tous espérer le succès des efforts du Gouvernement pour notre pays, et ce quelle que soit l’issue de la consultation essentielle du printemps 2012 et quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons. En mai, juin ou juillet 2012, la situation sera ce qu’elle sera et elle devra être prise comme telle.

Il faudra alors faire face, pour que la France reste la France, pour qu’elle préserve sa liberté de décision et, partant, sa souveraineté et pour qu’elle soit en mesure de faire prévaloir la cohésion sociale, tout en renouant, autant que faire se peut, avec la croissance économique, malgré un potentiel qui aura été certainement bien entamé par la crise et les soubresauts que nous allons encore connaître dans les prochains mois.

Mes chers collègues, ce budget inédit, dans une situation inédite, est examiné par un Sénat inédit. Après tout, si le débat public est gagnant, si nous parvenons à mieux confronter, avec ce sens de la pédagogie qui nous est indispensable, nos thèses, nos propositions, nos analyses respectives, sans trop de passion, avec pondération, en apportant des arguments, je pense que, en cette période de crise, nous travaillerons à la crédibilité de notre pays, qui est l’enjeu essentiel.

Ce n’est pas une affaire de partis ni de groupes politiques ! C’est l’affaire de la France de voir renforcée sa crédibilité, ce qui passe par les efforts auxquels nous devons appeler nos concitoyens.

Dans ce cadre, je trouve bien sûr que, parmi les éléments que nous a exposés Mme la rapporteure générale, il y a lieu à analyse et – qu’elle veuille bien l’accepter, ainsi que ses amis – à quelques critiques.

Vous nous dites que la majorité et le Gouvernement ont relevé de manière significative les prélèvements obligatoires. Or l’analyse des amendements que vous avez votés ou allez voter, en trois phases successives, nous montre, une fois l’addition effectuée, que vous êtes sur le point d’augmenter d’une bonne douzaine de milliards d’euros supplémentaires les prélèvements obligatoires.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce ne sont pas les mêmes qui paient ! C’est toute la différence !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Permettez-moi de reprendre cette petite addition et nous débattrons de tout cela de façon aussi professionnelle que possible, je l’espère.

M. François Marc. Avec plaisir !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le premier acte fut l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Claude Lenoir. Dix-sept taxes en plus !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour ma part, je m’intéresserai seulement à une mesure : la fin de l’allégement des charges sociales sur les heures supplémentaires.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, c’est grave !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je comprends que d’aucuns puissent porter un regard critique sur cette législation, mais, à mon sens, lorsqu’on se veut défenseur du pouvoir d’achat et que l’on constate, notamment aux deuxième et troisième trimestres de cette année, que la consommation est encore un petit moteur de la croissance, il n’est pas vraiment très opportun d’inciter, précisément en ce moment, les entreprises à contracter le volume des heures supplémentaires.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bien sûr que non !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Est-ce un service à rendre à des salariés de condition moyenne bénéficiant de ces heures supplémentaires ?

Le second acte est constitué par les amendements que Mme la rapporteure générale a fait voter par la commission des finances. Deux éléments principaux méritent que l’on s’y arrête.

D’une part, vous avez de nouveau souhaité revenir sur la loi TEPA de 2007 en ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit, en d’autres termes les droits de succession.

La franchise, qui était à 150 000 euros environ par part, est abaissée à 50 000 euros. Combien de mètres carrés de logement correspondent à cette somme dans une ville ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous parlez pour Paris.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, lorsqu’on se veut le parti défenseur des classes moyennes urbaines, n’y a-t-il pas lieu de se poser une petite question de cohérence ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je me permets simplement de vous poser cette question qui vaut 2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires, essentiellement sur les classes moyennes urbaines.

Les enquêtes d’opinion montrent qu’il s’agit d’un enjeu tout à fait essentiel, pour nos formations politiques respectives.

D’autre part, plus de 2 milliards d’euros supplémentaires affecteront les entreprises, en particulier en raison de la remise en cause de la fiscalité des groupes d’entreprises. Je comprends bien tous les éloges faits un peu partout sur le thème du « small is beautiful ».

Il est louable de s’intéresser aux petites et moyennes entreprises, certes extrêmement estimables. Mais pour qui veut promouvoir l’emploi, la compétitivité, les centres de décision, bref, compter à l’échelle du monde, il est toujours possible de plaider pour le développement et le déploiement dans le monde entier de nos petites, moyennes et intermédiaires entreprises, mais il faut aussi prendre les grandes en considération.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comme PSA ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je veux parler de celles qui ont leur quartier général à Paris. Autrement, notre compétitivité dans des secteurs qui sont aujourd’hui des atouts pour la France sera pénalisée.

Or que faite-vous avec ces 2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires ? Au lieu de considérer la réalité économique d’un groupe, vous concentrez la fiscalité sur chaque société prise individuellement au sein du groupe.

C’est une vision qui n’est pas moderne, qui ne tient pas compte de la réalité et des enjeux de l’économie. Ce n’est pas une approche réaliste. Au surplus, vous ne nous dites pas si ce dispositif se combinerait ou se cumulerait avec la surtaxe exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés, dont je ne sais pas si vous préconiserez de la voter.

Le troisième acte se jouera probablement demain matin. Je suppose que vous allez nous proposer de revenir sur la loi de finances rectificative du mois de juin, c’est-à-dire sur la réforme de l’impôt sur le patrimoine.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ah oui !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous nous proposerez aussi très probablement de créer une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu, tout en vous apprêtant vraisemblablement à voter la surtaxe sur les hauts revenus, qui figure dans le plan Fillon annoncé à la fin du mois d’août.

Au total, l’addition portera sur environ 12 milliards d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires, alors que vous nous accusez d’en avoir créé trop !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je le répète, ce ne sont pas les mêmes qui paient !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Du côté des dépenses, lorsque j’examine avec vous les fascicules budgétaires, j’observe que vous rejetez tout ce qui est économies de dépenses, ainsi que les économies des plans d’ajustement Fillon I et II.

Si je résume : augmentation de prélèvements et aucun accord pour les économies de dépenses. Vous nous l’avez d’ailleurs démontré dans votre exposé, madame la rapporteure générale. Autant je pouvais me trouver très largement en harmonie avec votre introduction et votre première partie, autant, lorsque vous avez abordé les crédits, j’ai pu mesurer le décalage existant entre nous.

Comme chacun le sait, il y a un sujet tout à fait emblématique : les crédits de personnel dans l’éducation nationale. Si l’on fait le compte de ce qui a fait l’objet d’un engagement du candidat que vous allez soutenir …

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Que je soutiens !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … il faudra compenser. Mais compenser où et comment ? Avec quelles conséquences, au détriment de qui, en respectant quel plan de convergence ? Voilà autant de questions et de réponses à apporter !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Impatient !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la ministre, à l’orée de cette discussion budgétaire, je voudrais dire, après avoir relevé ce que je crois être des contradictions et des incohérences dans l’analyse de la majorité sénatoriale – nous allons alimenter nos futurs débats avec des aspects prospectifs, bien entendu – que le Gouvernement me semble avoir fait la preuve de son courage dans l’élaboration de ce projet de budget.

Il a repris un certain nombre de propositions qu’avait formulées jusqu’ici la commission des finances du Sénat, en particulier sous l’impulsion de Jean Arthuis. Ainsi, il a enfin accepté, dans le cadre d’un plan de convergence, de toucher un peu à l’architecture des taux de TVA. J’incite, bien entendu, l’ensemble de nos collègues à soutenir vigoureusement le Gouvernement sur ce passage du taux réduit de 5,5 % à 7 % pour tous les biens et services autres que de première nécessité, sans se laisser impressionner par quelque lobby ou groupe d’intérêt que ce soit.

Mme Nathalie Goulet. InchAllah !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’imagine que la majorité sénatoriale actuelle n’approuvera pas ce relèvement, pourtant modéré de la TVA, dont les conséquences seront peu perceptibles, alors que dans le même temps, je le redis, elle met en cause le volume des heures supplémentaires distribuées dans l’économie. En termes de pouvoir d’achat, cela m’apparaît comme un acte beaucoup plus grave que de relever de 1,5 point la TVA afférente à un certain nombre de biens et de services.

Madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances va poursuivre son travail, dans les conditions habituelles, malgré cette situation inédite. En ce qui me concerne, je ne peux que redire l’intérêt que j’attache, dans cette période, à des démarches aussi équitables et horizontales que possible. Vous le savez, je ne crois pas beaucoup aux économies ciblées, mais je crois aux économies générales, à la même contrainte partagée partout, en matière de dépenses tant fiscales que budgétaires.

Cela étant dit, je mesure les efforts que vous faites, lesquels permettront, à mon sens, d’aller dans la bonne direction.

Mes chers collègues, nous sommes, certes, à quelques mois d’un enjeu essentiel. Le devoir, l’honneur de ce gouvernement et de la majorité présidentielle qui le soutient, c’est de faire tous ces efforts, si ingrats qu’ils puissent être, et ce sans préjuger du reste ; c’est aussi de faire en sorte que, le jour où s’ouvrira un nouveau quinquennat, la situation soit aussi saine et aussi nette que possible, afin que les orientations décidées par le peuple français trouvent à s’appliquer.

Tel est, selon moi, l’enjeu essentiel de nos débats. Puissions-nous les faire vivre, sans « trop » d’esprit partisan –soyons raisonnables dans nos attentes ! –, dans le souci de relever les défis exceptionnels qui sont devant nous. Que nous le voulions ou non, nous allons entrer, l’année prochaine, dans un monde nouveau. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les difficultés extrêmes rencontrées par la Grèce, peut-être sans solution à court terme, les cures, non pas de rigueur, mais d’austérité de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne, et bientôt de l’Italie ont fait mieux comprendre aux Français que les largesses d’un État étaient payées par les finances du pays, d’abord, et par les contribuables, donc les citoyens, ensuite.

Ces derniers ont été mis en mesure, sinon en demeure, de faire des comparaisons. La notion de compétitivité est devenue une de leurs préoccupations. C’est pourquoi, aujourd’hui, aucune formation politique n’oserait proposer une semaine de travail à 35 heures ni une retraite à 60 ans.

Galbraith affirmait qu’« une crise financière épure le système bancaire, le système industriel et, dans une certaine mesure, le gouvernement de leurs incompétences. » Une telle formule devrait vous exhorter, madame la ministre, à être d’une extrême compétence et enjoindre les parlementaires que nous sommes, mes chers collègues, de modérer leurs ardeurs partisanes, qui font fi de la compétence.

Malgré les circonlocutions habituelles, ce débat s’insère à l’évidence dans la future campagne présidentielle. Une réalité, cependant, s’impose à l’esprit : ce ne sont pas ceux qui proposeront la loi de finances la plus complaisante pour nos concitoyens qui récolteront le plus de voix.

Aujourd’hui, le courage et la justice sont les réponses à donner aux attentes des Français.

Revenons à des choses simples, à des données factuelles : les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires attendus pour 2012 représentent respectivement 55,8 % et 44,5 % du PIB. Ce gigantesque et consternant différentiel, entre des dépenses publiques himalayennes et des prélèvements obligatoires parmi les plus importants de l'Union européenne, illustre trente années de médiocres compromis.

L’objectif absolument prioritaire ne peut être qu’une baisse de nos dépenses, à plus forte raison lorsqu’on les compare avec celles de l’Allemagne : l’écart est de 163 milliards d’euros !

Bien sûr, il est très difficile de tailler fortement dans les dépenses publiques sans que la croissance, déjà faible, en souffre trop. L’objectif idéal est de laisser le plus de moyens financiers dans le secteur marchand, plus créateur de richesses, et donc d’emplois, plutôt que de les prélever et de les réinjecter dans le fonctionnement d’un État déjà boursouflé.

Boursouflé, l’État l’est à plusieurs niveaux : notre dette frise les 1 700 milliards d’euros, soit plus de six années cumulées de recettes fiscales ; 83 % des recettes de l’impôt sur le revenu sont consacrés à son remboursement ; les recettes de l’État ne couvriront que 79 % de ses dépenses.

Quel ménage, quelle entreprise pourrait soutenir de telles dettes, de tels déficits ? Nous devons gérer l’État comme une entreprise, non comme la maison d’Alice au pays des merveilles !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Excellente formule !

M. Aymeri de Montesquiou. La colonne vertébrale de ce projet de loi de finances pour 2012 est la maîtrise des dépenses publiques. Enfin ! Mais allons-nous y parvenir ? C’est l’axe essentiel de la politique budgétaire inlassablement réclamée par la commission des finances du Sénat. C’est encore et toujours une solution de bon sens, car il serait irresponsable d’augmenter les prélèvements obligatoires, au risque de les rendre confiscatoires et, partant, de stériliser notre économie.

L’exercice 2012 se caractérise par un effort en valeur d’un milliard d’euros, hors dette et pensions. C’est une première, alors que cela aurait dû être fait depuis longtemps. La commission des finances le réclamait année après année ; on lui répondait par de nouvelles dépenses.

C’est un choix peut-être contraint, mais exigé par un principe qui doit demeurer intangible : la réduction du déficit doit suivre la trajectoire fixée jusqu’à descendre à 3 % du PIB en 2013. Ambitieux, très difficile, mais impérieux, le respect de cette trajectoire s’attaque à la composante structurelle de notre déficit. Des pays comme le Canada, la Suède ou la Nouvelle-Zélande, entre autres, ont eu la volonté et le courage de revenir à l’équilibre budgétaire ; ils ont atteint leur objectif. Suivons leur exemple.

La partie recettes du projet de loi de finances pour 2012 accumule des mesures de rendement budgétaire, âprement discutées à l’Assemblée nationale, puis au sein de notre commission des finances, avant de connaître, en conclusion, des votes contraires. Ces débats ont, certes, leur utilité, mais ils ne sont pas, encore moins que les querelles, souvent dogmatiques, à la hauteur de la gravité de la situation.

Ainsi, la taxe sur les boissons sucrées, doublée et étendue aux édulcorants à l’Assemblée nationale, a été supprimée par la commission des finances du Sénat, alors qu’elle rapporterait quelque 250 millions d’euros. Autre exemple : notre commission a pérennisé le niveau de la contribution exceptionnelle et temporaire sur les hauts revenus, dont le seuil d’imposition avait pourtant été abaissé par les députés et qui devrait générer 200 millions d’euros de recettes.

Au-delà de ces escarmouches, dérisoires au regard de l’ampleur des problèmes, une réflexion en profondeur sur les recettes est absolument nécessaire.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui !

M. Aymeri de Montesquiou. Pour faire en sorte que tout ce qui doit revenir à l’État lui revienne bien, pourquoi ne pas privilégier, comme aux États-Unis, le critère de la nationalité au lieu de celui de la résidence des personnes physiques, pour déterminer leur contribution au Trésor français ? Seriez-vous, madame la ministre, en mesure de faire une projection en termes d’imposition sur le revenu ?

Il serait normal que les grandes sociétés du CAC 40, qui réalisent la majeure partie de leur chiffre d’affaires à l’étranger, s’acquittent de leurs impôts sur les bénéfices en France, lieu de leur siège social. Avez-vous un chiffrage de cette hypothèse et une possibilité légale de la concrétiser ?

Quelle est votre position sur la création d’une cinquième tranche d’impôt sur le revenu, demandée par le groupe de l’Union centriste et républicaine ?

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Enfin, la question des niches fiscales est récurrente. Celles-ci représentent 65 milliards d'euros de dépenses fiscales. Le rapport Guillaume fait un état des lieux en la matière et conclut à l’inefficacité de nombre d’entre elles. Évaluer, une à une, l’efficacité de ces niches serait souhaitable, mais prendrait beaucoup trop de temps. En effet, chacune trouverait des défenseurs pour expliquer qu’il faut s’attaquer aux autres.

Un coup de rabot généralisé de 15 % serait douloureux mais efficace, car immédiat, et rapporterait près de 10 milliards d'euros. Cette mesure est sans doute moins fondée qu’un examen individuel des niches, mais le sort de chacune d’entre elles étant identique, elle serait plus facilement acceptée.

Le contexte économique international et l’état de nos finances publiques nous incitent à prendre des décisions fortes et difficiles, certes, mais indispensables. Ayons à l’esprit, avant de voter le projet de loi de finances pour 2012, la perspective d’une perte du triple A et ses conséquences très négatives.

Compétitivité et croissance sont les leviers qui relanceront notre économie, et donc nos recettes fiscales.

Or la compétitivité de nos entreprises est en chute libre. Le rapport du Forum économique mondial de Davos a rétrogradé la France du quinzième au dix-huitième rang mondial. Nous avons perdu, en moyenne, 2,4 % de parts de marché entre 2000 et 2008, alors que l’Allemagne améliorait ses résultats de 1,2 % par an. Pourquoi ?

De même, les exportations de notre agriculture sont passées, en Europe, du premier au troisième rang, voire au quatrième. Ce n’est pas acceptable.

La compétitivité de nos PME est une priorité absolue. À l’opposé de leurs voisines allemandes et italiennes, elles ont en effet les plus grandes difficultés à s’internationaliser. Plus grave, elles sont, en proportion, infiniment plus taxées que nos groupes multinationaux : 30 %, contre 10 % à 15 %.

De surcroît, et c’est un point crucial, les charges sociales des employeurs français s’élèvent à 11 % du PIB, alors que la moyenne de l’OCDE est de 5,5%. Quelle en est la raison ?

La compétitivité de nos PME est grevée par les charges qui se répercutent nécessairement sur le prix de vente des biens et services qu’elles produisent. À ce titre, je milite pour qu’une partie de ces cotisations soit transférée sur la TVA. Cette proposition n’est pas nouvelle, mais sa mise en œuvre s’avère indispensable. L’Allemagne s’est dotée, en janvier 2007, d’un point de « TVA compétitivité », mais le Danemark et le Japon l’ont fait bien avant.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la convergence fiscale franco-allemande, a fortement souhaité, comme l’OCDE quelques mois plus tard, que la France se dote d’un tel dispositif. Cela aurait le mérite de faciliter la fiscalisation du financement des risques « famille » et « maladie », désormais universalisés.

Le niveau de déficit de notre balance commerciale – 75 milliards d'euros –, entraînant chômage et perte de recettes, est une plaie au flanc qui nous appauvrit chaque jour.

Favoriser la compétitivité de nos entreprises me semble donc d’une exigence évidente, mais la mise en œuvre d’un tel objectif prendra, hélas ! du temps. La mission d’information de l’Assemblée nationale sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale n’a pu déboucher sur des analyses communes ni sur des propositions concrètes, en raison d’incompatibilités idéologiques, ce qui est consternant alors qu’il y a urgence.

Enfin, la croissance est, bien sûr, un des fondamentaux de l’économie, un socle sur lequel reposent emplois et recettes. Les prévisions dans ce domaine doivent être réalistes, sous peine de rendre les projets de loi de finances, au mieux incertains, au pire caducs dans les mois qui suivent leur discussion.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, adoptée à la toute fin de l’année dernière, était fondée sur une prévision de croissance, encore une fois trop optimiste, de 2 %, ramenée à 1,75 % avant d’être enfin évaluée à 1 %, soit le taux qui faisait consensus parmi les experts.

Les divergences de prévisions ne permettent pas d’être péremptoires sur cette croissance, et donc sur les ressources qui seront celles du pays. Il serait pragmatique de mettre en place, dès à présent, des ressources supérieures à celles qui sont prévues pour atteindre l’objectif du déficit programmé, à savoir 4,6 % pour 2012. S’il y a excédent, il pourra être affecté à la dette.

Madame la ministre, mes chers collègues, soyez pédagogues, dites la vérité aux Français, montrez l’exemple ! Soyez cohérents, innovants, imaginatifs. Surtout, soyez justes ! Nos concitoyens, alors, vous suivront.

Chaque Français attend de vous courage politique et justice fiscale. Il comprendra qu’il est temps que nous soyons tous solidaires dans l’effort, car la crédibilité et l’avenir de notre pays sont en jeu.

Ayons à l’esprit que celui, de droite ou de gauche, qui présidera aux destinées de notre pays devra conduire une politique peu différente de celle qui aurait été menée par son concurrent.

Ne nous perdons pas dans des querelles idéologiques ! Il n’y a pas deux solutions opposées pour résoudre un même problème : il n’y a que des différences de façade.

Les prélèvements ne sauraient, globalement, être augmentés. Déjà trop lourds par rapport à ce qu’ils sont chez nos concurrents, ils ne peuvent être que plus orientés vers les hauts revenus et les grandes entreprises. En Grande-Bretagne, où règne la City, temple du capitalisme, nos amis conservateurs n’ont pas hésité à taxer les plus gros contributeurs, sans crainte de faire fuir les contribuables à l’étranger.

J’ajouterai que les transactions financières appartiennent à l’économie virtuelle et ne rapportent rien à la richesse nationale. On peut s’interroger sur le point de savoir si un banquier taxé à 0,001 % va quitter une place financière… Ne soyons pas victimes des lobbys financiers ! Je le dis d’autant plus volontiers que cette taxe nous rapporterait quelque 12 milliards d’euros.

C’est dans les dépenses de l’État que réside le véritable gisement. Là aussi, soyons convaincus que les efforts ne doivent pas être demandés aux plus fragiles, car un sentiment d’injustice rendrait inopérante toute politique fiscale.

Madame la ministre, la devise des mousquetaires, « Un pour tous et tous pour un », doit devenir la devise des Français.

Mme Nathalie Goulet. Bon sang ne saurait mentir ! (Sourires.)

M. Aymeri de Montesquiou. Faisons-lui honneur en privilégiant l’intérêt général par rapport aux querelles partisanes ! (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. Michel Vergoz. Il faut quitter l’UMP ! Il est encore temps !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.