Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 4.

L’amendement n° I-9, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 223 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le résultat d’ensemble est majoré de 5 % de la fraction excédant un million d’euros du montant des produits de participations mentionnés aux deuxième et troisième alinéas dont la société mère n’apporte pas la preuve qu’ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice ou par une société intermédiaire et provenant de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice. Le montant ajouté au résultat d’ensemble en application du présent alinéa ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par les sociétés du groupe au cours de la même période pour l’acquisition et la conservation des participations dont sont issus ces produits. » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article 223 F, après les mots : « afférente à », sont insérés les mots : « la fraction inférieure à un million d’euros de ».

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à encadrer les règles de neutralisation des quotes-parts pour frais et charges dans le régime de l’intégration fiscale et donc à restreindre l’emploi d’un avantage non justifié de ce régime.

Il suit en cela une recommandation de la Cour des comptes, laquelle estime que certains avantages outrepassent la simple compensation des résultats bénéficiaires et déficitaires, en l’état actuel du droit du régime de l’intégration fiscale.

Ainsi, les transferts de dividendes sont considérés comme des mouvements de trésorerie et ne sont donc pas imposés. Or, dans un autre régime du groupe dit « mère-filles », que nous avons déjà évoqué, les dividendes sont imposés à hauteur de 5 %.

Par exemple, une société qui reçoit 10 millions d’euros de dividendes d’une filiale n’acquittera pas d’impôt sur les sociétés sur ce montant dans le régime de l’intégration fiscale, tandis qu’elle versera 160 000 euros dans le régime mère-filles.

À mes yeux, il convient de mettre un terme à cet avantage inconsidéré ; en outre, cette mesure permettrait de faire revenir au moins 1 milliard d’euros dans les caisses de l’État – ce ne serait pas inutile, par les temps qui courent ! –, sachant que le régime de l’intégration fiscale coûte chaque année près de 15,8 milliards d’euros aux finances publiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. En effet, le régime de l’intégration fiscale doit permettre à des groupes de se créer en France et d’y conserver leur centre de gravité : nous ne souhaitons pas bouleverser cet équilibre.

J’ajoute que nous avons déjà augmenté la fiscalité sur les frais et charges dans le cadre de la loi de finances pour 2011, que ce soit au titre du régime mère-filles ou du régime des plus-values de cession des titres de participation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, un amendement identique a été déposé par MM. Carrez et Cahuzac à l’Assemblée nationale.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je le sais, et le Gouvernement y a été défavorable !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Absolument et, pour le justifier, vous avez excipé des travaux menés actuellement en vue de la convergence fiscale entre l’Allemagne et la France. Si, au sein du Parlement français, on ne peut plus formuler la moindre proposition sous prétexte qu’il existe des groupes de travail constitués notamment entre les ministères de l’économie allemand et français,…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais nous ne pouvons pas déstabiliser la France !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … nous pouvons légitimement nous interroger sur le rôle des parlementaires ! Eux aussi ont le droit à l’innovation et à la créativité !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, vous avez souligné qu’il convenait de traiter ce sujet dans le cadre de l’harmonisation fiscale franco-allemande, en concluant qu’il s’agissait d’un « amendement excellent, mais prématuré ». Eh bien, je reprends le texte de l’amendement déposé à l’Assemblée nationale !

Du reste, cette initiative ne préjuge en rien des négociations avec l’Allemagne au sujet d’une éventuelle harmonisation de nos impôts respectifs sur les sociétés. Outre-Rhin, le régime de l’intégration fiscale est fondé sur une logique différente de la nôtre : il existe donc des questions de fond bien plus importantes celle-ci, madame la ministre ! Le seuil d’entrée dans le régime est ainsi de 50 % en Allemagne, contre 95 % en France : résolvez d’abord ce problème avant de vous réfugier derrière l’argument de l’harmonisation fiscale !

De plus, madame la ministre, vous savez pertinemment que cette harmonisation ne pourra être opérée que si nous entamons, pour notre part, une révision profonde de notre législation fiscale. Et tous les sujets devront être mis sur la table !

Dès lors, l’amendement n° I-9 a, selon moi, deux vertus.

Premièrement, il permet d’accroître les recettes de l’État en mettant un terme à un avantage non justifié. Il est possible de mettre en œuvre cette mesure dès à présent, sans attendre les conclusions des travaux auxquels vous vous êtes référée, qui nous semblent encore lointaines.

Deuxièmement, cet amendement a une vertu diplomatique : il donne le ton de la négociation franco-allemande telle que nous, représentation nationale, entendons la voir mener. Si nous négocions avec nos partenaires allemands sans disposer d’une base législative correcte, nous serons nécessairement placés dans une position d’infériorité ! Je ne suis certes pas diplomate de profession, mais, pour aboutir à un résultat concret et durable, il me semble nécessaire de s’appuyer sur des principes aussi solides que possible.

Madame la ministre, en matière d’harmonisation franco-allemande, le Gouvernement n’a pas jugé nécessaire de consulter le Parlement : permettez que le Sénat expose et défende ses propres conceptions ! Du reste, comme je l’ai déjà souligné lors de la discussion générale, il faut que les parlementaires se rapprochent de leurs collègues des parlements étrangers, en l’occurrence du Bundestag. De fait, cette question ne peut être l’apanage du seul Gouvernement !

C’est pourquoi j’invite le président de notre commission à se tourner vers son homologue du Bundestag, comme il avait commencé à le faire – et toute la commission avec lui – dès le mois d’avril dernier.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, je ne nie absolument pas la légitimité du Parlement français à tracer les lignes directrices de la convergence franco-allemande, ni même à voter aujourd’hui une réforme de l’impôt sur les sociétés.

Toutefois, à mes yeux, nous ne pouvons pas engager cette négociation franco-allemande en accrochant des boulets aux pieds de nos chefs d’entreprise, c'est-à-dire en les imposant dix fois plus lourdement que les patrons allemands ! En effet, une telle mesure rendrait de facto toute harmonisation impossible, d’autant que notre situation budgétaire actuelle est déjà très contrainte.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je le conçois !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, ce soir, vous nous avez proposé de créer une bonne demi-douzaine de taxes sur les entreprises ! Or, une fois ces dispositions votées, leur suppression deviendrait très difficile au regard du coût très élevé que cela représenterait pour les finances publiques.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, madame Bricq !

Je suis tout à fait prête à travailler avec la commission des finances sur cette convergence, y compris pour évoquer des pistes d’évolution de la législation française qui vous paraîtraient justifiées. Mais le Gouvernement ne saurait arriver pieds et poings liés à la table des négociations : or, de fait, tel serait le cas si la fiscalité des entreprises françaises était singulièrement accrue !

Au reste, celle-ci a déjà subi de fortes hausses, et j’ai récapitulé les augmentations d’impôt sur les sociétés que nous avons opérées depuis un an : ces hausses représentent 4 milliards d’euros depuis le seul mois de septembre ! Ce n’est pas négligeable !

La prudence s’impose donc à nous. Nous devons ménager la compétitivité de nos entreprises, y compris à l’exportation.

C’est une question majeure, et tous les dossiers doivent effectivement être mis sur la table : il ne s’agit d’aborder le problème taxe par taxe. Il est certain qu’en procédant taxe par taxe on peut toujours trouver des dispositifs à améliorer !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-9.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.

L'amendement n° I-11, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZE bis ainsi rédigé :

« Art235 ter ZE bis. – I. – Les prestataires de services d’investissement soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et agréés pour fournir les services d’investissement mentionnés aux deuxième à quatrième alinéas et au septième alinéa de l’article L. 321-1 du code monétaire et financier sont assujettis à une taxe sur les transactions automatisées au titre de leur activité exercée au 1er janvier de chaque année.

« II. – L’assiette de la taxe sur les transactions automatisées est constituée du montant des ordres d’achat ou de vente d’instruments financiers transmis à un marché réglementé ou à un système multilatéral de négociation au cours d’une journée, dès lors que moins de la moitié du nombre de ces ordres est effectivement exécutée sur ces plates-formes de négociation.

« III. – Le taux de la taxe est fixé à 0,1 % du montant des ordres d’achat ou de vente transmis visés au II.

« IV. – La taxe sur les transactions automatisées est exigible le dernier jour de chaque mois. Elle est acquittée auprès du comptable public au plus tard le dernier jour du mois suivant. Le paiement est accompagné d’un état conforme au modèle fourni par l’administration faisant apparaître les renseignements nécessaires à l’identification de la personne assujettie et à la détermination du montant dû.

« V. – 1. La personne assujettie, dont le siège ou l’entreprise mère du groupe, au sens de l’article L. 511-20 du code monétaire et financier, est situé dans un autre État ayant instauré une taxe poursuivant un objectif équivalent à celui de la taxe sur les transactions automatisées, peut bénéficier d’un crédit d’impôt.

« 2. Le montant de ce crédit d’impôt est égal, dans la limite du montant de taxe sur les transactions automatisées dû par la personne assujettie, à la fraction de cette autre taxe que l'entreprise mère ou le siège acquitte au titre de la même année à raison de l’existence de cette personne assujettie.

« 3. Le crédit d’impôt peut être utilisé par la personne assujettie au paiement de la taxe sur les transactions automatisées de l’année ou lui être remboursé après qu’elle l’a acquittée.

« 4. Les 1 à 3 ne sont pas applicables lorsque la réglementation de cet autre État ne prévoit pas des avantages équivalents au bénéfice des personnes assujetties à la taxe mentionnée au 1, dont le siège ou l’entreprise mère est situé en France. La liste des États et taxes pour lesquels les 1 à 3 sont applicables est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.

« VI. – À défaut de paiement ou en cas de paiement partiel de la taxe sur les transactions automatisées dans le délai de trente jours suivant la date limite de paiement, le comptable public compétent émet un titre exécutoire. La taxe est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

« VII. – Les dispositions des I à VI s’appliquent aux ordres visés au II transmis à compter du 1er janvier 2012.

« VIII. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article après avis de l’Autorité des marchés financiers. »

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le sujet dont il est ici question est tout aussi important que le précédent. En effet, cet amendement a pour objet de contrecarrer une dérive majeure du fonctionnement des marchés : il tend à instaurer une taxe assise sur les transactions automatisées et vise tout particulièrement ce qu’il est convenu d’appeler le « trading à haute fréquence ».

De l’aveu même de nombreux acteurs de la vie économique, ce mode de négociation est particulièrement néfaste. Ses méfaits sont connus : il crée une liquidité artificielle sur les marchés ; il rompt l’équité concurrentielle entre les intervenants ; il introduit des asymétries d’information ; il favorise les variations brutales de cours et une vision à très court terme ; enfin, il crée de nouvelles possibilités de manipulation des cours et d’abus de marché.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, dans ce cadre, les opérations de marché sont accomplies par des robots, et qu’elles échappent donc à tout contrôle ! Une fois l’algorithme lancé, le facteur humain n’intervient plus dans la transaction.

Un projet de révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers, ou directive MIF, a certes été élaboré, mais je crains qu’il ne soit pas à la hauteur des enjeux.

Mes chers collègues, le mécanisme que nous proposons d’instituer afin de limiter l’essor de ce trading automatisé constitue une véritable innovation. Il s’agit d’instaurer, à compter du 1er janvier 2012, une taxe qui serait due par un prestataire de services d’investissement sur une base mensuelle, dès lors que le taux d’annulation de ses ordres de bourse transmis chaque jour dépasserait 50 %. Le taux de la taxe serait de 0,1 % du montant des ordres transmis et demeurerait inférieur aux frais de courtage généralement facturés aux clients.

Les modalités de mise en œuvre de ce dispositif devraient nécessairement être fixées par un décret pris après avis de l’Autorité des marchés financiers.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement comprend le souci qu’exprime la commission de réguler ces transactions financières opérées par traitement automatisé.

Cependant, il est à mes yeux inconcevable d’assurer la régulation des transactions financières par une simple taxe franco-française. En effet, madame la rapporteure générale, étant donné le périmètre et le champ que vous lui attribuez, cette taxe ne concernerait que deux opérateurs français – la Société générale et BNP Paribas –, qui sont tout à fait en mesure de contourner ce dispositif en transférant hors de France le traitement automatisé de leurs transactions.

Ainsi, pour être viable, la taxe sur les transactions financières doit être mise en œuvre au moins à l’échelle européenne et même, de préférence, au niveau mondial, faute de quoi elle sera nécessairement contournée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a fait de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières destinée à lutter contre la spéculation un de ses combats personnels. Et il y a rallié l’Allemagne ! Aujourd’hui, Paris et Berlin sont animés par la même volonté en la matière.

D’ores et déjà, si nos deux pays décidaient de créer une telle taxe, nous ferions un premier pas en avant.

Toutefois, il convient également de prendre en compte les puissantes places boursières – Londres, bien sûr, au premier chef – qui, à ce jour, restent totalement étrangères à une telle idée.

Madame Bricq, je suis certaine que l’instauration de cette taxe, telle qu’elle est définie par votre amendement, donnerait lieu à des contournements ; en tout état de cause, elle ne viserait que les deux grands groupes que j’ai cités, au titre des opérations financières que vous avez décrites. Le Gouvernement ne peut donc pas émettre un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main l’argumentation que j’ai développée…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas le cas !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … surtout en vous fondant sur une autre logique, celle de la taxe sur les transactions financières, que nous allons évoquer dans la suite de ce débat puisqu’elle fait l’objet de six amendements qui seront examinés ultérieurement.

Le présent amendement repose, lui, sur une logique dissuasive, visant à lutter contre une pratique nocive.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Certes !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Dois-je vous rappeler ce qui s’est passé aux États-Unis le 6 mai dernier ? Vous le savez, le « trading haute fréquence » a joué un rôle majeur dans le déclenchement du krach qui s’est produit. Et un semblable événement peut se répéter sur n’importe quelle autre place boursière, les techniques en cause ayant cours dans le monde entier !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais c’est une question de régulation fiscale !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour moi, il ne s’agit pas d’encadrer cette pratique : je veux qu’on soit dissuadé d’y recourir. C'est pourquoi il faut aller plus loin que la simple énonciation d’un principe.

Vous reprenez l’argument habituel : il faut faire en sorte que tous les pays fassent la même chose. Mais nous, nous proposons de commencer par là où nous avons le pouvoir d’instituer une telle taxation, c'est-à-dire sur le sol national. Ainsi, elle aura une chance de prospérer dans sa conception, mais aussi dans sa concrétisation.

Madame la ministre, puisque vous parlez de la taxe sur les transactions financières, je vous rappelle que cette idée est en débat depuis longtemps ; les uns et les autres, nous la proposons régulièrement depuis quelques années de la mettre en œuvre. L’instauration d’une taxe sur les transactions financières a même été votée en 2001 à l’Assemblée nationale – j’y étais !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais cette taxe n’a pas été très efficace !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Évidemment, puisqu’elle n’a pas été mise en œuvre !

À un moment donné, il faut avancer ! Ce qui n’était pas concevable avant 2008 – l’intervention de la Banque centrale européenne, notamment, mais je pourrais citer toute une liste d’exemples – le devient en période de crise économique. Or, pour sortir de cette crise, il faut faire de la régulation financière. C’est cette logique que j’essaie de promouvoir en proposant de corriger ce système extrêmement nocif pour les acteurs du marché. Il faudra bien y venir à un moment quelconque !

Après tout, il arrive au Sénat d’innover ; c’est aussi une de ses missions. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette taxation, qui ne mérite pas d’être enterrée au cœur de cette nuit de novembre.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souscris aux intentions.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est déjà ça !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. S’il s’agissait de signer dans un grand journal international une tribune relayant la proposition de Mme le rapporteur général, je le ferais dès demain.

Mais je voudrais vous faire part d’une expérience très récente. J’ai reçu cette semaine une délégation syndicale… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Quel événement ! C’est rare !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il s’agissait de membres du personnel de NYSE Euronext Paris.

Ils s’inquiètent, et on peut les comprendre, des modalités de la fusion annoncée du groupe auquel ils appartiennent, qui gère plusieurs places européennes, dont celle de Paris, et la bourse de New York – mais le leadership américain y est très marqué – avec Deutsche Börse. Ils craignent, tout comme l’encadrement ainsi qu’une bonne part de l’administration, le déplacement de la faible activité de la place de Paris vers d’autres sites, plus spécialement vers Londres, qui est représentée dans cet ensemble par une filiale, Euronext-Liffe.

Ces syndicalistes ont précisément évoqué devant moi cette question du trading haute fréquence en m’expliquant que, s’il devait être taxé et a fortiori supprimé à Paris, ce serait une très mauvaise nouvelle pour eux.

NYSE Euronext Paris n’est certes plus une structure très importante. Néanmoins, on a intérêt à sauvegarder certaines compétences dans toute une série de domaines.

Mes chers collègues, cet exemple tout à fait concret illustre le fait que voter la mesure proposée par Mme Bricq, au nom de la commission, simplement pour donner un signal tout en sachant que les techniques en question auront toujours cours sur la principale place financière européenne qu’est Londres, c’est s’abstraire du monde réel !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis que vous êtes président de la commission des finances, monsieur Marini, vous avez tendance à oublier que vous avez été rapporteur général ! (Sourires.) Or, souvenez-vous, lorsque vous avez défendu la taxe Google, le même argument que celui que vous venez d’exposer vous a été opposé.

Mme Nathalie Goulet. Et voilà !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La vie est compliquée ! (Nouveaux sourires.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais vous êtes passé outre : vous avez défendu avec ardeur la taxe Google.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et vous m’avez soutenu !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si l’on écoutait les opposants à tout changement, on ne ferait jamais rien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-11.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.

L'amendement n° I-92 rectifié, présenté par MM. Houel, Dallier, P. Dominati, Cambon et Bécot, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le III de l’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le a) est abrogé ;

2° Au b) les mots : « , autres que celles mentionnées au a, » sont supprimés.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je l’indique d’emblée, cet amendement, dont notre collègue Michel Houel a pris l’initiative, a un coût, contrairement à ce qui est indiqué dans son objet écrit, mais il est gagé.

Il vise à assouplir les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent déduire une partie des frais engagés lorsqu’elles sollicitent des cabinets de conseil pour établir les dossiers leur permettant d’accéder au crédit d’impôt recherche.

L’année dernière, pour mettre fin à certaines pratiques abusives, une très bonne mesure avait été adoptée : le plafonnement des montants éligibles à la déductibilité. En parallèle, toutefois, avaient été pénalisées les entreprises ayant recours à des cabinets de conseil dont la rémunération était non pas fixée de manière forfaitaire, mais calculée en pourcentage de la somme récupérée.

Pour les plus petites entreprises, auxquelles leurs moyens limités ne permettent pas toujours de rémunérer ces cabinets au forfait – car il peut être très élevé –, la signature d’un contrat ne leur coûtant de l’argent qu’à partir du moment où le dossier est convenablement présenté et où elles peuvent récupérer une partie de la somme engagée en crédit d’impôt recherche présente un intérêt.

On a voulu pénaliser ce type de contrat. Des pratiques un peu douteuses ont peut-être eu cours dans le passé, mais, aujourd'hui, les choses ont été clarifiées et il existe maintenant une réelle concurrence. Par conséquent, nous pourrions envisager d’assouplir la règle en vigueur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La disposition que les auteurs de cet amendement proposent de supprimer résulte de l’article 41 de la loi de finances pour 2011. Elle avait été insérée par l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur général, Gilles Carrez. Il s’agissait d’éviter la situation absurde dans laquelle une dépense fiscale sert à rémunérer des cabinets de défiscalisation, réduisant d’autant son efficacité.

Vous souhaitez, monsieur Dallier, créer un régime de faveur dans le cas de la rémunération « au succès ».

M. Philippe Dallier. Non, nous recherchons l’égalité entre tous les contrats.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ne considérant pas la mesure proposée comme très opportune, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?