M. le président. L'amendement n° 189 rectifié est retiré.

L'amendement n° 190 rectifié bis, présenté par MM. Fortassin, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 76

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° - L’article L. 312-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« VI. – Les organismes privés gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I, qui atteignent les seuils mentionnés au premier alinéa de l’article L. 612-1 du code de commerce et dont les subventions ou produits de la tarification sont supérieurs au seuil mentionné au premier alinéa de l’article L. 612-4 du même code, publient leurs comptes annuels dans des conditions précisées par le décret en Conseil d’État mentionné au même alinéa de l’article L. 612-4 précité. »

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Selon la législation en vigueur, certains organismes privés gestionnaires du secteur social et médico-social ne sont pas soumis à l’obligation de publication de leurs comptes annuels. Or l’accès aux informations financières, notamment pour les associations représentatives des usagers, est un élément essentiel pour garantir les droits des consommateurs, en particulier des usagers les plus fragiles.

Le décret du 14 mai 2009 portant sur les obligations des associations et des fondations relatives à la publicité de leurs comptes annuels doit donc pouvoir s’appliquer à tous les organismes gestionnaires de droit privé du secteur social et médico-social bénéficiant d’une tarification administrée ou libre.

Tel est le sens de cet amendement qui est, là encore, de bonne gestion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Le présent amendement vise à obliger les organismes privés gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux à publier leurs comptes annuels, sous certaines conditions.

Je suis tout à fait favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je sais pourquoi le rapporteur est favorable à cet amendement : c’est en raison de l’encadrement des comptes. (Sourires.)

Je ne peux que souscrire à votre objectif de renforcement de la transparence, madame Escoffier. Mais, en exigeant que seules les associations du secteur social et médico-social qui dépassent à la fois le seuil de 3,1 millions d’euros pour le total des ressources et celui de 153 000 euros pour les subventions publiques publient leur compte, votre amendement va, en pratique, à l’encontre de l’objectif qui est le vôtre, à savoir l’obligation de publication et de plus grande transparence. En réalité, un moins grand nombre d’associations seraient ainsi soumises à l’obligation de publication des comptes.

Dans l’amendement, tel qu’il est rédigé, vous ne visez qu’un certain type d’association, alors que votre objectif est plus large. Ce sujet mériterait donc aussi d’être retravaillé pour répondre à ce que vous recherchez.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'État, ce sont non des associations, mais des établissements privés qui sont concernés.

M. le président. Madame Escoffier, l'amendement n° 190 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Escoffier. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 191 rectifié bis, présenté par MM. Fortassin, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 81

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 3° de l'article L. 314-2, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À compter du 1er janvier suivant leur admission, à l’exception de la prise en compte des incidences financières d’une rénovation immobilière, les tarifs afférents à l’hébergement dans les établissements habilités à l’aide sociale ne peuvent être revalorisés d’un taux supérieur à celui prévu à l’article L. 342-3.

« Les modalités d’application de l’alinéa précédent sont fixées par décret. » ;

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à protéger les résidents d’établissements assurant l’hébergement des personnes âgées de ressauts tarifaires excessifs qui font « tomber » dans l’aide sociale certains résidents qui pensaient, lors de leur entrée dans l’établissement, pouvoir payer leurs tarifs.

Nous sommes très vigilants sur ces situations, car, aujourd’hui, de plus en plus de personnes résidant dans ces établissements ne sont plus en mesure d’assumer la charge qui leur incombe.

Actuellement, seuls les résidents des établissements commerciaux font l’objet d’une telle protection. Il est donc indispensable de permettre aux résidents des établissements habilités à l’aide sociale de pouvoir bénéficier également de cette protection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement soulève plusieurs difficultés.

Le fait de limiter l’augmentation des tarifs afférents à l’hébergement dans les établissements habilités à l’aide sociale, par exemple, risque de peser sur les conseils généraux.

Par ailleurs, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, le projet de loi prévoit une plus grande information sur les tarifs journaliers des établissements habilités à l’aide sociale. Les tarifs seraient ainsi communiqués à l’Agence régionale de santé.

Au risque de surprendre agréablement M. le secrétaire d'État, j’émets un avis défavorable, malgré l’encadrement des tarifs. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Effectivement, je suis agréablement surpris ! C’est en effet la première fois qu’un amendement comportant une mesure d’encadrement recueille l’avis défavorable du rapporteur. (Sourires.)

Pour que les choses soient bien claires, permettez-moi de revenir sur l’amendement qui vient d’être adopté dans un moment d’euphorie. Ce dispositif réduit vraiment le champ des obligations. Tel qu’il est rédigé, il va à l’inverse de l’objectif de transparence que vous vous étiez fixé, madame Escoffier. Il mérite réellement d’être retravaillé.

J’en viens à l’amendement n° 191 rectifié bis.

Si les tarifs étaient encadrés, les présidents de conseils généraux risqueraient de ne plus financer des hausses pourtant essentielles de dépenses de fonctionnement ou d’investissement de ces établissements. En raison du gel des tarifs d’hébergement, il pourrait en résulter un déficit durable de ces établissements, non compensé par une hausse des tarifs.

Par conséquent, il convient au préalable d’apprécier l’impact financier d’une telle disposition, tant pour les établissements exposés au risque d’un déficit structurel durable que pour les conseils généraux sollicités pour couvrir ces déficits.

À ce stade et dans le cadre de ce projet de loi, le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Madame Escoffier, l'amendement n° 191 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Escoffier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 191 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 192 rectifié bis, présenté par MM. Fortassin, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 81

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 331-4, il est inséré un article L. 331-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L.331-4-1. - Les dispositions de l’article L. 331-4 s’appliquent aux bénévoles, aux salariés et aux dirigeants des services d’aide à domicile visés aux 1°, 6°, 7° et 8° du I de l’article L. 312-1 et aux services d’aide à la personne relevant de l'article L. 7231-1 du code du travail. » ;

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à combler un vide législatif, très dommageable pour certains usagers.

À l’heure actuelle, seules les personnes âgées qui résident dans des établissements, comme les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes notamment, sont protégées contre les abus de faiblesse, en vertu de l’article L. 331-4 du code de l’action sociale et des familles. Or il convient de protéger également les personnes qui bénéficient de l’intervention de services à domicile. Les dernières mesures législatives prises étaient précisément destinées à favoriser l’hébergement à domicile autant que l’hébergement dans des établissements spécialisés.

Cette absence de protection a des conséquences graves, comme nous le rappellent plusieurs faits divers dramatiques, qui ont mis en évidence des cas de « maltraitance financière ».

L’objet de cet amendement est donc d’étendre aux bénévoles, salariés et dirigeants de services d’aide à domicile ainsi qu’aux services d’aide à la personne les dispositions visant à prévenir l’abus de faiblesse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Avis très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je suis heureux d’annoncer à Mme Escoffier que le Gouvernement est très favorable à cet amendement. En effet, ce dispositif protecteur des personnes vulnérables n’existe pas dans le champ des services d’aide à domicile, alors même que ce secteur connaît un développement très important et que les besoins à venir sont considérables. Je l’affirme sous le contrôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : un grand nombre de réclamations ont été émises concernant ce type de services.

Cet amendement important tend donc à résoudre un véritable problème de vie quotidienne. J’ai déjà précisé comment le Gouvernement avait préparé ce texte, en se fondant sur les réclamations des consommateurs. En l’occurrence, concernant cette question, un grand nombre de doléances ont été exprimées. Ce très bon dispositif permettra d’y répondre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 192 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs
Articles additionnels après l’article 2 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 2

M. le président. L'amendement n° 178 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. J. Gautier et Cambon, Mmes Bruguière, Deroche et Primas, M. Milon et Mme Jouanno, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du septième alinéa de l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est supprimée.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Les copropriétés peuvent bénéficier d’un compte séparé. Or de plus en plus de syndics se regroupent, et il devient très difficile pour les copropriétaires membres du conseil syndical de s’y retrouver dans l’analyse des comptes.

Lorsque les assemblées générales des copropriétaires demandent l’établissement de comptes bancaires séparés, les syndics exercent une certaine pression sur eux, prétextant que cette procédure est trop compliquée à mettre en œuvre et que la situation actuelle est tout à fait satisfaisante.

À ce jour, ces dérogations constituent la majorité des cas, et les comptes de gestion présentent, partant, une certaine opacité. Cet amendement tend à supprimer cette possibilité de déroger à la législation, afin que les dispositions prévues dès 1965 s’appliquent systématiquement à tous les comptes des copropriétés détenus par des syndics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Depuis la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, le syndic est tenu d’ouvrir un compte séparé au nom du syndicat. Tel est le principe. Néanmoins, il est possible d’y déroger sur décision de l’assemblée générale.

Il est vrai que le compte séparé ne constitue pas la règle en pratique. Lorsque le syndic propose, dans ses prestations, d’en ouvrir un – ce qu’il est tenu de faire en vertu de la loi –, cette mesure fait souvent l’objet d’une tarification supplémentaire. Dans ce cas, les fonds du syndicat sont versés au compte général du syndic. Toutefois, cette procédure ne constitue pas une garantie de transparence pour le syndicat.

Pour leur part, les syndics indiquent qu’ils bénéficient des produits financiers que leur procurent l’ensemble des fonds des copropriétés déposés sur leurs comptes et que, à défaut, ils devraient pratiquer des tarifs plus élevés pour assurer l’équilibre économique de leur activité. En d’autres termes, rendre obligatoire le compte séparé peut conduire à une augmentation des tarifs.

Si je ne suis pas défavorable à l’ouverture de comptes séparés, il me semble que ce sujet mériterait une réflexion plus approfondie, notamment pour ce qui concerne son impact. Si l’application d’une telle mesure doit conduire à une augmentation significative des charges de gestion des copropriétés, elle doit prêter à réflexion.

En outre, cet amendement ne traite pas des situations contractuelles en cours, pour les copropriétés ne disposant pas de comptes séparés. Il faudrait donc à tout le moins prévoir des dispositions transitoires.

L’ensemble de ces raisons me conduisent à demander le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il s’agit d’un débat bien connu,…

Mme Catherine Procaccia. Surtout des acteurs concernés !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … qui se poursuit depuis de nombreuses années.

Il convient avant tout d’inscrire ce sujet dans une réforme en profondeur. D’ailleurs, la Chancellerie travaille depuis plusieurs mois avec l’ensemble des professionnels à une réforme approfondie des activités des syndics de copropriété.

Je ne conçois pas comment il serait possible de modifier un tel dispositif dans le cadre d’un texte relatif à la protection des consommateurs. Je ne donne pas pour autant une réponse négative sur le fond. En effet, ce dossier est suivi de près par le garde des sceaux. Toutefois, à mes yeux, un tel amendement n’a pas sa place dans ce texte, où une telle disposition serait isolée de l’ensemble des dispositifs actuellement discutés avec les professionnels.

Dans ces conditions, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 178 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Ce débat persistant depuis de nombreuses années, je tiens surtout à insister à nouveau sur le fait que la situation ne progresse guère.

Cela étant dit, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 178 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 44 rectifié est présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 204 rectifié est présenté par MM. Labbé et Dantec, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 613-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 613-3-1. – Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles précédents, il doit être sursis à toute mesure d’expulsion lorsque la personne visée par cette procédure a fait une demande au titre de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et est dans l’attente d’une réponse de la commission départementale de médiation.

« Lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu’elle ait obtenu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.

Mme Évelyne Didier. Il y a maintenant un an, nous débattions dans cet hémicycle de la proposition de loi déposée par notre groupe visant à interdire le recours aux expulsions locatives dans certaines situations. Malheureusement, cette proposition de loi, comme le texte présenté par notre collègue Gosnat à l’Assemblée nationale, le 1er décembre dernier, ont été balayés par la majorité présidentielle.

Toutefois, vous le constatez, nous sommes tenaces ; nous proposons systématiquement les mesures qui nous semblent indispensables pour nos concitoyens, pour le droit des hommes à vivre dans la dignité.

L’an passé, le comité de suivi du droit au logement opposable, le DALO, exhortait l’État à ne pas rester hors la loi. Il y a quelques semaines, il présentait de nouvelles conclusions accablantes, évoquant même une situation de crise humanitaire et concluant que l’État était encore plus hors la loi depuis un an.

Il est donc urgent d’agir et de donner suite aux préconisations du comité de suivi, afin que cesse cette situation paradoxale : la non-mise en œuvre d’un droit reconnu par la loi. Ce n’est d’ailleurs par le seul – je songe notamment à l’eau.

Ainsi, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a demandé que l’État assure sa propre cohérence, en appliquant les quatre principes suivants.

Premièrement, toute personne faisant l’objet d’un jugement d’expulsion doit être informée par le préfet de la possibilité de déposer un recours au titre du DALO en vue d’un relogement.

Deuxièmement, lorsqu’une personne a déposé un tel recours, la décision d’accorder le concours de la force publique doit être suspendue dans l’attente des conclusions de la commission de médiation.

Troisièmement, lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu’elle n’ait reçu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités.

Quatrièmement – je le souligne même si cet élément ne figure pas dans le texte de l’amendement –, le refus du concours de la force publique doit donner effectivement lieu à indemnisation du propriétaire, ce qui suppose l’abondement du budget concerné à hauteur des besoins. On est loin du compte !

Interdire l’expulsion des prioritaires DALO n’est pas une question mineure. En effet, selon les chiffres fournis par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, au 31 décembre 2010, alors que plus de 200 000 demandes ont été déposées auprès des commissions de médiation DALO, seules 25 189 personnes ont pu être logées ou hébergées à la suite d’un recours. Le nombre de personnes déclarées prioritaires et n’ayant pourtant reçu aucune offre de relogement reste donc important. Ainsi, au 30 juin 2010, 14 000 ménages étaient dans cette situation ; 12 500 d’entre eux avaient été déclarés prioritaires par les commissions franciliennes, dont 10 000 par la seule commission de Paris.

Ajoutons que la procédure DALO visant à « écrémer » au maximum les dossiers n’est déclarée prioritaire que pour une infime minorité de demandeurs de logement. C’est ainsi que, à la fin de juin 2010, seuls 43 % des dossiers faisaient l’objet d’un avis favorable. L’écart entre le nombre des ménages déclarés prioritaires et celui des ménages effectivement relogés, ou simplement entre le nombre des demandeurs et celui des personnes relogées, qui continue à se creuser, est le plus sûr révélateur des carences de l’action publique.

Pour mettre un terme à cette situation de non-droit et pour renforcer la portée du droit au logement opposable, nous demandons donc, comme le préconise le comité de suivi, ainsi que le Conseil économique, social et environnemental, que le Gouvernement respecte le droit qu’il a lui-même édicté. Cet amendement, faisant siennes des préconisations communes au Conseil économique, social et environnemental et à au comité de suivi du DALO, devrait normalement gagner l’assentiment de notre assemblée, pour que le droit au logement ne reste pas un droit fictif.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 204 rectifié.

M. Joël Labbé. Je vais avancer un argument supplémentaire : l’accueil en hôtel constitue une charge pour les collectivités territoriales.

Toutefois, pour laisser la paternité de ce texte au groupe CRC, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 204 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 44 rectifié ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement vise plusieurs objectifs.

Il vise à surseoir à toute mesure d’expulsion lorsque la personne concernée par cette procédure a déposé une demande DALO et est dans l’attente de la réponse de la commission départementale de médiation.

Il tend également à interdire le concours de la force publique lorsque la personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation sans avoir obtenu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités.

Il s’agit de mesures très importantes qui figurent, comme vous l’avez souligné, madame Didier, parmi les préconisations formulées par le comité de suivi du droit au logement opposable.

En conséquence, j’y suis très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Une telle disposition est contraire à la Constitution,…

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. L’arme atomique !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : le législateur ne peut subordonner l’octroi du concours de la force publique à l’accomplissement d’une diligence administrative. Il s’agit d’une décision rendue au sujet de l’article 119 de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. Le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions prévoyant que le préfet ne pouvait accorder le concours de la force publique qu’après s’être assuré qu’avait été proposée aux personnes expulsées une offre d’hébergement tenant compte, autant que possible, de la cellule familiale.

L’expulsion résulte d’une décision de justice ayant force exécutoire et le préfet est tenu d’en assurer la mise en œuvre. Cet impératif a valeur constitutionnelle au regard de l’article 72 de la Constitution, qui dispose que le représentant de l’État a la charge du respect des lois.

Seules des considérations d’ordre public peuvent motiver son refus de prêter le concours de la force publique, auquel cas la responsabilité financière de l’État est par ailleurs engagée.

J’ajoute que, dans sa décision de septembre 2011, le Conseil constitutionnel précise que le droit au logement ne permet pas de méconnaître le droit de propriété, dont le respect peut justifier l’expulsion d’occupants sans titre. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est très défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le secrétaire d’État, vous estimez qu’une telle mesure est absolument impossible à mettre en œuvre. Toutefois, nous sommes placés face à deux droits constitutionnels : le droit de propriété et le droit au logement.

Mme Évelyne Didier. À ma connaissance, l’un n’a pas encore été jugé plus important que l’autre.

M. Jacques Mézard. Le droit au logement ne figure pas dans la Constitution !

Mme Évelyne Didier. C’est bien dommage, mes chers collègues, et il devrait l’être !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. J’indique que nous voterons cet amendement, qui rejoint un article d’une proposition de loi présentée par le groupe socialiste en juin dernier et visant à faire du logement une priorité nationale. Je regrette que, dans cet hémicycle, nous soyons conduits à opposer deux droits dont l’importance est considérable. L’un est effectivement inscrit dans la Constitution, c’est le droit de propriété. L’autre a valeur constitutionnelle, c’est le droit au logement.

Nous ne désespérerons pas que la Constitution soit un jour révisée, afin d’y inscrire le droit au logement,…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Thierry Repentin. … au même titre que le droit à la consommation, par exemple.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Plutôt que la règle d’or !

M. Thierry Repentin. En outre, nous avons à cœur que la loi instituant le DALO soit appliquée de manière effective. Il est en effet paradoxal d’expulser des personnes qui sont reconnues comme un public au titre du DALO, sans même leur adresser une proposition de relogement.

M. Thierry Repentin. Il y a là un hiatus que nous ne nous expliquons pas. Nous ne souhaitons pas ridiculiser le législateur en expulsant des personnes qui sont reconnues comme un public au titre du DALO.

D’ailleurs, le Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, placé auprès du Premier ministre, déclare, dans son rapport annuel publié en novembre 2011, l’État hors-la-loi, ce qui est tout de même assez étonnant de la part d’une telle institution. Ledit comité y affirme ainsi, dans une section intitulée « Le scandale des expulsions de ménages prioritaires DALO continue » :

« L’expulsion de ménages prioritaires constitue un scandale : non seulement un ménage prioritaire n’obtient pas l’offre de relogement prévu par la loi, mais l’État n’utilise pas les moyens dont il dispose pour empêcher l’expulsion. Rappelons en effet que l’État peut :

« – mandater une association pour proposer au propriétaire de mettre le bail à son nom, ce qui apporte l’assurance du paiement du loyer et du respect des obligations locatives […] ;

« – refuser le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion, ce qui entraîne l’indemnisation du propriétaire par l’État ;

« – réquisitionner le logement au bénéfice de son occupant, ce qui apporte au propriétaire la garantie de l’État sur le paiement des loyers. »

Autrement dit, le droit de la propriété n’est aucunement remis en cause, puisque, dans tous les cas, le propriétaire est indemnisé par l’État.

L’institution poursuit ainsi son argumentation :

« Le Comité de suivi ne dispose pas d’un chiffrage exhaustif des cas qui se sont produits en 2011, mais il a constaté [et condamné] de telles situations au moins dans les départements de Paris, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ». Il s’agit des zones où sont apparues des tensions sur le marché.

Par conséquent, nous nous associerons à l’amendement défendu par notre collègue Évelyne Didier.