compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Boyer,

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article unique (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu
Article unique (début)

Convention fiscale avec la République de Panama

Rejet, en nouvelle lecture, d'un projet de loi en procédure d’examen simplifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (projet n° 215, rapport n° 216).

Pour l’examen de ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (ensemble un protocole), signée à Panama, le 30 juin 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je rappelle que la commission des finances, qui s’est réunie ce matin, n’a pas adopté ce texte et en recommande le rejet par le Sénat.

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi n'est pas adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu
 

3

Explications de vote sur l'ensemble (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2011
Discussion générale (suite)

Quatrième loi de finances rectificative pour 2011

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2011
Question préalable (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2011 (projet n° 218, rapport n° 219).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, ce collectif budgétaire marque une étape essentielle dans notre effort de réduction des déficits, un effort qui a commencé en 2010 et qui se poursuivra jusqu’en 2016. Année après année, la France avance ainsi sur son chemin de désendettement et honore scrupuleusement ses engagements.

Ces engagements, vous les connaissez : en 2011, nous ramènerons notre déficit public à 5,7 % de la richesse nationale, puis à 4,5 % en 2012. Grâce à ce texte ainsi qu’aux décisions prises par le Gouvernement tout au long des derniers mois, la France sera au rendez-vous.

Elle le sera en 2011, avec un déficit budgétaire de l’État réduit de 36 % en l’espace d’une seule année, une baisse qui témoigne de la constance et de la réactivité du Gouvernement.

Elle témoigne de sa constance, car cette amélioration du solde de l’État est le fruit de la stratégie qui est au cœur de notre politique budgétaire depuis trois ans. Cette stratégie, vous le savez, se résume très simplement : priorité absolue est donnée aux économies en dépenses.

Le budget pour 2011 prévoyait ainsi le gel en valeur des dépenses de l’État, hors dettes et pensions, ce qui était déjà une mesure sans précédent. Non seulement nous avons respecté cette norme extrêmement exigeante, mais nous avons fait mieux, en réalisant 200 millions d’euros d’économies par rapport à ce plafond. Dès 2011, les dépenses de l’État baisseront donc en valeur et nous aurons ainsi pris un an d’avance sur le calendrier que nous nous étions fixé.

Je veux y voir, et j’espère que vous y verrez également, le signe du sérieux et de la détermination de ce Gouvernement. Loin de prendre prétexte des circonstances pour relâcher nos efforts de maîtrise des dépenses, nous les avons poursuivis et accentués, malgré le changement brutal de conjoncture et les imprévus qui émaillent toute exécution.

Si nous tenons nos engagements, c’est aussi à notre réactivité que nous le devrons. Face à une conjoncture marquée par une grande incertitude, nous avons, dès le 24 août dernier, pris une première série de mesures, qui ont été adoptées par le Parlement au début du mois de septembre.

Conjuguées à notre effort de maîtrise des dépenses de l’État, ce sont ces mesures qui, malgré une croissance plus faible que prévu, nous permettent de ramener le déficit public à 5,7 % de la richesse nationale en 2011. Cette année a notamment été consacrée à l’accroissement de l’effort de réduction de la dépense publique. Notez combien cette orientation tranche avec la culture de la dépense publique habituelle dans notre pays et va à rebours de l’échappatoire du déficit et de la dette, si souvent retenue par les gouvernements, de droite comme de gauche.

En 2012, nous serons au rendez-vous, comme nous l’avons été en 2011, grâce au plan de retour à l’équilibre présenté le 7 novembre dernier, dont le dernier volet figure dans le présent texte.

Ce collectif s’inscrit en effet dans la continuité des projets de budget de l’État et de la sécurité sociale : pris ensemble, les textes financiers forment un tout cohérent, car ils sont fondés sur une seule et même stratégie.

Cette stratégie repose sur deux piliers.

J’ai déjà évoqué le premier pilier : la poursuite de notre effort d’économies dans l’ensemble de la sphère publique.

C’est la raison pour laquelle le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une baisse sans précédent de 1,5 milliard d’euros des dépenses de l’État. Quant à la loi de financement de la sécurité sociale, elle a fixé l’objectif national de progression des dépenses d’assurance maladie à un niveau historiquement bas de 2,5 %.

Le deuxième pilier est le recours à des prélèvements ciblés, dans un double esprit d’équité et de préservation de la croissance.

Le ralentissement de l’activité mondiale a aujourd’hui un impact direct sur l’économie française. Mais, je tiens à le redire, nos fondamentaux sont solides et les réponses extrêmement fortes apportées par la zone euro sont de nature à ramener la confiance. Pour que le rebond soit possible, nous devons plus que jamais préserver notre potentiel de croissance.

Soutenir la croissance aujourd’hui, c’est limiter au strict nécessaire les efforts demandés aux Français et aux entreprises, en faisant d’abord peser la contribution à la réduction des déficits sur l’État et sur les administrations, nationales et locales. Ce n’est pas multiplier les nouveaux impôts sans cohérence ni vision d’ensemble, des impôts qui viendraient casser tous les ressorts de l’activité économique, qu’il s’agisse de l’investissement des entreprises ou de la consommation. Chacun sait que, notamment dans notre pays, l’un des moteurs essentiels de la croissance est la consommation.

C’est pourquoi le Gouvernement ne peut en aucun cas faire siens les choix du Sénat, qui a préféré créer ou modifier 42 taxes lors de l’examen du budget, avec, à la clé, un choc fiscal de 32 milliards d’euros. La Haute Assemblée l’a ainsi démontré : tous ceux qui refusent de donner la priorité aux économies condamnent le pays à une cure d’austérité fiscale dont la croissance et le pouvoir d’achat ne se relèveront pas.

Le deuxième principe de notre politique, c’est la répartition équitable des efforts. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a annoncé un plan national d’efforts partagés.

L’équité exige que les ménages les plus aisés et les plus grandes entreprises contribuent plus à l’effort supplémentaire de réduction des déficits : ce sont ces dernières qui acquitteront la plus grande partie des 5,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires prévus par ce collectif. Je pense, évidemment, à la majoration exceptionnelle de 5 % de l’impôt sur les sociétés qui, vous le savez parfaitement, pèsera sur les seules entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros. Elle ne concernera donc ni les PME ni les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, qui sont les plus exposées au ralentissement de l’économie, mais représentent, en même temps, une de nos principales chances en termes de croissance dans les mois qui viennent.

C’est la raison pour laquelle, avec les 250 correspondants ETI que j’ai nommés dans l’ensemble des territoires, j’ai identifié deux milles « pépites » de croissance : mille PME susceptibles de devenir des ETI et mille « ETI de croissance », elles-mêmes susceptibles de grandir. En effet, dans une crise telle que celle que nous vivons aujourd’hui, nous devons être aux côtés des entreprises qui connaissent des difficultés, des entreprises qui souffrent, mais aussi de celles qui peuvent tirer la croissance vers le haut et créer des emplois.

Pour aider les entreprises qui souffrent, nous avons institué, sous l’impulsion du Président de la République, un dispositif placé sous la responsabilité de René Ricol, qui était médiateur du crédit au moment du pic de la crise, en 2009, et qui coordonne désormais l’ensemble des dispositifs financiers destinés aux investissements d’avenir, comme OSEO ou le Fonds stratégique d’investissement, le FSI.

Par ailleurs, j’effectue trois déplacements par semaine sur l’ensemble du territoire…

Mme Nathalie Goulet. Nous vous suivons !

M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Nous aussi !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Certains d’entre vous suivent, en effet. Vous pourrez vous en faire l’écho tout à l'heure…

Donc, quand je me déplace dans vos territoires, je rencontre en permanence des acteurs économiques qui ont besoin de notre aide tant pour l’obtention de crédits que pour régler les problèmes administratifs complexes qui se posent à eux. J’ai donc été amené à créer un numéro d’urgence « soutien TPE-PME », le 0810 00 12 10, qui permet aux entrepreneurs, pour un problème de crédit, d’entrer immédiatement en contact avec les services du médiateur du crédit ou, pour un problème de blocage administratif, avec le correspondant PME. Ces correspondants, que j’ai nommés il y a quelques mois dans chaque département, ont dû faire un stage en entreprise – cette disposition a fait un peu de bruit à l’époque ! –, stage que j’ai estimé nécessaire dans la mesure où – et ce n’est pas faire injure à l’administration que de dire cela – les fonctionnaires ne connaissent pas l’entreprise de l’intérieur. J’ai d’ailleurs pris depuis la décision d’étendre ces stages à tous les fonctionnaires des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui, sur vos territoires, sont au contact des acteurs économiques.

C’est la raison pour laquelle j’ai écrit à chacun de vous ; j’ai d’ailleurs reçu de nombreuses réponses, de la majorité comme de l’opposition, du président du Sénat, du président du groupe socialiste… Mes chers amis, je vous le répète, nous devons les uns et les autres, être aux côtés des acteurs économiques, dans cette période où ils attendent non pas des réponses de droite ou de gauche, mais le soutien de l’ensemble des élus de la nation et du Gouvernement, au plus près des réalités qu’ils vivent.

Je tiens à redire que la moitié du produit de la majoration que j’évoquais à l’instant sera acquittée par les sociétés au chiffre d’affaires supérieur à 2,5 milliards d’euros. Voilà une preuve de la volonté d’équité qui a animé François Fillon, François Baroin et Valérie Pécresse, sous l’impulsion du Président de la République.

Les efforts que nous demandons aux Français seront, eux aussi, équitablement répartis. J’en veux pour preuve la hausse du prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus du capital, ou bien encore le gel jusqu’en 2013 des barèmes de l’impôt sur le revenu, de l’impôt de solidarité sur la fortune et des droits de donation et succession. Ces mesures pèseront en effet, pour l’essentiel, sur les ménages les plus aisés…

M. François Marc, vice-président de la commission des finances. Pas du tout ! C’est faux !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je sais que, lors du précédent débat, certains d’entre vous ont proposé d’autres solutions. J’insiste sur le fait que, si nous décidons, alors que ces impôts sont progressifs, de geler les barèmes, c’est parce que nous faisons le choix de répartir équitablement l’effort. Ces mesures pèseront donc, pour l’essentiel, sur les ménages les plus aisés et, en particulier, sur les Français qui ont les plus gros patrimoines. Dire l’inverse n’est pas dire la vérité !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est tout le contraire, nous l’avons démontré !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. J’ai entendu vos démonstrations, mais ce n’est pas parce que l’on répète cent fois la même chose qu’elle devient la vérité pour autant !

M. Jean-Pierre Caffet. Prenez-en de la graine, monsieur le secrétaire d’État !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je ne doute pas que vous ne vous lassiez pas de répéter votre prétendue démonstration, …

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vous qui vous répétez !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … mais, en vérité, les efforts que nous imposons seront équitablement répartis.

J’observe d’ailleurs que l’ensemble des organismes internationaux, qu’il s’agisse du FMI ou de l’OCDE, ont reconnu que les efforts demandés préservaient la croissance dans notre pays.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est pour cela que nous sommes en récession !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Il est important de le souligner au moment où, chacun le sait, tous les pays de l’Union européenne et particulièrement de la zone euro vivent des moments difficiles et où nous traversons une crise mondiale.

J’ajoute, madame la rapporteure générale, qu’il est tout de même paradoxal que le Sénat rejette le gel du barème de l’impôt sur le revenu, alors même que ce gel en renforce de facto la progressivité.

M. François Marc, vice-président de la commission des finances. C’est n’importe quoi !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je vous rappelle que les 10 % de foyers les plus aisés acquittent près des trois quarts de son produit : ce sont donc eux, pour l’essentiel, qui seront concernés par cette mesure, dont les effets resteront par définition limités pour les classes moyennes. À impôt progressif, effets progressifs ! Si la nouvelle majorité sénatoriale en vient à remettre en cause la progressivité de l’impôt (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), j’avoue que j’y perds mon latin !

Depuis le premier jour de cette crise, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a tenu un discours de vérité, à la différence de tous ceux qui prétendent réduire les déficits sans que quiconque ait à faire le moindre effort.

Mme Marie-France Beaufils. Personne n’a jamais proposé cela !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Malheureusement, dans les temps que nous vivons, l’approche d’échéances électorales importantes conduit un certain nombre d’hommes et de femmes politiques – je ne vise personne en particulier – …

M. Ronan Kerdraon. Bien sûr que non !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … à prétendre pouvoir réduire les déficits publics sans demander aucun effort aux Français. Je me demande pourquoi ceux qui détiennent aujourd’hui cette solution miracle ne l’ont pas mise en œuvre pendant toutes les années qui nous ont conduits à la situation où nous sommes,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous êtes au pouvoir depuis dix ans !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … nous obligeant à rattraper trente ans de laxisme en matière de dépense publique ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Chacun devra donc assumer sa part de l’effort demandé. C’est pourquoi nous avons veillé à protéger les foyers plus fragiles.

Ainsi, la création d’un nouveau taux de TVA à 7 % n’aura aucun impact sur le prix des produits de première nécessité, qui resteront imposés à 5,5 %. J’ai bien entendu les reproches qui nous étaient adressés de créer ainsi un taux supplémentaire de TVA, mais je crois que, dans la période que nous vivons, nous devons protéger le pouvoir d’achat, notamment celui des plus modestes. Notre devoir était donc de veiller à ce que les produits de première nécessité restent imposés à 5,5 % : ni l’alimentation, ni l’énergie, ni les cantines scolaires, ni les biens et services destinés aux personnes handicapées ne seront concernés par le nouveau taux à 7 %, que nous créons dans le cadre de notre convergence fiscale avec l’Allemagne.

Cette convergence, vous avez choisi de la refuser ; libre à vous ! Mais je me dois de vous le dire, en vous engageant dans la voie de l’isolement en Europe – avec les 35 heures, la France avait déjà donné l’exemple de l’isolement –, en combattant la convergence budgétaire et fiscale, vous prenez la responsabilité d’affaiblir la France, vous prenez le risque de semer la division au moment même où les différents pays de la zone euro, quelle que soit la couleur politique de leurs dirigeants, se rassemblent et s’unissent pour faire front contre la crise.

Faire front, c’est d’abord poursuivre notre effort national de redressement des finances publiques. Parce que nul ne doit pouvoir s’exonérer de cet effort, ce collectif budgétaire raffermit encore les armes dont dispose notre police fiscale, avec un objectif : continuer à resserrer l’étau sur les grands fraudeurs, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. Sur ce point, je me réjouis que nous ayons pu, pour l’essentiel, tomber d’accord. Le rassemblement de la droite et de la gauche, au Sénat, pour lutter contre la fraude est une bonne nouvelle !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France livre aujourd’hui une bataille : celle de la crédibilité. Cette bataille est tout à la fois européenne et nationale. Nous agissons à tous les niveaux.

Tout d’abord, à l’échelle de la zone euro, ont été prises des décisions historiques lors du sommet des 9 et 10 décembre, au cours duquel chacun a pu constater la mobilisation totale du Président de la République, dont beaucoup d’entre vous connaissent le courage.

La crise de confiance actuelle frappant l’ensemble des États de la zone euro, notre devoir consistait à apporter des réponses communes. Grâce à l’engagement personnel du Président de la République française et de la Chancelière allemande, des réponses extrêmement fortes nous ont tous réunis.

Mais nul ne doit s’y tromper, mesdames, messieurs les sénateurs, la convergence européenne vient compléter et renforcer notre action nationale ; elle ne vient pas s’y substituer. Rien ne pourra nous dispenser de notre effort de réduction des déficits, et nous avons le devoir de le poursuivre au rythme prévu.

Parce que ce collectif budgétaire démontre, une nouvelle fois, la détermination de la France à tenir ses engagements sans peser sur la croissance, le Gouvernement vous demande à nouveau de l’adopter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier de la qualité des débats de première lecture et de vous inviter, sur la question si essentielle pour notre pays de la réduction de la dépense publique, à vous rassembler pour envoyer le signal attendu par nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je dois dire que j’ai été très surprise d’entendre hier, à cette tribune, non seulement Mme la ministre du budget, mais aussi l’orateur du groupe UMP déplorer l’attitude de la majorité sénatoriale qui serait hostile par principe à toute idée ou analyse qui ne viendrait pas de ses rangs. Je me suis demandé si nous avions bien participé à la même discussion budgétaire et, quand j’entends M. le secrétaire d’État, je me demande de quoi nous parlons !

Le projet de loi de finances pour 2012 étant maintenant derrière nous, attardons-nous sur l’objet de la présente discussion, à savoir le projet de loi de finances rectificative pour 2011.

L’Assemblée nationale nous avait transmis un texte de 76 articles. Nous en avons adopté les deux tiers, chers collègues de l’opposition sénatoriale, c’est-à-dire 49 sur 76, sans modification : je ne pense pas que l’on puisse y voir la marque d’un Sénat hostile à toute idée qui n’émanerait pas de lui ! Nous y avons ajouté 35 articles additionnels, dont beaucoup sont issus d’amendements du groupe UMP. C’est sans doute encore un exemple d’étroitesse d’esprit de ma part, mais je pense qu’il doit y avoir erreur sur la personne… ou plutôt sur le groupe majoritaire !

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, nous avons tellement de points de désaccord avec le Gouvernement que nous n’éprouvons pas le besoin d’en créer d’artificiels.

M. Michel Delebarre. Très bien !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Lorsque nous sommes d’accord, pourquoi craindrions-nous de le dire ? Pour notre part, nous croyons au dialogue républicain, nous l’avons maintes fois prouvé tout au long de cet exercice budgétaire.

Qu’a voté l’Assemblée nationale et, en particulier, qu’a-t-elle fait des apports du Sénat ?

L’Assemblée nationale a, en premier lieu, retenu la plupart des articles issus d’amendements présentés par l’opposition sénatoriale et acceptés par la majorité du Sénat. Il y a cependant quelques exceptions, la plus importante étant le rejet de l’article 16 bis C.

Le Sénat avait adopté à l’unanimité un amendement de M. Cambon, sénateur UMP du Val-de-Marne, sous-amendé par le groupe socialiste, instaurant une contribution de solidarité pour l’accès à l’eau et à l’assainissement. On me dit que les débats, qui se sont terminés hier à minuit, ont donné lieu à un certain « cafouillage » de la part du Gouvernement. Je garde l’espoir que cette mesure voie le jour prochainement, car la position du Gouvernement semble avoir évolué depuis l’avis défavorable donné au Sénat. Il importait, je vous le rappelle, que cette contribution de solidarité pour l’accès à l’eau des moins favorisés de nos concitoyens puisse être prise avant la tenue du Forum mondial de l’eau, à Marseille, au mois de mars 2012. Je déplore que le Gouvernement n’ait pas saisi la perche que lui tendait le Sénat.

M. Michel Delebarre. Absolument !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En deuxième lieu, l’Assemblée nationale a supprimé l’essentiel des dispositifs insérés à l’initiative de la majorité sénatoriale. S’agissant des mesures relevant de la mise en œuvre du plan Fillon II, ce n’est pas une surprise puisque nos conceptions de politique fiscale sont radicalement opposées. Cependant, la frontière entre le clivage politique et le parti pris de refus systématique des initiatives du Sénat est malheureusement parfois difficile à apprécier.

C’est ainsi que le Sénat avait voté, à l’initiative du groupe socialiste et contre l’avis du Gouvernement, dans le projet de loi de finances pour 2012, la suppression du taux réduit de TVA sur les produits phytosanitaires dont la nocivité est prouvée. La mesure n’a pas été reprise dans le texte définitif. Cependant, l’Assemblée nationale a adopté hier, sur proposition du Gouvernement, la même mesure que celle que le Sénat avait adoptée en loi de finances par la voie d’un amendement de Mme Rossignol et du groupe socialiste-EELV, portant la TVA sur ces produits à 19,6 %. Comprenne qui pourra ! Le sectarisme n’est peut-être pas du côté où on prétend qu’il est…

M. Ronan Kerdraon. Ni l’étroitesse d’esprit !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En troisième lieu, quelques initiatives de la majorité sénatoriale ont été reprises par le texte final, même si le Gouvernement a parfois cherché à s’y opposer.

Il en est ainsi de l’article 21 bis C prévoyant le recouvrement des reliquats de redevance sur les consommations d’eau dans les DOM et leur versement aux offices de l’eau dans les DOM, qui résulte d’une initiative de Serge Larcher et du groupe socialiste-EELV.

À l’article 16, les pertes de bases au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, l’un des sept impôts substitutif à la taxe professionnelle, ne seront pas compensées, comme nous l’avions voulu, mais un rapport permettra d’étudier l’évolution de l’assiette de cet impôt. Si cette dernière n’étai pas réévaluée régulièrement, elle rendrait cet impôt peu dynamique, ce qui pénaliserait les collectivités locales.

Le rapporteur général de l’Assemble nationale a su faire preuve de persuasion à l’égard du Gouvernement, ce dont je le remercie, et le convaincre de s’en tenir à la rédaction du Sénat sur l’article 17 quater relatif au service « PATRIM Usagers ». La vie privée de nos concitoyens en sera mieux protégée et des dérives possibles évitées.

Nous devons retenir que les votes de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture traduisent une nouvelle fois la méfiance de la majorité gouvernementale envers les collectivités territoriales.

Au Sénat, nous avions unanimement voté l’amendement de M. Pintat prévoyant un rapport sur les conséquences d’une transformation en établissement public du nouveau compte d’affectation spéciale hérité du Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE. L’obligation de dépôt de ce rapport a été supprimée par l’Assemblée nationale. Les votes unanimes et motivés du Sénat – M. Pintat est président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies – ne comptent donc pas !

Le Sénat avait également adopté à l’unanimité l’amendement de M. Collomb, sous-amendé par M. Ferrant et plusieurs collègues de l’UMP et de l’Union centriste, visant à offrir aux collectivités la possibilité d’adapter les tarifs de la taxe de séjour. Cette nouvelle marge de manœuvre a été supprimée, à la demande du Gouvernement. Je remercie la commission des finances de l’Assemblée nationale et son rapporteur général, M. Carrez, d’avoir soutenu notre proposition.

Nous avions protégé le dispositif de la taxe locale sur la publicité extérieure contre les premières tentatives de mitage de ce nouvel impôt local : l’Assemblée nationale l’a accepté.

Nous avions souhaité évaluer les conséquences sur les collectivités territoriales de la mise en œuvre simultanée de la réforme des taxes d’urbanisme et de celle de la redevance d’archéologie préventive. L’Assemblée nationale ne l’a pas jugé utile.

Nous avions souhaité compenser les communes qui assurent les frais de gestion des régies de recettes d’amendes de police, puisque le Gouvernement souhaite une modification de la loi pour leur transférer cette compétence. Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas partagé notre opinion.

Je retire de cette nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le sentiment que la poursuite de la navette ne permettrait pas au Sénat de mieux faire prévaloir ses vues. Dans ces conditions, et puisque nos positions sont, sur l’essentiel de la politique fiscale et budgétaire, inconciliables avec celles du Gouvernement et de sa majorité, la commission des finances a décidé ce matin de proposer au Sénat d’opposer la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.

L’inutilité de la poursuite du débat peut se résumer en quatre points.

Premièrement, les évolutions du déficit de 2011 par rapport à celui de 2010 s’expliquent essentiellement par des facteurs exceptionnels, notamment parce que les dépenses d’avenir sont sorties du budget. Nous l’avons démontré chiffres à l’appui.

Deuxièmement, avec ce collectif, le Gouvernement nous demande une fois encore de prendre acte des sous-budgétisations de la loi de finances initiale.

Troisièmement, si l’Assemblée nationale a repris beaucoup d’amendements du Sénat, elle a remis en cause des dispositions protectrices de la libre administration des collectivités territoriales et ne l’a pas suivi dans son souhait de mieux lutter contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux. Nous accordions une grande importance à ce dernier point.

En tout état de cause, enfin, le Sénat ne saurait souscrire aux dispositions du collectif budgétaire qui mettent en œuvre le plan Fillon II et qui se traduisent par un alourdissement de la fiscalité des ménages, qu’il s’agisse de la consommation ou du travail, sans souci de la justice et de la progressivité de notre système fiscal.

S’agissant de la mesure de relèvement du taux réduit de TVA, la discussion à l’Assemblée nationale a de nouveau montré la gêne du Gouvernement et de sa majorité à l’égard de cette mesure : non seulement moins de la moitié de l’assiette taxée aujourd’hui à 5,5 % sera portée à 7 %, mais de nouvelles dérogations ont encore été décidées par les députés.

La meilleure solution aurait consisté à se rallier aux propositions du Sénat en matière de fiscalité du patrimoine. Je n’y reviens pas, mais nous savons qu’il y a là un gisement de recettes que nous avons chiffré, dans le projet de loi de finances pour 2012, à environ 11 milliards d’euros pour la première année d’exercice.

Pour finir, je voudrais dire au Gouvernement, que j’entends employer depuis hier l’argument selon lequel le budget de 2012 permettrait d’avancer sur le chemin du désendettement, que cette affirmation n’est pas exacte. Atteindre un déficit de 5,7 % du produit intérieur brut en 2011 et de 4,5 % en 2012 permettrait seulement d’avancer « vers », et non pas « sur », le chemin du désendettement. Selon la programmation du Gouvernement, en effet, c’est seulement à compter de 2013 que le ratio dette-PIB devrait commencer à décroître.

Ce n’est pas en affirmant des choses fausses que nous parviendrons à être crédibles aux yeux des observateurs ou de nos partenaires européens. Nous nous mettons en difficulté en annonçant des trajectoires qui ne sont pas réalistes.

Nous allons clore cette session budgétaire, mes chers collègues, mais pour combien de temps ? Nous entrerons, au début du mois de janvier, dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « semestre européen », au cours duquel les États européens élaborent leurs prévisions et leurs programmations budgétaires nationales, en principe dans un esprit de concertation entre gouvernements et parlements.

Cette année, la discussion du futur accord intergouvernemental et des nouvelles propositions de règlement de la Commission va s’insérer dans cette séquence.

N’injurions pas l’avenir, certes, mais je dois dire que je suis inquiète à l’idée que les Européens se divisent, entre États et au sein des différentes nations, sur des questions de procédure et de règles budgétaires alors que la zone euro inspire de moins en moins confiance et que la conjoncture économique se dégrade. L’essentiel est là. Nous ne sommes pas crédibles sur nos dettes et nos déficits si nous ne le sommes pas sur notre objectif de croissance. Le sentiment de décalage entre les enjeux et les solutions apportées s’accroît.

Pour ce qui nous concerne, en France, le semestre européen va coïncider avec la campagne présidentielle. Le Parlement aura cessé ses travaux lorsque le Gouvernement lui transmettra, avant le 15 avril prochain, le projet de programme de stabilité, sur lequel il devrait pourtant se prononcer par un vote. C’est entre les deux tours de l’élection présidentielle que le programme de stabilité devra être adressé par la France à la Commission européenne ! J’attire vote attention sur le rôle que la Haute Assemblée, qui n’est pas renouvelable, va tenir dans cette période.