compte rendu intégral

Présidence de M. Charles Guené

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Hubert Falco.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt de rapports

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.

Il a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois ainsi qu’à la commission des affaires sociales.

M. le président du Sénat a, par ailleurs, reçu de M. André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, le rapport annuel d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire, en application de l’article 7 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné du dépôt de ces documents. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

3

Démission d’un membre d’une délégation sénatoriale et candidature

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que M. Gérard César a démissionné de la délégation sénatoriale à la prospective.

Le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté la candidature de M. Jean-François Mayet pour le remplacer.

En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11, du règlement du Sénat, cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

4

Constitution d’un groupe politique

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Vincent Placé, en application de l’article 5, alinéa 2, du règlement, la liste des sénateurs déclarant adhérer au groupe écologiste, ainsi que la déclaration politique de ce nouveau groupe, qui compte dix membres.

M. Placé, président du groupe écologiste, a également fait connaître que, en application de l’article 5 bis du règlement, le groupe écologiste se déclare comme groupe minoritaire. Ce groupe pourra donc bénéficier des droits attribués aux groupes d’opposition et minoritaires par la Constitution et notre règlement, notamment dans le cadre des journées mensuelles réservées. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à Voies navigables de France
Discussion générale (suite)

Voies navigables de France

Adoption définitive en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à Voies navigables de France (projet n° 206, texte de la commission n° 222, rapport n° 221).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à Voies navigables de France
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le transport fluvial français est sur le point de franchir une étape décisive.

Nous avions le choix entre laisser se creuser un peu plus l’écart de croissance et de compétitivité avec nos voisins du nord de l’Europe ou entreprendre une réforme majeure de l’organisation du service public de la voie d’eau. Le Gouvernement a préféré l’action à l’immobilisme en déposant ce projet de loi relatif à Voies navigables de France, sur lequel les deux chambres se sont maintenant prononcées en première lecture.

Conformément aux engagements du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a mis en place une politique volontariste en faveur du transport fluvial. Je rappelle que le principal objectif consiste à renforcer le report modal vers la voie d’eau et à faire évoluer la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial de 14 % à 25 % du fret global à l’échéance de 2022. Il me semble qu’un tel objectif devrait faire consensus !

Ces efforts ont commencé à porter leurs fruits. Malgré un contexte économique difficile, ce mode de transport compétitif, économe en énergie et respectueux de l’environnement a ainsi enregistré, en 2010, un taux de croissance proche de 10 %, grâce à cette mobilisation sans précédent.

Pour promouvoir notre ambition, il était donc temps de doter Voies navigables de France de moyens et de compétences renforcés. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler en première lecture, Voies navigables de France n’a pas aujourd’hui une maîtrise suffisante des moyens indispensables à sa gestion. C’est pourquoi la principale disposition du projet de loi consiste à regrouper, au sein d’un nouvel établissement public de l’État, les actuels salariés de l’établissement et les agents des services déconcentrés de l’État. La gouvernance du futur établissement reposera sur une unité de gestion, afin de faire prévaloir une culture commune, gage d’une meilleure efficacité.

Par ailleurs, le nouveau statut d’établissement public administratif de VNF, qui a été confirmé par les deux chambres du Parlement, présente l’avantage de maintenir les garanties dont bénéficiaient auparavant les agents de l’État concernés par le transfert, tout en préservant la possibilité de recruter des salariés de droit privé.

Sur la question de la représentation des différentes catégories de personnels au sein des divers organes de gouvernance de l’établissement public, les débats de première lecture, tout particulièrement les propositions de la commission de l’économie du Sénat, ont permis de revenir à un dispositif proche de celui qui ressortait de la concertation avec les organisations syndicales. Le texte a ainsi atteint aujourd’hui un point d’équilibre : il préserve en effet les intérêts des différentes catégories de personnels tout en écartant les risques d’inconstitutionnalité.

S’agissant du maintien de l’appellation « Voies navigables de France » pour le nouvel établissement, conformément à votre souhait, je n’y reviendrai pas : le Gouvernement l’a accepté, à la suite de l’Assemblée nationale, même s’il lui paraissait important de marquer symboliquement cette évolution par un changement de nom, comme il s’y était engagé devant les organisations syndicales en juin dernier. Cela manifeste la volonté du Gouvernement de tenir compte de l’avis du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Je tiens à souligner que les nombreux amendements déposés par la Haute Assemblée concernant les missions du nouvel établissement ont enrichi le texte du Gouvernement. Les modifications que vous avez proposées vont en effet dans le sens de la volonté du Gouvernement d’affirmer plus clairement la contribution de VNF à la réalisation des objectifs du Grenelle de l’environnement en termes de développement du transport fluvial, en parfaite complémentarité avec les autres modes de transport. On ne peut donc que se féliciter, à ce titre, de ce que le texte adopté par l’Assemblée nationale confirme cette volonté et reconnaisse les compétences de l’établissement en matière de développement durable et d’aménagement des territoires.

Permettez-moi de revenir brièvement sur les nouvelles compétences que le Gouvernement souhaite donner à l’établissement afin de lui permettre de valoriser efficacement le domaine public fluvial que lui confie l’État. Le Sénat craignait un changement de métier de Voies navigables de France et a souhaité encadrer plus strictement les conditions de réalisation d’opérations d’aménagement par ses filiales. A contrario, l’Assemblée nationale avait proposé de transférer la propriété du domaine public fluvial à VNF, mais cette proposition a été abandonnée à la demande du Gouvernement.

Je considère aujourd’hui que le texte, tel qu’il a été amendé, apporte toutes les garanties nécessaires. Nous sommes en effet assurés que le domaine public fluvial continuera d’être préservé, au service du développement de la voie d’eau et des territoires. Par ailleurs, VNF aura la possibilité de réaliser, en lien avec les collectivités territoriales, des opérations d’aménagement intéressantes sur des terrains en bordure de voie d’eau considérés comme définitivement inutiles au regard des opérations liées au transport fluvial.

Dans un autre domaine, l’Assemblée nationale a souhaité inscrire dans la loi la possibilité de créer une interprofession dans le secteur fluvial, afin de pallier l’absence d’organisation représentative de l’ensemble des métiers de ce dernier. Cette disposition a été soutenue par le Gouvernement, car elle va dans le bon sens, celui d’un développement coordonné de la filière fluviale française. La création de cette interprofession représente un enjeu majeur et stratégique pour l’économie nationale, dans un marché européen hautement concurrentiel.

De même, l’Assemblée nationale a souhaité conforter la possibilité accordée aux ports fluviaux de mener des opérations de coopération transfrontalière. Cette disposition, qui concerne notamment les ports rhénans, permettra de poursuivre la coopération transfrontalière existante.

Je me réjouis, enfin, que la commission ait salué l’initiative de l’Assemblée nationale visant à concilier les contraintes de sécurité de la navigation avec l’intérêt patrimonial des navires anciens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte sur lequel vous allez vous prononcer aujourd’hui est l’aboutissement de discussions riches, parfois techniques, toujours guidées par une volonté commune de développer le transport fluvial et le report modal en France. Je tiens à saluer ici la qualité des travaux parlementaires, l’Assemblée nationale ayant repris la majorité des propositions du Sénat.

Je souhaite vivement – et je sais que cette ambition est largement partagée sur toutes les travées – que ce texte contribue pleinement à la relance de la voie d’eau. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Grignon, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à Voies navigables de France. Le 20 décembre dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté sans modification la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. En effet, les députés nous ont très largement suivis, et nous avons été sensibles à leur attitude constructive. De petites améliorations seraient encore possibles, mais, compte tenu du calendrier, il me semblerait plus prudent et, surtout, plus utile au développement des voies navigables d’adopter conforme ce projet de loi, plutôt que de prendre le risque de reporter cette réforme.

La rédaction à laquelle nous sommes parvenus est fidèle aux accords qui ont été passés, au début de l’été dernier, avec les agents du secteur fluvial, c’est-à-dire les 400 salariés de droit privé qui travaillent aujourd’hui pour l’établissement public industriel et commercial VNF et les 4 000 agents de droit public qui travaillent principalement dans les services de la navigation.

Ce projet de loi a pour objet principal de regrouper au sein de VNF, à partir de l’an prochain, l’ensemble de la « communauté du fluvial ». Les organisations syndicales ont négocié cette fusion et obtenu des garanties que nous avons confortées en première lecture ; VNF a établi un plan stratégique crédible qui donne une chance nouvelle à la voie d’eau dans notre pays : dans ces conditions, il me semble – et la commission s’est exprimée en ce sens le 20 décembre dernier – que notre responsabilité est bien de ne pas retarder le processus.

Ce qui a également motivé notre décision, c’est le fait que toutes les organisations syndicales signataires de l’accord, CGT en tête, nous ont dit préférer ce texte, même perfectible, à pas de texte du tout ou à un mauvais texte.

Je rappellerai les cinq principaux points de l’accord social signé au début de l’été dernier et composant la feuille de route de l’élaboration de ce projet de loi.

Premier point : VNF deviendra un établissement public administratif, ce qui se justifie par la nature de ses financements, publics pour la plus grande part, par le statut de son personnel, dont la très grande majorité, à la suite de la fusion, relèvera du droit public, et par certaines de ses missions, qui demeurent régaliennes.

Deuxième point : le domaine public fluvial demeurera propriété de l’État ; il sera confié à VNF, comme aujourd’hui, plutôt que transféré en pleine propriété.

Troisième point : les agents de droit public et de droit privé conserveront leurs avantages individuels et collectifs, ce qui a des conséquences directes sur l’organisation de leurs institutions représentatives du personnel. Nous avons beaucoup travaillé sur ce point lors de la première lecture, en instaurant un comité technique unique qui jouera le rôle d’un comité d’entreprise et d’un comité technique. Les députés nous ont très largement suivis sur ce sujet, auquel les personnels sont très sensibles.

Quatrième point : toutes les voies d’eau seront maintenues et la « relance de la voie d’eau » concernera l’ensemble du réseau, et pas seulement le réseau « magistral » dévolu au transport. Nous avons conforté cet engagement en rappelant le rôle des voies secondaires dans la gestion hydraulique et dans le tourisme ; nos collègues députés sont allés dans le même sens.

Enfin, cinquième point : aucun agent ne se verra imposer une mobilité géographique.

Je me félicite de ce que nous soyons parvenus, après certes quelques péripéties, à préserver dans ce projet de loi l’intégralité des cinq points de l’accord social. Nos collègues députés ont apporté quelques changements à notre rédaction, en allant presque toujours dans notre sens, avec le souci de parvenir à une adoption du texte avant la fin de la session parlementaire.

Je me contenterai de signaler les quelques nouveautés ajoutées par nos collègues députés, qui ne devraient pas faire débat.

Les députés ont conféré la personnalité juridique à la formation du comité technique unique représentant les salariés de droit privé. Ils ont précisé plusieurs règles de désignation des représentants du personnel, pour garantir que les salariés du privé seront effectivement représentés.

En première lecture, nous avions précisé que « seule la formation représentant les salariés du privé est compétente pour gérer les activités culturelles et sociales » de l’actuel comité d’entreprise. Nos collègues députés sont allés plus loin : la personnalité juridique rassure les salariés de droit privé, qui veulent légitimement continuer à gérer eux-mêmes leurs activités sociales et culturelles. Dès lors que cette personnalité juridique ne constitue pas un obstacle au bon fonctionnement de l’ensemble, il n’y a guère de raison de s’y opposer : l’objectif, c’est bien que tous les salariés, de droit privé comme de droit public, travaillent et s’organisent ensemble durablement.

Les députés ont ensuite prévu que les ports fluviaux situés sur une voie navigable « non transférable » puissent « mener des opérations de coopération transfrontalière ». Cela répond à une demande tout à fait légitime des collectivités territoriales concernées ; j’en sais quelque chose puisque, dans ma région, la coopération entre ports rhénans est une réalité quotidienne.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont encore prévu qu’un « arrêté du ministre chargé des voies navigables réglemente la navigation dans les eaux intérieures des bateaux traditionnels lorsque ceux-ci sont possédés par une association dont seuls les membres ont vocation à embarquer à leur bord ». Cela est limpide : il s’agit seulement d’assouplir la réglementation pour la circulation des bateaux d’intérêt patrimonial.

Les députés ont enfin prévu qu’une organisation interprofessionnelle de la filière fluviale puisse faire l’objet d’une reconnaissance par le ministre chargé des transports et que cette organisation interprofessionnelle soit habilitée à passer des accords, à condition que les professions qui y sont représentées soient unanimes. Là encore, cette précision va dans le sens du développement de la filière fluviale : nous ne pouvons qu’y être favorables.

J’en viens aux deux points qui, au regard des amendements déposés en séance aujourd'hui, paraissent encore poser des difficultés à certains de nos collègues : ils concernent l’un et l’autre, à l’article 1er, les activités que VNF est autorisé à développer pour valoriser le domaine public fluvial, au besoin en créant des filiales et en prenant des participations dans des sociétés.

En premier lieu, les députés ont supprimé l’obligation, pour VNF, de construire une « quantité minimale de logements » dans le cadre de ses opérations comportant des bureaux ou des locaux d’activité – ce sujet avait fait l’objet d’un large débat en première lecture au Sénat – et ajouté celle de constituer une « réserve en vue de futurs aménagements utiles au trafic fluvial ».

Nous avions introduit la notion de « quantité minimale de logements » en séance publique. J’avais alors souligné combien cette notion était floue, peu opératoire, et pouvait même s’avérer contradictoire avec les documents d’urbanisme existants : en effet, les aménagements peuvent très bien porter sur des zones où ces documents ne prévoient pas de logements. Notre débat, cependant, avait fait apparaître une volonté commune d’associer les collectivités locales aux opérations d’aménagement engagées par VNF.

Je crois que la rédaction actuelle du texte nous donne satisfaction. Nos collègues députés ont conservé la référence aux organismes publics d’aménagement que nous avions introduite, de même que l’obligation, pour les opérations d’aménagement, d’être compatibles avec les principes d’aménagement définis dans le schéma de cohérence territoriale, voire dans les plans locaux d’urbanisme. Ils n’ont fait que supprimer la notion de « quantité minimale de logements », dont j’ai souligné le caractère peu opératoire. Ils ont ensuite étendu la consultation des collectivités territoriales : notre rédaction prévoyait une concertation sur la seule « quantité minimale de logements » ; il s’agit désormais de consulter les collectivités territoriales pour toute opération comportant des locaux d’activité ou des bureaux, a fortiori des logements. Enfin, VNF doit constituer des réserves foncières, dans l’intérêt du trafic fluvial. La rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale est donc satisfaisante.

En second lieu, les députés ont restreint la condition de capitaux en majorité publics que nous avions introduite en séance plénière pour les filiales que VNF est autorisé à créer et pour les sociétés auxquelles il est autorisé à s’associer.

La rédaction initiale du texte donnait à VNF une très large marge de manœuvre pour valoriser le domaine public : il s’agissait, ni plus ni moins, de transposer une compétence dont VNF dispose actuellement en tant qu’établissement public industriel et commercial. En première lecture, lors de l’examen du texte en commission, nous avions précisé celui-ci pour mieux relier cette faculté aux missions mêmes de l’établissement. En séance plénière, cependant, contre mon avis personnel, le Sénat avait subordonné la faculté de créer des filiales ou de s’associer au respect d’une condition stricte : les filiales de VNF et les entreprises auxquelles l’établissement pourrait s’associer devraient être à capitaux majoritairement publics. C’est cette condition que nos collègues députés ont assouplie, en précisant qu’elle ne s’appliquerait qu’aux filiales et aux sociétés dont la vocation est de réaliser des opérations d’aménagement.

Leur raisonnement est le suivant : si les opérations d’aménagement urbain justifient le pilotage public, comme cela a été le cas pour celle du port Rambaud à Lyon, où VNF s’est associé à la Caisse des dépôts et consignations, d’autres opérations ne verraient pas le jour sans l’intervention du secteur privé, en particulier des projets ayant trait au développement des énergies renouvelables ou à la valorisation urbaine, et il était dès lors utile d’assouplir cette condition pour les opérations accessoires.

Ce raisonnement me paraît acceptable, et je veux souligner l’attitude constructive de nos collègues députés, qui ont préservé cette condition de capitaux en majorité publics pour les opérations principales. Avec la présente rédaction, c’est seulement pour des opérations accessoires que VNF serait autorisé à prendre des participations ou à créer des filiales à capitaux majoritairement privés : il s’agit, de manière très pragmatique, de lui donner toutes les chances de valoriser le domaine public, tout en restant dans le cadre strict du contrôle public qui est celui dont relèvent les établissements publics administratifs.

Voilà, mes chers collègues, pourquoi je vous proposerai d’adopter le texte dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, nouvel élu dans cette assemblée, j’aimerais vous interroger sur ce projet de loi relatif à Voies navigables de France, qui m’apparaît important, opportun et susceptible de faire consensus sur nos travées, après la prise en compte d’un certain nombre d’amendements présentés en commission.

La présentation de ce texte intervient à un moment capital pour l’avenir de la voie d’eau en France et permet de mesurer le chemin parcouru depuis la création, il y a vingt ans, de ce bel outil qu’est Voies navigables de France, cet établissement ayant signé avec l’État, en décembre dernier, son contrat d’objectifs et de performance.

Nous ne pouvons que souscrire à l’ambition affichée par le Gouvernement de développer l’intermodalité, de favoriser l’essor des voies à grand gabarit pour le transport de marchandises, afin de permettre à notre pays de rattraper son retard et d’instaurer enfin une réelle complémentarité avec les transports ferroviaire et routier, en vue de mettre fin au « tout-routier », souvent dénoncé.

Nous estimons fondée cette réforme de la gouvernance de VNF, destinée à doter le nouvel établissement public administratif appelé à voir le jour le 1er janvier 2013 de tous les leviers de commande et d’un certain nombre de prérogatives renforcées.

Je veux à cet instant saluer les efforts menés en amont par l’État, en concertation avec les représentants du personnel. Les négociations ont abouti à la signature d’un accord satisfaisant, équilibré et prometteur avec les principaux partenaires sociaux engagés avec lui dans la mise en œuvre de cette première étape d’un plan plus global de modernisation du transport fluvial.

Si Voies navigables de France s’apprête donc à devenir un acteur complet, cohérent et responsable de la voie d’eau, ce qui est bien conforme à la lettre et à l’esprit du Grenelle de l’environnement, on peut néanmoins regretter qu’une certaine frilosité ait empêché jusqu’ici la puissance publique d’aller jusqu’au bout de la logique sous-tendant le présent dispositif.

En choisissant de ne pas transférer en pleine propriété à VNF son domaine public fluvial, alors même qu’une telle évolution était justement rendue possible et reconnue comme nécessaire, l’État risque de priver l’établissement public d’une dimension pourtant essentielle à l’exercice de ses missions.

Or, la future loi devra non seulement permettre une montée en puissance de la voie d’eau en matière de fret – vous me permettrez de me réjouir, en ma qualité de sénateur de Meurthe-et-Moselle, du lancement de la première tranche de la plate-forme multimodale et multi-sites sur la Moselle –, mais aussi refléter une volonté politique forte de développer de nouvelles infrastructures, à l’heure où la compétition internationale ne cesse de s’intensifier.

Monsieur le ministre, cette réforme de VNF portée par le Gouvernement ne prendra tout son sens que si elle est véritablement mise au service de grands projets se trouvant aussi au cœur des orientations stratégiques du schéma national des infrastructures de transports, actuellement examiné pour avis par le Conseil économique, social et environnemental.

Nous serons très attentifs à la mise en œuvre effective des intentions qui sont exprimées. Nous aurons d’ailleurs rapidement l’occasion de mesurer leur portée, puisque se tient actuellement la concertation sur le tronçon entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine prévue par le Grenelle de l’environnement.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Husson. Quant au « dialogue compétitif » pour la réalisation du canal Seine-Nord Europe, il devrait se conclure prochainement, en vue d’un démarrage des travaux à la fin de cette année.

Compte tenu de mes convictions européennes, je ne peux que me féliciter de voir la liaison Saône-Moselle/Saône-Rhin préinscrite dans la carte des grands projets structurants retenus et éligibles à des financements communautaires au titre du Réseau transeuropéen de transport pour la période 2014-2020.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, à ce stade, en quoi l’adoption de la réforme de VNF facilitera la poursuite de la réalisation des grands projets engagés, au premier rang desquels figure le projet de liaison Saône-Moselle/Saône-Rhin, dont la coordination est placée sous la responsabilité du préfet de la région Lorraine, à un an du lancement du débat public ? Quels sont les moyens prévus ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol.