Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme Mireille Schurch. Il convient de mettre en place un nouveau cadre législatif accessible, simplifié, favorable aux sous-traitants qui permettrait un véritable rééquilibrage des relations. Nous préconisons une réelle cotraitance.

En effet, le code de performance et de bonnes pratiques relatif à la relation client-fournisseur dans l’automobile, signé au mois de février 2009, qui constitue désormais le socle des relations au sein de la filière, ne va pas assez loin. Il ne suffit pas de vouloir « fonder une véritable relation client-fournisseur partenariale » pour que celle-ci voie le jour.

Certes, les engagements pris sont intéressants, puisqu’il est question de la réhabilitation de critères économiques objectifs dans les décisions d’approvisionnement, d’un meilleur équilibrage des risques respectifs des différents acteurs face aux aléas du marché.

Reste que, sur le terrain, les sous-traitants de la filière automobile attendent toujours de leurs donneurs d’ordre le partage de la valeur, des risques et des investissements, qui est préconisé dans ce code. Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent...

Il est nécessaire d’encadrer de manière contraignante les abus de puissance économique, le détournement des droits de propriété intellectuelle, ou encore le non-paiement du sous-traitant, par exemple.

Comme le rappelle le médiateur de la sous-traitance, si les grands groupes peuvent se permettre d’avoir des directions juridiques, ce n’est pas le cas des PMI. Il pourrait donc y avoir avantage à entreprendre un travail de simplification pour rendre le droit des relations interentreprises industrielles plus simple. (M. Pierre Hérisson marque son impatience, en pointant du doigt un afficheur de chronomètre.)

Les contrats de sous-traitance industrielle ne sont soumis à aucun contrôle de légalité et aucun dispositif légal de contrôle, a priori ou a posteriori, ne vise à protéger les parties les plus faibles contre un éventuel déséquilibre significatif, ce qui laisse tout loisir aux donneurs d’ordre d’imposer leurs conditions générales d’achat, avec leur éventail de clauses abusives sans cesse dénoncées ! Aussi convient-il de faire figurer dans la loi une qualification juridique de la sous-traitance industrielle.

Les nombreuses innovations prévues dans la filière – économies d’énergie, sécurité, confort – ne pourront se faire qu’avec des sous-traitants, des cotraitants suffisamment forts, et ce dans une logique de véritable partenariat et non plus dans un rapport de force usant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’activité de l’industrie automobile se ralentit en France.

Concrètement, cela signifie des risques de fermeture d’usines ou de délocalisation, avec des conséquences humaines, économiques, mais aussi territoriales, et je veux insister sur ce dernier point, souvent négligé.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite à mon tour prendre un exemple et vous faire part de mes inquiétudes sur le cas précis de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Ses inquiétudes sont grandes, car les faits, objectifs, sont malheureusement clairs.

Depuis 2004, les activités de l’usine ont été considérablement réduites. Le nombre d’unités est passé de 400 000 à 136 000. Les effectifs ont été divisés par deux. L’usine a perdu une ligne d’assemblage en 2007. Elle est devenue une usine « monoproduit », qui ne construit que la C3 ; son avenir industriel est donc lié au succès commercial de cette seule voiture.

Monsieur le secrétaire d'État, je sais que les dirigeants ont rassuré – si je puis dire – les employés et les élus jusqu’en 2014. Cependant, devant une telle réduction d’activités, devant des ateliers entièrement vides, devant un risque de chômage partiel dès la fin de ce mois, comment être rassuré ? Nous connaissons tous, hélas ! les conséquences d’une fermeture d’usine, avec son lot de dégâts économiques, sociaux et humains.

Au-delà des conséquences que nous subissons trop souvent, je tiens à insister sur une autre catastrophe. Une fermeture d’usine constitue souvent une blessure grave, voire mortelle, pour des territoires fragiles.

J’en veux pour exemple la ville de Sevran, qui est d’ailleurs limitrophe d’Aulnay-sous-Bois. Nous le savons tous, elle a fait parler d’elle au chapitre de la pauvreté, de la délinquance et de la violence. Pourtant, il s’agissait d’une ville riche, agréable, jusqu’à ce que les usines Westinghouse et Kodak ferment leurs portes.

Ce territoire ne s’en est jamais remis ! Je pourrais également parler de Montataire, après la fermeture de l’usine Chausson.

Il faut craindre une évolution identique pour la ville d’Aulnay-sous-Bois, qui doit sa richesse actuelle, en grande partie, à l’usine PSA.

Monsieur le secrétaire d’État, un excellent plan social est peut-être susceptible de soulager les difficultés des employés concernés, mais il ne pourra jamais rien pour les territoires !

C’est la raison pour laquelle, si une fermeture était envisagée, il serait scandaleux pour les employés, et très dommageable pour le territoire, que les dirigeants tergiversent, gagnent du temps – pourquoi ? -, et mettent les salariés, les collectivités territoriales et l’État devant le fait accompli, alors qu’il serait trop tard pour agir.

Je suis d’accord avec Mme Archimbaud pour dire qu’il faut anticiper ce cas de figure, d’autant que la ville d’Aulnay-sous-Bois est actuellement en cours d’élaboration d’un contrat de développement territorial avec les villes de Sevran – justement ! –, Livry-Gargan, Clichy-sous-Bois et Montfermeil, dans le cadre du Grand Paris. Si la fermeture de l’usine doit avoir lieu à court ou à moyen terme, il est fondamental d’intégrer dès maintenant cette mauvaise nouvelle dans le cadre de ces discussions.

Toute autre stratégie serait irresponsable et entraînerait une fragilisation importante de toutes ces villes, lesquelles comptent déjà parmi les plus pauvres de Seine-Saint-Denis.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux que souhaiter longue vie à l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, mais si tel n’était malheureusement pas le cas, il faut avoir le courage de le dire maintenant. Ce courage, nous le devons aux employés, à la population de la ville et aux élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en guise de préambule, je souhaite faire deux remarques à titre personnel.

Tout d’abord, j’ai été frappé non seulement par la qualité de ce débat, mais également par le fait que les trois orateurs intervenant pour le groupe CRC étaient des femmes, dont les exposés étaient remarquables.

Ensuite, je veux dire à la Haute Assemblée que je suis moi-même le fils d’un ouvrier de Renault, de l’époque où les voitures étaient peintes au pistolet. Je suis donc très sensible au sujet de ce débat.

En qualité de secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, j’ai quelques raisons de me préoccuper de l’état de notre industrie automobile. Cependant, l’organisation gouvernementale nous conduit à séparer l’industrie du commerce extérieur. Peut-être y a-t-il là matière à réflexion pour l’avenir ? En tout état de cause, j’interviens ce matin en lieu et place de M. Éric Besson, mon collègue ministre chargé de l’industrie, en déplacement non pas à Tanger, madame Assassi,…

M. Daniel Raoul. Encore heureux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. … mais à Fessenheim, avec le Président de la République.

Je rends cependant hommage à Mme Assassi pour son sens du timing : organiser une réunion sur l’avenir de la filière automobile le jour de l’ouverture de l’usine Renault de Tanger, qui provoque un certain retentissement dans la sphère médiatique et politique, c’est assez bien vu ! (Sourires.)

En tout cas, ce débat a au moins le mérite de nous faire nous interroger sur le devenir de cette industrie, au milieu des débats sur l’écologie qui ont été évoqués, et sur sa place dans la mondialisation.

Parler aujourd’hui de l’avenir de la filière automobile en France revient à évoquer l’un de nos fleurons industriels traditionnels, dont nous pouvons encore être légitimement fiers.

À ce sujet, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse dans la lignée des propos très justes de Jean-Pierre Chevènement : faisons attention aux idéologies anti-industrielles, voire « anti-bagnoles », qui peuvent pénaliser ce secteur.

En écoutant tout à l’heure Mme Archimbaud, j’ai bien ressenti, pardonnez-moi madame, tout le côté schizophrène d’un certain discours : d’un côté, on regrette l’étiolement de cette industrie, mais, de l’autre, on préconise de passer à autre chose.

Il s’agit un peu du même débat que celui qui concerne le nucléaire. À un moment donné, il faut bien que le pays se fixe des objectifs.

Si l’on persévère dans une idéologie anti-voitures, comme certains le font, sur certains territoires, il ne faut pas s’étonner, par ailleurs, si l’industrie en question choisit d’autres modes de développement, dans des endroits où elle est mieux acceptée. (M. Jean-Claude Carle opine.)

La parenthèse étant refermée, je reviens plus précisément au sujet du débat.

Parmi les dix premiers constructeurs automobiles mondiaux, l’un est allemand, mais deux sont français, Renault et PSA. Nous comptons le leader mondial des pneumatiques, Michelin, et nous restons présents dans la production de bus et de poids lourds, grâce à Renault Trucks et Irisbus Iveco.

Notre pays abrite aussi des leaders mondiaux de l’équipement automobile : Valeo, Faurecia, Plastic Omnium. Aujourd’hui, notre industrie automobile représente 300 000 salariés en direct, et les professions automobiles 420 000 salariés.

Il s’agit donc d’un secteur stratégique pour notre économie, qui a produit en France plus de 2,2 millions de véhicules en 2011, c’est-à-dire 200 000 véhicules de plus qu’en 2009, soit une augmentation de 10 %.

En même temps, deux jours après avoir présenté le bilan 2011 du commerce extérieur de la France dont j’ai dit qu’il était grave et qu’il devait tous nous interpeller, je ne vais pas vous mentir : l’automobile reste un vrai sujet de préoccupation pour notre balance commerciale.

Même si ce secteur ne pèse que 10 % de nos exportations, sa situation actuelle est l’une des manifestations les plus prononcées du décrochage de notre commerce extérieur par rapport à celui de l’Allemagne.

En effet, pendant que nos amis allemands réalisent plus de 100 milliards d’euros d’excédent rien qu’avec l’automobile, soit les deux tiers du solde positif de leur balance commerciale,…

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … la France accuse un déficit de plus de 5 milliards d’euros dans ce secteur. Cet écart n’est pas négligeable puisqu’il explique plus de la moitié des 220 milliards d’euros qui séparent l’excédent allemand du déficit français.

Tel est le résultat de tendances lourdes à l’œuvre depuis longtemps, ainsi que M. Carle l’a fort objectivement rappelé. Ainsi, pendant que l’Allemagne faisait ses réformes de compétitivité et se concentrait sur le haut de gamme et l’image de marque, choix stratégique essentiel de ses constructeurs automobiles, la France du début des années 2000 faisait les 35 heures, qui venaient s’ajouter aux charges déjà lourdes des entreprises, les conduisant à choisir d’autres stratégies de développement, les moins chères possible.

M. Daniel Raoul. Le disque est rayé !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Le disque est peut-être rayé, monsieur le sénateur, mais, malheureusement, il est juste !

M. Daniel Raoul. Non, il est faux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Et je vous invite à le regarder attentivement !

M. Daniel Raoul. Il est faux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Vous ne pouvez pas envisager de politique industrielle en faisant l’économie d’une réflexion sur l’ensemble des facteurs et il faut, si possible, laisser de côté l’idéologie (M. Daniel Raoul s’exclame.), car elle obère trop de décisions prises dans notre pays.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Essayons de réfléchir objectivement, si c’est possible tous ensemble, y compris avec les salariés.

En 2001, l’automobile rapportait encore 12 milliards d’euros d’excédent à notre balance commerciale. En 2004 – interviennent alors concomitamment la montée en charge des 35 heures en France, venant s’ajouter aux charges pesant sur le travail, et le début des progrès de compétitivité en Allemagne grâce aux lois Hartz (M. Gérard Miquel s’exclame.) –, la tendance s’inverse donc et le premier déficit apparaît en 2007. Telle est la situation dont nous avons hérité, au moment où se déclenchait une crise mondiale inédite par son ampleur.

Ces cinq dernières années, le Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, n’a pas ménagé ses efforts – Mme Létard et M. Carle l’ont souligné – pour développer la filière automobile en France, obtenant des résultats tangibles, que le pessimisme ambiant ne doit pas masquer…

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … et que je voudrais vous rappeler.

Premier point : au plus fort de la crise, en 2008, le Président de la République a été le premier en Europe à décider de venir en aide à l’industrie automobile et à ses salariés, au moyen d’un plan massif et inédit de soutien à la filière.

Le pacte automobile a représenté 6,25 milliards d’euros de prêts aux constructeurs automobiles, aujourd’hui intégralement remboursés – je le dis pour M. Dominique Bailly –, avec trois ans d’avance et un bénéfice de 700 millions d’euros d’intérêts pour l’État.

Il a aussi permis d’octroyer 900 millions d’euros de garanties de prêts d’OSEO pour 2 200 PME de la filière – cela répond à l’intervention de Mme Schurch.

Le pacte a également autorisé l’assouplissement du recours à l’activité partielle, dont l’État a pris les deux tiers à sa charge.

Il est enfin à l’origine des 1,4 million de primes à la casse versées entre 2009 et 2011, qui ont représenté plus de 1 milliard d’euros de soutien.

Dans le même temps, nous avons veillé à renforcer la cohésion et la compétitivité des acteurs de la filière automobile. Nous avons créé le Comité stratégique de filière automobile. Nous avons mis en place le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, qui permet de renforcer le haut de bilan de nos sous-traitants. Son tour de table illustre une nouvelle conception de la responsabilité entre clients et fournisseurs. Il a déjà investi 320 millions d’euros dans 22 équipementiers stratégiques. Nous avons fait adopter par les professionnels le « code de performance et de bonnes pratiques relatif à la relation client-fournisseur dans l’automobile ». Dans le prolongement de celui-ci, nous avons favorisé la création de la « plateforme automobile », qui est l’instance permanente de concertation entre donneurs d’ordre et équipementiers pour anticiper les mutations de la filière.

Je veux dire à Mme Schurch combien j’ai approuvé ce qu’elle a dit sur le traitement des sous-traitants par les donneurs d’ordre. Sachez que le Gouvernement est extrêmement vigilant sur ce point. En ce qui me concerne, pour tout ce qui touche à l’export, je suis attentif au bon traitement des sous-traitants par les donneurs d’ordre, comme c’est le cas chez nos concurrents étrangers, où les grands groupes avancent avec leur « écosystème », ce qui, bien souvent, n’est pas le cas en France.

Un certain nombre de résultats ont été au rendez-vous. Pendant la crise, la chute de la production automobile a été moindre en France que chez nos principaux partenaires. Je rappelle qu’aux États-Unis la crise a provoqué 328 000 destructions d’emplois dans l’automobile, le tiers des effectifs du secteur.

En 2010, nous avons enregistré en France une hausse de 9 % de notre production nationale. En 2011, cette dernière a continué d’augmenter, alors que le marché européen reculait.

Deuxième point : nous n’avons pas fait que gérer la crise, nous avons également préparé l’avenir, au travers de l’émergence du véhicule du futur. M. Chevènement en a parlé, l’une des clés de l’avenir est de préparer l’innovation vers les technologies futures.

Grâce à la prime à la casse et au bonus automobile, nous avons déjà favorisé la mise sur le marché et l’acquisition de véhicules moins polluants. Le bonus automobile représente, depuis 2008, un effort net cumulé de 1,5 milliard d’euros. Il a bénéficié à l’achat de 3,9 millions de nouveaux véhicules par les consommateurs français. Les émissions moyennes de CO2 par kilomètre des véhicules neufs sont descendues de 149 grammes en 2007 à 128 grammes cette année, soit une baisse de 14 % en quatre ans.

Avec les investissements d’avenir, le Gouvernement apporte également un soutien sans précédent à la recherche et à l’innovation dans le véhicule décarboné – M. Dominique Bailly l’a évoqué. Une somme de 750 millions d’euros a ainsi été réservée au véhicule automobile du futur. Cette enveloppe permet de cofinancer des projets de recherche et de développement sur des thématiques essentielles : la chaîne de traction électrique et hybride, l’allégement du poids des véhicules, le développement des infrastructures de recharge. Huit appels à projets ont été lancés, correspondant à une enveloppe de 630 millions d’euros.

Cette politique porte pleinement ses fruits pour deux raisons : des premières offres de services partagés sont désormais en place à Nice, Nantes, Strasbourg, La Rochelle, Lyon et bientôt Paris ; les industriels français sont à l’heure dans leurs programmes de véhicule du futur.

Les constructeurs mettent sur le marché de nouveaux véhicules. Renault a lancé la Kangoo « zéro émission », produite à Maubeuge, à laquelle s’ajouteront la Twizy, la Zoé, qui sera produite à Flins, et la Fluence électrique. PSA a déjà lancé les Peugeot iOn et Citroën C-Zéro ainsi que le Berlingo électrique avec Venturi. La construction de la Peugeot 3008 HYbrid4 a débuté à Sochaux. Le groupe Bolloré livre actuellement la Bluecar, qui arrive à Paris avec le service Autolib’. Je veux également saluer les avancées des autres constructeurs : Toyota, qui produit la Yaris hybride à Valenciennes, et Daimler, qui lance la troisième génération de la Smart électrique, produite en Moselle.

J’observe également que les équipementiers et installateurs électriques sont prêts à produire, distribuer et installer les solutions de recharge publiques et domestiques, et prévoient des chaînes de production sur leurs sites industriels en France.

Du travail sérieux a donc été effectué pour préparer la transition vers l’électrique. Il faut mettre cela, me semble-t-il, au crédit non seulement de l’action publique, mais aussi de l’attitude d’un certain nombre d’élus locaux qui, dans les régions, ont œuvré en ce sens, en liaison avec les industriels.

Troisième point : préparer l’avenir, c’est aussi obtenir des constructeurs qu’ils investissent en France et qu’ils affectent chez nous la production des véhicules d’avenir. On touche là un point à mes yeux absolument essentiel : le patriotisme économique, qui ressort des décisions stratégiques des entreprises en liaison avec l’État. Le sujet a déjà été évoqué par plusieurs orateurs.

La filière automobile est parfois critiquée pour faire le choix de la mondialisation au détriment du « produire en France ». Pourtant, les deux ne sont pas incompatibles.

PSA, qui vient de lancer la 208 à Poissy, a fait progresser sa production en France de près de 5 % en 2011, alors qu’elle reculait de 2,5 % hors de France. PSA produit ainsi en France deux fois plus de véhicules qu’il n’en vend et contribue à hauteur de 10 milliards d’euros à nos exportations. Le groupe réalise en France 700 millions d’euros par an d’investissements industriels et 85 % de ses dépenses de recherche et développement.

Il en va de même pour Renault. Entre 2004 et 2011, 6 milliards d’euros ont été investis sur le territoire français, soit 40 % des investissements du groupe. De 2010 à 2013, Renault investira 560 millions d’euros par an dans ses usines françaises. Le constructeur a pris la décision d’assembler en France 100 % de ses utilitaires vendus sous la marque Renault, qui sont des véhicules à forte valeur ajoutée. Renault produit en France 79 % de ses trains arrière, 60 % de ses trains avant et 37 % de ses moteurs. Renault investira 420 millions d’euros dans l’usine Georges-Besse de Douai pour produire d’ici à 2016 les futurs modèles haut de gamme, Laguna et Espace. Renault investira aussi 230 millions d’euros sur le site de Sandouville pour rapatrier la production de l’utilitaire Trafic, jusqu’à présent assemblé en Grande-Bretagne et en Espagne. Enfin, vous connaissez les engagements de Renault à Flins, où sera produit le futur véhicule électrique du groupe, la Zoé, en juillet 2012. Avec la Clio 4, dont l’industrialisation débute cette année, ces deux nouveaux véhicules permettront au site de Flins de produire 250 000 véhicules en 2014, contre 140 000 en 2009.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je rappelle qu’à Flins Renault investit 150 millions euros dans une nouvelle usine dédiée à la production de batteries électriques, notamment pour équiper les Zoé.

Vous l’avez aussi souligné, des constructeurs étrangers, et non des moindres, font le choix de la France pour produire. C’est l’exemple de Toyota, leader mondial des constructeurs automobiles, qui a investi 125 millions d’euros à Valenciennes, où je me rendrai d’ailleurs demain, pour produire la Yaris 3. Je pourrais également citer Smart en Moselle.

Enfin, je tiens à évoquer un quatrième point : le « pacte automobile de seconde génération ». Mon collègue Éric Besson a demandé au Comité stratégique de filière automobile de lui remettre, d’ici mars, des propositions devant répondre à plusieurs objectifs.

Tout d’abord, accélérer la montée en gamme des produits automobiles français. C’est un point absolument central pour le devenir de notre industrie. Nous devons renforcer nos avantages technologiques, accentuer nos efforts sur la qualité et mieux valoriser le « fabriqué en France ». C’est, à mon sens, une question clé pour l’avenir.

Ensuite, développer les savoir-faire de notre industrie automobile. La filière doit faire progresser les compétences, avoir un programme structuré et coordonné en matière d’alternance, notamment.

En outre, aider les PME automobiles à accélérer leur développement et diversifier leurs débouchés. Aujourd’hui, les PME qui résistent le mieux sont celles qui travaillent pour plusieurs constructeurs et équipementiers. Le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, le FMEA, qui marche, doit jouer son rôle dans ce processus. Il faut aussi aider les dirigeants de PME à conquérir de nouveaux marchés, en France comme à l’étranger. Croyez bien que je m’y emploie très activement. L’ensemble du réseau que nous sommes en train de construire dans les régions vise précisément à accompagner les PME à l’international, à travers notamment la création des guichets uniques export, la coopération entre l’État, les régions, les services d’OSEO, le FSI et Ubifrance.

Enfin, nous souhaitons que la filière réfléchisse à la façon d’accroître ses parts de marchés et ses exportations vers les économies émergentes. Vous savez combien j’y suis attaché. Je rappelle que la France n’écoule que 7 % de ses exportations vers les cinq BRICS, les marchés les plus dynamiques de la planète, tandis que l’Allemagne y réalise 12 % des siennes. Ainsi que je l’ai indiqué il y a deux jours, si nous réussissons à multiplier par deux notre part de marché dans les grands émergents, la faisant ainsi passer de 1 % actuellement – contre 4,5 % en moyenne pour les Allemands – à 2 %, nous éliminerons entièrement le déficit commercial de la France. Cela demande un travail de fond, dans chaque région, et une mobilisation du réseau commercial de la France. C’est ce à quoi nous nous employons.

Vous l’avez compris, notre intention n’est pas seulement d’accompagner les mutations de la filière. Nous voulons préparer la filière automobile à être plus offensive, et plus patriote, si je puis me permettre de le dire. (M. Jean-Claude Carle opine.)

Aujourd’hui, la conjoncture automobile est, bien sûr, délicate. Mais vous connaissez notre vigilance et notre mobilisation. La consommation automobile s’est ralentie depuis le dernier trimestre 2011. C’est un phénomène européen, puisque le marché a reculé en Europe de 1,2 % en 2011. Les marchés étrangers sur lesquels les constructeurs français sont traditionnellement bien implantés – Italie, Espagne, Royaume-Uni – sont ceux qui souffrent le plus.

Mais la situation des constructeurs français devrait s’améliorer au second semestre 2012 pour deux raisons : de nouveaux modèles à fort potentiel sont lancés cette année et les autres marchés européens devraient repartir. Il n’en demeure pas moins que nous restons extrêmement vigilants.

Notre vigilance porte notamment sur la mise en œuvre du plan de performance annoncé à l’automne dernier par PSA. Nous veillons à ce que tous les engagements pris devant le Président de la République et le Gouvernement soient tenus. Il n’y a aucune fermeture de site automobile, aucune mesure de licenciement, aucune mesure d’âge, aucun plan de départs volontaires. Comme Philippe Varin s’y était engagé, les 1 900 salariés de PSA concernés bénéficieront tous d’un suivi individualisé, de formations, d’aides à la mobilité ou de congés de reclassement. Plus de la moitié d’entre eux se verront proposer de nouvelles opportunités professionnelles en interne.

Quant au site d’Aulnay-sous-Bois, qui a été largement évoqué, le président de PSA a confirmé à plusieurs reprises que sa fermeture n’était pas d’actualité. Le site dispose avec la C3, en effet, d’un plan de charge au moins jusqu’en 2014, et, selon le succès du véhicule, jusqu’en 2016.

Vous le voyez, le Gouvernement est donc mobilisé pour le soutien de cette industrie.

M. Martial Bourquin. Cela ne marche pas !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je tiens à remercier tous les participants pour la qualité de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec ce débat sur la situation de l’industrie automobile en France.