M. Yves Rome. Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, cela a tout à voir, mon cher ! D’ailleurs, si vous écoutiez les citoyens qui habitent dans votre département, ils vous l’expliqueraient. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Yves Rome. Ils nous écoutent plus que vous !

M. Jean Desessard. C’est plus pratique ! (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Là encore, le Gouvernement a réussi l’une des principales révolutions audiovisuelles depuis le passage à la télévision en couleurs.

Au lieu de quatre ou cinq chaînes suivant les régions, l’ensemble des Français reçoit désormais dix-neuf chaînes gratuites en qualité numérique (Cela dépend ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.) ; six nouvelles chaînes en haute définition complèteront prochainement cette offre. C’est un succès majeur pour l’aménagement numérique du territoire. Pour les quelques zones qui ont des difficultés à recevoir ces dix-neuf chaînes, vous savez que les solutions satellites sont actuellement mises en place.

M. Yves Rome. Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, au contraire, cela a tout à voir, car le numérique est à la fois pour les acteurs économiques et pour les citoyens !

M. Yves Rome. Il n’y a pas le triple play !

M. Bruno Retailleau. Mais il y a la 4G dans la bande qu’on appelle le dividende numérique !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Effectivement, il y a le dividende numérique, comme le dit M. Bruno Retailleau, avec qui vous devriez vous entretenir, car c’est un spécialiste de ces questions. Il aurait beaucoup à vous apprendre sur ces sujets, monsieur le sénateur ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

La troisième priorité du Gouvernement concerne les réseaux de téléphonie mobile.

Désormais, 99,9 % des Français bénéficient d’une couverture en téléphonie mobile. Le taux de pénétration du mobile en France a dépassé les 100 %. Vous allez encore me dire que cela n’a rien à voir, mais c’est le contraire !

Pour autant, comme dans tous les pays du monde, il reste des zones blanches. Même dans les grandes villes, y compris à Paris – chacun de vous le sait ici –, on trouve, non pas sans arrêt, ce serait un peu exagéré, mais ponctuellement, des zones où la couverture n’est pas satisfaisante. C’est pourquoi nous poursuivons – n’est-ce pas, monsieur Pierre Charon ? – nos efforts pour parachever cette couverture.

Le Gouvernement met en œuvre depuis 2003 le programme de résorption des zones blanches en téléphonie mobile, dit programme « zones blanches ». Il a déjà permis de couvrir plus de 3 000 communes de zones rurales pour un investissement total de près de 600 millions d’euros. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, est chargée de faire appliquer les obligations de couverture du territoire en technologie 3G, c’est-à-dire en haut débit mobile. Depuis la fin de l’année 2011, les opérateurs doivent avoir couvert 98 % de la population. Cher Hervé Maurey, c’est largement supérieur à la moyenne européenne, qui est de 90 % !

Le Gouvernement a attribué les meilleures fréquences jamais affectées aux télécommunications dans l’histoire de ce pays : celles du dividende numérique. C’est ce que rappelait M. Bruno Retailleau. Cela a même fait débat avec le monde des médias. Là encore, il s’agit d’une priorité donnée par le Gouvernement au développement du numérique sur le territoire. Nous avons retenu les critères les plus favorables à l’aménagement du territoire jamais mis en œuvre dans un pays européen. Aucun pays au monde n’est allé aussi loin...

M. Yves Rome. Allez en Australie ! Il faut voyager !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela vous fait sourire, mais c’est la réalité ! Aucun pays au monde n’est allé aussi loin dans les obligations de couverture du territoire.

En effet, 99,6 % de la population française et 95 % de la population de chaque département devront être couverts par les opérateurs dans un délai de quinze ans. Une zone de couverture prioritaire a été définie, représentant 60 % des territoires les plus ruraux de notre pays.

Le réseau 4G sera le premier à être déployé simultanément dans les villes et dans les campagnes. À cette occasion, vous me permettrez d’ailleurs de rappeler, puisque visiblement cela a échappé aux uns et aux autres, que, s’il y a un quatrième opérateur, s’il y a du 4G, cela résulte de la volonté du Gouvernement. Ce n’est pas lui qui, tout à coup, s’est fait imposer, par l’évolution technologique, l’apparition de nouveaux opérateurs ou du 4G. Au contraire, c’est bien le Gouvernement qui a voulu cette évolution.

M. Yves Rome. Mais il faut la technologie !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Bien sûr, monsieur le sénateur. Mais il faut en même temps un engagement public et un engagement du Gouvernement ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

Chacun ici devrait se satisfaire que notre pays soit leader en la matière...

M. Didier Guillaume. Avec l’argent de qui ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Avec l’argent des Français.

M. Didier Guillaume. L’argent des collectivités !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais l’argent des collectivités, vous m’expliquerez ce que c’est ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

L’argent des collectivités, comme l’argent de l’État, c’est l’argent de nos compatriotes, monsieur le sénateur.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Argent que vous gaspillez !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous ne pouvez pas vous approprier l’argent des Français ; d’ailleurs personne ne le peut. L’argent des Français, levé par les impôts, par l’État ou par les collectivités territoriales, est l’argent de nos compatriotes. C’est la raison pour laquelle il y a une grande différence entre vous et nous. Comme nous savons que c’est l’argent des Français, nous essayons de l’utiliser sans le gaspiller. Voilà la différence ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Michel Baylet. Vous ne savez pas ce qu’est une collectivité !

M. Jean Desessard. C’est caricatural !

M. Jean-Michel Baylet. Respectez le Parlement !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous pouvez vous époumoner, cela ne m’impressionne pas ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Vous me permettrez ensuite, s’agissant de la couverture du mobile, de dire que le Gouvernement a créé un groupe de travail, ce qui, monsieur le rapporteur, répond d’ailleurs à l’article 5 de la proposition de loi débattue aujourd’hui.

Ce groupe de travail rassemble des parlementaires, des représentants des collectivités territoriales – car le Gouvernement est décidé, comme il le montre en permanence, à dialoguer et à associer au dialogue les collectivités territoriales –...

M. Jean-Michel Baylet. C’est votre interprétation !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... ainsi que les opérateurs des télécommunications, l’ARCEP et les administrations concernées. Monsieur le rapporteur, Éric Besson a réuni ce groupe de travail le 8 février dernier.

Son mandat est le suivant : d’abord effectuer un bilan du programme « zones blanches » et proposer des modalités d’extension et de finalisation du programme ; ensuite, vérifier la cohérence entre les chiffres de couverture du territoire fournis par les opérateurs et la couverture réelle.

Grâce à l’action du Gouvernement, nous disposons aujourd’hui de l’une des meilleures couvertures du territoire en téléphonie mobile en Europe. À cet égard, je souhaite vous alerter – je le dis à la fois à Philippe Leroy et à M. le rapporteur – sur l’article 6 de la proposition de loi.

Cet article crée de nouvelles obligations de couverture pour les opérateurs titulaires des licences. Je comprends bien l’objectif défendu par les auteurs de la proposition de loi, mais chacun doit être conscient que l’État a vendu des licences assorties d’obligations précises en matière de couverture du territoire. Les modifier change la valeur de ces licences.

Les prix auxquels elles ont été vendues seront donc immédiatement contestés par les opérateurs, qui demanderont un dédommagement de la part de l’État. Vous savez, l’un et l’autre, que c’est incompatible avec l’état de nos finances publiques.

Enfin, s’agissant de la quatrième priorité, les réseaux d’accès à internet, le Gouvernement a mis en place le programme national très haut débit, qui est extrêmement ambitieux et repose sur trois piliers.

Les investissements privés constituent le premier pilier. Les opérateurs se sont engagés à couvrir 57 % de la population en fibre optique dans les dix prochaines années, ce dont nous pouvons nous féliciter, car cela signifie moins d’argent public à engager et plus de concurrence sur le marché du très haut débit. (M. Vincent Eblé s’exclame.)

Les consommateurs le savent, la mise en concurrence est le meilleur moyen pour faire baisser les prix et défendre le pouvoir d’achat. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Si certains ont pu un moment l’oublier et croire au mirage de l’encadrement des prix, l’arrivée du quatrième opérateur vient aujourd’hui le leur rappeler ! Il ne me paraît pas inutile de reformuler aujourd’hui cette vérité, y compris en direction de ceux qui ne partagent pas ce point de vue.

Le Gouvernement veillera, tous les ans, à ce que les opérateurs réalisent les déploiements qu’ils ont annoncés. Ainsi les avons-nous interrogés sur l’avancement de leur déploiement au titre de l’année 2011. Leur réponse est attendue pour la fin du mois de février. Je sais qu’il s’agit d’un point essentiel pour vous, cher Hervé Maurey, et c’est la raison pour laquelle je vous le redis clairement : le Gouvernement sera très ferme quant au respect de ces engagements. Si les promesses n’étaient pas tenues, la zone d’investissement privé serait réduite, pour laisser la place aux projets des collectivités.

Les opérateurs ne prennent pas à la légère une telle menace. En effet, ils ont tout intérêt à conserver la propriété de leur réseau, qui est au cœur du modèle économique qu’ils ont choisi. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la situation des opérateurs virtuels depuis l’arrivée de Free Mobile.

Le deuxième pilier traite des initiatives publiques, qui seront soutenues partout où l’initiative privée fera défaut. Le Gouvernement a ouvert, le 27 juillet 2011, un guichet de 900 millions d’euros pour aider les projets des collectivités territoriales. Bien évidemment, ces dernières auront vocation non pas à intervenir partout, mais à se substituer aux opérateurs privés quand ceux-ci ne seront pas en mesure d’offrir à nos compatriotes le service qu’ils attendent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Claude Bérit-Débat. À quel prix ?

M. Vincent Eblé. Privatisation des bénéfices et collectivisation des déficits !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ce guichet a été validé par l’ARCEP le 18 février 2010, par l’Autorité de la concurrence le 17 mars 2010 et par la Commission européenne le 19 octobre 2011. Il s’agit du premier programme public de soutien au très haut débit en Europe.

Vous devriez tous vous réjouir, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, que la France soit le premier pays d’Europe à mettre en place un dispositif de cette nature. J’imagine que la majorité sénatoriale saluera le travail du Gouvernement et de la majorité en la matière ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

À la grande différence du Fonds d’aménagement numérique des territoires, ce guichet peut financer, monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, des opérations de montée en débit, ce qui est bien évidemment l’intérêt de nos territoires. Vous devez prendre conscience de cet avantage.

Il aura d’ailleurs des résultats concrets : cinq départements bénéficieront d’une aide de 54 millions d’euros du programme national très haut débit. Ainsi, l’Auvergne, qui est l’une des régions les plus rurales de France, sera l’une des premières à fournir du très haut débit à ses habitants. Vous évoquiez les Hauts-de-Seine, je vous parle pour ma part de l’Auvergne ! (M. Philippe Leroy sourit.) L’action du Gouvernement et l’investissement public permettront justement d’offrir à nos compatriotes vivant en Auvergne le très haut débit.

D’ici à un an, douze départements ou régions seront soutenus par le Gouvernement. Vous le voyez, monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit là de réponses concrètes. (M. Yves Rome s’exclame.)

Troisième pilier, le Gouvernement prépare le très haut débit par satellite, avec un investissement de 40 millions d’euros dans la recherche et développement. Chacun l’a bien compris, dans certaines zones, plutôt que de dépenser par tonneaux l’argent des Français, il convient de trouver les solutions les plus efficaces et les mieux adaptées. Le satellite en est une.

Cet engagement permettra de dépasser les performances du satellite Ka-Sat, qui permet d’ores et déjà, vous le savez, monsieur le rapporteur, vous qui connaissez parfaitement ces dossiers, d’atteindre un débit de 10 mégabits par seconde sur l’ensemble de notre territoire.

Un sénateur du groupe socialiste. Ce n’est pas symétrique !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, je le redis aujourd’hui, 100 % des Français ont aujourd’hui accès au haut débit par ADSL...

M. Jean-Luc Fichet. Ce n’est pas vrai !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... ou par satellite. Ne venez pas me dire le contraire !

J’en viens maintenant au contenu de cette proposition de loi.

Plusieurs de ses dispositifs, avec lesquels le Gouvernement est en phase, sont positifs. Je pense notamment aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, dont l’adoption sera obligatoire. Il est extrêmement intelligent d’inciter, grâce à un dispositif d’obligations voire de sanctions, à l’élaboration de ces schémas. Nous devons poursuivre dans cette voie, qui permet de clarifier la situation.

Sachez pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce texte pose plusieurs difficultés majeures. Je m’efforcerai de rallier à mon point de vue M. le rapporteur, M. Leroy, ainsi qu’un certain nombre de sénateurs de droite comme de gauche, puisque ces questions, en réalité, dépassent le cadre du traditionnel clivage droite-gauche. Ce qui compte, c’est que nous puissions apporter des réponses qui satisfassent nos compatriotes.

L’ensemble du cadre politique, financier et réglementaire est aujourd’hui en place pour le déploiement du très haut débit en France. Certes, entre l’adoption de la loi de modernisation de l’économie et le lancement effectif du programme national très haut débit, quatre ans se sont écoulés. Certains d’entre vous, je le sais, ont pu trouver le temps long ! Le Gouvernement lui-même s’est parfois impatienté, face à la lenteur du processus. Mais il s’agit, je le rappelle, d’un chantier sans précédent : le téléphone avait été déployé en France en un siècle par un opérateur en situation de monopole, ce qui démontre bien que ceux qui croient à une solution publique se trompent.

Nous sommes en train de remplacer l’intégralité de cette boucle locale par de la fibre optique, en à peine quinze ans, et avec la participation de quatre opérateurs nationaux et de dizaines d’opérateurs locaux.

Cette proposition de loi vise à remettre en cause – c’est d’ailleurs l’un des principaux risques de son adoption – le cadre mis en place par le Gouvernement et l’ARCEP, ce qui conduirait à engager un nouveau processus de discussions de plusieurs années. Pouvons-nous nous le permettre, alors même que vous déplorez à juste titre le temps que nous avons déjà perdu ? Vous le savez, monsieur Leroy, monsieur le rapporteur, les investissements seraient de nouveau gelés, comme ils l’ont été entre 2008 et 2010.

Je ne suis pas en train de dénoncer vos objectifs ni même les moyens que vous suggérez pour y parvenir. Je vous rappelle simplement que l’adoption du dispositif que vous proposez aurait pour effet immédiat et pervers, même si vous ne le souhaitez pas, de retarder le déploiement du très haut débit en France, ce qui ne va dans l’intérêt ni de notre économie ni de nos territoires. Vous ne pouvez que partager ce constat.

Les premiers chiffres sont pourtant encourageants : 4,7 millions de foyers, soit 20 % de la population, sont couverts en très haut débit par câble ; 1 350 000 foyers sont raccordés à la fibre optique, qui enregistre un taux de croissance de 40 % par an. L’entreprise France Télécom s’est engagée à doubler le rythme des déploiements en 2012 : 800 000 logements seront ainsi équipés cette année. Il faut y ajouter 200 000 logements neufs, dont l’équipement sera réalisé par les promoteurs, ainsi que les projets menés en faveur de l’Auvergne et de la Manche. Ainsi, un million de logements supplémentaires bénéficieront du très haut débit, ce qui témoigne d’une réelle accélération du rythme de déploiement.

Nous devons poursuivre nos efforts, afin que la France entre de plain-pied dans l’ère du très haut débit. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, tous ceux qui croient que les dispositions contenues dans cette proposition de loi permettront de développer le très haut débit se trompent : elles conduiront au contraire, par un effet mécanique, à le freiner, ce que vous ne souhaitez pas. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne pourra pas soutenir un certain nombre des solutions techniques que vous proposez.

Je le répète, sur le fond, nos positions ne sont guère différentes. J’attire simplement votre attention sur les dangers que représenterait l’application des dispositifs spécifiques que vous prônez.

Par ailleurs, cette proposition de loi ne permettra pas de mettre en œuvre, comme ses auteurs le prétendent, un aménagement équilibré de nos territoires. Son adoption comporte en effet un certain nombre de risques. En réalité, son principal effet – s’il n’est pas souhaité par les auteurs du texte, ceux qui y sont favorables, notamment à gauche de cet hémicycle, s’en réjouissent – sera de dissuader l’investissement privé dans les zones moins denses de notre territoire.

M. Christian Bourquin. Ne nous provoquez pas !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent a priori que la solution doit être d’origine publique. Selon moi, l’intervention publique n’a de sens que si aucune solution privée ne permet d’offrir le service attendu par nos concitoyens.

M. Christian Bourquin. Ne vous en prenez pas aux collectivités locales, monsieur le secrétaire d’Etat !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. L’adoption de cette proposition de loi risquerait de remettre en cause tous les principes de notre économie, en donnant la priorité à l’initiative publique par rapport à l’initiative privée. Tel est le danger principal qui nous menace, monsieur Leroy. Si on systématise l’initiative publique en inscrivant dans la loi le principe de sa priorité, au lieu de l’utiliser seulement, comme le souhaite le Gouvernement, en cas de difficultés rencontrées par les opérateurs privés, on dissuadera malheureusement l’initiative privée.

M. Christian Bourquin. Le raisonnement est un peu poussif !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Dans votre système, ce sont les contribuables qui paieront ! Vous évoquiez tout à l’heure, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, l’« argent des collectivités locales » ! Vous oubliez un peu rapidement que c’est en réalité l’argent des Français, qui, bien souvent, travaillent dur ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Bourquin. Vous avez tout pris aux collectivités locales !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ces Français n’ont pas envie qu’on utilise le fruit de leur travail pour réaliser des investissements qui pourraient parfaitement être assurés par des entreprises privées.

M. Christian Bourquin. Ne nous faites pas la leçon ; regardez plutôt ce que vous avez fait : le dérapage de la dette en cinq ans !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Or 95 % de nos lignes en fibre optique ont été déployées par les opérateurs privés. Disant cela, je me tourne vers M. le président de la commission de l’économie, qui connaît bien tous ces dossiers, contrairement à certains dans cet hémicycle.

M. Christian Bourquin. Vous n’êtes pas sérieux !

Mme Laurence Rossignol. Comment osez-vous dire des choses pareilles ?

M. Yves Rome. C’est de l’ordre du fantasme !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vouloir dissuader les investissements privés, qui ont permis de déployer la quasi-totalité des lignes de très haut débit, serait une erreur grave, en termes de stratégie, pour notre pays. Le risque serait de conduire à une forme de renationalisation du réseau de très haut débit, ce que les auteurs de cette proposition de loi, je le sais, ne souhaitent pas. Malheureusement, certains, qui seraient tentés de voter cette proposition de loi, n’attendent que cela !

Rappelez-vous l’échec du plan câble ou encore du minitel ! On avait alors opté pour le « tout public » !

M. Christian Bourquin. Cessez de nous provoquer ! Vous-même êtes loin d’incarner la modernité !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. On sait où cela nous a menés : nos compatriotes, qui ont payé, n’ont pas pu bénéficier du service de qualité qu’ils étaient en droit d’attendre.

C’est précisément l’ouverture à la concurrence et une régulation avisée qui ont permis l’essor de l’internet haut débit, en France comme partout dans le monde. La France est ainsi devenue le troisième pays européen en termes de pénétration de l’internet haut débit, devant l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni.

Chacun, dans cet hémicycle, devrait se féliciter de cette remarquable situation.

M. Christian Bourquin. Quelle situation ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Soyons fiers de nos acteurs économiques privés et des investissements qui ont été réalisés en France,…

M. Christian Bourquin. C’est de vous que nous ne sommes pas fiers ! (Sourires sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … plutôt que de critiquer en permanence, comme vous le faites, et de montrer du doigt ceux qui ont permis à notre pays d’être en avance sur la plupart des autres pays dans le monde, et même en Europe.

Revenir sur le développement de la concurrence dans ce secteur, si tant est que ce soit possible, c’est renoncer à la baisse des prix, à l’encouragement au déploiement des réseaux et, surtout, à l’innovation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

À l’approche des prochaines échéances électorales, je prête une oreille attentive à ce qui se dit (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.), et je constate que le mirage de l’encadrement des prix et l’illusion de l’investissement public à tout prix refont surface.

M. Christian Bourquin. Vous avez tout lâché !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Par exemple, dans le domaine du logement, j’entendais François Hollande, candidat à l’élection présidentielle,...

M. Christian Bourquin. Vous dérapez, monsieur le secrétaire d’État !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... nous expliquer que l’encadrement des prix réglerait le problème de la hausse des loyers.

M. Christian Bourquin. On n’est pas en campagne électorale ! Vous faites comme le Président de la République !

M. le président. Monsieur Bourquin, vous n’avez pas la parole ; veuillez laisser s’exprimer M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de poursuivre mon propos, qui, visiblement, provoque une certaine gêne sur les travées de gauche de cet hémicycle ! Si tel n’était pas le cas, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous me laisseriez parler !

M. Christian Bourquin. Eh bien parlez !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je suis certain que cela va vous faire plaisir !

S’agissant de la question de l’encadrement des loyers (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, s’il vous plaît ! Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Décidément, cela vous gêne ! Sinon, ayez la patience de m’écouter trente secondes.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est hors sujet !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. M. le président de la commission de l’économie sait bien où je veux en venir puisqu’il m’a déjà entendu.

Quand M. Hollande, donc, déclare aux Français qu’il va encadrer les loyers,...

M. Yves Rome. Nous ne sommes pas en campagne électorale !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... en réalité, c’est un mirage !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, c’est exactement le même sujet, celui de la concurrence ! (M. Christian Bourquin s’exclame.)

Visiblement, cela vous dérange puisque vous ne me laissez pas parler. Je suis très patient, je peux attendre. Je peux même me taire le temps que vous vous calmiez... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Bourquin. Vous avez peut-être remarqué que vous avez la parole depuis un certain temps !

M. le président. Mes chers collègues, seul M. le secrétaire d'État a la parole !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Même si cela vous gêne tant, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche,...

M. Christian Bourquin. Et du centre !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela ne nous gêne pas !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … je vous le répète : François Hollande s’est déclaré favorable à l’encadrement des loyers plutôt qu’à la concurrence. S’agissant de l’aménagement numérique du territoire, la problématique est strictement identique : vous voulez promouvoir l’intervention publique plutôt que d’inciter les opérateurs privés à investir dans le cadre d’un système concurrentiel.

Permettez-moi de vous poser une question : qui a mis fin à l’encadrement des loyers ? Je vous écoute ! Vous êtes moins bruyants, d’un seul coup !

M. Christian Bourquin. On parle du numérique !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je vous le donne en mille : c’est M. Jospin, en 1997 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il avait bien compris que l’encadrement des loyers non seulement ne servait à rien, mais encore allait à l’encontre de l’intérêt de nos compatriotes. De temps en temps, il n’est pas inutile, avant de faire des propositions, de réfléchir et de se rappeler certains faits du passé...

S’agissant du sujet qui nous occupe aujourd’hui, je vous invite à faire de même. Je le répète, revenir sur le développement de la concurrence dans ce secteur, en admettant que ce soit possible, c’est renoncer à la baisse des prix et à l’innovation. Contrairement à ce que certains prétendent, dissuader l’investissement privé ne réduira pas les besoins en financements publics, au contraire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)