M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 108 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue des suffrages exprimés 96
Pour l’adoption 24
Contre 167

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi.

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les Etats membres dont la monnaie est l'euro
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro, adoptée à Bruxelles, le 25 mars 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, rappelez-vous que l’Europe devait réunir les peuples. Et pourtant elle est en train de les dresser les uns contre les autres !

Désigner les seuls pays du Club Med, les PIGS en anglais, comme seuls responsables des malheurs de l’Europe a des relents d’avant-guerre peu ragoûtants.

L’Europe devait exorciser les fantômes bruns qui la hantaient. Jamais depuis la Libération, l’extrême droite n’avait été aussi puissante en Europe. Et hélas ! ce n’est pas terminé !

L’Europe devait rendre le vieux continent indépendant du capitalisme anglo-saxon, le protéger de ses crises récurrentes. La dépendance de l’Europe au FMI est désormais celle d’un pays sous-développé. Depuis la crise des subprimes, il n’est plus possible de cacher qu’elle est aussi le champ de manœuvre privilégié de la spéculation mondiale.

Depuis deux ans, l’Europe s’offre même le luxe d’une crise rien qu’à elle, celle de l’euro. Rappelez-vous, l’euro qui devait mettre un terme à la spéculation sur les monnaies l’a simplement remplacée par la spéculation sur les taux d’intérêt, livrant la Grèce aux usuriers !

L’euro devait permettre aux économies de la zone de converger, les plus forts tirant les plus faibles. Le pays le plus fort, l’Allemagne, réalise aujourd’hui l’essentiel de ses excédents commerciaux sur le dos de ses partenaires, à commencer par la France.

L’euro devait stimuler la croissance, créer des emplois, de la richesse pour tous. Le chômage, le sous-emploi, la précarité dans la zone euro n’ont jamais été aussi élevés. La Commission vient même d’annoncer que, seule au monde dans ce cas, l’Europe entrera en récession en 2012.

Et l’on nous invite à ratifier des traités qui installeront le purgatoire éternel en Europe ! Belle solidarité qui étrangle ses bénéficiaires ! Prétendre faire respirer la zone euro en la plaçant sous poumon d’acier est un non-sens absolu.

Qui peut croire que le MES, nouvelle et tardive béquille d’une construction qui tient debout seulement par la tapisserie, après les interventions en quasi-contrebande de la BCE, après le Fonds européen de stabilité financière, fera cesser la spéculation et sortira le char européen de l’ornière ?

La monétisation de la dette souveraine par une BCE remplissant toutes les fonctions d’une banque centrale est la seule réponse appropriée. Monétisation de la dette souveraine, cela signifie une force de frappe réactive, potentiellement illimitée et gratuite pour la collectivité, à la différence du MES, lourd à mettre en œuvre, insuffisant en cas d’extension de la crise, comme l’ont notamment rappelé Nicole Bricq, Jean-Louis Carrère, Simon Sutour et Philippe Marini. Jean-Pierre Chevènement l’a indiqué, le MES est à la charge des contribuables, qu’ils soient prêteurs ou receveurs.

Pas plus qu’un bricolage financier ne saurait tenir lieu de banque centrale, le copinage des partis conservateurs allemand et français ne saurait tenir lieu de gouvernance de l’Europe et de la zone euro.

Les faits ont montré que créer une monnaie commune sans référence à l’étalon-or, sans pouvoir souverain pour l’administrer, sans banque centrale jouant tous les rôles d’une banque centrale était un leurre. Plus vite on l’admettra, plus on aura de chances de sauver ce qui reste du rêve européen.

Mes chers collègues, adopter ce projet de loi ou le laisser adopter en s’abstenant retardera peut-être l’heure de vérité, mais la rendra d’autant plus pénible le moment venu. Si le MES représente pour vous un progrès, dites-vous que c’est un progrès dans une voie sans issue ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a très justement rappelé notre collègue Aymeri de Montesquiou, la stabilité financière de l’Europe est notre bien commun. Il ne s’agit pas d’une lubie de financiers ou d’une utopie de technocrates, bien au contraire ! La stabilité financière est l’un des gages de bonne santé des économies des pays européens, un bouclier contre les revendications creuses des populistes et donc un jalon de sauvegarde des démocraties.

Les traités dont nous discutons aujourd'hui sont demandés de longue date par les sénateurs centristes, qui ont plaidé avant tout le monde – reconnaissez-le ! – pour un véritable fédéralisme européen qui aille au-delà de l’adoption d’une simple monnaie unique. J’avais eu l’occasion en octobre dernier, lors d’un débat préalable au Conseil européen, d’appeler, au nom de mes collègues du groupe Union centriste et républicaine, à l’institution d’un Trésor européen.

La route sera encore longue avant la matérialisation d’un véritable fédéralisme budgétaire, avant la constitution d’un véritable gouvernement économique de la zone euro. Et pourtant force est de constater que nous sommes d’ores et déjà engagés dans cette voie. La France a besoin de l’Europe, le monde a besoin de l’Europe, et ce au même titre que la Grèce, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Le projet européen n’est plus seulement un idéal, il est devenu une nécessité à laquelle nous ne pouvons pas nous dérober.

On a fait tous les reproches possibles à ce traité. Et trop souvent on a superposé les enjeux. Le Mécanisme européen de stabilité n’est pas le traité de stabilité budgétaire : il n’est pas acceptable de voir certains prendre appui sur le second pour se dédouaner du premier.

Alors qu’ils ont été favorables au principe de l’Acte unique, du traité de Maastricht et du traité de Nice, je suis peinée, pour ne pas dire consternée, de voir nos collègues socialistes s’abstenir sur un tel texte et ne pas en profiter pour marquer fermement leur attachement au projet européen.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame Assassi, il y a quelques instants à la tribune, vous vous êtes dite surprise et atterrée. Nous sommes, pour notre part, consternés que vous ayez déposé avec vos collègues communistes des motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur les deux traités, au motif que l’instauration du MES contreviendrait au retour de la croissance en Europe. Vous êtes même allé jusqu’à parler de manipulation !

Mme Éliane Assassi. Rappelez-vous 2005 !

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous ne pouvons plus nous tromper. La dépense budgétaire seule n’a jamais été suffisante pour relancer la croissance ; elle le sera encore moins dans un monde de plus en plus ouvert. L’austérité ambiante n’est pas tant le fait du MES que celui de l’absence de réformes structurelles dans tous les pays d’Europe depuis une trentaine d’années.

Le monde change vite, plus vite que nous le pensons ; le MES est une étape utile et nécessaire à l’Europe pour que nous puissions aussi nous adapter.

Mme Éliane Assassi. Demandez l’avis du peuple alors !

Mme Catherine Morin-Desailly. C’est pourquoi les sénateurs du groupe UCR voteront avec conviction et détermination pour la ratification de ces deux traités. (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission préconise l’abstention et que le Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 109 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 195
Majorité absolue des suffrages exprimés 98
Pour l’adoption 168
Contre 27

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi est adopté définitivement.

mécanisme européen de stabilité

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les Etats membres dont la monnaie est l'euro
 
 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité
Article unique (début)

M. le président. Nous passons maintenant à la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité, dont la discussion générale a été close.

Exception d’irrecevabilité

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (n° 394, 2011-2012)

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la motion.

Mme Éliane Assassi. Quoi qu’en aient dit Mme la rapporteure générale et M. le ministre, nous persistons à affirmer que le mécanisme européen de stabilité, que les dirigeants européens tentent de mettre en place, est contraire à certaines des valeurs constitutionnelles qui fondent notre République.

La souveraineté budgétaire, actée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est l’un des piliers du concept de la souveraineté populaire.

En effet, permettez-moi ce petit rappel, c’est pour marquer la rupture avec l’Ancien Régime, où noblesse et clergé accaparaient les richesses que les révolutionnaires ont gravé dans le marbre de la Déclaration le contrôle des deniers publics, autrement dit du budget du pays, par le peuple et ses représentants.

Ceux qui refusent ici d’admettre que transférer la souveraineté budgétaire aux autorités européennes constitue une attaque frontale contre ce principe démocratique sont, au mieux, dans le déni et, au pire, je l’ai dit tout à l'heure, dans la dissimulation, voire dans la manipulation.

Or, je pense l’avoir démontré, le MES organise concrètement ce transfert de souveraineté puisque, pour pouvoir en bénéficier en cas de difficultés financières aiguës, il faudra se soumettre aux conditions de la Commission européenne en matière de politique économique et sociale.

À cet égard, et cela a déjà été expliqué, ces deux traités constituent un coup de force contre la souveraineté nationale et populaire pour imposer l’austérité aux peuples, à leurs représentants et à leurs gouvernements.

Mes chers collègues, je pense que vous êtes tous conscients de l’importance de votre vote d’aujourd'hui. En votant cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, vous refusez la soumission de notre peuple aux partisans d’un libéralisme sans frein pour l’Europe. En ne la votant pas, vous acceptez un grave abandon de démocratie, aux dépens du peuple, de ce peuple, dont les candidats à l’élection présidentielle parlent à l’envi, mais qui devrait être consulté par référendum sur cette question qui engage l’avenir de notre pays.

Pour toutes ces raisons et parce que nous voulons que soient affirmés avec solennité les décisions prises et les choix opérés par les uns et les autres, nous demandons un scrutin public sur cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission des finances est défavorable à la motion tendant à opposer à ce second projet de loi l’exception d’irrecevabilité présentée par nos collègues du groupe CRC, comme elle fut défavorable à la motion portant sur le projet de loi que nous venons d’adopter définitivement.

Pour ce dernier, vous aviez, mes chers collègues, fondé votre position sur deux arguments : l’atteinte à la souveraineté budgétaire et le recours à la procédure simplifiée. Sur ce dernier point, je répète que le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour juger du recours à la procédure simplifiée pour un traité européen.

Mme Éliane Assassi. C’est faux ! Il l’a déjà fait !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. S’agissant du projet de loi qui nous occupe présentement, vous n’invoquez que l’un de ces deux arguments : la mise en cause de la souveraineté budgétaire.

À cet égard, je rappelle que, lors de l’octroi de la garantie de l’État pour la création du Fonds européen de stabilité financière, le FESF, aucune question d’inconstitutionnalité n’a été soulevée, ni au Sénat, ni à l’Assemblée nationale.

Je veux aussi rappeler que la souscription au capital libéré ou appelable est une pratique courante. Ainsi, par le vote du collectif budgétaire à la fin du mois de décembre dernier, la France a accordé une augmentation du capital à la Banque de développement du Conseil de l’Europe par cette procédure. Or aucune motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité n’a alors été déposée.

S’agissant du MES, je procéderai à quatre rappels.

Premièrement, le Parlement devra approuver préalablement chacun des versements de l’État au MES.

Deuxièmement, la gouvernance du MES est politique : le conseil des gouverneurs est composé des ministres des finances de la zone euro. J’attire à cet égard votre attention sur un point important : la France, comme l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, dispose d’un droit de veto pour l’entrée en vigueur du MES puisqu’il faut que les États ayant ratifié le traité représentent au moins 90 % des votes.

Troisièmement, la France, comme l’Italie et l’Allemagne, bénéficie d’un droit de veto concernant la décision d’appeler du capital.

Quatrièmement, si la Banque centrale européenne et la Commission européenne estiment qu’il y a urgence à aider un État, les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée de 85 % des voix exprimées. La France, comme l’Italie et l’Allemagne, conserve donc son droit de veto. Cette décision est la plus importante car elle conditionne les futurs appels de capital.

Dans ces conditions, il me semble qu’invoquer l’inconstitutionnalité au nom de la souveraineté budgétaire n’est pas de mise.

Pour conclure, après avoir rappelé que, lors de la réunion de la commission des finances, le groupe socialiste s’est prononcé, à ma demande, en faveur de l’abstention, je ferai remarquer que c’est la première fois que la question de la solidarité financière est posée dans le débat public, au-delà des frontières du Parlement, et je remercie le groupe CRC d’avoir permis, en déposant deux motions, de dépasser ces frontières : les questions qu’il a posées sont importantes, c’est pourquoi j’ai souhaité y répondre point par point.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Mme la rapporteure générale, une fois de plus, a prononcé un plaidoyer étincelant en faveur du Mécanisme européen de stabilité ! On est donc en droit de se demander pourquoi elle ne vote pas en faveur du traité qui l’institue !

Il est évident que cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

Pour ma part, au-delà de l’argumentaire technique approfondi que vient de développer Mme Bricq, je poserai une question essentielle : qu’est-ce que la souveraineté ?

Mme Éliane Assassi. Bonne question !

M. Jean Leonetti, ministre. J’en ai assez d’entendre dire que l’Europe porte atteinte à la souveraineté de la Grèce ! Mesdames, messieurs les sénateurs, sans l’Union européenne, la Grèce serait incapable de payer ses fonctionnaires le mois prochain ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Pour aider la Grèce, l’Union européenne apporte 237 milliards d’euros, qui représentent la contribution des autres États membres solidaires.

La question de la souveraineté se poserait si les créanciers frappant à la porte ne pouvaient pas être remboursés : à ce moment-là, un État isolé qui ne serait pas membre de l’Union européenne ni de la zone euro, se retrouverait en faillite, comme ce fut le cas de l’Argentine… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Pierre-Yves Collombat. Les Argentins se portent très bien !

M. Jean Leonetti, ministre. Que se passe-t-il dans un tel cas de figure ? Il faut procéder à une dévaluation massive, les fonctionnaires ne sont plus payés, l’État ne peut plus emprunter. Dans une telle hypothèse, la situation du peuple grec serait effectivement très dégradée. Mais dire que la souveraineté du peuple grec est altérée aujourd’hui par l’existence d’un mécanisme de solidarité qui l’empêche de tomber sous le joug des spéculateurs et de la finance relève de la mystification ! (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Éliane Assassi. Pourquoi avez-vous peur de demander l’avis du peuple de France ? Pourquoi le craignez-vous ?

M. Jean Leonetti, ministre. Peut-être les dirigeants qui se sont succédé à la tête de ce pays, avec un euro qui leur permettait d’emprunter à 2 %, ont-ils alourdi sa dette au-delà du nécessaire ou du possible ? Lorsque ces gouvernements ont enfin constaté l’ampleur de leur dette souveraine, était-il opportun de doubler le nombre de fonctionnaires, d’augmenter le douzième mois, d’en verser un treizième ou un quatorzième ? (Protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Pierre-Yves Collombat. Voilà tous les clichés ! Le « club Med » ! Les « PIGS » !

M. Jean Leonetti, ministre. Effectivement, le peuple grec souffre, mais il souffre parce que ses dirigeants se sont montrés irresponsables…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et vous ? Avez-vous été plus responsables ?

M. Jean Leonetti, ministre. Aujourd’hui, l’Union européenne vient au secours du peuple grec, non seulement en accordant une aide à la Grèce, mais en empêchant que cette situation ne se reproduise, grâce au Mécanisme européen de stabilité. Je préfère donc la solidarité européenne qui permet de préserver la souveraineté des peuples, plutôt que l’absence de solidarité européenne qui laisse les peuples devenir la proie de la finance et des spéculateurs ! La souveraineté, c’est pouvoir payer ses fonctionnaires à la fin du mois ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe de l’UCR, la deuxième, du groupe UMP et, la troisième, du groupe CRC.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à l’adoption de cette motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 110 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue des suffrages exprimés 96
Pour l’adoption 24
Contre 167

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi.

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand-Duché de Luxembourg, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande, signé à Bruxelles, le 2 février 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce débat fort intéressant, fort riche, un point nous laisse perplexes : il s’agit de la conditionnalité de l’intervention du MES.

Tout d’abord, aux dernières nouvelles, l’immanence de l’État – sa nature même, en fait – ne peut qu’être invoquée face aux dettes souveraines qui lui sont opposées. La Grèce peut-elle faire défaut et, par là même, disparaître du paysage politique de l’Europe au seul motif qu’elle ne disposerait pas des moyens de payer ses dettes ? Évidemment, non !

Pour autant, la question qui nous est posée est claire : pourquoi serions-nous à l’avenir chiches et sourcilleux sur la mobilisation des fonds dédiés au Mécanisme européen de stabilité, alors que nous ne serions pas aussi attentifs à l’usage que nous pouvons faire des fonds avancés aux établissements de crédit ? En effet, madame la rapporteure générale, voilà bel et bien l’un des problèmes cruciaux que posent ces textes européens.

La Banque centrale européenne, dans sa grande sagesse – si l’on peut dire ! –, est prête, depuis plusieurs années, et encore ces prochains jours, à engager plusieurs centaines de milliards d’euros en faveur des établissements de crédit, en vue d’éviter ce que l’on appelle un credit crunch, c’est-à-dire le blocage systémique du secteur bancaire.

La BCE a d’ores et déjà avancé 489 milliards d’euros aux établissements de crédit et une enveloppe de 300 milliards à 600 milliards d’euros, avec une valeur moyenne estimée à 470 milliards d’euros, va être sollicitée par la BCE, pour être prêtée demain aux établissements de crédit au taux de 1 % ! C’est-à-dire que, moyennant un minimum de garanties – en l’espèce, le respect des critères prudentiels édictés par le comité de Bâle –, l’Europe est prête à engager, par le biais de la Banque centrale européenne, des sommes plus importantes encore que celles que l’on nous recommande de mobiliser dans le cadre du MES.

Pour parler clair, nous devrions donc être plus exigeants du point de vue de l’aide – l’appeler ainsi, avec les politiques de rigueur et d’austérité associées, est déjà un contresens ! – accordée aux États souverains, légitimés par les peuples, que nous ne le sommes vis-à-vis des banques, dont l’action a tout de même conduit quelques-uns de ces mêmes États dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.

M. Alain Néri. Ce n’est pas faux !

M. Éric Bocquet. Alors même que la raréfaction du crédit aux PME, la chute libre des ouvertures de prêts accordées aux collectivités locales – situation aggravée en France avec la disparition probable de Dexia –, semblent montrer que l’argent accordé en abondance aux établissements de crédit n’a pas servi à modifier la donne économique. Et pourtant, sans un crédit bancaire efficace et mobilisé, quelle activité économique est encore possible ?

Nous ne pouvons tolérer, sur le fond, de telles distorsions dans l’affectation des moyens européens et nous ne pouvons accepter que l’Union européenne soit plus intrusive dans les politiques budgétaires et économiques de chaque État qu’elle n’est regardante dans la gestion des banques.

Mes chers collègues, nous pensons que « le MES n’est pas dit », si je puis me permettre, que le débat se poursuivra dans le pays et en Europe, bien au-delà de cette enceinte. Nous émettrons bien sûr un vote négatif sur cet article unique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors que l’Europe est menacée,…

Mme Michelle Demessine. Elle est menacée par son propre fonctionnement !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … nous devrions faire preuve d’un courage unanime, oubliant les clivages politiques et les échéances électorales. Je constate qu’il n’en est rien et que la gauche française n’a pas pris la mesure de la gravité de la situation…

Mme Éliane Assassi. Elle n’est pas plus bête que vous !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Elle a fait le choix d’adopter une posture politicienne, électoraliste, au détriment d’intérêts bien supérieurs, comme la sauvegarde des économies des nations européennes. Il est dommage, mes chers collègues, que l’intérêt de l’Europe ne soit pas un idéal partagé par tous, dans l’intérêt des peuples européens, et au-delà même de l’intérêt supérieur de la France. Cette situation est vraiment regrettable.

Bien évidemment, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Vous n’aviez vraiment pas grand-chose à dire !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission recommande l’abstention et que le Gouvernement est favorable à l’adoption de ce projet de loi.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 111 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 204
Majorité absolue des suffrages exprimés 103
Pour l’adoption 169
Contre 35

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi est adopté définitivement.

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité