PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
Discussion générale

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Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

Mme la présidente. Par courrier en date du 12 septembre 2012, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement engage la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2011-827 du 8 juillet 2011 relative à la répression du dopage en Nouvelle-Calédonie, déposée sur le bureau du Sénat.

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Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
Article 4

Logement

Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 4.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
Articles additionnels après l'article 4

Article 4 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 73 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Lefèvre, P. Leroy, Houel et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Compléter cet article par sept alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :

« À compter du 1er janvier 2013 sont assimilés aux logements sociaux visés au présent article, pendant dix ans à compter de leur financement, les logements neufs destinés à être affectés à l’habitation principale de personnes physiques :

« - si ces personnes accèdent pour la première fois à la propriété au sens du I de l’article 244 quater J du code général des impôts ;

« - si elles acquièrent le terrain de manière différée ou si elles bénéficient d’un prêt à remboursement différé octroyé par un organisme collecteur associé de l’Union d’économie sociale pour le logement mentionné à l’article L. 313-18 du présent code ;

« - si elles bénéficient d’une aide à l’accession sociale à la propriété attribuée par une ou plusieurs collectivités territoriales ou un groupement de collectivités territoriales du lieu d’implantation du logement ;

« - et si leurs revenus ne dépassent pas les plafonds de ressources prévus pour les titulaires de contrat de location-accession mentionnés au dixième alinéa du c) du 1 de l’article 257 du code général des impôts.

« À compter du 1er janvier 2013 sont assimilés aux logements sociaux visés au présent article, à compter de la signature du contrat de location-accession et jusqu’à la fin de la cinquième année civile qui suit la levée d’option, les logements occupés par des titulaires de contrats de location-accession conclus dans les conditions prévues par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière, lorsque ces logements ont été construits, améliorés ou acquis et améliorés au moyen de formes spécifiques d’aides de l’État ou de prêts dont les caractéristiques et les conditions d’octroi sont fixées par décret. »

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement nous permet de poursuivre le débat très important que nous avons engagé sur l’accession sociale à la propriété.

Nous proposons d’assimiler aux logements sociaux les logements neufs acquis par les primo-accédants qui bénéficient d’une aide à l’accession sociale à la propriété, d’un prêt à remboursement différé octroyé par un organisme collecteur associé de l’Union d’économie sociale pour le logement, et, critère important, dont les revenus ne dépassent pas les plafonds de ressources prévus pour les titulaires du contrat de location-accession.

Cet amendement tend à assimiler les logements construits, améliorés ou acquis au moyen des aides de l’État aux logements sociaux jusqu’à la fin de la cinquième année civile qui suit la levée d’option.

Son adoption permettrait de libérer les logements sociaux locatifs, qui bénéficieraient ainsi aux familles en attente, et de favoriser le parcours résidentiel des ménages à revenu modeste.

Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié bis, présenté par MM. Dubois, Marseille et les membres du groupe de l’Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« ... ° Les logements neufs destinés à être affectés à l’habitation principale de personnes physiques :

« - si ces personnes accèdent pour la première fois à la propriété au sens du I de l’article 244 quater J du code général des impôts ;

« - si elles acquièrent le terrain de manière différée ou si elles bénéficient d’un prêt à remboursement différé octroyé par un organisme collecteur associé de l’Union d’économie sociale pour le logement mentionné à l’article L. 313-18 du code de la construction et de l’habitation ;

« - si elles bénéficient d’une aide à l’accession sociale à la propriété attribuée par une ou plusieurs collectivités territoriales ou un groupement de collectivités territoriales du lieu d’implantation du logement ;

« - et si leurs revenus ne dépassent pas les plafonds de ressources prévus pour les titulaires de contrat de location-accession mentionnés au dixième alinéa du c) du 1 de l’article 257 du code général des impôts.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Mon amendement est pratiquement identique à celui qu’a présenté Mme Lamure. Il est donc défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 71 rectifié bis, présenté par MM. Dubois, Marseille et les membres du groupe de l’Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les logements vendus à partir du 1er janvier 2013 à leurs locataires, en application de l’article L. 443-7 du présent code, pendant une période de dix ans à compter de leur vente, et les logements neufs dont l’acquisition ou la construction a été financée à partir du 1er janvier 2013 au moyen d’une aide à l’accession à la propriété prévue par le présent code, et accordée à des ménages dont les revenus n’excèdent pas des plafonds définis par décret, pendant une période de 10 ans à compter de leur financement.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Cet amendement s’inscrit tout à fait dans la ligne du débat engagé précédemment, puisqu’il concerne les locataires à qui l’organisme HLM a vendu le logement.

Dans le texte adopté par l’ancienne majorité, ces logements étaient intégrés dans le décompte pour une durée de cinq ans. Nous proposons que cette durée passe à dix ans.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Buffet, Carle, Cambon, Calvet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé:

« Sont également assimilés aux logements sociaux visés au présent article, pendant une période de dix ans à compter de leur vente, les logements vendus à partir du 1er janvier 2013 à leur locataire, en application de l’article L. 443-7 du présent code. »

La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. L’objet de cet amendement rejoint celui de l’amendement n° 71 rectifié bis, qui vient d’être présenté par M. Dubois.

Nous revenons, en quelque sorte, au débat qui nous a permis d’aboutir à l’adoption, par le plus grand nombre d’entre nous, d’un amendement que j’ai eu l’honneur de présenter concernant les communes dans lesquelles des ventes massives d’appartements sont effectuées par le biais de bailleurs sociaux.

L’amendement n° 6 rectifié bis a pour objet non pas d’autoriser ces communes à se départir ou à s’écarter des obligations qui vont naître du présent projet de loi, mais de prendre une mesure de justice.

L’accession sociale à la propriété, on l’a dit, n’est pas un élément à balayer du revers de la main. Les maires, qui n’étaient pas concernés par l’amendement que nous avons fait adopter, et les locataires concernés par ces opérations doivent pouvoir être pris en compte de manière juste.

Ainsi, nous proposons que les logements sociaux vendus soient pris en compte dans le décompte des logements sociaux pendant une durée de dix ans, d’autant que des pénalités très lourdes risquent désormais d’être appliquées aux communes qui ne respectent pas le seuil fixé par la loi.

Il nous semble donc y avoir une certaine logique entre l’amendement adopté précédemment et celui-ci. C’est pourquoi nous le soumettons à notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur de la commission des affaires économiques. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 73 rectifié, 59 rectifié bis et 71 rectifié bis.

Comme je l’ai indiqué hier en commission, il me semble que la question soulevée par ces amendements a été tranchée par le Sénat en 2008. Nous avions alors engagé un grand débat. C’était ma première participation en tant que sénateur. Un consensus s’était dégagé à l’époque, puisqu’une forte majorité – plus de 300 voix contre 21 – avait décidé de rejeter l’intégration de l’accession sociale à la propriété dans le décompte des logements sociaux.

Je me rappelle que le plus ardent défenseur de cette position était notre ancien collègue Dominique Braye, dont nous connaissons tous l’intérêt pour ces questions et son sens de l’équilibre dans la discussion. (Sourires.)

En l’occurrence, il s’était rallié à cette position à l’occasion de la discussion de cette loi. En 2000, ses idées sur la question étaient tout à fait différentes. Je pourrais d’ailleurs vous livrer un florilège de ses citations sur le sujet ! (Nouveaux sourires.)

En 2008, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, il indiquait : « l’intégration de logements en accession sociale à la propriété constitue, sinon une dénaturation, à tout le moins un changement préjudiciable à la logique du dispositif » de l’article 55. Il me semble que ce qui a été dit à l’époque vaut toujours aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Caffet. Il nous manque !

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Pour compléter l’avis défavorable de la commission sur ces trois amendements, je rappellerai ce que j’ai dit cet après-midi : l’urgence, ce sont les 1 700 000 demandeurs de logements locatifs sociaux.

Si nous permettions l’intégration dans le décompte de ces logements des programmes d’accession sociale à la propriété, nous risquerions, j’en suis persuadé, d’être confrontés à un risque d’évitement. Certaines communes choisiraient de se livrer à des tels programmes, au risque de ne plus faire de logements sociaux.

L’amendement n° 6 rectifié bis est d’une logique légèrement différente : il vise à faire passer à dix ans la durée du décompte. Je souhaite indiquer à son défenseur que l’amendement est en partie satisfait, puisque l’article 30 de la loi permet de les décompter pendant une durée de cinq ans.

Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 73 rectifié, 59 rectifié bis et 71 rectifié bis, qui sont de même nature, puisqu’ils traitent de la question de l’accession sociale.

Il est certain que l’accession sociale est l’un des outils importants permettant la mixité sociale. Mais elle ne peut pas se substituer au logement locatif social. Ces deux éléments sont différents.

D’ailleurs, avec un peu d’inventivité législative, il aurait pu être intéressant de fixer un plancher non seulement en logements locatifs sociaux, mais également – pourquoi pas ? – en accession sociale à la propriété. Ce n’est pas une proposition que nous faisons aujourd’hui.

On ne peut donc pas substituer au décompte des logements locatifs sociaux les logements en accession, y compris en accession sociale. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Il a souvent été tentant, en effet, de substituer aux logements locatifs sociaux les logements en accession. Mais, je le répète avec force, ces deux dispositifs ne répondent ni aux mêmes demandes ni aux mêmes besoins, et ne satisfont pas le même public.

Il pourrait être très intéressant d’introduire les programmes d’accession sociale dans une politique plus générale de mixité sociale. Pour l’heure, cette disposition n’est pas obligatoire. Mais – qui sait ? – celui ou celle qui, dans dix ans, aura la charge de porter la troisième étape de la loi SRU trouvera peut-être qu’il s’agit là d’une disposition utile.

Mme Nathalie Goulet. Dans dix ans, vraiment ?

Mme Cécile Duflot, ministre. L’amendement n° 6 rectifié bis tend, quant à lui, à allonger la durée d’assimilation à des logements sociaux de cinq à dix ans. Ce débat avait déjà été tenu lors de l’examen de la loi ENL, la loi portant engagement national pour le logement. À l’époque, il avait été considéré que le délai de cinq ans était suffisant pour permettre la reconstitution de l’offre. Par conséquent, il ne m’apparaît pas nécessaire de l’allonger, car cela aurait plutôt pour effet de freiner cette nécessaire reconstitution de l’offre.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Je terminerai mon propos en rappelant aux défenseurs des trois amendements portant sur l’accession sociale que la question a déjà été débattue à plusieurs reprises. Cela fait partie des nombreuses tentatives de détricotage de la loi SRU. Il y a trois ans exactement, la Haute Assemblée avait dû se prononcer sur un amendement similaire, qui avait été repoussé par plus de trois cents voix contre une vingtaine. Certains d’entre vous qui défendent aujourd'hui ces trois amendements s’étaient sûrement associés à ce vote. Sur un même débat, les positions devraient rester constantes afin de préserver les logements locatifs sociaux, qui sont un élément essentiel de notre politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote sur l’amendement n° 73 rectifié.

M. Daniel Dubois. Madame la ministre, j’avais effectivement participé à ce débat et m’étais associé à ce vote. Je suis attaché à la loi SRU et à la construction de logements locatifs. Mais, à l’époque, le seuil de logements sociaux était fixé à 20 %. Il passe aujourd’hui à 25 %. Les attendus ne sont plus du tout les mêmes !

De plus, je demande davantage de cohérence dans notre action. En effet, si les organismes HLM sont invités à vendre leurs logements, c’est pour deux raisons.

D’une part, on considère que le fait qu’un locataire résidant depuis dix ou quinze ans dans son logement puisse en devenir propriétaire permet une insertion sociale de qualité et concourt au parcours résidentiel.

D’autre part, cela permet aux organismes HLM de reconstituer leurs fonds propres, ce qui n’est pas négligeable par les temps qui courent. Ils peuvent ainsi financer de nouveaux logements sociaux, qui seront exigés pour le seuil de 25 %.

Il serait donc tout à fait cohérent d’intégrer ces opérations dans le décompte, d’autant que, à la vente de ces logements par les organismes HLM – cela vient d’être expliqué et un amendement sur le sujet a été voté précédemment –, les communes sont pénalisées par la durée réduite de comptabilisation, qui n’est que de cinq ans.

Je ne comprends pas pourquoi nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord sur ce type d’amendement. Je pense que nous sommes confrontés ce soir à une position véritablement dogmatique.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Mon collègue Daniel Dubois m’a soufflé mon argumentaire !

Il est vrai que faire passer le seuil législatif de 20 % à 25 % aurait pu justifier l’introduction d’un peu de souplesse dans le mécanisme !

Qui peut vraiment penser qu’une collectivité très en dessous du seuil envisagerait de ne combler ce retard qu’au travers d’opérations d’accession sociale ? Ce n’est même pas réalisable, tout simplement !

Je note néanmoins votre proposition d’évolution, madame la ministre, puisque vous nous dites être prête à considérer la mixité sociale sous un angle plus large.

Mme Cécile Duflot, ministre. Oui !

M. Philippe Dallier. Mais, dès lors, un pourcentage maximum d’accession sociale aurait pu être introduit au sein des 5 % supplémentaires. Mais, malheureusement, de tout cela, on ne peut débattre. Vous êtes sur une position fermée. Vous durcissez les obligations…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mais non !

M. Philippe Dallier. Difficile de dire le contraire ! Vous durcissez les obligations et, à aucun moment, vous n’avez été ouverts à la discussion pour des amendements de cette nature, qui auraient d’ailleurs pu être rectifiés en séance si vous vouliez accepter un certain pourcentage. C’est « non » par définition : c’était « non » à l’époque ; vous changez les règles du jeu, et c’est encore « non » !

C’est dommage, mais nous verrons par la suite.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Lamure. Je me réjouis que M. le rapporteur trouve tout d’un coup beaucoup de qualités à notre ancien collègue Dominique Braye. (Rires.)

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Dans certains cas, il en avait en effet beaucoup !

MM. Jean-Pierre Caffet et Claude Dilain. Nous l’avons toujours reconnu !

Mme Élisabeth Lamure. Nous le lui ferons savoir !

Nous ne sommes cependant plus en 2008. Ce qui change avec le projet de loi qui nous est soumis, c’est que les obligations des communes augmentent, le seuil minimal de logements sociaux étant porté de 20 % à 25 %.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mais non !

Mme Élisabeth Lamure. Je suis très déçue, madame la ministre, que vous ne proposiez pas autre chose. Peut-être trouvez-vous nos amendements trop stricts, mais, au lieu de discuter des aménagements qu’ils méritaient sans doute, vous les refusez purement et simplement.

Dans cet état d’esprit, vous n’accompagnez pas les communes, alors que les maires font beaucoup d’efforts en faveur du logement social, qu’il soit en accession ou locatif. Avec votre refus, vous leur donnez un mauvais signal.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, je ne sais s’il y a un problème de compréhension ou si vous ne voulez pas lire le texte !

Je l’ai déjà dit plusieurs fois, l’application du seuil de 25 % n’est pas automatique sur l’ensemble du territoire (M. Philippe Dallier s’exclame.) : l’effort supplémentaire, qui ne concerne que le logement social locatif, ne sera demandé que dans les zones tendues. Je ne vois donc pas pourquoi vous voulez faire peur et nous faire des difficultés supplémentaires !

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas une loi que vous voulez, c’est un blanc-seing !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. La décision prise dans la loi ENL de retenir un délai de cinq ans pour décompter en logements sociaux les logements en accession à la propriété me paraissait déjà constituer une ouverture, en même temps qu’un effort important. Ce que vous proposez – sans même parler du délai de dix ans, qui ne me paraît pas raisonnable, mais c’est un autre problème – n’est pas envisageable.

Mettez-vous dans la tête que l’application, ou non, du seuil de 25 % sera fonction des situations locales appréciées au regard de trois critères – tension du marché locatif, nombre d’allocataires de l’APL, etc. – que nous avons déjà évoqués à propos du parc social privé, s’agissant notamment des corons.

Arrêtez donc de dire qu’il y a une automaticité de l’application du seuil de 25 % pour inquiéter je ne sais qui ! Nous demandons simplement un effort supplémentaire pour répondre aux besoins urgents de la population dans certaines zones. Voilà ce qu’il y a dans ce texte que vous ne voulez pas lire dans son intégralité !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.

M. Christian Cambon. Monsieur le président de la commission, nous n’arrivons pas, nous, à suivre le fil de votre raisonnement.

Vous nous poussez à prendre, dans des délais extrêmement brefs, des engagements qui vont faire peser sur nos collègues élus locaux des obligations très lourdes. Tout le monde l’a dit et redit, et je suis sûr qu’en votre for intérieur vous n’êtes pas certains que vos propres amis arriveront à y faire face.

Chers collègues de la majorité, la situation que vise l’amendement n° 6 rectifié bis est une situation dans laquelle vous pourriez vous trouver n’importe quand. Elle s’est produite dans mon département, comme M. Favier, le président du conseil général, a eu la courtoisie de le rappeler avec des termes très forts.

Il s’agit d’un maire qui, comme à Chevilly-Larue, à Sucy-en-Brie et dans bien d’autres communes, fait beaucoup d’efforts pour le logement social et veut relever le défi que vous nous lancez ce soir, madame la ministre : il veut accroître l’offre de logements sociaux et se dirige vers le seuil de 25 %, mais, en cours de route, pour les raisons capitalistiques que j’ai décrites, un organisme HLM décide de vendre 700 logements.

Comment trouvez-vous, dans nos banlieues parisiennes, dans nos grandes agglomérations, les terrains en l’espace de cinq années ? Comment lancez-vous les permis ? Comment construisez-vous ? Et, au bout de la cinquième année, comment échappez-vous aux pénalités qu’entre-temps vous avez multipliées par cinq ?

C’est une question de logique. À la limite, si vous estimez que, dix ans, c’est trop long, sous-amendez mon amendement, monsieur le président de la commission, et réduisez le délai à six ou sept ans, mais n’oubliez pas que, en région parisienne – et je pense qu’il en va de même dans les agglomérations de Lyon et de Marseille –,…

M. Christian Cambon. … il ne nous est pas facile de trouver des terrains, de les rendre disponibles ou bien encore, l’un de mes collègues a évoqué ce point, de surmonter les contentieux – dans toutes nos communes, certains de nos concitoyens sont très hostiles à ce genre d’opérations et font des recours.

Comment fait-on pour parvenir à compenser, en l’espace de cinq ans, la décision d’un grand groupe – dont, étrangement, vous vous faites le défenseur –…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. N’importe quoi !

M. Christian Cambon. … qui vend 300, 400, 700 logements parce qu’il veut renflouer sa trésorerie ?

Cher président de la commission, comment allez-vous répondre à votre maire et aux maires qui vous élisent ? Nous vous donnons l’occasion de prendre en compte la réalité des choses en prévoyant un délai plus long. Emmenez-nous donc dans ce défi que vous nous proposez au lieu de systématiquement contrer nos propositions parce que vous croyez que nous voulons désosser la loi. Notre vocation n’est pas de contrebattre ce que vous avez fait !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mais si !

M. Christian Cambon. Si nous sommes présents à cette heure tardive, c’est, d’abord, pour compenser le manque de dialogue dû à la rapidité de rédaction du projet de loi – il s’agit là d’arguments que nous aurions pu échanger en commission ou dans la concertation – et, ensuite, pour améliorer le texte et faire en sorte que le pari de Mme Duflot réussisse. Mais comment peut-on vous le faire entendre ?

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Puisque M. le président de la commission nous fait l’amitié de nous rappeler que le passage de 20 % à 25 % est limité à des zones qui seront fixées par décret, pourquoi, madame la ministre, n’acceptez-vous pas cette souplesse, qui pourrait aussi donner lieu à une fixation par décret, en allant jusqu’à permettre que le seuil de 25 % puisse être atteint en y intégrant, par exemple, 5 % de logements en accession sociale ?

Vous avez reconnu, les uns et les autres, que l’accession sociale présentait un intérêt évident : elle permet de libérer des logements sociaux, lesquels peuvent bénéficier ensuite à des personnes qui n’y ont pas encore accès compte tenu de la situation de blocage du parc locatif social. Ce serait tellement plus simple si le texte était un peu moins contraignant !

Pourraient ainsi être fixées par décret non seulement les zones dans lesquelles le seuil minimal de logements locatifs sociaux devra clairement passer à 25 %, mais aussi d’autres où, du fait de la situation de blocage, l’accession sociale serait prise en compte.

On vous demande juste une certaine souplesse, puisque, de toute façon, vous vous permettez tout derrière ce décret ! Alors, allons au bout, car où est le risque ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Cela n’a aucun sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.

M. Claude Dilain. Notre refus de prendre en compte, dans ce projet de loi, l’accession sociale à la propriété n’est pas de nature dogmatique ; c’est une question de principe. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Or le texte que nous examinons aujourd'hui est guidé par un principe : pallier la carence en logements locatifs sociaux, un problème dont on ne parle pas assez alors qu’il est en train de miner notre société. Il s’agit de mettre en place des dispositifs pour lutter contre ce cancer qui nous ronge de l’intérieur.

Ce principe, comme tous les principes, est intangible : il est et, nous en sommes tous d’accord, restera valable pour les communes où le seuil de 20 % s’applique, mais il doit l’être aussi dans celles où le seuil de 25 % s’appliquera. Ce n’est donc pas une question de pourcentage.