M. Jean Desessard. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Les élus locaux de tous bords, confrontés quotidiennement à ces jeunes qui s’enfoncent dans l’isolement, la marginalisation et la désespérance, sauront, j’en suis sûr, nous accompagner pour mettre en œuvre les emplois d’avenir avec rapidité et ampleur.

Le texte répond à des urgences immédiates sur le front de l’emploi. Il porte pleinement, je le crois profondément, l’intérêt général, pour redonner un espoir aux jeunes de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte donc sur votre soutien, à gauche évidemment, mais aussi au-delà des clivages partisans. La jeunesse de notre pays attend, elle a besoin de nous ; il faut savoir répondre présent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la jeunesse est la priorité du Président de la République. Il en a fait l’axe majeur de son quinquennat, un engagement primordial devant les Français, et cela nous oblige.

Au-delà de l’exercice démocratique élémentaire qu’est la tenue des promesses de campagne, je veux vous dire ici combien la bataille pour l’emploi et la priorité accordée à la jeunesse sont étroitement liées.

Nous avons cette responsabilité, immense, de donner une place à nos enfants et de permettre à la société française de réussir là où elle échoue depuis de trop nombreuses années.

Force est de constater qu’avoir moins de trente ans dans notre pays est très souvent, trop souvent un handicap. Pour trouver un emploi, pour créer son activité, pour accéder à un logement, c’est bien souvent la double peine : pas assez de garanties, pas assez d’expérience. Les jeunes actifs se retrouvent ainsi ballotés d’une précarité à l’autre : de revenus irréguliers en retours chez leurs parents, de contrats précaires en hébergements divers.

Ce qui est le lot commun de toute une génération vire au cauchemar pour les plus de 120 000 jeunes sortant chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification : dans un marché du travail très attaché à la reconnaissance académique des compétences, ils sont véritablement la variable d’ajustement des effectifs et les premières victimes de la précarité. Quand l’économie va bien, ils sont intérimaires ou en CDD ; quand elle va mal, ils sont les premiers à subir les fins de contrat et le chômage. Pour eux, l’emploi est durablement émietté.

Avec les contrats de génération, dont la préparation est en cours, les emplois d’avenir doivent nous permettre de rompre avec ce mal français. Représentant bien plus que de simples contrats aidés, ils sont la clef qui ouvrira la porte de l’emploi durable pour ceux devant qui elle reste insupportablement fermée, ceux qui n’ont ni le sésame du diplôme, ni le mot de passe du réseau familial, ni l’atout de l’origine sociale, culturelle ou géographique attendue.

En s’adressant prioritairement aux jeunes peu qualifiés, les emplois d’avenir leur donnent ce dont ils manquent : d’une part, une expérience professionnelle réussie, inscrite dans la durée ; d’autre part, un parcours d’accès vers une qualification reconnue.

Cet objectif de qualification pour chaque jeune est au cœur même des emplois d’avenir. Sans être une garantie, le diplôme reste néanmoins un précieux atout pour entrer sur le marché du travail, puisque le taux de chômage des non-diplômés ou diplômés du seul brevet des collèges est 4,5 fois plus élevé que celui des diplômés du supérieur.

Au cours des dix dernières années, la situation s’est encore aggravée. Ainsi, 40 % des jeunes sans diplôme sortis du système scolaire en 2007 étaient au chômage trois ans plus tard : c’est sept points de plus que pour leurs congénères sortis sans diplôme du système scolaire en 2004.

L’inscription du projet de loi portant création des emplois d’avenir à l’ordre du jour du Parlement en tout début de législature vient démontrer l’engagement du Gouvernement à mener la bataille de l’emploi sur tous les fronts, avec des solutions de court terme, à l’instar de celles qui sont proposées dans ce texte, et des solutions plus structurelles d’amélioration à moyen terme de la situation, comme le montre le dialogue en cours avec les partenaires sociaux.

En ce qui concerne la bataille de court terme, je vois dans les emplois d’avenir une première opportunité de construire un droit d’accès pour chaque jeune, je pourrais presque dire un droit « opposable », à un premier niveau de qualification. J’en avais pris l’engagement le 10 juillet dernier, en conclusion de la table ronde que je présidais dans le cadre de la grande conférence sociale.

Premièrement, les emplois d’avenir ciblent les jeunes peu ou pas qualifiés, ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés à la fois vers l’emploi et vers la qualification. Je veux dire ici un mot sur la situation des jeunes des territoires ruraux et urbains prioritaires : les emplois d’avenir seront accessibles à tous ceux qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi dès lors qu’ils ont un diplôme de premier niveau.

Je ne prétends pas que cette disposition sera la réponse au chômage des jeunes des ZUS ou des ZRR. Mais c’est un sacré coup de pouce à ceux qui ont précisément le plus besoin d’expérience et de qualification. Ce sera pour eux un véritable marchepied vers le monde du travail et un déclencheur de qualification.

À cet effet, deuxièmement, les emplois d’avenir posent une exigence à l’égard des employeurs potentiels : pour obtenir l’aide envisagée, ces derniers doivent décrire la manière dont ils comptent accompagner et développer les compétences de chaque jeune durant l’emploi et, surtout, les actions qu’ils vont mettre en œuvre.

Sur ce point, le Gouvernement a souhaité – c’est là aussi un choix volontariste – que les emplois d’avenir ouvrent aux jeunes l’accès aux dispositifs de droit commun en matière de formation. Ils pourront ainsi bénéficier, comme n’importe quel salarié, du plan de formation, de la période de professionnalisation et du droit individuel à la formation. Cette inclusion des jeunes en emplois d’avenir aux dispositifs de droit commun est une manière d’éviter toute stigmatisation à leur endroit. Ce sont des salariés à part entière et méritant de développer leurs compétences comme les autres.

Troisièmement, selon le dispositif prévu, tout jeune qui ne restera pas chez son employeur au terme de l’emploi d’avenir pourra immédiatement accéder à une formation qualifiante ou à un contrat en alternance en rapport avec les compétences qu’il aura acquises.

Sur ces différents points, l’Assemblée nationale a déjà largement étoffé le texte.

Ainsi, elle a inclus dans les publics visés les jeunes de moins de trente ans en situation de handicap. Elle a ajouté aux structures éligibles à ces nouveaux contrats les structures d’insertion par l’activité économique. Elle a ouvert la possibilité d’aller au-delà de la durée maximale du contrat, fixée à trente-six mois, pour permettre au jeune de finaliser une formation. Elle a introduit la faculté de moduler le temps de travail hebdomadaire si l’action de formation le nécessite.

La commission des affaires sociales du Sénat, comme à son habitude et je n’en suis pas surpris, a largement contribué à améliorer la rédaction de certaines dispositions. À l’issue de ses travaux, c’est toujours la formation qui est au cœur du dispositif, et je l’en remercie. Cette formation permettra au jeune de rebondir si, toutefois, il n’était pas maintenu dans l’emploi au terme du contrat.

Pour ma part, j’ai également porté, au nom du Gouvernement, l’adossement de la concertation et de la contractualisation sur la formation des jeunes en emplois d’avenir au comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle, outil aux mains de chaque région. En effet, notre objectif est de faire en sorte que les acteurs territoriaux de la formation professionnelle et de l’emploi, au premier rang desquels figurent l’État, les régions et les partenaires sociaux, prennent chacun toute leur place dans le cadre d’une concertation annuelle pour l’identification des filières et secteurs porteurs dans leurs bassins de vie.

Je dois ajouter que nous entendons adapter le contenu formation des emplois d’avenir à la situation spécifique des jeunes qui seront recrutés en collectivités territoriales.

Bien entendu, il ne suffit pas de dire que la formation est essentielle pour qu’elle le soit. Contrairement à nos prédécesseurs, nous n’assimilons pas parole et mise en œuvre.

Nous déploierons donc une stratégie spécifique d’accompagnement des jeunes, des employeurs et des offreurs de formation.

En ce qui concerne l’accompagnement des premiers, nous devrons mobiliser l’ensemble des partenaires locaux, au premier rang desquels se trouvent les missions locales et Pôle emploi, susceptibles d’amener les jeunes à envisager sereinement l’action de qualification. Ce ne sera pas facile car nombre d’entre eux n’ont pas toujours une image très positive de la formation et sont souvent, avant tout, à la recherche de solutions de court terme.

L’accompagnement des employeurs est également un enjeu important, car nous visons essentiellement des structures du secteur non marchand, parfois de taille petite ou moyenne, n’ayant pas forcément l’habitude de mobiliser les dispositifs de formation de droit commun. Nous devrons les aider, en liaison avec les têtes de réseau et les partenaires institutionnels, à se familiariser avec ce pan de la gestion des ressources humaines.

Enfin, nous devrons aider les offreurs de formation à rendre l’offre plus lisible et toujours mieux adaptée. Ce sujet dépasse le cadre de la rédaction de la loi et demande un engagement sans faille des pouvoirs publics aux côtés des opérateurs et des financeurs.

C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà entamé, fidèles à une méthode de dialogue social et territorial portée par Michel Sapin et sans cesse mise en œuvre depuis l’élection présidentielle, une concertation avec les partenaires sociaux. L’objectif est que les branches principalement concernées par les emplois d’avenir fassent des jeunes ainsi concernés une cible prioritaire de la feuille de route de leurs organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, que ce soit durant l’emploi, via la période de professionnalisation, ou à l’issue de celui-ci, via le contrat de professionnalisation. Nous allons également discuter du sujet au niveau interprofessionnel avec le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Les régions sont d’ores et déjà nos interlocuteurs privilégiés. En effet, nous entendons capitaliser sur leurs expériences réussies en matière d’emplois tremplins, en particulier sur l’élaboration d’une offre de formation préqualifiante ou qualifiante. Celle-ci doit être organisée de manière suffisamment souple pour pouvoir être suivie par le jeune pendant son emploi, notamment s’il ne travaille pas à temps plein. Michel Sapin et moi-même avons déjà eu plusieurs réunions avec les présidents de région sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, grâce aux exigeantes conditions de pilotage que nous mettons en place, au dialogue engagé dès la grande conférence sociale de juillet dernier, l’accès à la qualification des jeunes constitue un volet consubstantiel aux emplois d’avenir. Soyez assurés de ma détermination à faire en sorte que cette obligation de formation liée à chaque emploi d’avenir soit effective et que tous ceux qui peuvent aider à sa mise en œuvre soient mobilisés.

Ce sera là une première traduction concrète du droit d’accès à la qualification pour tous, qui est une priorité de ma feuille de route, dans le cadre d’une politique de formation professionnelle attentive aux besoins de chacun, à ceux, dans ce cas précis, de la jeunesse de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi portant création des emplois d’avenir vise à répondre à un fléau dont souffre notre pays depuis maintenant une trentaine d’années : un taux de chômage des jeunes inacceptable, notamment pour les moins qualifiés.

La situation est particulièrement grave, nous le savons, dans certains quartiers de nos villes ainsi que dans nos départements et collectivités d’outre-mer : des jeunes qui ne sont ni dans l’emploi ni en formation se retrouvent le plus souvent livrés à eux-mêmes, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur le plan social et surtout pour notre « vivre ensemble ». Je n’oublie pas non plus les difficultés rencontrées dans certaines zones rurales, que les jeunes quittent parce qu’ils ne parviennent pas à trouver du travail.

Face à cette situation, les pouvoirs publics, je le rappelle, ont déjà mis en place plusieurs outils qu’il est possible de mobiliser en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes. Je pense en particulier aux missions locales, spécialisées dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi âgés de seize à vingt-cinq ans. Je pense aussi, bien sûr, aux formations en alternance, qui présentent de bons résultats pour l’accès à un emploi durable. Je pense également aux contrats aidés, qui peuvent être utiles pour permettre à un jeune d’acquérir une première expérience professionnelle.

Pourtant, force est de constater qu’il nous manque encore un dispositif adapté aux besoins des jeunes les moins qualifiés et les plus éloignés de l’emploi. Ces jeunes, dont le nombre peut être estimé autour de 500 000, sont en situation de « décrochage » scolaire, de sorte qu’il n’est pas toujours possible de les inscrire, à court terme, dans une formation en alternance. Ils sont, faut-il le rappeler, 120 000 à sortir chaque année du système scolaire sans formation ni qualification. Et les actuels contrats aidés, même s’ils sont utiles, sont d’une durée trop courte pour pouvoir jouer efficacement leur rôle de passerelle vers un emploi durable.

La création des emplois d’avenir a donc pour objectif de mettre à la disposition du service public de l’emploi un nouveau type de contrat destiné à ramener ses bénéficiaires vers l’emploi et la formation.

Par rapport aux actuels contrats aidés, l’emploi d’avenir présentera plusieurs atouts sur lesquels vous me permettrez d’insister : d’abord, les bénéficiaires seront recrutés en CDI ou en CDD d’une durée de trois ans. Le contrat pourra être d’une durée plus courte si cela est justifié au regard de la situation du jeune et de son parcours, mais sa durée ne sera jamais inférieure à un an. De cette manière, le travail d’insertion et de qualification auprès du jeune s’inscrira dans la durée, ce qui est évidemment une condition de son succès.

Ensuite, les jeunes travailleront, en principe, à temps plein, ce qui leur permettra d’acquérir plus rapidement de l’expérience et des compétences professionnelles. Le travail à temps partiel sera possible par exception, notamment si la situation du bénéficiaire le justifie.

Enfin – messieurs les ministres, vous avez beaucoup, et à juste raison, insisté sur cette dimension – la formation du bénéficiaire sera au cœur du dispositif : dès le stade du recrutement, l’employeur devra préciser quelles actions de formation seront réalisées et quelles qualifications ou compétences elles permettront d’acquérir. Chez son employeur, le jeune sera suivi par un tuteur qui pourra lui transmettre son savoir-faire. L’emploi d’avenir pourra être prolongé pour permettre à son titulaire d’achever une formation et le jeune pourra choisir la voie de l’alternance à l’issue de son contrat.

Le Gouvernement a déjà engagé des discussions avec les conseils régionaux, avec les organismes gestionnaires des fonds de la formation professionnelle et avec le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, pour déterminer comment ils pourront participer à l’effort de formation en direction des jeunes en emploi d’avenir.

Je me réjouis, par ailleurs, du choix qui a été fait de cibler le dispositif sur les jeunes les moins qualifiés, c’est-à-dire ceux dont le niveau de diplôme est au plus égal au baccalauréat. Les emplois d’avenir tirent la leçon des emplois jeunes que nous avions lancés il y a une quinzaine d’années et qui avaient concerné majoritairement, il faut s’en souvenir, des bacheliers et des diplômés de l’enseignement supérieur. Cette fois-ci, l’objectif est clairement de s’adresser aux jeunes faiblement qualifiés, qui sont les plus exposés au risque du chômage de longue durée.

Concernant les employeurs, le choix a été fait de privilégier le secteur non marchand. Il ne faut évidemment pas y voir un signe de défiance à l’égard des entreprises. Celles-ci ont un rôle essentiel et majeur à jouer pour l’insertion professionnelle des jeunes, notamment par le biais des formations en alternance. Cette mesure s’inscrit dans un ensemble. Et le succès du futur contrat de génération, qui fait actuellement l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux, reposera précisément en grande partie sur l’engagement des entreprises dans le dispositif.

Toutefois, compte tenu du public auquel s’adressent les emplois d’avenir, il me semble que les employeurs du secteur non marchand sont probablement les mieux placés pour les accueillir et leur apporter l’accompagnement et la formation dont ils ont besoin. Il est également important de confier aux jeunes des tâches valorisantes, ce qui sera le cas avec les métiers d’utilité sociale ou environnementale visés par le texte.

Vous l’avez compris, l’objectif des emplois d’avenir est, bien sûr, d’amener le plus grand nombre possible de jeunes dans l’emploi durable.

Une partie des postes initialement créés grâce à l’aide de l’État pourront être pérennisés, ce qui permettra alors au jeune de rester dans la structure qui l’a embauché. Le versement d’une aide pendant trois ans peut, en effet, soutenir la croissance de secteurs tels que l’aide à la personne, le tourisme ou encore le développement durable, et favoriser ainsi la création d’emplois stables.

Certains employeurs pourront utiliser les emplois d’avenir pour mettre en place une politique intelligente de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences : une association pourra, par exemple, recruter un jeune sans qualification pour le former et le préparer à occuper un poste qui sera libéré par le départ en retraite d’un salarié. L’emploi d’avenir aura alors joué un rôle de remise à niveau et de « sas » vers un emploi durable.

Certains jeunes seront, en revanche, contraints, à l’issue de leur contrat, de chercher du travail chez un autre employeur. Dans le cadre de ce système qui se veut souple, ils se verront alors remettre une attestation de compétences ou une attestation de formation et pourront s’engager, le cas échéant, dans une démarche de validation des acquis de l’expérience. Il appartiendra au référent chargé du suivi social et professionnel du jeune de travailler avec lui sur son projet professionnel et de l’accompagner dans ses démarches de recherche d’emploi. L’emploi d’avenir pourra alors fonctionner comme un véritable « tremplin » vers un autre poste de travail. Toutes les possibilités seront mobilisées : l’ensemble des secteurs marchands et non marchands seront, bien sûr, impliqués.

J’aimerais maintenant vous dire un mot des modifications qui ont été introduites à l’Assemblée nationale.

Le texte a été considérablement enrichi par nos collègues députés, qui ont d’abord veillé à mieux encadrer les possibilités de recours à un CDD de moins de trois ans ou au travail à temps partiel. Ils ont également, et à juste raison, renforcé le volet formation du texte tout en réaffirmant l’obligation d’un suivi personnalisé du jeune. Ils ont, en outre, ajouté des dispositions relatives aux personnes handicapées et souligné l’importance d’une répartition équilibrée des emplois d’avenir entre les hommes et les femmes. La commission des affaires sociales a approuvé sans réserve ces modifications.

Elle a souhaité, en revanche, revenir sur deux dispositions insérées par l’Assemblée nationale : en premier lieu, il ne nous a pas paru opportun d’autoriser l’embauche d’un jeune en ayant recours au CDD saisonnier. Le caractère discontinu du travail saisonnier ne permet pas de réaliser auprès du jeune un travail d’insertion et de qualification inscrit dans la durée. Le CDD saisonnier n’est donc pas, selon nous, un bon support juridique pour un emploi d’avenir. De plus, dans cette hypothèse, les effets d’aubaine seraient, à coup sûr, garantis ; en second lieu, nous avons décidé de réserver aux seuls départements et collectivités d’outre-mer la possibilité de recruter en emploi d’avenir des jeunes diplômés du supérieur.

L’Assemblée nationale avait souhaité étendre cette possibilité aux jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de revitalisation rurale, ce qui nous a semblé contraire à l’esprit du texte et porteur de risques de dérive. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu rappeler notre position. Ce qui nous a guidés, c’est, en effet, le souci de pouvoir faire bénéficier de ce dispositif en toute priorité les jeunes concernés et d’éviter les dérives observées dans le cadre des emplois jeunes. En effet, nous ne voulons pas que des diplômés prennent la place de jeunes sans qualification. Et nous pensons que les jeunes diplômés trouveront, avec le contrat de génération, entre autres, un dispositif plus adapté à leur profil.

Nous avons toutefois maintenu une exception pour les territoires ultra-marins afin de tenir compte de leur situation économique particulière et des difficultés qu’y rencontrent les jeunes diplômés pour trouver un emploi dans le secteur marchand.

J’en viens aux emplois d’avenir professeur, sur lesquels je ne m’attarderai pas dans la mesure où notre collègue Françoise Cartron va nous en parler dans un instant, au nom de la commission de la culture. J’indiquerai simplement que la commission des affaires sociales a approuvé cette déclinaison des emplois d’avenir au sein de l’éducation nationale, déclinaison qui vise à inciter un plus grand nombre d’étudiants boursiers à se présenter aux concours de recrutement des enseignants. Cette mesure constitue, par ailleurs, un véritable dispositif de promotion sociale destiné à la jeunesse la moins favorisée.

Pour terminer, je signalerai que le projet de loi comporte également trois mesures relatives au service public de l’emploi et une qui concerne l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Toutes ont reçu l’assentiment de notre commission.

Les deux premières sont de simplification administrative : il s’agit, d’une part, de faciliter la dématérialisation de la procédure de prescription des contrats aidés, d’autre part, de revoir les modalités de recouvrement des contributions versées par les employeurs au titre du contrat de sécurisation professionnelle.

La troisième mesure vise à préserver les droits à retraite complémentaire de certains salariés de Pôle emploi.

La dernière vise, enfin, à renforcer les obligations des entreprises en matière d’égalité salariale, en ouvrant la voie à de futures mesures réglementaires.

En conclusion, je voudrais rappeler, mes chers collègues, que le Président de la République, François Hollande, a décidé de placer son quinquennat sous le signe de la jeunesse. Il estime, à juste titre, que les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes ne permettent pas d’asseoir les conditions de la confiance et nuisent au dynamisme de notre pays. Sans doute les emplois d’avenir ne suffiront-ils pas à dissiper toutes les inquiétudes, mais ils peuvent contribuer à redonner une espérance et une perspective à des jeunes et à leurs familles, qui n’en peuvent plus d’entendre s’accumuler les mauvaises nouvelles, après quatre années de crise !

Le succès des emplois d’avenir dépendra naturellement, c’est une évidence que de le rappeler, de la mobilisation de tous les acteurs concernés : l’État, qui sera le principal financeur, mais aussi le service public de l’emploi, les collectivités territoriales, le monde associatif, les structures d’insertion par l’activité économique, l’économie sociale et solidaire, les partenaires sociaux, sans oublier les organismes de formation.

En tant que parlementaires, il nous appartient, mes chers collègues, de donner le coup d’envoi à ce programme ambitieux. Il y a urgence à agir, ce qui explique que le projet de loi soit examiné par notre assemblée dès la session extraordinaire de septembre. Convaincu que la création des emplois d’avenir, et des emplois d’avenir professeur, améliorera les conditions de vie de milliers de nos concitoyens, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, à approuver le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi portant création des emplois d’avenir, adopté par l’Assemblée nationale. En effet, les articles 2, 2 bis A, 8 et 10, qui organisent le dispositif spécial des emplois d’avenir professeur, relèvent de son champ de compétences.

L’échec de la mastérisation, instaurée il y a trois ans, est aujourd’hui évident. La pénurie de candidats au métier d’enseignant, l’assèchement du vivier de recrutement et l’affaiblissement de la préparation à l’entrée dans le métier justifient la création des emplois d’avenir professeur.

En outre, l’allongement de la durée d’études requise pour se présenter aux concours risque de provoquer l’éviction de candidats issus des catégories sociales les plus défavorisées, alors même que nous constatons déjà une très forte homogénéité sociale du corps enseignant qui n’est pas satisfaisante. Ainsi, l’une des voies historiques de promotion sociale, dont nous sommes quelques-uns ici à pouvoir témoigner – je pense à l’espoir que suscitait la possibilité d’embrasser ce beau métier de professeur –, tend à se refermer.

Or, pour demeurer fidèle aux valeurs de la République, l’école ne peut pas réserver la profession d’enseignant à une élite sociale : elle doit ouvrir cette voie aux jeunes qui, aujourd’hui, y sont très peu représentés. En outre, les enfants de milieux défavorisés doivent pouvoir profiter de la présence, au sein de l’éducation nationale, de professeurs ayant connu durant leur parcours les mêmes difficultés qu’eux et susceptibles, de ce fait, de mieux les aider à les surmonter.

Il faut donc prendre des mesures d’urgence, avant même que ne s’ouvrent les débats sur le projet de « grande » loi de refondation de l’école. C’est le sens des emplois d’avenir professeur, qui contribueront à sécuriser les parcours universitaires des étudiants se destinant au professorat, à intensifier leur professionnalisation, mais aussi à préserver la diversité sociale du corps enseignant.

À la différence du dispositif général des emplois d’avenir, destiné à des jeunes pas ou peu qualifiés, les emplois d’avenir professeur s’adressent à des étudiants boursiers de l’enseignement supérieur inscrits en licence 2, licence 3 ou master 1.

Une priorité d’accès est accordée aux étudiants qui effectuent leurs études dans une académie ou dans une discipline en sous-effectif. Priorité est donc donnée à ceux qui ont, soit résidé dans une zone urbaine sensible, dans une zone de revitalisation rurale ou en outre-mer, soit étudié dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire.

Notre commission se félicite particulièrement de l’équilibre de traitement entre les zones urbaines et les zones rurales, ainsi qu’entre la métropole et l’outre-mer. Le ciblage des académies et des disciplines en sous-effectif est souhaitable. Cependant, la désaffection durable pour certaines zones d’affectation, telles que Lille et Créteil, ou de certaines matières d’enseignement, comme les mathématiques et les lettres, ne pourra pas être complètement corrigée par des contrats aidés, nous en avons pleinement conscience. Il faudrait pour cela repenser les modalités d’affectation des enseignants, qui constituent une contrainte structurelle forte.

Priorité d’accès ne veut pas dire recrutement au plus pressé et à l’aveugle : les étudiants seront recrutés après avis d’une commission chargée de vérifier leur aptitude. Pour des raisons d’organisation administrative et d’évaluation rationnelle des besoins, ces commissions devraient se mettre en place à l’échelon académique.

En revanche, le recrutement est du ressort de l’établissement. Pourront agir comme employeurs les collèges et les lycées publics, les établissements agricoles et les établissements d’enseignement privé sous contrat. Tous les types d’enseignement participant au service public de l’éducation sont couverts, hormis les établissements français à l’étranger, en raison de leur statut spécifique.

Les écoles primaires ne pourront pas recruter puisqu’elles ne possèdent pas la personnalité morale nécessaire pour contracter. Il est toutefois prévu que les étudiants recrutés dans un établissement pourront travailler dans des écoles primaires. Je souhaite que la possibilité d’affecter des emplois d’avenir professeur dans le premier degré soit pleinement utilisée. L’école maternelle et l’école élémentaire sont des priorités absolues du Gouvernement, et nous nous en félicitons.

Pour répondre par anticipation à certaines critiques, notre commission tient à affirmer clairement que les emplois d’avenir professeur ne constituent pas une forme de pré-recrutement au sens strict. Il ne faut pas passer de concours pour en bénéficier. Aucun statut particulier de droit public ne leur est attaché. Les étudiants sont recrutés sous contrat de travail. Ils ne bénéficient d’aucune voie spéciale d’accès aux concours de l’enseignement, qui demeurent obligatoires. De ce point de vue, il serait inexact d’alléguer une violation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et notamment du principe d’égal accès aux fonctions publiques, parfaitement respecté par le texte.

Les emplois d’avenir professeur sont une mesure d’accompagnement social, destinée à des étudiants défavorisés auxquels nous voulons donner toutes les chances de devenir professeur, alors que leurs familles et leur milieu social sont souvent éloignés du monde scolaire et universitaire. Le zonage relatif vise aussi à réparer, au nom de l’intérêt général, des inégalités territoriales qui sont devenues criantes au détriment des jeunes ruraux et des jeunes des quartiers sensibles. C’est donc une mesure visant à rétablir de l’égalité des chances là où elle n’existe plus. Pour préparer le redressement de l’école dans la justice, nous ne pouvions faire moins !

Aux termes de l’article 2, les emplois d’avenir professeur interviendront en « appui éducatif ». Il n’est donc pas question de confier à ces jeunes des responsabilités pleines et entières d’enseignement. Le texte ne permet en aucun cas de substituer des jeunes bénéficiant d’un emploi d’avenir à des enseignants titulaires.

En revanche, l’appui éducatif ne doit pas se restreindre uniquement à l’aide aux devoirs. Il ne faudrait pas cantonner les emplois d’avenir professeur à des activités de quasi-répétiteurs, assez peu formatrices en elles-mêmes. N’oublions pas les leçons des pédagogues des Lumières ! Ainsi Mme de Genlis, première femme à être nommée gouverneur, en 1782, disait : « L’autorité peut obtenir d’un enfant qu’il se tienne tranquille sur une chaise, et qu’il attache ses yeux sur un livre ; mais l’attention ne se commande point ; c’est la curiosité qui la donne, c’est le goût qui la fixe. »

La professionnalisation des futurs enseignants ne passe pas uniquement par la maîtrise d’outils didactiques et l’apprentissage de la gestion de la classe. Les emplois d’avenir professeur devraient permettre de donner à voir aux étudiants autre chose que la classe stricto sensu. Ainsi serait-il intéressant de les faire participer à l’élaboration de projets culturels, sportifs, artistiques, leur fournissant l’occasion de découvrir et d’appréhender l’enfant dans toute sa globalité.

Il aurait pu être envisagé de mettre les emplois d’avenir professeur au service de la refonte des rythmes scolaires, qui requiert de repenser l’aménagement du temps de l’enfant. À cet effet, les collectivités territoriales compétentes auraient pu devenir recruteurs d’emplois d’avenir professeur afin de confier à ces jeunes des tâches diversifiées, en complément des activités d’enseignement. À défaut, communes, départements et régions devront recourir aux emplois d’avenir généraux de l’article 1er pour assurer des missions périscolaires. Cela suppose alors de leur permettre de s’adresser à des jeunes plus qualifiés que la cible première et prioritaire du dispositif.

La refondation de l’école exige d’ouvrir davantage celle-ci sur l’extérieur, en vue d’assurer une prise en charge globale de l’enfant et de favoriser son épanouissement tant cognitif qu’affectif. À cet égard, nous ne pourrons faire l’économie d’une révision profonde des relations entre l’éducation nationale et les collectivités territoriales.

Le chantier de la refondation est devant nous. Les emplois d’avenir professeur constituent une première pierre de la reconstruction de notre école, si malmenée ces dernières années, mais aussi un signe fort de confiance et d’espoir adressé à notre jeunesse.

Telles sont les considérations qui ont conduit la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à rendre un avis très favorable à l’adoption du projet de loi portant création des emplois d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)