M. Philippe Bas. Très juste !

M. Hervé Marseille. Le bon sens ne s’arrête donc pas aux alternances !

Si l’emploi d’avenir correspond à une formule éprouvée, qu’est-ce qui le différencie des contrats aidés actuels et des anciens emplois-jeunes ?

Pour ce qui concerne les actuels contrats aidés, la différence tient à la durée minimale de l’aide d’État. Celle-ci sera sensiblement inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui mensuellement, mais elle sera versée pour une durée minimale de douze mois et maximale de trente-six mois. Alors que la durée moyenne des contrats d’accompagnement dans l’emploi était, au premier semestre de 2012, de sept mois, la durée minimale de l’emploi d’avenir sera donc d’un an.

Nous saluons cette différence, d’autant que les CAE actuels sont conclus en CDD, et presque toujours à temps partiel, et que les emplois d’avenir seront prioritairement à temps plein et pourront être conclus en CDI.

Ainsi les publics concernés pourront-ils bénéficier d’une expérience professionnelle de base et d’une activité minimale, ce qui est nécessaire dans le cadre d’une démarche d’insertion ou de réinsertion dans l’emploi.

En outre, quel est l’apport des emplois d’avenir en comparaison avec les anciens emplois-jeunes ? Uniquement le public ciblé. En effet, du point de vue du montant de l’aide mensuelle d’État et de la durée des contrats, l’emploi d’avenir peut apparaître comme un « sous-emploi-jeune », car l’aide accordée pour les emplois-jeunes était supérieure et le contrat pouvait être conclu pour cinq ans.

Toutefois, les emplois-jeunes se sont révélés trop largement ouverts et ont surtout bénéficié à des jeunes diplômés qui en avaient moins besoin. L’emploi d’avenir tirerait donc les leçons de l’expérience des emplois-jeunes.

En fait, c’est dans le ciblage que réside la variable-clé, celle sur laquelle il ne faut pas se tromper. Et c’est justement là, à notre avis, que le bât blesse.

À nos yeux, le ciblage du dispositif est à revoir, et à double titre, tant pour les employés que pour les employeurs, et tant pour les publics bénéficiaires que pour les personnes morales cosignataires.

Pour ce qui est des publics bénéficiaires, le ciblage actuel nous paraît insuffisamment clair. Nous risquons de nous heurter une nouvelle fois aux écueils du passé.

L’emploi d’avenir est en effet réservé aux jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans. Dont acte. L’Assemblée nationale a précisé que ces jeunes pourraient avoir vingt-cinq ans révolus, et ainsi en bénéficier jusqu’à l’âge maximal de vingt-huit ans. Admettons. Les emplois seront réservés à des jeunes sans qualification ou peu qualifiés. Ce sont eux qu’il faut aider !

Toutefois, c’est ensuite que les choses se gâtent : vous superposez au ciblage national que je viens d’évoquer un ciblage territorial. L’emploi d’avenir sera « destiné en priorité » aux jeunes résidant en zones urbaines sensibles, ou ZUS, en zones de revitalisation rurale, ou ZRR, dans les DOM et dans tous les « territoires où les jeunes connaissent des difficultés d’accès à l’emploi ». Nous craignons que cela ne soit peu lisible et créateur d’iniquités.

Comme le soulignait notre collègue Francis Vercamer à l’Assemblée nationale, on ne sait pas si le contrat d’avenir est centré sur les difficultés des jeunes ou sur celles des territoires. Il s’agit soit d’une aide statutaire en fonction de l’âge et de la qualification de la personne sur tout le territoire national, soit d’une aide territoriale. Mais il nous semble compliqué qu’il s’agisse des deux à la fois.

De plus, le projet de loi est totalement muet sur la ventilation territoriale des emplois d’avenir. Il est question de « priorité », ce qui est assez flou. La décision sera-t-elle discrétionnaire ? Refusera-t-on un emploi d’avenir à un jeune remplissant toutes les conditions mais ne résidant pas dans la ZUS ou la ZRR voisine ? Serait-ce juste ?

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il faut faire un choix. Afin de rendre le dispositif pleinement efficace et équitable, il convient de le concentrer sur les publics qui en ont le plus besoin, et ce sans discrimination territoriale. Nous vous proposerons un amendement en ce sens.

L’autre ciblage, celui des employeurs, est lui aussi extrêmement problématique, car en dépend la dynamique économique de l’aide. Pour que les emplois que vous entendez créer puissent réellement être « d’avenir », il ne faut pas se tromper d’employeur.

Les contrats ne seront proprement « d’avenir » que dans deux cas de figure : si l’emploi aidé débouche sur un emploi pérenne ou s’il aide le jeune à préparer son avenir. Ce sont les deux interprétations possibles du terme « avenir », l’une étant plus forte que l’autre.

Les emplois d’avenir créeront-il des emplois pérennes ?

Disons-le franchement : à l’exception du domaine de l’enseignement, dont je dirai un mot tout à l’heure, on ne créera pas d’emplois pérennes dans le secteur public, ni dans le secteur associatif. C’est pourtant là qu’il est prévu d’instituer l’essentiel des emplois d’avenir…

Si le projet de loi n’exclut pas complètement le secteur marchand, il a été clairement annoncé que des emplois d’avenir n’y seraient conclus que marginalement. Dans quelles proportions ? Nous posons la question car c’est un nouveau mystère : nous ne sommes pas plus renseignés sur le sujet que sur la répartition territoriale des contrats.

Nous n’avons donc aucune indication quant à la ventilation de ces contrats, qu’elle soit territoriale ou sectorielle. Pourtant, c’est une information déterminante.

La même incertitude touche un autre élément-clé du dispositif : le montant de l’aide financière, qui ne figure pas dans le projet de loi. Elle représenterait, nous dit-on, 75 % du salaire brut dans le secteur non marchand, contre 35 % dans le secteur marchand. Un tel écart est de nature à rendre effective la concentration du dispositif sur le secteur non marchand.

Le paradoxe est tout de même frappant. À l’heure où il n’est question que de réduire les effectifs des administrations, vous cherchez à créer de l’emploi public, notamment dans les collectivités territoriales, qui doivent pourtant faire face à un contexte extrêmement difficile.

En outre, connaissant l’état du secteur associatif, comment croire une seconde qu’il sera en mesure d’embaucher et de maintenir dans l’emploi ?

Il n’est pas même certain que les secteurs social, solidaire et associatif eux-mêmes profitent du dispositif. En effet, par quel curieux amalgame leur réserve-t-on les personnes les moins qualifiées ? Comme s’ils n’avaient pas eux aussi besoin de personnels formés ! Comme si les métiers de l’assistance n’étaient pas de véritables métiers ! Quand on connaît ces secteurs, on sait que c’est tout le contraire. Il est donc pour le moins embarrassant de les voir ainsi quelque peu déconsidérés.

Dans leur configuration actuelle, les emplois d’avenir ne pourront pas déboucher sur des emplois pérennes : c’est de la dépense publique pour de l’emploi temporaire, du keynésianisme sans multiplicateur.

Il faut rompre avec une telle logique dépassée : avec plus de 3 millions de chômeurs et un endettement endémique, on ne peut plus colmater les brèches via l’emploi public et parapublic.

À nos yeux, le principal problème posé par les emplois d’avenir est donc leur ciblage sur le secteur non marchand. Pour que ces emplois puissent avoir une chance de mériter leur intitulé, c’est au contraire dans le secteur marchand, c’est-à-dire dans le secteur productif, qu’il faudrait les créer. Je pense plus précisément aux petites entreprises qui en ont besoin, et elles sont nombreuses ! Elles seraient, elles, en mesure d’offrir des emplois pérennes.

Bien entendu, pour que cela soit possible, l’aide accordée dans le secteur privé devra être équivalente à celle qui est accordée dans le secteur public ou, en tout cas, bien supérieure à ce qui est prévu. Nous défendrons tout à l’heure des amendements en ce sens.

Le dispositif des emplois d’avenir s’articulerait ainsi parfaitement avec ce que nous voyons se dessiner des contrats de génération : les deux types de contrats seraient orientés vers le secteur productif, le premier étant plus adapté aux petites entreprises tandis que le second est conçu pour les grandes.

Même dans les cas où l’emploi d’avenir ne déboucherait pas sur un emploi pérenne, une réorientation du dispositif sur les PME donnerait beaucoup plus sûrement aux jeunes en bénéficiant un horizon, un avenir au sens plus large.

Car c’est en entreprise, et non pas dans une collectivité territoriale ou une association, que l’on apprend ou que l’on réapprend le mieux à travailler.

Évidemment, à ce stade de l’analyse, c’est la question centrale de la formation qui se trouve posée.

Nous nous réjouissons que le volet formation du projet de loi ait été renforcé à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion notamment de nos collègues du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mais nous pouvons et nous devons aller plus loin. Par exemple, il importe de systématiser la validation des acquis de l’expérience à l’issue du contrat. En effet, un employeur recherche une personne expérimentée dont le niveau de savoir a été formellement validé : une expérience qui n’a pas été validée réduit très fortement les chances d’insertion professionnelle du demandeur d’emploi.

Il convient aussi de mieux anticiper le bilan de fin de contrat ou de permettre une certification des compétences acquises au répertoire national des certifications professionnelles. Nous présenterons tout à l’heure plusieurs amendements s’inscrivant dans cette perspective.

En résumé, des emplois d’avenir centrés sur les publics qui en ont le plus besoin, sans condition de territorialité, beaucoup plus largement ouverts aux PME et avec un volet formation renforcé constitueraient bien plus qu’un plan d’urgence ponctuel et platonique.

L’emploi d’avenir mériterait alors son nom, en tant que mesure d’activation de l’emploi. D’ailleurs, ces contrats ressembleraient fort aux emplois francs que nous proposons nous-mêmes de longue date pour les PME.

Nous sommes favorables aux emplois d’avenir professeur, qui constituent une modalité particulière du dispositif.

À nos yeux, l’enseignement est le seul domaine d’activité publique pour lequel la configuration actuelle du contrat d’avenir se justifie, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, dans l’éducation, l’emploi d’avenir est susceptible de déboucher sur un emploi pérenne, d’autant qu’un plan important de recrutement d’enseignants a été annoncé.

Ensuite, les jeunes connaissant bien les quartiers pour en être issus qui seront affectés dans des établissements difficiles seront, nous n’en doutons pas, un facteur d’apaisement. Ils sont les mieux à même de s’adresser aux élèves de ces établissements, en particulier aux plus perturbateurs. À cet égard, on pourrait parler d’un « effet grand-frère ».

Enfin, pour les jeunes qui aspirent à devenir professeurs, une telle expérience professionnelle en établissement constituera un important test de vocation.

Messieurs les ministres, à mon sens, le présent projet de loi met en place un outil spécifique pour un public spécifique : il s’agit de mener moins une politique de l’emploi qu’une politique sociale de l’emploi.

Mes chers collègues, je crois que nous en conviendrons tous sur ces travées : une politique de l’emploi digne de ce nom ne peut pas se résumer à ces emplois d’avenir, qui concerneront 150 000 jeunes dans un premier temps et 300 000 d’entre eux au maximum pendant le quinquennat.

Si le dispositif est efficace et profite réellement aux jeunes les plus éloignés de l’emploi, beaucoup d’entre eux ne figurent pas dans les statistiques de Pôle emploi aujourd’hui ; de sorte que, en étant optimiste, on peut évaluer le nombre de futurs bénéficiaires du dispositif à 100 000, sur les 3 millions de chômeurs qui sont actuellement recensés !

Pour les autres, c’est-à-dire 97 % de l’effectif global, une véritable politique de l’emploi est nécessaire. Or, dans le monde d’aujourd’hui, une véritable politique de l’emploi est une politique de compétitivité. Nous espérons que le Gouvernement a l’intention d’en mener une !

Certains signaux sont pourtant d’ores et déjà inquiétants, à commencer par l’abandon de la TVA compétitivité et l’alourdissement annoncé de la pression fiscale. Ce n’est pas ainsi que nous regagnerons des parts de marché, que nous éviterons les délocalisations et que nous redresserons notre balance commerciale ! (M. Roland Courteau s’exclame.)

M. Philippe Bas. Excellent !

M. Hervé Marseille. Monsieur le ministre, allez-vous vous attaquer à la question centrale du coût du travail, assouplir les 35 heures et flexibiliser l’emploi public ? Allez-vous lutter contre le déficit et la dette publics ? Allez-vous mettre en place un small business act à la française, rapprocher la formation des besoins productifs et favoriser le développement de ce tissu de moyennes entreprises qui nous fait si cruellement défaut ? Allez-vous resserrer les liens entre politiques de l’emploi, suivi des demandeurs et bassins d’emploi ? Autant de questions auxquelles les 97 % de chômeurs qui ne seront pas concernés par les emplois d’avenir attendent des réponses ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, la jeunesse est la priorité du Président de la République et du Gouvernement. M. le ministre du travail l’a d’ailleurs rappelé.

Depuis longtemps déjà, la situation de notre jeunesse est le miroir grossissant de la situation que connaissent un nombre croissant de nos concitoyens, entre précarisation et mal-être social.

Comme l’ont rappelé les orateurs qui m’ont précédé, la situation vécue par les chômeurs est insupportable, en particulier lorsque les chômeurs sont des jeunes au seuil de leur vie d’adulte.

L’âge moyen du premier CDI est de vingt-huit ans. Mais, comme toutes les moyennes, ce chiffre masque des disparités criantes.

Pour les jeunes qui vivent dans les lieux où se concentrent les difficultés, c’est « adieu au CDI » et « petits boulots toute la vie » ! Le « métro, boulot, dodo » des années soixante-dix est remplacé aujourd’hui par « précarité, impayés, anxiété » !

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jean Desessard. Avec des jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans sans diplôme, sans emploi et sans formation et un taux de chômage supérieur à 25 % pour ceux qui résident en ZUS, on ne peut que convenir de l’urgence d’agir.

Monsieur le ministre, avec la création des emplois d’avenir, un signe est donné !

Sans-doute nous, écologistes, n’aimons-nous pas traiter la question de l’emploi simplement par des catégorisations, avec des publics cibles. Pour nous, le problème du chômage touche toute la société, et chacun est concerné, quels que soient son âge, son sexe, son diplôme et son lieu de vie.

Mais nous savons aussi qu’une attention spécifique doit être portée à des situations particulières.

Aujourd’hui, l’urgence est bien d’offrir des perspectives à des jeunes sans qualification et de créer des conditions favorables à leur entrée dans la vie professionnelle.

C’est pourquoi je veux en finir avec le suspense. Le groupe des sénateurs écologistes est favorable à votre dispositif ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste. – MM. les ministres sourient.) Il y est même – je reprends les termes de Mme la rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication – « très favorable » ! (Mêmes mouvements.)

Mais nous sommes également exigeants et soucieux que ce dispositif s’inscrive dans une politique de l’emploi globale et cohérente.

D’ailleurs, la France n’est pas un cas isolé. D’autres pays connaissent des difficultés économiques et d’accès à l’emploi. Aujourd’hui, en Grèce et en Espagne, 50 % des jeunes sont sans emploi !

Le problème n’est donc pas simplement franco-français. Il interroge tout autant notre structure économique que notre capacité à accompagner les jeunes dans leur développement individuel et social.

Des réticences ont été exprimées, certains craignant que les emplois d’avenir ne soient qu’un palliatif temporaire.

Pourtant, l’objectif de faire de ce dispositif une réussite étant largement partagé, la mobilisation du plus grand nombre a déjà permis d’apporter des améliorations au projet de loi.

À cet égard, je salue l’adoption par l’Assemblée nationale de plusieurs amendements défendus par le groupe écologiste. Je remercie MM. les ministres de les avoir acceptés.

Ces amendements ont manifesté notre attachement à deux priorités : promouvoir la formation selon un parcours individualisé et encourager le pari de s’engager avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

D’une part, nous voulons aider les jeunes à être acteurs de leur vie et coauteurs de leur devenir en leur assurant une formation qualifiante.

D’autre part; nous voulons enclencher une dynamique de création d’emplois nouveaux en orientant les choix économiques vers un modèle porteur de valeurs d’utilité sociale et environnementale, soucieux d’un développement territorialisé répondant aux besoins des personnes.

Pourquoi la formation est-elle si importante ? Selon les études, 84 % des bénéficiaires des CUI ayant suivi une formation trouvent un emploi à l’expiration du contrat, contre 72 % de ceux qui n’en ont pas suivi.

Dans ce dispositif, la formation acquise se veut qualifiante. Comme vous le savez, nous ne sommes pas particulièrement obsédés par l’acquisition de diplômes. Mais, dans notre pays, le diplôme reste le sésame indispensable dans la sélection à l’embauche.

À cet égard, nous aurions beaucoup à apprendre de pays qui misent davantage sur la créativité et le développement des compétences en situation. Observons par exemple ce qui se pratique au Québec.

En attendant, l’acquisition d’une qualification apparaît comme un élément pivot d’une sécurité sociale professionnelle. C’est donc bien le parcours individualisé du jeune dans son emploi qui doit être la priorité.

Car songez que l’échec scolaire est pour un jeune une quadruple peine !

Premièrement, l’absence de qualification ou de diplôme crée un plafond de verre qui empêche toute progression sociale, et ce tout au long de la vie. Deuxièmement, c’est dévalorisant et cela développe le sentiment d’être rejeté. Troisièmement, cela accentue les difficultés d’insertion dans le monde du travail. Et, quatrièmement, ceux qui en sont victimes s’emmerdent pendant les meilleures années de leur vie ! (Mouvements divers.)

Les emplois d’avenir doivent pouvoir aider les jeunes concernés à retrouver l’estime d’eux-mêmes et à reprendre confiance en leurs capacités individuelles et collectives.

Le succès du dispositif dépendra de la mise en place d’un accompagnement adapté, qu’il faudra concevoir de manière globale. Les questions de mobilité et de logement sont parmi celles qui peuvent affecter la possibilité de bénéficier du dispositif. L’emploi n’est pas forcément en face de chez soi et la contrainte de la mobilité est particulièrement vive en milieu rural. Le parcours individualisé devra en tenir compte.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous avez parfaitement raison.

M. Jean Desessard. Le dispositif des emplois d’avenir est un levier pour la socialisation et l’émancipation des jeunes. L’objectif est de créer les conditions d’une expérience professionnelle réussie permettant de leur redonner confiance.

Dans ces conditions, peut-on parler d’un objectif de création d’emplois ?

Il y a au moins une certitude : pour enclencher la dynamique de création d’emplois, il faudra compléter ces mesures par d’autres réformes, plus structurelles, des politiques économiques et de l’emploi. M. le ministre l’a d’ailleurs souligné.

Pour nous, les acteurs de l’économie sociale et solidaire doivent être des partenaires essentiels dans la conduite du dispositif.

En effet, les secteurs qui sont privilégiés dans le présent de loi selon l’exposé des motifs – je pense aux filières vertes, aux secteurs social et médico-social et aux métiers de l’aide aux personnes – concernent l’économie sociale et solidaire, une filière d’avenir. Vous l’aurez d’ailleurs noté, je n’ai pas la même définition de la notion de « filière d’avenir » qu’un membre du Gouvernement, pour ne pas citer M. Montebourg…

Selon l’Union de syndicats et de groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, plus de 600 000 postes seraient à pourvoir d’ici à dix ans dans ce secteur. Nous voulons donc que l’ensemble des acteurs de l’économie solidaire et sociale soient associés au dispositif.

C’est pourquoi nous proposons un élargissement des mesures aux sociétés coopératives et participatives, c’est-à-dire les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP, et les sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, qui inventent chaque jour de nouvelles manières d’agir pour répondre aux besoins des territoires et de leurs habitants.

Les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont moteurs de l’innovation sociale. Pourtant, ils sont en difficulté depuis plusieurs années ; je pense notamment aux associations. Les emplois d’avenir participeront de leur revitalisation. Ils permettront aussi de faire vivre des projets portés depuis longtemps mais ne disposant pas des moyens humains nécessaires.

La pérennisation de l’emploi passera donc par le renforcement de ces acteurs. Nous attendons avec impatience la future loi-cadre de l’économie sociale et solidaire. Je crois qu’elle est prévue pour le premier semestre de l’année 2013. (M. le ministre s’exclame.) Vous le confirmez, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre. Je ne sais pas.

M. Jean Desessard. Peut-être suis-je un peu optimiste… (Sourires.)

Nous accueillons favorablement – je dirais même « très favorablement », madame Cartron – la proposition relative aux emplois d’avenir professeur.

Nous souhaitons que soit engagée une refonte globale du projet éducatif de notre société, dont la formation des professeurs est un élément essentiel.

On ne peut que rappeler ici les effets négatifs de la mastérisation, démarche qui s’est traduite, entre autres, par l’éviction des étudiants issus des milieux les plus modestes. Nous le savons, ces étudiants sont moins nombreux dans les cursus longs, notamment pour des raisons financières. La mastérisation a aggravé la crise de recrutement que connaît l’éducation nationale, et plus particulièrement dans certaines filières et académies.

Il nous faut revoir en profondeur la formation pour inclure toutes les catégories de la population et redynamiser le recrutement.

À l’avenir, il convient de laisser plus de temps à la formation en alternance réellement professionnelle et d’éviter qu’elle ne soit qu’une logique de pur bachotage pour préparer aux concours.

Pour la future loi, le groupe écologiste insiste sur le nécessaire suivi, dans chaque établissement, des acquis pratiques de ces jeunes étudiants professeurs. Afin que ces emplois débouchent sur de réelles vocations d’enseignants, et non sur de simples objectifs chiffrés, ils devront faire l’objet d’un suivi précis tout au long de leur mise en œuvre, pour un retour d’expérience critique et utile.

Nous devons faire de ces emplois une expérience positive d’entrée dans le métier. Ce sera une manière pour ces étudiants de concilier un emploi rémunéré avec leurs études, au lieu d’exercer un emploi sans rapport avec leur formation et inadapté à leurs contraintes universitaires. Mais cela ne remplacera ni une réforme de la formation au métier d’enseignant ni l’assurance de conditions d’étude décentes.

La mastérisation a, certes, aggravé les difficultés que connaît l’éducation nationale pour recruter ses futurs enseignants. Mais ce n’est pas la seule explication. Le moral des candidats au professorat est au plus bas. Faire de longues études et ne pas être préparé à l’enseignement, aux méthodes pédagogiques, au travail avec l’ensemble des partenaires de l’école, parents d’élèves, élus, associations éducatives, faire de longues études et se confronter à des classes surchargées sans pouvoir passer du temps auprès de chaque élève, faire de longues études et se voir sans cesse dévalorisé, que ce soit par le gel salarial ou par les récentes accusations – les enseignants seraient des « privilégiés » ne « sachant pas » faire leur métier –, ce n’est pas motivant, c’est sûr !

Quand, en plus, l’école est incitée à se transformer en usine à faire de bons employés et la mise en concurrence des personnels et des établissements devient la norme, il n’est guère étonnant que la profession, pourtant tournée vers la jeunesse et vers le citoyen de demain, ne fasse plus rêver !

Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle situation. Gageons que le dispositif des emplois d’avenir professeur, avec les enseignements que nous en tirerons, enclenchera une dynamique de refonte positive.

Monsieur le ministre, le groupe écologiste approuve donc la démarche. Ce texte offrira aux jeunes concernés l’accès à la fois à une expérience professionnelle et à une formation qualifiante nécessaires pour reprendre confiance et sortir d’un parcours jusqu’alors chaotique. Il permettra de redynamiser le secteur associatif, le secteur de l’économie sociale et solidaire et le secteur de l’insertion, à qui nous faisons confiance pour accompagner au mieux ces nouveaux emplois. Enfin, il donnera à des étudiants de toutes origines sociales la chance d’accéder au métier de professeur.

Je terminerai en formulant deux observations.

Premièrement, lorsque je travaillais avec des chômeurs, organisais des marches contre le chômage et participais aux mouvements de chômeurs, on me disait que l’augmentation du nombre de chômeurs allait mener à une explosion sociale. Ce à quoi je répondais que, dans notre pays, il y aurait non pas une explosion, mais une implosion sociale ! Car la société retourne contre elle-même la violence qui ne peut pas s’exprimer vers l’extérieur ! Je pense aux violences conjugales, aux violences de quartier, à l’usage de médicaments, à tous les actes d’incivilité et à tous les gestes et les comportements qu’on ne comprend pas. C’est cela, l’implosion sociale !

Par conséquent, développer l’activité pour les jeunes sans emploi et sans qualification, c’est bon non seulement pour l’emploi, mais aussi pour la formation de ces jeunes, pour le bien-être social et pour le « mieux vivre ensemble ».

Deuxièmement, lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi, je me suis interrogé. Peut-on vraiment qualifier d’emplois d’avenir des emplois de trois ans dont on ne sait pas s’ils seront reconduits au-delà ? Après avoir essayé de comprendre votre idée, je l’ai quelque peu transformée et j’en ai tiré une conclusion : c’est une première mesure qui permet de donner à ceux qui n’ont pas eu de chance une vision optimiste de l’avenir, car, loin de se contenter de subir les choses, on veut les changer. Cet objectif, nous le partageons ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Merci d’avoir levé le suspense ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.