M. André Gattolin. Les amendements nos 40 et 41 sont liés, l’un étant la réplique de l’autre.

Avoir fait passer de neuf à onze le nombre de membres du Haut Conseil des finances publiques n’est en soi pas mauvais. Le nombre diffère à peine, surtout lorsque l’on parle de fonctions qui, comme dans ce cas, ne sont pas rémunérées. C’est le profil des membres qui importe.

Le travail du Haut Conseil des finances publiques renvoie à des enjeux considérables pour les politiques publiques. Il nous apparaît ainsi tout à fait juste de faire figurer en son sein un représentant du Conseil économique, social et environnemental.

En revanche, nous proposons que le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, et non le directeur général de l’INSEE, soit nommé comme onzième membre du Haut Conseil des finances publiques, et cela pour au moins trois raisons.

D’abord, s’agissant de sciences économiques et de prévisions, qui, par définition, ne sont pas des sciences exactes, il convient de s’assurer de la diversité et de la représentativité des membres du Haut Conseil des finances publiques, au sens technique du terme. De la même façon que différentes approches coexistent au sein de la science économique, différentes approches devraient coexister au sein du Haut Conseil.

Les grands corps de l’État spécialisés y sont déjà largement représentés par la Cour des comptes ; il paraît donc judicieux de nommer à leurs côtés le représentant d’un organisme scientifique public, indépendant et reconnu, dont la crédibilité et le sérieux ne font aucun doute.

L’OFCE, dont les prévisions se sont révélées, ces dix dernières années, plus proches de la réalité que celles de la Direction générale du Trésor et de la politique économique à la Commission européenne ou de l’Organisation de coopération et de développement économiques, remplit, de ce point de vue, tous les critères possibles.

Je ne vous assénerai pas le tableau de l’erreur quadratique moyenne des prévisions des différents organismes (MM. Philippe Marini et M. Jean-Pierre Caffet s’exclament.), mais je peux vous dire que l’OFCE enregistre des performances bien supérieures à tous les autres organismes, Fonds monétaire international compris !

En outre, je souhaite attirer votre attention sur le fait que le directeur général de l’INSEE, nommé par décret en conseil des ministres, est révocable de la même façon, ce qui, quelles que soient ses qualités et celles de son institution, paraît le disqualifier d’emblée pour figurer au sein d’un Haut Conseil des finances publiques théoriquement indépendant !

Qu’arrivera-t-il s’il se trouve en position de faire ou de défaire une majorité, et de faire pencher un avis du Haut Conseil des finances publiques en faveur ou en défaveur du Gouvernement ? Loin de renforcer l’autorité du Haut Conseil et celle de l’INSEE, cette nomination pourrait donc les affaiblir, ce dont l’INSEE n’a guère besoin ! Rappelons-nous les nombreuses polémiques qui ont secoué l’institution ces dernières années et meurtri son personnel...

Rien qu’entre le moment où le précédent Président de la République est arrivé à l’Élysée et le mois de mai dernier, l’INSEE a connu trois directeurs généraux successifs, soit autant qu’il y a eu de présidents de l’OFCE depuis sa fondation par Raymond Barre en 1981 ! Cela démontre assez l’instabilité de la fonction et donc les risques que nous encourons ici.

Je redoute par ailleurs que, dans cette configuration, la Cour de justice de l’Union européenne ne soit amenée à considérer que l’indépendance du Haut Conseil n’est pas assez établie.

Qu’en serait-il, si nous étions condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne sur ce point ? En revanche, le président de l’OFCE, qui n’est pas révocable par le pouvoir exécutif et dont l’autorité universitaire s’inscrit manifestement dans la durée, ne risque pas de se trouver dans un pareil cas.

Enfin, dernier avantage à nommer le président de l’OFCE plutôt que le directeur général de l’INSEE au sein du Haut Conseil des finances publiques, le second ferait par trop figure de juge et partie s’agissant d’évaluer les prévisions macroéconomiques du Gouvernement. On sait en effet que l’INSEE est associé très étroitement à l’élaboration de ces prévisions, sinon en tant qu’institution, du moins via ses personnels, dont beaucoup sont détachés au sein des services de Bercy. Je n’insiste pas davantage sur ce point, la difficulté intellectuelle me paraissant assez évidente pour ne pas en rajouter !

Quant à l’amendement n° 41, il constitue pour nous un amendement de repli par rapport au précédent, dans le cas où la Haute Assemblée jugerait préférable de conserver le directeur général de l’INSEE dans la composition du Haut Conseil. Il s’agit de substituer le président de l’OFCE à l’un des membres de la Cour des comptes, ce qui permettrait de rester dans une configuration encore plus étroite de dix membres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 3 vise à supprimer le directeur général de l’INSEE dans la composition du Haut Conseil des finances publiques. Je rappelle à nos collègues que c’est l’Assemblée nationale qui a proposé et voté le principe de sa présence au sein du Haut Conseil.

À la commission des finances, nous avons eu le sentiment qu’il s’agissait d’une bonne idée, le Haut Conseil étant une instance technique, chargée de porter une appréciation sur des prévisions économiques et des données macroéconomiques. Dès lors, il semble important qu’il puisse bénéficier de la présence du directeur d’un organisme fonctionnellement indépendant. On n’insistera jamais suffisamment sur ce point : si l’INSEE n’obéissait pas à une logique d’indépendance, Eurostat aurait à son égard une attitude très différente !

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

S’agissant des deux amendements présentés par notre collègue André Gattolin, l’avis de la commission ne peut être favorable, puisqu’il est également proposé de rompre un équilibre que nous estimons satisfaisant au sein du Haut Conseil.

En l’occurrence, il s’agit de mettre à la place d’un des membres prévus une personne issue de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

À nos yeux, les amendements nos 40 et 41 posent un problème juridique, car, si l’OFCE est certes un organisme éminemment respectable, peut-être ne mérite-t-il pas d’être érigé au rang organique.

Sur le fond, rien n’interdira aux autorités de désignation autre que le premier président de la Cour des comptes – je rappelle qu’elles sont au nombre de cinq, ce qui correspond à une configuration tout à fait originale en droit français – de nommer un économiste de l’OFCE pour siéger au Haut Conseil s’il remplit les critères de compétences dans les domaines des prévisions économiques et des finances publiques. D’ailleurs, le président du Sénat lui-même a récemment nommé un économiste issu de l’OFCE pour siéger au Conseil des prélèvements obligatoires.

Je rappelle enfin que l’article 14 prévoit que le Haut Conseil peut faire appel à des organismes ou à des personnalités extérieures à l’administration pour enrichir ses propres analyses et affiner ainsi les avis qu’il est appelé à émettre.

Ces deux amendements, qui auraient pour effet de rompre l’équilibre établi pour la composition du Haut Conseil par la nomination d’un membre de l’OFCE, sont ainsi en contradiction avec la position de la commission des finances.

Je vous suggère donc, monsieur Gattolin, de les retirer ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, dont l’inspiration est identique.

L’amendement n° 3 vise à supprimer une disposition introduite par l’Assemblée nationale.

Il ne me semble ni judicieux, ni légitime, ni même juste de faire un procès en subordination politique au directeur général de l’INSEE. Certes, il est nommé et révocable ad nutum en conseil des ministres. Pour autant, chacun le sait bien, le traitement de la matière statistique est assez peu susceptible d’être influencé par je ne sais quelle vision politique, d’où qu’elle vienne.

À mes yeux, le travail mené par l’Assemblée nationale mérite d’être respecté, et je suis donc défavorable à l’adoption de cet amendement.

Quant aux amendements nos 40 et 41, ils visent à substituer au directeur général de l’INSEE ou, à défaut, à un membre de la Cour des comptes, un membre de l’OFCE. Il s’agit ainsi de réserver une place de choix au sein du Haut Conseil au président de l’OFCE, institution pour laquelle j’ai beaucoup d’estime et dont je lis les écrits avec au moins autant d’attention que vous.

Toutefois, il me semble que l’on se heurte là à une sorte de « préjugement » : pourquoi cet organisme plutôt qu’un autre ? Certes, j’entrevois la réponse que l’on pourrait apporter à cette question, mais, dans la mesure où le Haut Conseil devra faire preuve de la plus parfaite indépendance à l’égard de toutes les autorités, quelles que soient leurs sensibilités politiques, les motivations que j’avance ne peuvent que conduire à « condamner » les amendements que vous proposez au Sénat d’adopter.

Le Gouvernement demande donc le rejet de ces trois amendements.

M. le président. Monsieur Gattolin, les amendements nos 40 et 41 sont-ils maintenus ?

M. André Gattolin. À la suite de la demande formulée par M. le rapporteur général, je retire l’amendement n° 40.

Je maintiens cependant l’amendement n° 41. En effet, pour quelle raison la Cour des comptes serait-elle autant représentée au sein du Haut Conseil ?

Par cet amendement, qui a toutes les chances de ne pas être adopté, je veux attirer l’attention de ceux qui participeront à la désignation des membres du Haut Conseil sur l’importance, la qualité, la crédibilité et l’indépendance de l’OFCE. Ses membres, hommes ou femmes, peuvent parfaitement faire partie du vivier des experts. Il est même recommandé de faire appel à eux !

M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. S’agissant de la présence du directeur général de l’INSEE au sein du Haut Conseil, j’ai moi-même quelque peu hésité, pour les raisons qui ont été évoquées.

Toutefois, le fait que l’INSEE soit un institut de prévision dont l’indépendance est reconnue, y compris au niveau européen, constitue une première garantie.

Par ailleurs, c’est justement parce que le directeur général de l’INSEE fournira les prévisions économiques, notamment de croissance, au Gouvernement que son appartenance au Haut Conseil constitue une excellente chose. Il pourra ainsi expliquer comment l’INSEE a mené son raisonnement et abouti aux conclusions qui seront sur la table.

Ces deux aspects me paraissent militer en faveur du maintien du texte adopté par l’Assemblée nationale.

Quant au CESE, c’est une institution que nous respectons tous. Elle nommera soit un représentant des « forces vives », issu du monde du travail, ce qui me semble très bien, soit un représentant de la sensibilité écologiste, ce qui serait également une bonne chose. Je me rallie donc à la position de M. le rapporteur général en la matière.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je souhaite apporter une précision. J’ai mis en doute non pas l’indépendance politique du directeur général de l’INSEE, mais ses compétences en matière de finances publiques, domaine très particulier. Il s’agit en effet, je le rappelle, de la composition d’un Haut Conseil « des finances publiques » et non pas « de l’écologie » ou « de l’avenir économique de la France ».

Monsieur Yung, rien n’empêche le Haut Conseil d’entendre le directeur général de l’INSEE. Ce dernier n’a pas besoin de faire partie de l’institution pour expliquer la façon dont il a établi des prévisions.

Je maintiens donc l’amendement n° 3, car je reste favorable à la suppression de l’alinéa 6 de l’article 8, qui n’apporte rien.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Un membre représentant l'Association des régions de France et un membre représentant l'Assemblée des départements de France ;

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme le disait Henri VIII à son sixième mariage ! (Sourires.)

Il semble que ni le Gouvernement ni la commission n’aient envie que le Sénat modifie la composition, parfaite à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, du Haut Conseil.

Je propose néanmoins d’y ajouter deux membres, un représentant de l’Association des régions de France et un représentant de l’Assemblée des départements de France, tout en présumant que les avis rendus seront les mêmes que ceux qui ont été émis sur les amendements précédents.

J’ai le souvenir assez précis de ce qui s’est passé au moment de la suppression de la taxe professionnelle : si les « praticiens du territoire » ne s’en étaient pas mêlés, les choses auraient été encore beaucoup plus compliquées ! Je propose donc, sans beaucoup d’espoir, de prévoir deux membres supplémentaires pour ce Haut Conseil des finances publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement, fort sympathique, prévoit d’accroître le nombre des membres du Haut Conseil.

Le projet de loi organique précise que la désignation des membres du Haut Conseil doit s’appuyer sur la compétence en matière de finances publiques et de prévisions macroéconomiques. Il faut rappeler que le Haut Conseil sera un organisme technique, qui n’a pas vocation à exprimer des recommandations sur tous les sujets de finances publiques. Par conséquent, une représentation au Haut Conseil des différentes catégories d’administrations publiques serait, en elle-même, sans objet.

Mais il s’agit sans doute d’un amendement d’appel, puisque son auteur ne prévoit pas selon quelle procédure serait désigné le représentant de l’Association des régions de France et celui de l’Association des départements de France…

J’observe en outre que l’Association des maires de France n’est pas citée, ce qui pourrait créer quelque jalousie, d’autant que le président du Comité des finances locales s’est lui aussi porté volontaire pour siéger au sein du Haut Conseil.

Bref, sans doute avez-vous comme moi le sentiment, mes chers collègues, que nous sommes là face à une difficulté majeure : répondre à l’ensemble des sollicitations qui nous ont été adressées ou auraient pu l’être.

Au vu de la philosophie qui a présidé à la mise sur pied du Haut Conseil et à sa vocation technique sur les sujets d’économie, de macroéconomie, de prévisions et de finances en général, j’estime que l’équilibre atteint est satisfaisant et je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est également défavorable à cet amendement.

M. le rapporteur général a eu raison de le souligner, la présence de représentants de deux niveaux de collectivités va soulever des interrogations sur l’absence de représentation des autres niveaux. En outre, s’il s’agit de représenter les communes, qui, de l’Association des maires de France, de l’Association des maires ruraux de France ou encore de la Fédération des maires des villes moyennes, faudra-t-il retenir ?

Au demeurant, le Sénat devra veiller, me semble-t-il, à ce que le Haut Conseil comprenne en son sein des spécialistes des finances publiques sensibles à la question des finances locales.

M. Philippe Marini. Absolument !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il faut à mon sens en rester à la composition imaginée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Je demande donc le rejet de l’amendement n° 74.

Mme Nathalie Goulet. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 74 est retiré.

Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8 (Texte non modifié par la commission) (début)
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Discussion générale

4

Scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République

M. le président. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, démissionnaire de son mandat de sénateur.

Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour cette élection.

Le scrutin aura lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de vote sont à votre disposition.

Le juge suppléant nouvellement élu sera immédiatement appelé à prêter serment devant le Sénat.

Je prie MM. Jean Desessard et Gérard Le Cam, secrétaires du Sénat, de bien vouloir présider le bureau de vote.

Ils seront assistés de MM. Marc Daunis et Jean-François Humbert comme scrutateurs.

Le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République sera ouvert de quinze heures à seize heures trente.

Mes chers collègues, il est quinze heures : le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République est ouvert ; il sera clos à seize heures trente.

5

Article 8 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
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Article additionnel après l'article 8

Programmation et gouvernance des finances publiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 8.

Discussion générale
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Article 8 bis (nouveau)

Article additionnel après l'article 8

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre V du livre III du code des juridictions financières est abrogé.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Article additionnel après l'article 8
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Article 9

Article 8 bis (nouveau)

Dans ses avis, le Haut Conseil des finances publiques :

1° Publie sa méthodologie lorsqu’il se réfère à une estimation du produit intérieur brut potentiel différente de celle figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques. Il présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de cette loi, du Gouvernement et de la Commission européenne ;

2° Lorsqu’il exprime un avis sur une prévision de croissance, tient compte des prévisions d’un ensemble d’organismes dont il a établi et rendu publique la liste.

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 et 2

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsqu’il exprime un avis sur l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur laquelle repose le projet de loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques le motive, notamment au regard des estimations du Gouvernement et de la Commission européenne.

II. – Alinéa 3

1° Supprimer la mention :

2° Après le mot :

croissance,

insérer le mot :

il

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement vise à lever une ambiguïté rédactionnelle de l'article 8 bis, ambiguïté qui avait échappé aux auteurs du présent texte dans leur volonté d'accroître la transparence des travaux du Haut Conseil.

Si l’on devait résumer ce projet de loi organique, on pourrait dire qu’il fixe les responsabilités respectives du Gouvernement, du Parlement et du Haut Conseil en matière de programmation et de gouvernance des finances publiques.

Le Gouvernement, c'est sa mission, fixe une trajectoire de finances publiques à moyen terme, trajectoire qui s'incarne dans un objectif de déficit structurel.

Le Parlement, quant à lui, amende éventuellement et ratifie – ou ne ratifie pas – cet objectif et cette trajectoire de finances publiques.

Enfin, le Haut Conseil est chargé de vérifier l'effectivité de cette trajectoire, de s’assurer que l'exécution est conforme à l'objectif qui a été fixé par le Gouvernement et ratifié par le Parlement.

Le problème, et nombre de nos collègues se sont longuement exprimés hier soir sur la question, c'est que cet objectif de déficit structurel découle d’un certain nombre d'hypothèses, notamment en ce qui concerne le PIB potentiel.

La difficulté est donc la suivante : ces hypothèses doivent être communes à la fois au Gouvernement – sans qu’il ait la possibilité de les modifier avant que le Haut Conseil n’ait vérifié l'effectivité de la trajectoire –, au Parlement, qui doit ratifier ladite trajectoire, et, bien évidemment, au Haut Conseil.

Or la disposition prévue à l’article 8 bis, selon laquelle le Haut Conseil « publie sa méthodologie lorsqu’il se réfère à une estimation du produit intérieur brut potentiel différente de celle figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques », est ambiguë.

En effet, le verbe « se référer » peut être compris de plusieurs manières.

Il peut être entendu dans son acception courante, conforme à l'esprit du projet de loi organique, selon laquelle le Haut Conseil émettrait un avis sur l’hypothèse de PIB potentiel, cruciale dans la vérification de la trajectoire des finances publiques.

Il peut cependant être entendu aussi dans une autre acception, plus problématique, selon laquelle le Haut Conseil pourrait lui-même retenir une hypothèse contradictoire avec celle qui aurait été retenue par le Gouvernement et ratifiée par le Parlement. Auquel cas, un problème majeur apparaîtrait lorsque le Haut Conseil s’attellerait à la vérification de l'effectivité de la trajectoire.

La formulation que je propose me semble plus claire.

Bien évidemment, le Haut Conseil étant parfaitement indépendant, il peut avoir un avis sur l'hypothèse de PIB potentiel et l’exprimer, mais il doit motiver cet avis, notamment en comparaison des hypothèses de la Commission européenne et du Gouvernement.

L’hypothèse de PIB potentiel étant centrale dans la détermination de l'objectif de trajectoire des finances publiques fixé par le Gouvernement et ratifié par le Parlement, elle doit être commune au premier, au second et au Haut Conseil des finances publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement fait utilement suite au débat approfondi que nous avons eu la semaine dernière en commission, débat au cours de laquelle nous nous étions longuement interrogés sur le sujet dont Jean-Pierre Caffet vient d’analyser les tenants et les aboutissants.

Il vise, plus que ne le permet le texte de la commission, à mettre en évidence le fait que la crédibilité de la programmation se jouera dorénavant lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques.

Désormais, nous raisonnerons essentiellement en termes de solde structurel. Dès lors, il faut faire en sorte de ne pas surévaluer l’estimation de PIB potentiel sur la base duquel la programmation sera construite.

À l’article 5, souvenez-vous-en, mes chers collègues, nous avons obligé le Gouvernement à justifier l’hypothèse de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation.

Ici, M. Caffet nous propose un dispositif qui serait le symétrique de cette obligation, mais cette fois pour le Haut Conseil, et non plus pour le Gouvernement.

Éclairé à la fois par les analyses du Gouvernement et par l’avis motivé du Haut Conseil, le Parlement pourra, on peut le penser, voter en connaissance de cause sur la trajectoire de solde structurel.

Cet amendement apporte donc une amélioration très opportune du texte qui nous est soumis. C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. À titre personnel, je voterai cet amendement, car il apporte une clarification utile et représente un progrès méthodologique dans la manière dont nous abordons les compétences du Haut Conseil des finances publiques.

Les lois de programmation sont appelées à devenir le cadre de référence, en conformité, bien sûr, avec les programmes de stabilité successifs. Aussi, il me paraît très important que le Haut Conseil motive son approche du PIB potentiel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis, modifié.

(L'article 8 bis est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Article 8 bis (nouveau)
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Article 10 (Texte non modifié par la commission)

Article 9

Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques et de l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques. Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement transmet au Haut Conseil ce projet, ainsi que tout autre élément permettant au Haut Conseil d’apprécier la cohérence de la programmation envisagée au regard de l’objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France.

Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de programmation des finances publiques lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de programmation des finances publiques déposé au Parlement et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Notre proposition de suppression de l’article 9 découle naturellement de notre opposition de fond à la création du Haut Conseil des finances publiques.

À la lecture de l’article 9, nous ne mesurons pas ce que ce Haut Conseil va bien pouvoir apporter à la loi de programmation.

Outre que la publicité de son avis ne sera effective qu’au moment où le projet de loi de programmation sera déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, on est même en droit de se demander si cet avis ne sera pas redondant avec les éléments que l’État lui-même pourra associer à son texte.

Je crois qu’aucun des anciens ministres des finances siégeant ici non plus qu’aucun des rapporteurs généraux chargés de défendre, quand ils étaient dans la majorité gouvernementale, le projet de budget n’a échappé à la facilité de croire que le cadre était bon et solidement établi, mais, même dans les lois de finances que nous avons connues depuis une bonne vingtaine d’années et qui surestimaient l’impact du cadrage macroéconomique sur les recettes et les dépenses, il y avait toujours une part de vérité.

La raison en est tout simplement que les prévisions de l’État s’appuient sur le travail des agents du ministère des finances – même si la révision générale des politiques publiques a sérieusement mis en question la direction de la prévision – et sur celui des techniciens, cadres et agents de l’INSEE, dont la compétence et l’indépendance, produits de leur statut de fonctionnaires, sont unanimement et internationalement reconnues.

La force de la prévision, en France, c’est l’indépendance des fonctionnaires de nos administrations fiscales et financières.

Ce qui nous a posé problème, sur la durée, ce sont les choix politiques, le choix stratégique de la défiscalisation compétitive, celui de la réduction des cotisations sociales, ces abandons successifs de recettes qui ont conduit notre pays à cumuler les déficits et la dette.

Autant dire qu’il importe de continuer à faire confiance aux services publics de la statistique et de la prévision. C’est bel et bien pour ces motifs que nous ne pouvons que proposer la suppression de l’article 9.