M. Roland Courteau. C’est sûr !

Mme Delphine Batho, ministre. D’ailleurs, le poids de la facture énergétique dans notre balance commerciale est sans appel : 61,4 milliards d’euros, soit l’équivalent de 3 % du PIB en 2011.

Une grande politique publique de sobriété et d’efficacité énergétiques est indispensable. Bien sûr, c’est en premier lieu l’affaire de l’État. Mais cette politique doit être accompagnée aussi par un changement des comportements, qui concerne chaque citoyen.

C’est pour cette raison que, lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait repris l’idée d’un élargissement des tarifs sociaux liée à une réforme structurelle visant à instaurer un système de tarification vertueux du point de vue écologique, conforme au principe simple selon lequel plus l’on consomme, plus l’on doit payer.

C’est l’engagement n° 42 du projet présidentiel, qui prévoit la mise en œuvre d’« une nouvelle tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz afin de garantir l’accès de tous à ces biens essentiels et d’inciter à une consommation responsable. »

Et c’est l’objet de la présente proposition de loi, présentée par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen de l’Assemblée nationale, texte qui reprend aussi des dispositions législatives adoptées par la majorité sénatoriale à la fin de l’année 2011.

Au travers d’un mécanisme dont le principe est comparable aux bonus-malus qui existent dans bien d’autres domaines, il s’agit de donner une valeur aux économies d’énergie et aux « négawatts ».

Le mécanisme du bonus-malus a fait l’objet d’un intense travail du côté tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, où Roland Courteau, à qui je rends hommage, s’est beaucoup impliqué.

Il est de l’essence même de chaque étape du débat parlementaire d’améliorer le texte en discussion. Le Gouvernement est attentif aux débats et ouvert à des éléments de simplification, à condition de conserver l’esprit et l’efficacité du dispositif.

J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer, notamment, que le bonus-malus doit être établi sur la base de critères simples et limités : le type de chauffage, le nombre d’occupants du logement et la localisation géographique à l’échelle de la commune.

Sans anticiper sur ces aspects techniques, je souhaite souligner que ce dispositif vise avant tout à inciter le consommateur à maîtriser sa consommation.

Le bonus récompensera et encouragera les économies d’énergie, tandis que le malus signifiera au consommateur qu’il consomme trop. Le Gouvernement est attaché à ce que le système repose sur ces deux piliers.

Le mécanisme proposé ne comporte pas davantage de contraintes que, par exemple, celui qui est en vigueur dans le domaine de l’assurance automobile et qui encourage les conducteurs les plus prudents.

M. Jean-Claude Lenoir. Malus il y a, bonus, jamais !

Mme Delphine Batho, ministre. C’est exactement le même type de système incitatif, même si sa rédaction reflète, c’est vrai, la complexité du système énergétique. Ceux qui dénoncent une usine à gaz oublient un peu vite la complexité extrême des réformes dont ils sont à l’origine, à commencer par la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « loi NOME ».

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Delphine Batho, ministre. En pratique, qu’il s’agisse du dispositif adopté par l’Assemblée nationale ou de celui qui a été imaginé par Roland Courteau, la volonté affichée est, avant tout, de donner un signal au consommateur dès lors que sa consommation dépasse un volume moyen.

Par conséquent, il s’agit bien d’une incitation. Un bonus-malus unitaire de plus ou moins 5 euros par mégawattheure se traduira, sur la facture annuelle, par 30 euros de bonus ou de malus, soit environ 2 % du montant total. Alors qu’un ménage qui consomme peu bénéficiera d’un bonus sur sa facture, celui qui consomme beaucoup paiera un malus qui sera faible au début, mais qui augmentera progressivement dans le temps.

En fait, il s’agit de dresser un pont entre la détection des consommations trop importantes par rapport à un volume de référence et le service public de la performance énergétique, dont la création figure dans la présente proposition de loi, et qui sera complété par le plan de rénovation thermique préparé par le Gouvernement.

Moins l’on consomme, moins l’on paie : ce principe constitue bien une révolution par rapport à la tarification existante, qui récompense proportionnellement aujourd’hui les plus gros consommateurs d’énergie.

Pour la même raison, lors de la lecture de la présente proposition de loi à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé d’étendre ce système à la tarification de l’eau ; il souhaite inciter les collectivités territoriales à s’engager dans cette voie, tout en respectant, bien sûr, leur libre administration.

L’entrée en application de la future loi – un certain nombre de décrets doivent être rédigés – sera précédée par le lancement d’un vaste plan de rénovation thermique des logements existants.

En effet, le bâti absorbe près de 40 % de la consommation d’énergie et l’on recense près de 4 millions de passoires énergétiques.

L’objectif, très ambitieux, fixé par le Président de la République est d’atteindre 500 000 rénovations de logements anciens par an, soit trois fois plus que le rythme actuel.

Dans le cadre du dispositif élaboré par le Gouvernement, notamment par Cécile Duflot, le produit des enchères ETS du marché carbone viendra abonder le budget de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH.

Les 4 millions de passoires thermiques seront ciblées en priorité par les mécanismes d’aide mis en place.

Ce plan massif de rénovation thermique du bâti est une opération vertueuse à trois titres.

Sur le plan écologique, d’abord, cette opération permettra d’économiser massivement l’énergie et de réduire de façon significative nos émissions de gaz à effet de serre.

Sur le plan social, ensuite, elle allégera la facture énergétique des ménages et contribuera donc à l’amélioration du pouvoir d’achat des Français.

Sur le plan économique, enfin, elle relancera l’activité dans le secteur du bâtiment et offrira un gisement d’emplois très important – au moins 50 000 emplois non délocalisables à court terme – à nos TPE, nos PME, nos artisans, partout dans l’ensemble de nos territoires.

Lors de sa discussion à l’Assemblée nationale, le texte a été complété par des dispositions très attendues concernant le mécanisme de capacité et l’effacement.

Le mécanisme de capacité consiste à obliger les fournisseurs d’énergie à disposer de capacités de production ou d’effacement permettant de couvrir les besoins de leurs clients, notamment lors des périodes de pointe.

Il doit donc s’accompagner d’un développement des possibilités d’effacement. Il s’agit de permettre aux acteurs économiques d’agir, eux aussi, sur leurs factures d’énergie en pratiquant l’effacement ou la possibilité de reporter dans le temps des consommations afin de les payer moins cher.

Cette mesure est très attendue, notamment par les acteurs du secteur industriel, tout comme le cadre permettant de développer l’effacement diffus que prévoit la proposition de loi.

Enfin, sur l’initiative du Gouvernement, la proposition de loi comporte des mesures d’urgence pour les énergies renouvelables.

Les filières d’énergies renouvelables ont été fragilisées par des changements récurrents de politique tarifaire et d’encadrement réglementaire, en particulier le photovoltaïque et l’éolien. Près de 10 000 emplois ont été ainsi détruits dans la filière photovoltaïque.

M. Roland Courteau. C’est bien vrai !

Mme Delphine Batho, ministre. Quant au développement de l’éolien terrestre, il a été « obstrué » par une réglementation inadaptée, alors que cette énergie renouvelable est la plus compétitive !

M. Roland Courteau. C’est aussi vrai !

Mme Delphine Batho, ministre. Au final, par rapport à l’engagement européen d’atteindre l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici à 2020, nous étions, en 2011, à plus de 9 % en deçà de la trajectoire fixée.

S’agissant en particulier de l’éolien terrestre, nous en sommes seulement à 6 870 mégawatts, pour un objectif fixé à 19 000 mégawatts de puissance installée !

Surtout, depuis plus d’un an, nous assistons à un effondrement des projets d’implantation d’éoliennes, avec seulement 200 mégawatts de puissance installée depuis le début de l’année 2012.

Le Gouvernement a donc présenté à l’Assemblée nationale plusieurs amendements prenant en considération la situation des 180 entreprises et des 11 000 emplois du secteur de l’éolien terrestre.

Le premier amendement vise à répondre à une situation particulière : il est plus difficile de développer l’énergie éolienne outre-mer, alors que le coût de l’électricité produite par des éoliennes est deux fois et demie moins cher que celui de l’électricité produite par des énergies fossiles !

Un deuxième amendement vise à résoudre le problème lié au raccordement des installations éoliennes offshore, une disposition essentielle en particulier s’agissant de la situation que nous connaissons dans la baie de Saint-Brieuc.

Un troisième amendement du Gouvernement vise, pour faciliter les projets d’implantation d’éoliennes, à supprimer l’obligation d’implantation au sein des zones de développement de l’éolien, les ZDE. Les schémas régionaux éoliens, les SRE, sont un outil de planification territoriale stratégique qui permet déjà de prendre notamment en compte la préservation des paysages.

Par ailleurs, la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement, ICPE, garantit toujours une étude d’impact et une enquête publique, qui offrent toutes les garanties d’informations et de consultations, non seulement des élus locaux, mais aussi des citoyens. Il convient seulement de mettre fin à certains empilements administratifs.

Hier, j’étais dans l’Oise avec votre collègue Laurence Rossignol pour inaugurer une usine de mâts en béton pour éoliennes, Enercon, qui va permettre de créer immédiatement soixante emplois et sans doute davantage à terme. Comme beaucoup d’autres entreprises, Enercon attend pour se développer l’adoption de ces dispositions législatives.

Selon nous, l’écologie et le développement des énergies renouvelables sont un levier pour créer des emplois dans cette période de crise économique que nous connaissons aujourd’hui. J’illustrerai ce propos avec un exemple assez significatif : parmi les soixante salariés de l’entreprise Enercon, cinq sont d’anciens de l’entreprise Continental. C’est assez symbolique de ce que le développement de la transition énergétique permet !

Du fait du vote en commission d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, le texte qui vous est soumis en séance est celui de l’Assemblée nationale. Mais, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaite, pour conclure, que le débat soit constructif, fructueux, et qu’il permette au Sénat d’apporter sa pierre à l’édifice, la création d’un mécanisme de tarification sociale et progressive de l’énergie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des circonstances un peu particulières me conduisent à intervenir en tant que rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.

En effet, ce texte aurait dû vous être présenté par notre collègue Roland Courteau, que notre commission des affaires économiques avait nommé rapporteur et qui a mené des travaux de qualité : il a reçu plus de quatre-vingts personnes au cours de trente-trois auditions, auxquelles étaient invités tous les membres de notre commission, et il a travaillé en collaboration avec les différentes institutions concernées. Elles se reconnaîtront !

Notre collègue a, d’une part, approfondi les questions les plus urgentes qui sont posées dans la proposition de loi : l’extension de l’application des tarifs sociaux, la généralisation de la trêve hivernale pour l’approvisionnement en énergie, questions que nous avons déjà évoquées dans cet hémicycle.

Conscient que certains sujets avaient été abordés assez rapidement à l’Assemblée nationale, via des amendements de commission ou de séance, Roland Courteau a approfondi les questions liées à l’effacement, au marché de capacité, ou encore des questions spécifiques propres à l’éolien, sujet auquel notre commission des affaires économiques est tout particulièrement sensible, sans doute en raison de l’implication d’un certain sénateur de l’Aude...

Mais notre collègue a surtout étudié de près le dispositif central de la proposition de loi, à savoir le mécanisme de bonus-malus que vous avez évoqué, madame la ministre, et qui permet, sur un principe d’équité, d’inciter les consommateurs à réduire leur consommation d’énergie.

Constatant que ce dispositif suscitait de multiples difficultés, notre collègue a souhaité, en se fondant sur les nombreuses concertations qu’il a menées, proposer une adaptation du mécanisme adopté par l’Assemblée nationale.

Pour toutes ces raisons, je souhaite rendre hommage au travail considérable que notre collègue Roland Courteau a réalisé tout au long de l’examen de ce texte.

M. Roland Courteau. Je vous remercie, mon cher collègue !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Toutefois, l’adoption par notre commission, contre l’avis du rapporteur, par vingt voix contre dix-neuf, d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité a entraîné le rejet du texte et a donc empêché la commission d’examiner au fond les propositions très sages du rapporteur et celles des autres membres de la commission, quelles que soient les travées sur lesquels ils siègent, bloquant ainsi le travail parlementaire.

La situation n’est pas commune ; elle est même peut-être paradoxale, reconnaissons-le ! Il serait important de revisiter notre règlement intérieur. Pourquoi ne pas nous « caler » sur l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale ? En effet, pouvoir bloquer le travail parlementaire au stade de l’examen en commission, sans avoir écouté ni même entendu le rapporteur, me pose problème.

M. Robert Tropeano. Tout à fait !

M. Daniel Raoul, rapporteur. À la suite de ce vote, notre collègue Roland Courteau n’a pas souhaité – et c’est bien compréhensible ! – conserver sa charge de rapporteur en vue de l’examen du texte en séance publique ce soir. C’est donc à moi, en tant que président, que la commission des affaires économiques a confié la mission de présenter le rapport.

Cher Roland Courteau, je serai donc, si vous me le permettez, votre porte-parole. Je ne ferai que commenter les principales dispositions de cette proposition de loi, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, car c’est en effet ce dernier qui sera discuté tout à l’heure par notre assemblée si elle n’adopte pas la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Le dispositif de bonus-malus défini à l’article 1er constitue le point central et le plus commenté de cette proposition de loi. Sur le fond, il correspond à un mécanisme de tarification progressive. Le terme de « tarification » a été retiré afin d’éviter toute confusion avec les tarifs réglementés ou les tarifs d’utilisation des réseaux. Ce mécanisme, indépendant en effet des tarifs actuellement définis dans la loi, s’applique de manière identique aux clients de tous les fournisseurs.

Concrètement, trois tranches de consommation sont définies. La première tranche correspond à un « volume de base » défini à partir d’un « volume de référence » couvrant les besoins essentiels des ménages. Le volume de base est modulé en fonction de nombreux critères, dont le nombre de membres du foyer fiscal et leur âge, la localisation géographique, le mode de chauffage, le mode de production de l’eau chaude sanitaire et la présence d’équipements spécifiques au domicile. C’est bien là que le problème commence à se compliquer...

La première tranche de consommation est subventionnée – c’est le bonus – et la troisième fait, au contraire, l’objet d’un malus, c’est-à-dire d’une augmentation de la facture pour chaque kilowattheure consommé dans cette tranche.

La tranche intermédiaire peut faire l’objet d’un bonus ou d’un malus, selon les catégories de population et le niveau de bonus et de malus décidé par le pouvoir réglementaire. Un barème spécifique plus favorable pour les consommateurs qui bénéficient des tarifs sociaux pourrait être défini par décret, madame la ministre.

Selon le texte adopté par les députés, la collecte des informations nécessaires à l’application des critères relèverait de nouvelles rubriques ajoutées sur la déclaration de revenus. Vous avez tous entendu quelques commentaires sur cet aspect des choses ; je ne m’appesantirai donc pas. Il y a sans doute là une difficulté, en particulier un problème de fichier.

L’équilibrage des bonus et des malus passe par la création d’un fonds de compensation géré par la Caisse des dépôts et des consignations.

Des mesures spécifiques sont prévues pour les immeubles alimentés par des installations de chaleur communes.

Enfin, selon des modalités à préciser par décret – je vous souhaite bien du plaisir, madame la ministre ! –, les locataires pourraient déduire de leur loyer une partie du malus correspondant à la mauvaise performance énergétique du logement qu’ils occupent. L’objectif est tout à fait louable, mais la mise en application me paraît très difficile… Sans doute y a-t-il là une justification. En effet, le locataire ne devrait pas « bénéficier » d’un malus parce que son propriétaire ne fait aucun effort pour améliorer les performances énergétiques du logement.

Enfin, aux termes de l’article 2, le dispositif doit faire l’objet de différents rapports du Gouvernement qui permettront d’en préciser les modalités, voire de l’étendre. Là encore, je ne ferai pas trop de commentaires. Vous connaissez mon appétence pour ces rapports qui sont demandés à tout propos à l’occasion de la discussion des textes que nous examinons, indépendamment de l’intérêt de chacun de ces documents, bien entendu. Alors, n’en rajoutons pas !

Ce dispositif ne représente toutefois qu’un tiers de la proposition de loi. Un titre II, intitulé « Mesures d’accompagnement », comprend des dispositions dont certaines ont en fait vocation à s’appliquer beaucoup plus vite que le bonus-malus.

C’est le cas de l’article 3, qui permet une meilleure application des tarifs sociaux. Il mobilise l’ensemble des organismes sociaux, ainsi que l’administration fiscale, pour identifier les 4 millions de foyers ayant droit au tarif de première nécessité pour l’électricité ou au tarif social de solidarité pour le gaz. C’est une extension de la situation actuelle.

L’article 4 élargit les compétences du médiateur national de l’énergie, d’une part aux litiges avec les distributeurs, d’autre part aux litiges concernant des micro-entrepreneurs. L’action du médiateur national de l’énergie est largement reconnue : elle mérite d’être encouragée.

L’article 5 étend par ailleurs le collège de la Commission de régulation de l’énergie. Cet article a été introduit afin que cette commission puisse mieux prendre en compte les enjeux spécifiques posés par le mécanisme de bonus-malus en termes de droit des consommateurs et de protection des données personnelles. Il a ensuite été réécrit par les députés pour prendre en compte les enjeux environnementaux et des zones non interconnectées.

L’article 6 instaure un service public de la performance énergétique. Il s’agit surtout d’un cadre pour un véritable service public qui devra être identifié par les citoyens comme une aide personnalisée à l’amélioration de la performance énergétique de leur habitation.

Aux articles 7 et suivants sont abordées des questions plus techniques : l’effacement et le mécanisme de capacité.

Je vous rappelle que le mécanisme de capacité, lancé par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, a pour objet de garantir l’approvisionnement en électricité dans les périodes de forte demande à l’horizon 2016. On ne peut pas dire que nous ayons voté cette loi avec beaucoup d’enthousiasme, en tout cas pour une minorité d’entre nous devenue majorité... Ce mécanisme permettra de donner une rentabilité aussi bien aux nouveaux moyens de production qu’à la mise en place de capacités d’effacement.

Nous sommes en effet sensibles aux avantages de l’effacement, qui consiste à réduire temporairement la consommation afin d’équilibrer très rapidement le réseau, au même titre que si une nouvelle unité de production avait été nécessaire et mise en fonctionnement. Je pense en particulier à nos concitoyens de l’ouest de la France et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui pourraient, si l’on ne parvenait pas à soulager les réseaux dans les années qui viennent, subir les conséquences de délestages, voire d’un black-out complet !

À l’article 7 de la proposition de loi, il est proposé de donner une priorité aux capacités d’effacement dans le mécanisme de capacité.

À l’article 7 bis, il est proposé de définir un mode de valorisation de l’effacement qui permette son développement harmonieux, compte tenu de sa nature économique très particulière. Il s’agit en quelque sorte d’une « non-consommation » ou d’une consommation décalée dans le temps, sans pour autant que le producteur soit forcément informé que l’électricité qu’il produit sera « effacée ».

Il est aussi proposé, aux articles 7 ter à 7 sexies, d’adapter à la marge les règles du marché de capacité pour les gros consommateurs, les électro-intensifs et les producteurs d’électricité bénéficiant de l’obligation d’achat.

L’article 8, sans doute l’un des plus importants de la proposition de loi, prévoit l’extension à tous de la « trêve hivernale ». De même que les expulsions de logement sont interdites l’hiver, la coupure d’électricité, de gaz et de chaleur serait également prohibée pendant la même période.

Le Sénat, rappelons-le, a déjà adopté une telle mesure le 21 décembre 2011, dans le cadre de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, texte qui n’est pas allé jusqu’au terme de son parcours parlementaire : il s’est perdu dans les catacombes, au cours de la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale ! Nous avions également, à cette occasion, adopté le principe d’une tarification progressive. Mais les positions semblent avoir évolué au sein de notre assemblée concernant ces deux points.

L’article 9 reprend également une précision, déjà votée par les deux assemblées dans le cadre du projet de loi précité, relative à l’indication du prix dans les offres de fourniture d’électricité ou de gaz naturel.

Les articles 10 et 11 visent à adapter les règles de fonctionnement de la Commission de régulation de l’énergie, d’une part, à une décision du Conseil constitutionnel concernant l’exercice du pouvoir de sanction par les autorités administratives indépendantes – ou prétendument indépendantes, si vous me permettez ce commentaire personnel ! –, d’autre part, à la publication du règlement européen concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’électricité. Je n’ai jamais beaucoup cru aux autorités administratives indépendantes, considérant qu’elles avaient parfois pour rôle d’« alléger » le pouvoir du Parlement, alors que les commissions feraient tout aussi bien que certaines de ces AAI. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.) N’ayez crainte, monsieur Lenoir, vous n’êtes pas visé !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est lié à l’indépendance des pouvoirs !

M. Roland Courteau. Lenoir voit rouge !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Enfin, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs dispositions importantes concernant les normes d’implantation des éoliennes et j’estimerais regrettable, à titre personnel, que notre assemblée ne consacre pas à ces dispositions le débat qu’elles méritent.

Je vous rappelle que notre assemblée, dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, a déjà adopté un amendement concernant l’installation des éoliennes, déposé par M. Ollier – rendons à César ce qui appartient à César –, qui portait à cinq le nombre de mâts nécessaires pour le rachat de l’électricité produite.

Les députés ont d’abord supprimé à l’article 12 bis les zones de développement de l’éolien, lesquelles, définies au niveau local, conditionnent actuellement l’accès au tarif d’achat de l’électricité. Il faut dire que ces ZDE pouvaient conduire à un certain nombre de recours. À ce propos, j’attends toujours le décret – je ne sais pas quel est aujourd’hui le ministre concerné –, promis par M. Apparu, concernant les recours abusifs.

Quels que soient les domaines concernés, nous avons tous été confrontés, dans nos collectivités, à des recours n’ayant qu’un seul but, celui de retarder les opérations et d’augmenter ainsi la facture de différentes constructions ou aménagements ; je pense ici aux ZAC, les zones d’aménagement concerté.

Outre la suppression de ces ZDE, qui étaient des nids à contentieux potentiels, les députés ont également proposé des solutions pour permettre le raccordement au continent des éoliennes en mer – c’est l’objet de l’article 12 ter –, ainsi que l’implantation d’éoliennes dans les départements d’outre-mer, traitée à l’article 12 quater. Il est vrai que le potentiel de développement dans ces départements est relativement important, et je comprends que l’on ait prévu un traitement spécifique pour ces départements d’outre-mer au regard de la loi Littoral.

L’article 15 vise pour sa part à supprimer la règle interdisant la réalisation d’unités de production comprenant moins de cinq mâts. Cette disposition aurait été mieux placée à l’article 12 bis, mais nous aurons peut-être l’occasion de revenir sur ce point.

Je n’ai pas mentionné les articles 13 et 14, qui concernent la fourniture en eau : ils vous seront en effet présentés par notre collègue Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission du développement durable.

En conclusion, je rappelle que la commission des affaires économiques a adopté, sur l’ensemble de ce texte, et à mon corps défendant, une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.