M. Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission du développement durable a décidé de se saisir pour avis des quatre articles nouveaux de cette proposition de loi relatifs à l’énergie éolienne. Elle est saisie au fond des deux articles nouveaux relatifs à la tarification de l’eau.

Les dispositions relatives à l’éolien visent à relancer le développement de cette forme d’énergie renouvelable, en desserrant certaines des contraintes administratives qui gênent son développement.

L’article 12 bis, qui résulte de l’adoption d’un amendement déposé par le Gouvernement, tend à supprimer les zones de développement de l’éolien. En effet, les ZDE, qui paraissent redondantes par rapport aux schémas régionaux éoliens, se sont en outre révélées très fragiles juridiquement. Plusieurs ZDE ont déjà été annulées par le juge administratif, pour des raisons soit de forme, comme l’absence de participation du public, soit de fond, comme l’insuffisance de potentiel éolien. Or l’annulation d’une ZDE est lourde de conséquences, puisqu’elle entraîne la perte du bénéfice de l’obligation d’achat.

La commission du développement durable a donné un avis favorable à cette mesure de simplification, qui ne privera pas les communes concernées de leur implication dans les projets de parcs éoliens. En effet, les communes sont consultées non seulement en amont, conjointement par le préfet de région et le président du conseil régional, lors de l’élaboration des schémas régionaux éoliens, mais aussi en aval, par l’administration lors de la double instruction de la demande d’autorisation ICPE et de la demande de permis de construire.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Michel Teston, rapporteur pour avis. En outre, l’adoption d’un amendement déposé par Roland Courteau, que je salue à mon tour (M. Ronan Kerdraon applaudit.), apportera une garantie supplémentaire, en précisant que « l’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien ».

La commission du développement durable n’a pas remis en cause les dispositions de l’article 15, qui tend à supprimer l’obligation, pour les parcs éoliens, de comporter au minimum cinq éoliennes. Elle vous propose cependant, mes chers collègues, un amendement de pure forme, qui vise, dans un souci de cohérence rédactionnelle, à supprimer cet article, pour en regrouper les dispositions avec celles de l’article12 bis.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Nous sommes d’accord !

M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Les deux autres articles relatifs à l’éolien, qui résultent de l’adoption d’amendements déposés par le Gouvernement, concernent des dérogations à la loi Littoral.

L’article 12 ter tend à autoriser le passage en souterrain dans les sites et espaces remarquables du littoral des câbles nécessaires au raccordement aux réseaux d’électricité des installations marines utilisant les énergies renouvelables. Sont ici visées principalement les éoliennes offshore, mais aussi d’autres installations, comme les hydroliennes.

En effet, les règles protectrices des sites et espaces remarquables du littoral risquent de contraindre les exploitants d’éoliennes en mer à contourner ces espaces, parfois sur des dizaines de kilomètres, avec pour conséquence non seulement un surcoût économique, mais aussi, paradoxalement, un plus fort impact environnemental que celui qui résulterait d’un tracé plus direct mais souterrain à travers les espaces remarquables.

Cette dérogation, limitée, à la loi Littoral a paru acceptable à la commission du développement durable, pour plusieurs raisons. Premièrement, elle concerne uniquement les canalisations électriques, à l’exclusion des transformateurs ou ouvrages d’interconnexion plus volumineux. Deuxièmement, l’autorisation fait l’objet d’une enquête publique préalable. Troisièmement, la réalisation des travaux doit recourir à des techniques exclusivement souterraines, du type tunnelier.

L’article 12 quater tend à autoriser, dans les communes littorales des départements d’outre-mer, l’implantation d’éoliennes, en dérogation au principe d’urbanisation en continuité. En effet, la loi Littoral prévoit que, sur tout le territoire des communes littorales, l’urbanisation doit se faire en continuité ave les agglomérations et villages existants. Par ailleurs, la loi Grenelle 2 impose désormais une distance d’éloignement d’au moins 500 mètres entre les éoliennes et les habitations. Les installations éoliennes étant considérées comme des éléments d’urbanisation, la combinaison de ces deux principes contradictoires interdit de fait l’implantation de toute éolienne dans les communes littorales, ce qui est particulièrement gênant dans les départements d’outre-mer, dont la quasi-totalité du territoire est soumis à la loi Littoral.

La commission du développement durable a donc émis un avis favorable sur la dérogation à la loi Littoral proposée à l’article 12 quater pour les seuls départements d’outre-mer, où les éoliennes pourront être implantées sans tenir compte du principe d’urbanisation en continuité. Cette dérogation lui a paru acceptable, pour les raisons suivantes : d’abord, elle ne concerne pas les espaces proches du rivage ; ensuite, la commission départementale, compétente en matière de nature, de paysages et de sites, sera consultée ; enfin, les ministres chargés de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie seront également consultés pour avis.

Il convient de souligner que le droit commun relatif aux installations éoliennes s’applique outre-mer, où les installations éoliennes sont soumises au schéma régional éolien, à la procédure ICPE et à la demande de permis de construire.

J’en viens aux articles 13 et 14, relatifs à la tarification sociale de l’eau. Il s’agit de la mise en œuvre concrète de l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, qui consacre le droit d’accès à l’eau pour tous.

À l’heure actuelle, toutefois, aucune disposition législative ne prévoit explicitement la possibilité pour les collectivités de mettre en place un système de tarification sociale. Plusieurs dispositifs existent pour corriger les inégalités d’accès à l’eau, comme la prise en charge des impayés d’eau des ménages les plus démunis par le Fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Mais le volet préventif de la tarification sociale est quasi inexistant.

Quelques collectivités ont tenté l’expérience de la tarification sociale. L’exemple de Dunkerque est généralement cité. Le syndicat mixte pour l’alimentation en eau de la région de Dunkerque a instauré une tarification de l’eau selon des critères sociaux. La grille tarifaire mise en place est non seulement progressive, avec un prix du mètre cube croissant avec la consommation d’eau de l’abonné, mais également sociale : le tarif appliqué aux soixante-quinze premiers mètres cube consommés est très bas pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire.

Dans ce contexte, les articles relatifs à l’eau de la présente proposition de loi visent à sécuriser juridiquement la possibilité de mettre en place une tarification sociale.

L’article 13 tend à compléter le code général des collectivités territoriales pour prévoir explicitement la tarification sociale du service de l’eau. Il ouvre ainsi la possibilité aux collectivités organisatrices du service public de moduler les tarifs pour les ménages en fonction des revenus ou de la composition du foyer.

L’article 14 prévoit le lancement d’une grande expérimentation nationale, sur cinq ans, permettant aux collectivités territoriales qui le souhaitent de mettre en place un système de tarification sociale de l’eau. Il organise le suivi et l’évaluation de l’expérimentation. Ce système doit permettre de déterminer si une extension du dispositif de tarification sociale à l’échelle nationale est souhaitable.

La commission du développement durable vous propose, mes chers collègues, trois amendements relatifs à l’expérimentation prévue à l’article 14.

Le premier amendement vient combler un oubli : il nous a semblé nécessaire de préciser que l’expérimentation prévue ne concerne que la tarification sociale de l’eau.

Les deux autres amendements partent d’un constat : avec une date limite de dépôt des projets fixée au 31 décembre 2013, l’expérimentation ne prenait pas en compte la tenue d’élections municipales en mars 2014. La commission du développement durable vous propose donc, par un deuxième amendement, de repousser ce délai limite au 31 décembre 2014, afin de permettre aux nouvelles équipes élues en mars 2014 de s’engager, si elles le souhaitent, dans le dispositif.

Par cohérence, et c’est l’objet du troisième amendement, compte tenu d’un report de la date limite au 31 décembre 2014, il convient de repousser également d’un an les échéances prévues pour la remise des rapports de suivi et d’évaluation de l’expérimentation.

En conclusion, ces deux articles sur l’eau constituent une avancée importante. Aujourd’hui, l’accent est essentiellement mis sur une réparation a posteriori des inégalités d’accès à l’eau, avec les aides aux impayés versées par les départements. Peu de dispositifs interviennent dès la facturation du service à l’usager. Cette lacune est désormais comblée.

Le système proposé dans ce texte ne remet pas en cause le principe d’égalité des usagers devant le service public, j’insiste sur ce point, puisqu’il prend en compte des situations de revenus diverses justifiant une tarification adaptée. L’objectif final est bel et bien l’intérêt général avec la mise en œuvre du droit à l’eau pour tous.

La tarification sociale envisagée est combinée avec une tarification progressive. Elle devra ainsi permettre à la fois de prendre en compte les inégalités d’accès à l’eau, mais également de respecter l’objectif d’utilisation efficace et responsable de la ressource.

Le recours à une expérimentation nous a semblé être une solution de sagesse. Les spécificités locales des services publics de l’eau justifient des traitements adaptés à chaque collectivité. Le texte laisse ainsi cinq ans pour analyser les solutions trouvées et décider de l’opportunité ou non de généraliser la tarification sociale à l’échelle nationale.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telle est la position qu’a adoptée la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre aujourd’hui n’est qu’une première étape dans la mise en place d’un dispositif législatif cohérent pour mener à bien cette transition énergétique qui fait partie des grands engagements de campagne du Président de la République.

En attendant le lancement de ce débat national sur l’énergie dont notre pays a grand besoin, la proposition de loi qui nous est aujourd’hui présentée répond à un certain nombre d’urgences, et il serait donc dommageable que le Sénat ne s’y attelle pas.

M. Ronan Dantec. Première urgence, urgence vitale alors que le froid s’installe dans notre pays, c’est bien sûr la lutte contre la précarité énergétique. Les chiffres sont connus et ils sont très inquiétants : aujourd’hui, selon l’INSEE, ce sont 3,8 millions de ménages qui sont en situation de précarité énergétique et qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus à leurs factures d’énergie.

M. Roland Courteau. Et même plus que cela !

M. Ronan Dantec. Ce chiffre est en augmentation constante et, aujourd’hui, ce sont aussi 79 % des Français qui considèrent l’énergie comme étant dans leur vie quotidienne un sujet de préoccupation important. C’est le résultat, publié ces jours-ci, de la dernière enquête qu’a fait réaliser le médiateur national de l’énergie.

Il faut donc agir vite, envoyer un signal politique fort qui réponde évidemment a des situations sociales préoccupantes, mais participe aussi de la réduction de cette anxiété générale qui caractérise aujourd’hui notre pays.

En élargissant l’accès des tarifs sociaux réglementés pour l’électricité et le gaz à environ 8 à 9 millions de personnes, cette proposition de loi s’inscrit dans les grands principes qui doivent guider un gouvernement de gauche, ceux de la solidarité et de la lutte contre l’augmentation de la précarité, un mal redoutable qui gangrène aujourd’hui ce pays. La majorité de gauche de cet hémicycle devrait ici se rassembler.

Autre urgence qui justifie la procédure accélérée : la destruction programmée, soutenue par le précédent gouvernement, des filières industrielles des énergies renouvelables.

Il faudrait sans doute approfondir les raisons de cette vindicte – le mot est faible – de la précédente majorité contre le développement de l’éolien terrestre, lequel permet de produire une électricité pourtant déjà concurrentielle au niveau européen, ainsi que l’a confirmé le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le coût réel de l’électricité. À cet égard, je salue Jean Desessard, son rapporteur. (M. Jean Desessard applaudit. – Rires.)

On estime aujourd’hui que les décisions erratiques du précédent gouvernement ont coûté plus de 10 000 emplois à la filière photovoltaïque et que, si nous n’agissons pas très vite, ce sont 11 000 autres emplois qui disparaîtront rapidement dans les filières de l’éolien.

Ainsi, des dizaines de milliers d’emplois disparaissent en France, alors que, dans le même temps, l’Allemagne chiffre à 1 million le nombre d’emplois supplémentaires qui pourraient être créés dans le domaine des industries vertes dans les quinze prochaines années, lesquels s’ajoutent au 1,4 million d’emplois existants.

Là aussi, stopper la casse industrielle est une urgence. Sauver et développer des emplois industriels doit être aujourd’hui une priorité de la majorité de gauche.

M. Ronan Kerdraon. C’est vrai !

M. Ronan Dantec. Celle-ci devrait donc se retrouver unie pour voter une proposition de loi qui a pour principal objet de supprimer les obstacles administratifs créés sciemment pour stopper le développement des champs d’éoliennes terrestres.

Il faut aujourd’hui dix ans environ en France pour ériger un champ d’éoliennes, alors que la moyenne en Europe est de quatre ans. Adopter cette proposition de loi, c’est donc sauver des dizaines de milliers d’emplois.

Reste un autre sujet, qui semble faire difficulté : le principe d’un bonus-malus appliqué à la consommation d’électricité.

En tant qu’écologistes, nous avons toujours défendu le principe de la tarification progressive, les surconsommations coûtant plus cher à la communauté nationale que les consommations de base. C’est particulièrement le cas pour l’électricité : les pics de consommation coûtent très cher et nécessitent des moyens d’appoint onéreux.

Chercher à réduire cette consommation de pointe est donc un enjeu fort, car ce sont tous les consommateurs, notamment les plus petits d’entre eux, qui payent, dans le cadre d’un tarif unique, les surconsommations de certains. Il y a là une injustice sociale que cette proposition de loi tend à réduire par le bonus-malus, mais également par d’importantes dispositions techniques sur l’effacement de pointe.

Je n’y reviens pas, mais, pour nous, écologistes, l’intégration dans cette proposition de loi de l’approche « négawatt » est une avancée majeure.

Concernant le bonus-malus, il faut bien sûr tenir compte de l’état des logements des uns et des autres et du temps qu’il fait. Se chauffer à l’électricité n’aura pas la même incidence sur la facture selon que l’on habite dans une HLM de Mulhouse, fût-elle construite par Jean Nouvel, ou à Nice, dans un appartement de grand standing.

Le climat et la qualité de l’habitat sont des injustices que cette proposition de loi tente aussi de corriger.

Il y a évidemment matière à amélioration. En tant qu’écologistes, nous proposerons, par exemple, d’augmenter le bonus et le malus, en les équilibrant, pour renforcer le caractère incitatif du dispositif. Mais vous conviendrez qu’il serait dommage de se priver d’un débat dont la finalité est justement de réduire les inégalités sociales face à la consommation d’énergie.

Dans ce cadre, nous défendrons notamment une tarification progressive sur l’abonnement, proportionnelle à sa puissance nominale, rejoignant ainsi la préoccupation qu’avait exprimée en 2009, dans une question écrite, le député communiste André Chassaigne, qui dénonçait – c’est intéressant – l’augmentation des prix de l’abonnement.

Sa remarque, fort pertinente, mérite d’être citée : « Cette disparité dans l’évolution tarifaire fait supporter une partie croissante du prix de l’électricité sur les petits consommateurs qui ne se chauffent pas à l’électricité, habitent dans des logements anciens ou ont des faibles revenus ».

Nous le rejoignons dans ce constat et l’amendement proposé par le groupe écologiste sur cette tarification progressive pourrait donc trouver ici quelques soutiens, au nom de l’égalité réelle entre citoyens.

Cet exemple, parmi d’autres, atteste l’intérêt d’une vraie discussion entre nous sur cette proposition de loi introduisant, à l’occasion de questions urgentes, le vaste débat sur l’énergie qui est encore devant nous.

Le groupe écologiste soutient donc les grands principes de ce texte. Nous rejoignons Mme la ministre quand elle déclare que l’urgence est devant nous. Le réchauffement climatique s’accélère, la facture de nos importations de gaz et d’hydrocarbures « plombe » notre balance commerciale et notre compétitivité.

Sans une forte mobilisation, nous n’atteindrons pas les objectifs du paquet énergie-climat de l’Union européenne, un « trois fois vingt » que nous estimons pourtant insuffisant quant à ses objectifs.

Il y a urgence et nous ne pouvons pas perdre de temps. Il serait donc fâcheux que le seul signal adressé ce soir par le Sénat soit son refus d’améliorer un texte qui va dans le bon sens…

M. Ronan Dantec. … et que la Haute Assemblée ne participe pas à la mobilisation générale en faveur de la transition énergétique et écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean Desessard. Bravo, monsieur Dantec ! Votre intervention comportait en particulier un passage très intéressant, au début… (Rires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous alerter sur la manière de procéder du Gouvernement, qui tient de façon récurrente un discours alambiqué, transformant des textes de loi essentiels pour nos compatriotes en textes de circonstance, souvent et manifestement mal préparés.

La proposition de loi de M. Brottes que nous examinons aujourd’hui n’en est qu’un nouvel exemple ; présentée sans vision stratégique, elle fait fi de toute concertation approfondie, alors qu’elle est censée modifier les comportements et les dépenses énergétiques des Français.

Il n’est de surcroît pas anodin que la commission des affaires économiques du Sénat, réunie le 23 octobre dernier, ait voté une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, considérant le système de bonus-malus contenu dans la proposition de loi comme « une rupture d’égalité devant l’accès à l’énergie, sur la base de critères contestables ».

Cependant, ce texte part de bonnes intentions.

M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Ah !

M. Jean-François Husson. Les hausses passées, fortes et répétées, des prix de l’énergie pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des Français, et plus encore lorsqu’ils sont en situation de précarité.

Par ailleurs, l’usage des sources d’énergie fossile, qui conduit à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, contribue au réchauffement climatique, contre lequel nous devons lutter.

Vouloir agir en faveur de l’efficience environnementale tout en assurant l’équité sociale et en favorisant l’attractivité et la compétitivité économique est une ambition qui ne peut être que saluée et partagée par tous. (Merci ! sur les travées du groupe socialiste.) Néanmoins, sa traduction législative se caractérise ici par l’incohérence et la complexité.

Vous prenez le risque de ne pas diminuer certaines iniquités sociales et, a contrario, de les développer.

En ce qui concerne les conditions d’habitat, les ménages les plus précaires, qui habitent souvent les logements les plus mal isolés, seront les premiers à être soumis au malus.

Par ailleurs, la collecte des données inscrites sur les feuilles d’imposition aboutira à des décalages entre les informations recueillies et la réalité des consommations d’énergie.

En outre, seules les énergies de réseaux seront touchées, alors que les énergies qui impactent le plus gravement l’environnement, à savoir le fioul, le propane et les poêles à pétrole, sont exclues du dispositif.

Enfin, je constate que l’iniquité territoriale est aussi patente, puisque de nombreux ménages économes, en milieu rural, ne sont pas connectés aux énergies de réseaux, beaucoup plus développées en milieu urbain.

Au nom de l’égalité des territoires, on s’interroge : comment Mme Duflot peut-elle cautionner un tel projet ?

Enfin, si le bonus-malus concerne les ménages, les entreprises du secteur tertiaire, dont les consommations d’énergie sont pourtant très proches, y échappent. Où est la cohérence ?

Il est également important de relever des incohérences environnementales. Ainsi, certains ménages dont le logement est mal isolé pourraient être tentés d’utiliser des poêles à pétrole, dont nous mesurons aujourd’hui la nocivité sur la santé et l’environnement.

Il paraît donc difficile, pour ne pas dire impossible, d’imposer un cadre unique sans avoir réalisé une étude d’impact préalable et sans concertation.

Qu’est devenue ici la démocratie participative que vous appelez si souvent de vos vœux ? Pourquoi généraliser les besoins, si différents selon les ménages et le logement qu’ils occupent, avec des critères dont la fiabilité, dans l’état actuel du texte, n’est pas avérée ?

Pour conclure (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), la fragilité de cette proposition de loi a été autrement démontrée par un fait rarissime au sein de notre Haute Assemblée : la démission du rapporteur, après l’adoption en commission d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il est parti pour mieux revenir !

M. Jean-François Husson. Ce manque de vigilance, qui amène aujourd’hui le Gouvernement à proposer un dispositif alternatif, montre bien l’incohérence technique et la maladresse méthodologique qui prévalent dans ce texte.

Le Gouvernement, qui voulait ainsi faire de la sobriété énergétique un des axes forts de la conférence environnementale, passe, avec ce dispositif, de la complexité à l’inutilité.

Compte tenu de ces éléments, vous comprendrez que je voterai la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (M. Gérard Longuet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Digne de Pierre Dac !

M. Jean-Claude Lenoir. Cette vieille maxime des célèbres Shadoks, portés par la voix de Claude Piéplu, a fait des émules à l’Assemblée nationale mais risque de provoquer aussi quelques victimes collatérales.

Si c’était simple, nous aurions pu vous rejoindre. En disant cela, je me tourne vers ceux qui devraient a priori soutenir le Gouvernement quand il s’agit de maîtriser la demande d’énergie et d’étendre le dispositif du tarif social.

Cela étant, la première erreur de notre collègue François Brottes, député de l’Isère et président de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, a été de vouloir courir deux lièvres à la fois : la maîtrise de l’énergie et l’extension du régime au bénéfice des plus démunis. Je dois dire qu’un troisième lièvre a été levé dans cette affaire : l’éolien.

La situation s’est un peu compliquée, et les lièvres sont devenus tortues ! En effet, bien que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée et ait ensuite présenté ce texte à l’Assemblée nationale à la fin du mois de septembre, nous sommes, à quelques heures près, à la fin du mois d’octobre, et je ne pense pas que le rythme connaisse une forte accélération dans les jours qui viennent.

Pourquoi en est-on là aujourd’hui ?

Tout d’abord, François Hollande avait pris un engagement pendant la campagne électorale…

M. Claude Bérit-Débat. Il a eu raison !

M. Jean-Claude Lenoir. … et, au lieu de le mettre en œuvre aussitôt, il a préféré s’en remettre à un expert en la matière, François Brottes, qui, je le dis sans fard, connaît bien ces sujets. Notre collègue député m’a dit avoir beaucoup travaillé durant l’été avec quelques collaborateurs pour être en mesure de déposer une proposition de loi au début du mois de septembre.

Évidemment, en choisissant la forme d’une proposition de loi, le Gouvernement non seulement échappait à l’avis du Conseil d’État, mais aussi réussissait à se soustraire à l’obligation de joindre au texte une étude d’impact mesurant les conséquences des dispositions envisagées.

Donc, point d’avis du Conseil d’État, point d’étude d’impact, et c’est tout à fait dommage, car cette proposition de loi est, pour nous, très obscure.

À l’évidence, la proposition de loi a été improvisée. Le rapporteur a commencé ses auditions le jour même de sa nomination. Pour avoir rencontré bon nombre des interlocuteurs qu’a reçus notre ami Roland Courteau, je constate qu’aujourd’hui, et contrairement à ce qui s’était passé au mois de septembre, quand certains étaient curieux de savoir ce qui allait résulter des travaux de l’Assemblée nationale, on ne manifeste pas un grand enthousiasme, et c’est un euphémisme.

D’ailleurs, madame la ministre, je peux dire sans risquer de passer pour un petit rapporteur que, sur les rangs de la gauche, on n’a pas été très prompt ici à appuyer le Gouvernement et que certains de nos collègues ont même manifesté une très grande retenue dans leur soutien à la proposition de loi…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est de la pudeur ! (Rires.)

M. Jean-Claude Lenoir. On connaît les péripéties : à l’Assemblée nationale, des votes interviennent à deux heures et demie du matin – les députés se couchent tard ; au Sénat, après un certain nombre d’épisodes très chaotiques sur lesquels je ne reviendrai pas, Roland Courteau démissionne de son mandat de rapporteur. Cela étant, notre collègue a beaucoup travaillé et mérite sincèrement toute notre reconnaissance. (Applaudissements.)

Mais examinons le contenu de ce texte.

La proposition de loi comporte trois volets.

D’abord, elle prône la sobriété énergétique, avec un système de bonus-malus que vous avez vanté, madame la ministre. Honnêtement, si vous avez comme moi une voiture, vous avez un contrat d’assurance comportant sans doute une clause de malus-bonus : avez-vous jamais vu des bonus ? Moi, pas, mais les malus…

Les Français commencent à être un peu inquiets, et je doute que votre proposition ait des précédents. En Californie et au Japon, exemples cités en général, on n’est pas du tout dans le même cas de figure, car ces deux pays ont dû prendre des mesures urgentes pour faire face à une crise consécutive à une pénurie d’énergie électrique : une très forte hausse des prix a rapidement permis une diminution de la consommation d’électricité. Quant à suivre l’exemple de l’Italie, qui est parfois érigée en modèle, cela nous exposerait tout de même au risque de disparition de la péréquation tarifaire pour l’acheminement de l’électricité.