compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaires :

M. Jacques Gillot,

Mme Odette Herviaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

J’informe le Sénat que la commission des finances m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

3

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Ce rapport a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Le document est disponible au bureau de la distribution.

4

Candidature à une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, à la place laissée vacante par Mme Hélène Conway- Mouret, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

5

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2013 (n° 103, 2012-2013), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

6

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, lors du vote sur l’ensemble du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le 30 octobre 2012, j’ai été déclaré comme n’ayant pas participé au vote, alors que j’étais présent et que j’ai voté pour.

Je suis confus d’avoir découvert si tardivement cette erreur matérielle, mais je vous prie, monsieur le président, de bien vouloir faire procéder à la rectification des résultats du scrutin n° 12.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour un rappel au règlement.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, le nombre de mes collègues actuellement présents dans l’hémicycle en dit long sur l’état actuel des relations entre le Gouvernement et le Sénat !

Mme Éliane Assassi. N’en rajoutez pas !

M. François Zocchetto. Mon intervention se fonde sur l’article 29 de notre règlement.

Chaque semaine nous amène son lot de péripéties parlementaires. Chaque semaine, le Gouvernement démontre le peu de considération, et même maintenant le mépris dont il fait preuve à l’égard du Sénat.

Une fois encore, l’organisation de nos travaux a été bouleversée de façon inattendue et en catimini.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que l’organisation de nos travaux est réglée par les conclusions de la conférence des présidents. Or, ce week-end, c’est par un simple courriel de la direction de la séance que nous avons été informés de la décision du ministre chargé des relations avec le Parlement de bouleverser l’organisation des journées de mercredi et de jeudi prochains.

Le Gouvernement, en particulier le ministre chargé des relations avec le Parlement, n’a pas jugé bon d’avertir les présidents de groupe. Je n’en fais pas une considération personnelle, d’autant que pas plus les présidents des groupes de l’opposition que ceux des groupes de la majorité n’ont été, semble-t-il, informés de ce changement.

Mme Éliane Assassi. Je le confirme !

M. François Zocchetto. À l’occasion de la décision du Conseil constitutionnel du 24 octobre dernier, M. le président du Sénat a réclamé un meilleur respect du travail législatif. De toute évidence, le Gouvernement ne l’a pas suffisamment entendu ; je crois même pouvoir dire qu’il l’a totalement ignoré !

Aussi, au nom du groupe UDI-UC, j’adresse ce jour au président du Sénat un courrier dans le sens de ce rappel au règlement, et je ne manquerai pas d’évoquer ce problème récurrent demain soir, lors de la conférence des présidents.

Trop, c’est trop !

M. le président. Mon cher collègue, non sans vous avoir donné acte de votre rappel au règlement, je fais observer que le Gouvernement a exercé les prérogatives qui sont les siennes aux termes de la Constitution.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2011, à l’époque de l’arrestation manquée d’Aurore Martin par la droite au pouvoir, le parti socialiste, alors dans l’opposition, avait évoqué des « heures sombres de l’histoire ». (Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, quitte l’hémicycle.)

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, il n’y a plus de ministre dans l’hémicycle ! Aucune séance ne peut se tenir sans la présence d’un membre du Gouvernement !

Mme Éliane Assassi. Je poursuivrai donc au retour de Mme la ministre !

M. François Zocchetto. Monsieur le président, ma collègue présidente du groupe CRC n’ose peut-être pas la demander, mais une suspension de séance de quelques instants ne serait-elle pas opportune ?

M. Jean-Claude Lenoir. Le groupe UMP s’associe à cette demande !

M. le président. En effet, mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, le temps que Mme la ministre regagne l’hémicycle.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente-sept.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser mon absence.

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, vous êtes tout excusée !

M. le président. Madame Assassi, veuillez reprendre le cours de votre rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mes chers collègues, en 2011, à l’époque de l’arrestation manquée d’Aurore Martin par la droite au pouvoir, le parti socialiste, alors dans l’opposition, avait évoqué des « heures sombres de l’histoire ». Mais force est de constater que, là où la droite a échoué, le gouvernement d’aujourd'hui a réussi.

Chers collègues, comment la France peut-elle remettre l’une de ses ressortissantes à un autre pays pour des faits qu’elle ne juge pas répréhensibles ?

Dans un communiqué qui nous est parvenu hier, des membres du Gouvernement justifient la remise de Mme Martin à la justice espagnole par le fait que l’opération s’est faite dans le strict cadre d’un mandat d’arrêt européen. Ils s’y dédouanent en avançant que le MAE est une procédure de juge à juge, les autorités gouvernementales n’intervenant donc pas.

Cette argumentation ne résiste pas à l’analyse puisque, sans le système des MAE, l’extradition d’Aurore Martin n’aurait pas été légale, Paris ne livrant pas ses nationaux. Mais, avec le MAE, tout devient possible, y compris le fait que la France s’assoie sur ces principes et, accessoirement, sur ces citoyens !

Que reproche-t-on à Aurore Martin ? D’avoir participé en Espagne à des réunions publiques et rédigé un article dans un journal. S’y ajoutent des relations avec le Parti communiste des terres basques.

Pour Madrid, ces faits sont constitutifs d’un délit d’appartenance à une organisation terroriste. Mais faut-il rappeler que, dans notre pays, Batasuna est légal et a des élus ? Faut-il rappeler que l’activité d’Aurore Martin relève, en France, du militantisme politique, lequel est, bien entendu, parfaitement licite ?

Tout cela est d’autant plus déplorable qu’il n’y a strictement rien d’autre dans le dossier : ni arme, ni contact avec l’ETA, ni appel à la violence, ni quoi que ce soit pouvant entrer dans la définition française, pourtant très large, du terrorisme.

Le Gouvernement ne peut se dédouaner en invoquant le mandat d’arrêt européen, dans la mesure où cet outil coercitif n’est pas accompagné de ce qui en est le corollaire indispensable : un corpus d’incriminations communes.

Mes chers collègues, il est insupportable et indigne qu’une personne de nationalité française, militante d’un parti autorisé en France, soit, par le biais d’une extradition qui ne dit pas son nom, et pour des faits qui, chez nous, ne sont pas punissables, livrée à un pays où elle risque jusqu’à douze ans de prison !

Cette affaire remet en cause un principe essentiel de notre démocratie, à savoir le refus d’extradition pour des motifs politiques. Aucune justification ne peut être trouvée à une telle remise en question.

Nous souhaitons donc que le Gouvernement nous éclaire sur les conditions réelles de l’arrestation et de l’extradition immédiate d’Aurore Martin, comme nous souhaitons qu’il prenne position sur le MAE, qui prouve aujourd’hui sa défaillance (M. Jean Besson s’exclame.), afin que cette procédure ne justifie pas, à l’avenir, d’autres extraditions inadmissibles ; je pense à la dizaine de militants basques français toujours sous le coup de mandats d’arrêt européens non activés.

Enfin, madame la ministre, le Gouvernement doit prendre la dimension du très large rassemblement républicain qui demande, y compris au sein du parti socialiste (M. Jean Besson s’exclame de nouveau.), le retour d’Aurore Martin.

M. le président. Acte est donné de ce rappel au règlement.

La parole est à M. François Zocchetto, pour un second rappel au règlement, sans doute ?

M. François Zocchetto. J’aurais souhaité éviter de faire ce nouveau rappel au règlement, monsieur le président, mais j’y suis contraint par l’incident que nous venons de vivre. Je ne suis probablement pas le parlementaire le plus expérimenté dans cet hémicycle, mais c’est la première fois, depuis onze ans que je siège au Sénat, que je vois un ministre quitter le banc du Gouvernement au moment où une présidente de groupe s’exprime, en l’occurrence pour un rappel au règlement. (Mme la ministre s’exclame.)

Je dois avouer que je n’ai pas vraiment compris ce qui s’est passé, mais nous avons bien saisi, en revanche, que le Gouvernement avait une conception étriquée de la représentation nationale et une conception rétrécie de la démocratie. Nous attendons donc des explications de sa part, car c’est de pire en pire ! (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)

M. le président. Pour mettre un terme à ce malentendu, j’invite Mme la ministre à dire quelques mots, afin que nous puissions passer ensuite à l’examen du texte inscrit à l’ordre du jour.

Mme Delphine Batho, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis désolée de ce qui est le résultat d’une incompréhension de ma part : j’attendais que M. le président de séance appelle le projet de loi inscrit à votre ordre du jour et, si j’ai pu choquer certains d’entre vous, c’était bien involontaire. J’ai d’ailleurs présenté mes excuses à Mme Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je les ai acceptées !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Avec votre autorisation, monsieur le président, je voudrais mettre à profit la présence de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie pour l’interroger sur la suite de nos travaux : il s’agit donc d’un véritable rappel au règlement !

La semaine dernière, nous nous sommes quittés sur un vote de la Haute Assemblée rejetant la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Avant la levée de la séance, madame la ministre, vous nous avez déclaré que vous alliez prendre des initiatives dans les jours qui suivaient, pour associer au débat les personnes « les plus impliquées ».

Je me réjouis donc que vous soyez présente au banc du Gouvernement au moment où je m’exprime pour vous demander si vous êtes en mesure, aujourd’hui, de nous donner des précisions sur la façon dont ce débat peut-être à nouveau ouvert sous votre autorité, comme vous l’avez indiqué.

M. le président. Souhaitez-vous répondre, madame la ministre ?

Mme Delphine Batho, ministre. Je pense que nous pouvons passer à l’ordre du jour.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est insensé !

M. le président. Vous avez été entendu, monsieur Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Mais je n’ai pas entendu Mme la ministre me répondre !

M. Jean-Vincent Placé. Nous ne sommes pas dans une séance de questions d’actualité !

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas un vrai rappel au règlement !

M. Jean-Claude Lenoir. Quel mépris !

8

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement
Discussion générale (suite)

Principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement (projet n° 7, texte de la commission n° 99, rapport n° 98).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement
Article 1er

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » : voilà ce que proclame l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, vise à donner toute leur portée à ces dispositions constitutionnelles et à franchir une nouvelle étape dans la construction d’une démocratie écologique.

En 2004, la France a consacré, en tant que principe à valeur constitutionnelle, le droit d’information et de participation des citoyens aux décisions concernant l’environnement. L’article 7 de la Charte de l’environnement a en effet inscrit dans la Constitution la substance du principe de participation affirmé par la convention d’Aarhus, ratifiée par la France le 8 juillet 2002 et entrée en vigueur le 6 octobre de la même année. Cette convention, en donnant une assise à des droits nouveaux, a opéré une révolution fondamentale dont nous n’avons pas encore fini de tirer toutes les conséquences.

À tous ceux qui ne voyaient dans l’environnement qu’un empilement de normes et d’outils de protection au service d’une vision figée de la nature, elle a opposé que le respect de l’environnement supposait bien plus, qu’il se construisait au travers de choix auxquels les citoyens devaient être pleinement associés, et que l’environnement ne pouvait donc être protégé sans démocratie, au sens le plus fort du terme.

En prévoyant que les informations détenues par les autorités publiques devaient être transmises à tous, la convention d’Aarhus a fait de la transparence une des valeurs essentielles de l’action publique en matière d’environnement.

En exigeant que le public soit placé au cœur du processus décisionnel chaque fois qu’est engagé un projet ou envisagé un acte susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement, elle a fait de la prise en compte de l’intérêt des générations futures, au travers de la préservation de l’environnement, un des nouveaux piliers de notre modèle démocratique.

La convention d’Aarhus, et c’est une première, a affirmé que, parmi tous les enjeux, l’environnement avait une place à part, puisqu’il ne peut être pris en compte sans débat ni adhésion citoyenne.

Les principes de la convention d’Aarhus ont peu à peu irrigué notre droit, mais ont mis plus de temps à entrer dans nos pratiques administratives. En effet, c’est tout le travail d’élaboration de nos décisions normatives ou des décisions individuelles relatives aux grands projets qui devait être revu en profondeur : la tâche était difficile.

Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ont récemment mis en évidence le caractère inachevé et incomplet de ces adaptations législatives, en exigeant qu’il y soit remédié d’urgence.

Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l’occasion de souligner la portée du principe d’information et de participation du public. En particulier, à l’occasion de son examen de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés, il avait rappelé que le législateur était seul compétent pour définir les « conditions et les limites » dans lesquelles devait s’exercer le droit ainsi reconnu au public. Puis, le Conseil d’État a également fait application de ce principe en 2008, en annulant une procédure de participation prévue par décret.

Ces décisions ont rendu nécessaires des adaptations de notre réglementation. Jusqu’alors, les procédures de participation relevaient, en droit français, du seul domaine réglementaire : il a donc fallu les inscrire dans la loi pour les rendre législatives.

En outre, ces procédures demeuraient lacunaires : il n’existait aucune procédure, par exemple, pour les textes réglementaires pris par l’administration. Or il est bien évident qu’un texte réglementaire peut avoir une incidence sur l’environnement en fixant de nouvelles règles pour l’exercice d’activités industrielles, par exemple. La loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010, dite « loi Grenelle II », a opéré les premières modifications, rénové les enquêtes publiques et introduit dans le code de l’environnement des articles transversaux qui devaient s’appliquer lorsqu’aucune procédure particulière n’était prévue : il s’agit des articles L. 120-1 et L. 120-2 du code de l’environnement.

Pourtant, ces adaptations sont restées insuffisantes et marquées par une certaine confusion entre information et participation. Si les enquêtes publiques sont des formes de participation du public incontestables, elles ne s’appliquent qu’à un petit nombre de décisions relatives à des projets importants par leur ampleur et leur impact. Pour de multiples autres décisions, bien souvent, le droit français ne prévoit qu’une consultation d’un organisme comprenant des représentants des diverses parties prenantes, donc une forme de participation indirecte. Ces insuffisances ont suscité des recours devant le Conseil constitutionnel. Une série de décisions, rendues dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, ont ainsi déclaré contraires à l’article 7 de la Charte certaines des dispositions du code de l’environnement. Leur abrogation prendra effet soit le 1er janvier 2013, soit le 1er septembre 2013, selon les cas.

Ce projet de loi est donc marqué par l’urgence ; je devrais même parler d’extrême urgence, notre calendrier étant très serré.

Certaines dispositions vont « tomber » le 1er janvier prochain et nous ne pouvons pas courir le risque d’asseoir sur des dispositions censurées des décisions importantes pour la vie économique et sociale de notre pays. Les censures du 14 octobre 2011 portaient en effet sur la procédure de l’enregistrement qui s’applique à des centaines d’installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE.

J’ajoute que le Conseil constitutionnel devrait statuer sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 120-1 du code de l’environnement d’ici à la fin du mois de novembre de cette année. Nous ne pouvons attendre des juridictions suprêmes qu’elles nous disent ce que nous devons faire : il revient au législateur d’assumer ses responsabilités et d’assurer la sécurité juridique de l’ensemble des décisions publiques dans les meilleurs délais.

Quoi qu’il en soit, je veux aussi souligner que cette contrainte de l’urgence, bien réelle, peut représenter une chance non seulement de pallier un manque, mais aussi d’accomplir ensemble un nouveau progrès pour la démocratie environnementale.

Ce projet de loi exige en effet que nous nous rassemblions sur les grandes valeurs qui doivent guider l’adaptation de toutes nos procédures administratives. Nous devons relever le défi de la participation des citoyens avec enthousiasme, avec la conviction que l’introduction de procédures de démocratie participative, simples et utiles, est absolument nécessaire dans le domaine de l’environnement, où les intérêts à long terme de notre société et de la planète sont en cause.

La feuille de route pour la transition écologique sur laquelle le Gouvernement s’est engagé à l’issue de la Conférence environnementale a ainsi fixé l’ambition d’améliorer la gouvernance environnementale et de favoriser la participation effective du public.

Je veux insister d’abord sur l’ampleur du champ couvert par le principe de participation. En effet, en rendant ses décisions, le Conseil constitutionnel a défini un champ d’application très large. Les deux questions prioritaires de constitutionnalité nos 2011-183 et 2011-184 du 14 octobre 2011 concernaient des actes réglementaires en matière d’ICPE. La question prioritaire de constitutionnalité n° 2012-269 du 27 juillet 2012 a déclaré contraire à la Constitution, avec effet au 1er septembre 2013, le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement qui permet des dérogations individuelles pour des motifs scientifiques à l’interdiction de porter des atteintes à certaines espèces sauvages.

La question prioritaire de constitutionnalité n° 2012-270 du 27 juillet 2012, quant à elle, concernait des décisions relatives à la délimitation des aires de captage d’eau potable, donc ce que l’on appelle une « décision d’espèce », c’est-à-dire ni réglementaire ni individuelle, consistant à définir une zone dans laquelle s’applique telle ou telle réglementation. Elle présente en outre l’intérêt de porter sur une décision prise par une collectivité locale.

Depuis que le Conseil constitutionnel s’est ainsi prononcé, l’ensemble des décisions publiques, quelle que soit leur nature – réglementaire, individuelle ou d’espèce – et surtout quelle que soit l’autorité qui les prend – administration de l’État, centrale et déconcentrée, mais aussi collectivités territoriales –, dès lors qu’elles ont une incidence sur l’environnement, peuvent faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité et être censurées. Toutes les procédures d’adoption de ces décisions doivent donc être rendues conformes à la Constitution d’ici le 1er septembre 2013, au plus tard.

En outre, les décisions du Conseil constitutionnel nous imposent de nous interroger très concrètement sur la qualité et les formes que doit revêtir cette participation et de distinguer très clairement la consultation d’un organisme et la participation de tous. Les principes ont été affirmés depuis longtemps ; il faut maintenant les faire vivre dans des formes concrètes.

Sans avoir expressément exclu, d’une manière générale, toute forme de participation indirecte du public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement, le Conseil constitutionnel a clairement fait apparaître, dans ses décisions rendues en matière de police des installations classées, qu’une disposition générale se bornant à prévoir une publication du projet de décision, puis sa transmission à un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées n’assurait pas la mise en œuvre du principe constitutionnel de participation.

L’article 1er du projet de loi modifie donc l’article L. 120-1 du code de l’environnement qui, en l’absence de procédure particulière, organise la participation du public à l’élaboration des décisions réglementaires de l’État et de ses établissements publics. Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé directement sur la constitutionnalité de cet article, mais ses décisions ont clairement mis en évidence la fragilité de certaines de ses dispositions qui font d’ailleurs l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité en cours d’examen, comme que je viens de l’indiquer.

Le I de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, dans la rédaction que lui donne le projet de loi, élargit le champ d’application de cet article à l’ensemble des décisions de l’État et de ses établissements publics autres qu’individuelles, ce qui inclut notamment les décisions dites « d’espèce ».

Le projet de loi modifie l’article L. 120-1 sur un point important : la mention des décisions publiques « ayant une incidence directe et significative » sur l’environnement disparaît et la formulation retenue est désormais celle de la Charte de l’environnement. Il s’agit d’une avancée très importante, puisque la formulation actuelle était restrictive et source d’ambiguïté.

En ce qui concerne les modalités de la participation du public aux décisions, une mise à disposition par voie électronique permettant de recueillir les observations du public était déjà prévue, mais cette procédure est améliorée.

Aujourd’hui, les projets sont mis en ligne sur un site pour une durée minimale de quinze jours, période durant laquelle le public peut formuler ses observations. Pour permettre la prise en compte des observations, un délai minimal de deux jours est fixé, entre la fin de la consultation et l’intervention de la décision. Aucune disposition législative ne définit la façon dont les observations doivent être prises en compte.

Dans la nouvelle procédure, la durée de la mise à disposition reste fixée à quinze jours – mais ce point fait l’objet d’un débat. Cette durée est un minimum et peut toujours être allongée, l’esprit de la convention d’Aarhus tendant clairement à proportionner la participation du public à l’importance et à la complexité du projet.

La mise à disposition du projet est accompagnée d’une notice explicative permettant aux citoyens de comprendre le contexte et les objectifs qui sous-tendent le projet, ce qui constitue une première nouveauté.

Surtout, cette mise à disposition n’est qu’un préalable à ce qui est, en réalité, l’objectif de la participation, c’est-à-dire la prise en compte des observations du public. Désormais, une synthèse écrite de ces observations devra être effectuée par l’autorité dont émane le projet et cette synthèse devra également être rendue publique. Ainsi, les citoyens pourront constater par eux-mêmes que leurs observations ont été analysées et vérifier, en toute transparence, la façon dont elles auront été prises en compte. Ils disposeront du projet initial, de la synthèse des observations et du projet final.

L’ensemble du processus décisionnel devient transparent : tel est l’apport principal de cette nouvelle procédure.

J’en ai bien conscience, cette procédure peut être encore améliorée. Je rappelle qu’elle se borne à définir un socle minimal commun, qui peut toujours être plus ambitieux, selon les décisions, et qu’elle tient compte de la charge de travail des agents des autorités qui mettront en œuvre cette procédure.

L’analyse quantitative des procédures de participation que l’administration de mon ministère met en œuvre depuis 2010, point qu’il convient de prendre en considération, figure dans l’étude d’impact jointe au projet de loi.

Si, en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE, les observations du public, qui sont souvent le fait de professionnels ou d’associations expertes, dépassent rarement la dizaine, les chiffres sont en revanche très significatifs dans le domaine de l’eau et de la faune : 4 984 observations ont ainsi été recueillies lors de la mise en ligne du projet de décret relatif aux programmes d’actions régionaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole.

Les projets de schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ont recueilli à eux tous 386 505 observations.

Le décret d’adoption des orientations nationales de la Trame verte et bleue, pour prendre un autre exemple, a recueilli 2 704 observations.

On peut se féliciter de ces chiffres, qui montrent une vitalité dont on parle peu, mais il faut être réaliste et imaginer la charge de travail que représente le traitement de plusieurs milliers d’observations.

Le III de l’article L. 120-1 reprend le IV de l’actuel article L. 120-1, qui prévoit la possibilité, dans certains cas d’urgence, de supprimer ou d’adapter la consultation du public.

Enfin, le IV de l’article L. 120-1 reprend, en le clarifiant, le V de l’actuel article L. 120-1, qui détermine les intérêts en vue de la protection desquels les modalités de la participation du public peuvent être adaptées.

Je voudrais remercier tout particulièrement la commission qui, sous l’impulsion de Laurence Rossignol, rapporteur, a donné une ampleur nouvelle à l’article 1er du projet de loi dont je rappelle qu’il définit le socle minimal d’une procédure de participation par voie électronique qui est amenée à se développer dans les années à venir.

La commission a fait œuvre utile et ouvert des pistes très intéressantes.

Il est bon de rappeler, ainsi qu’elle l’a fait, les objectifs de la participation du public, encore trop souvent confondue avec l’information ou une consultation purement formelle, qui sont des notions fort différentes. Il s’agit bien d’associer toute personne à l’élaboration des décisions ayant un impact sur l’environnement. L’autorité compétente reste, bien sûr, maître de la décision, mais elle doit tenir compte des observations du public.

Ces règles générales sont ensuite déclinées dans une procédure que la commission a précisée en s’interrogeant de façon très concrète sur le déroulement de celle-ci, étape par étape. Comment ne pas exclure les personnes ne disposant pas d’un ordinateur et d’une connexion internet ? Comment faire en sorte que les observations du public soient déposées en toute transparence et, surtout, comment le public peut-il s’assurer que ses observations ont bien été prises en compte ?

À toutes ces questions, la commission a répondu de façon pragmatique et positive. La démocratie a ainsi progressé. Elle est faite, vous le savez, de règles concrètes et d’une infinie précision de détails matériels qui ont chacun leur sens. Il faut y être attentif et je remercie la commission de ces améliorations, même si certains points méritent d’être discutés.

Les articles 2 à 4 du projet de loi ont pour objet d’apporter les corrections nécessaires aux dispositions législatives du code de l’environnement concernées par les déclarations d’inconstitutionnalité prenant effet au 1er janvier 2013, ainsi qu’à des dispositions analogues entachées du même vice soit au sein du code de l’environnement soit au sein du code rural, afin d’assurer leur conformité à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

L’article 2 abroge les dispositions des articles L. 512-9 et L. 512-10 du code de l’environnement, qui se bornaient à prévoir la publication du projet de décision avant sa transmission à un organisme consultatif. La disparition de ces procédures particulières de mise à disposition du public des projets de décision aura pour effet de rendre applicables les dispositions transversales de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, dans la rédaction qui sera issue du projet de loi.

Je ne présente pas en détail les articles 3 à 6 du projet de loi, que nous aborderons au cours de la discussion. Il s’agit notamment d’adaptations au sein du code rural et de la pêche maritime.

Je voulais néanmoins insister sur l’article 7, qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions relevant du domaine de la loi ayant pour objet de prévoir, conformément à l’article 7 de la Charte de l’environnement, les conditions et les limites de la participation du public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement autres que celles qui sont incluses dans le champ du I de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, c’est-à-dire les décisions individuelles de l’État et de ses établissements public, ainsi que toutes les décisions réglementaires, d’espèce et individuelles des collectivités locales.

Cet article définit également, notamment en modifiant l’article L. 120-2 du code de l’environnement, les conditions auxquelles les décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prises conformément à un acte ayant donné lieu à la participation du public peuvent, le cas échéant, n’être pas elles-mêmes soumises à participation du public. Si un texte support a donné lieu à une procédure de participation, les textes pris pour son application pourraient en être dispensés.

Le Gouvernement serait également autorisé, toujours aux termes de l’article 7 à prendre par ordonnance les dispositions permettant d’étendre l’application de la loi aux îles Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises.

Je sais que le recours à une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution a fait débat lors de l’examen du projet de loi en commission. Je connais les réticences des parlementaires à déléguer ainsi leur pouvoir législatif à l’exécutif.