M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. J’irai dans le même sens que M. le rapporteur. Cela a été dit dans les arrêts de 2011 rappelés par l’amendement lui-même, la Cour de justice de l’Union européenne subordonne la mise en jeu d’une action pénale contre le séjour à l’épuisement de toutes les possibilités d’action de l’autorité compétente pour garantir un éloignement effectif. C’est ce cadre-là qui est très respectueux de la Cour de justice.

On ne peut pas nous demander de respecter le cadre qui est progressivement défini et créé par la jurisprudence, par les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et, désormais, de la Cour de cassation – c’est ce que nous faisons actuellement – et, en même temps, d’aller plus loin.

Aller plus loin, madame Assassi – M. le rapporteur vient de le dire –, c’est ne pas permettre à l’État d’appliquer les lois de la République quand un étranger ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement se maintient cependant sur le territoire national, alors que l’administration a mis régulièrement en œuvre tous les moyens aux fins d’exécution de cette mesure. Dans ces conditions, l’étranger doit pouvoir encourir une sanction pénale. Et ce que vous nous proposez, c’est de nous démunir totalement. C’est l’état de droit lui-même qui est alors mis en cause !

Si l’étranger en question, après avoir épuisé toutes les mesures que je viens de rappeler, n’accepte pas ou ne respecte pas les décisions, il est tout à fait normal qu’il puisse alors être sanctionné !

Cependant, pour répondre aux inquiétudes de certains sénateurs, le Gouvernement a déposé un amendement n° 39 visant à clarifier cet article. Cet amendement prévoit très clairement que l’administration doit avoir effectué « toutes les diligences lui incombant dans l’exécution effective de la procédure d’éloignement », ces dispositions devant être interprétées strictement par le juge pénal.

Il ne doit pas y avoir de contradiction entre le respect du cadre que nous sommes en train de définir et le fait que l’État dispose des moyens de procéder à cet éloignement.

Ou alors, je voudrais que le débat soit plus clair, madame Assassi, et qu’on nous dise qu’il n’y a pas de politique d’éloignement ! S’il n’y a pas de politique d’éloignement, nous avons un sacré défi politique !

Mme Éliane Assassi. Arrêtez de vous faire peur !

M. Manuel Valls, ministre. En tout cas, nous avons incontestablement sur ce point-là une vraie différence.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je me bornerai à formuler une brève remarque, puisque la navette parlementaire va se poursuivre sur ce texte.

Le dispositif préconisé par le Gouvernement dans sa dernière rédaction aboutit à faire apprécier, dans des domaines assez délicats, la régularité de l’acte administratif par un juge correctionnel.

Nous pouvons compter sur les défenseurs des personnes concernées pour faire jouer la plus grande variété de procédures et pour poser éventuellement des questions préjudicielles afin de vérifier si les mesures prises par l’administration présentent toute la régularité nécessaire.

Il y a donc matière, me semble-t-il, à prolonger la réflexion portant sur la rédaction de cette disposition au regard de son applicabilité contentieuse.

Je voterai l’amendement du Gouvernement, même si cette proposition ne me semble pas encore tout à fait aboutie.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Tout étranger qui, faisant l’objet d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une interdiction judiciaire du territoire, se sera maintenu sur le territoire français alors que l’administration a accompli toutes les diligences lui incombant dans l’exécution effective de la procédure d’éloignement en mettant en œuvre régulièrement les mesures de rétention administrative ou d’assignation à résidence respectivement prévues aux titres V et VI du livre V, sera puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €. »

La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Cet amendement a été défendu.

M. le président. L’amendement n° 19, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

ou d’une interdiction judiciaire du territoire,

insérer les mots :

devenus définitifs,

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Avant de défendre l’amendement n° 19, j’indique que l’amendement n° 39 du Gouvernement apporte à notre avis d’utiles précisions rédactionnelles. Nous avions d’ailleurs déposé nous-mêmes un amendement sur ce point ; mais considérant que la rédaction du Gouvernement était meilleure que la nôtre – certes, comme l’a dit Alain Richard, il est nécessaire de progresser encore –, nous l’avons retiré.

Nous proposons toutefois, par l’amendement n° 19, d’ajouter, après les mots « ou d’une interdiction judiciaire du territoire, » les mots « devenus définitifs, ». Il serait en effet paradoxal de créer un nouveau délit de maintien sur le territoire lorsque l’étranger fait « l’objet d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une interdiction judiciaire du territoire », et de voir un étranger condamné pour cela alors que tous les recours qu’il aurait pu introduire contre les mesures susvisées ne seraient pas épuisés.

L’amendement n° 19 tend donc à préciser que ces mesures doivent être devenues définitives.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Les différents amendements dont nous sommes saisis, y compris celui du Gouvernement, sont la résultante d’une difficulté particulière liée à l’interprétation de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la directive Retour. La Cour a en effet indiqué qu’il n’était possible d’utiliser les procédures d’éloignement et d’emprisonnement qu’une fois épuisées toutes les mesures à la disposition de l’administration.

La question est de savoir à quel moment ces mesures peuvent être considérées comme épuisées, autrement dit à quel moment l’administration est libérée de l’obligation qui lui incombe d’utiliser toutes ses ressources pour permettre le départ de l’étranger.

Je veux pour preuve de cette difficulté le problème d’interprétation que pose le cas de la libération d’un étranger, alors même que la mesure de rétention a été prise sur la base d’une situation effectivement irrégulière et constatée comme telle par le juge administratif, justifiant une obligation de quitter le territoire français.

Si cette personne est libérée parce que les conditions de sa rétention sont jugées insatisfaisantes, doit-on considérer que l’administration a entrepris toutes les diligences nécessaires et est en situation d’engager une procédure pénale, ou bien qu’elle doit recommencer la procédure administrative qui reste disponible ? La question reste pendante et nous ne disposons pas aujourd’hui de réponse véritablement satisfaisante.

Nous avons d’ailleurs interrogé les services du ministère de l’intérieur, et notamment le cabinet du ministre, et nous cherchons depuis le début une réponse satisfaisante.

La rédaction proposée par la commission était relativement simple : elle visait les décisions dès lors que ces dernières avaient été placées normalement sous le contrôle des juges dont elles pouvaient relever – administratif et judiciaire – et qu’elles étaient devenues définitives : on peut en effet considérer que, compte tenu du caractère suspensif des recours sur la nature de ces mesures, les diverses procédures avaient été épuisées sur le plan juridictionnel ; à partir de là, il était possible de passer à la deuxième phase.

Mais cette interprétation reste cependant toujours relativement fragile.

Monsieur le ministre, je ne suis pas convaincu que l’amendement du Gouvernement, qui représente pourtant un effort louable, comme vient de le rappeler Alain Richard, satisfasse tout à fait notre volonté de clarification.

Ne vaudrait-il pas mieux – et ma proposition explique l’avis défavorable rendu par la commission sur ces deux amendements –, en rester pour l’instant à la rédaction de la commission ? Vous pourriez profiter de la discussion à l’Assemblée nationale pour clarifier cette question, que nous reverrions ensuite, le cas échéant, en commission mixte paritaire ?

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des difficultés que nous ne sommes pas parvenus à résoudre totalement. Cela étant dit, si le Gouvernement peut nous fournir une interprétation claire de cette disposition, s’agissant en particulier du cas spécifique que j’ai indiqué, nous sommes tout à fait prêts à l’entendre. En attendant, il subsiste de nombreuses incertitudes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Je suggère que l’on suive l’avis de M. le rapporteur. Si M. Leconte accepte de retirer son amendement, le Gouvernement fera de même, et nous pourrons ainsi nous fixer le délai nécessaire à la réflexion qu’évoquait Alain Richard.

M. le président. Monsieur Leconte, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?

M. Jean-Yves Leconte. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 19 est retiré, de même que l’amendement n° 39.

L’amendement n° 21, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés : 

... - Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application de l’alinéa précédent, le seul fait de ne pas exécuter une mesure de reconduite à la frontière ou une obligation de quitter le territoire français ne peut être assimilé au fait de se soustraire à ladite mesure. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement introduit un alinéa interprétatif du deuxième alinéa de l’article L. 624-1 tel que modifié par le projet de loi. Cette disposition, qui figure déjà dans le CESEDA, prévoit un délit de soustraction notamment à une obligation de quitter le territoire français, une OQTF.

La Cour de cassation a pu considérer que la non-exécution d’une mesure d’éloignement pouvait, à elle seule, constituer le délit de soustraction à une OQTF, même s’il résulte dans la plupart des cas du refus d’embarquement ou d’une soustraction active frauduleuse.

Par cet amendement d’appel, nous souhaitons poser la question suivante : le maintien sur le territoire est-il ou non équivalent à une soustraction à une OQTF, dans la mesure où les peines encourues ne sont pas de même nature ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Nous devons encore travailler sur ces questions. Je vous propose donc, monsieur Leconte, de retirer votre amendement. Le Gouvernement, je m’y engage, vous donnera progressivement toutes les précisions nécessaires.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, monsieur le président, je le retire. Mon objectif était simplement de faire avancer ce débat dans le sens de la clarification du texte qui sera voté in fine par le Parlement.

M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.

Je mets aux voix l’article 6.

(L’article 6 est adopté.)

Article 6
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Articles additionnels avant l'article 8

Article 7

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 624-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « dix ans » sont remplacés par les mots : « trois ans dans le cas prévu au premier alinéa de l’article L. 624-1 et dix ans dans les cas prévus aux deuxième et dernier alinéas du même article. » – (Adopté.)

Chapitre III

Dispositions relatives à l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers

Article 7
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Article 8

Articles additionnels avant l'article 8

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, Mme Archimbaud, M. Desessard et Mme Lipietz, est ainsi libellé :

Avant l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux premier, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « faciliter », sont insérés les mots : « dans un but lucratif » et les mots : « la circulation » sont remplacés par les mots : « le transit ».

La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.

Mme Kalliopi Ango Ela. Le projet de loi que nous examinons n’abroge pas le délit de solidarité en tant que tel, mais élargit les catégories de personnes bénéficiant d’une immunité pénale. Une liste est ainsi dressée des cas dans lesquels ne pourront être poursuivies des personnes portant assistance à un étranger en situation irrégulière et des actes y afférents.

Cette liste pose un problème, au même titre que toute énumération limitative. Quid des actes qui ne constituent pas des prestations de restauration et d’hébergement ? Quid des actes qui ne peuvent être considérés comme des soins médicaux ou des conseils juridiques ?

Une personne permettant à un étranger en situation irrégulière de recharger son téléphone portable, par exemple, pourrait toujours être passible de poursuites, ce qui ne manque pas d’inquiéter les militants et les associations d’aide aux droits des étrangers.

Il conviendrait donc de revoir la définition même du délit et de modifier l’article L. 622-1 du CESEDA qui permet de poursuivre « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ».

L’amendement n° 5, qui tend à insérer les mots « dans un but lucratif » après le mot « faciliter », permettra d’exclure tous les actes désintéressés du champ d’application de ce délit. Ainsi, seuls resteront visés les actes des passeurs, marchands de sommeil et de tous ceux qui profitent de l’extrême vulnérabilité des étrangers en situation irrégulière.

Dans le même sens, l’amendement tend également à remplacer le terme, trop vague, de « circulation » par celui de « transit ». Un chauffeur de taxi, qui exerce évidemment son métier dans un but lucratif, pourrait en effet être poursuivi pour avoir aidé un étranger en situation irrégulière à « circuler » ; il en serait de même pour un citoyen lambda qui l’accompagnerait en voiture. Le terme « transit » est plus précis et vise exclusivement les passeurs qui extorquent des sommes faramineuses pour faire passer les frontières.

L’objectif du projet de loi étant d’exclure les actions humanitaires et désintéressées du délit d’aide au séjour irrégulier, les précisions apportées par cet amendement nous paraissent nécessaires pour éviter diverses confusions.

M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux personnes physiques ou morales poursuivant un but non lucratif. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Comme vient de le dire ma collègue, le projet de loi élargit simplement les immunités prévues par le CESEDA. Le caractère limitatif de l’énumération de cette nouvelle immunité risque donc d’exposer à des poursuites certaines personnes fournissant une assistance à des étrangers en situation irrégulière.

Nous considérons que le délit de solidarité n’est pas totalement supprimé par le projet de loi. Il faut donc redéfinir ce délit en excluant l’aide désintéressée, inverser le dispositif existant pour que l’immunité soit le principe et l’infraction l’exception.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Tout en prenant naturellement en compte les préoccupations exprimées par les auteurs des deux amendements, dont l’objectif est de créer la situation juridique la plus satisfaisante pour les associations, nous ne devons pas faire l’impasse sur un autre aspect de la question : l’article sur lequel sont fondées juridiquement ces immunités est aussi l’article sur la base duquel un certain nombre de poursuites de natures extrêmement différentes sont engagées.

La commission considère comme dangereux de déstabiliser l’action des différents services concernés qui s’appuient sur ces articles, et ce dans le seul but d’assurer aux associations une protection, laquelle peut parfaitement être prévue au travers du système d’immunités. Compte tenu de la diversité des cas qu’il couvre, ce système, qui a été précisé et que nous proposerons ultérieurement de préciser davantage, nous semble en effet mettre les associations à l’abri de véritables risques.

Je tiens à souligner que l’article dont nous discutons, très contestable dans son principe – il a d’ailleurs été contesté !–, n’a pas été appliqué bien souvent. Nous avons ainsi tous relevé que ce délit de solidarité, pour choquant qu’il soit, avait donné lieu à un nombre très faible de poursuites.

Si nous mettons ces éléments bout à bout, nous pouvons tirer la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de mettre en danger l’ensemble des procédures engagées à différents titres sur la base de cet article simplement pour apporter une précision sans doute utile, mais de notre point de vue superfétatoire.

Je comprends aussi la volonté des auteurs des amendements d’abroger le délit de solidarité, et leur détermination à cet égard. Certes, le parcours politique du ministre qui l’avait porté permet de comprendre pourquoi la solidarité pouvait être considérée par lui comme un délit. Mais ce n’est pas une raison pour faire montre d’un esprit trop vindicatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, qui ne sont pas aussi anodins qu’ils en ont l’air.

Je comprends la volonté de leurs auteurs, mus par un souci non seulement d’amélioration du texte, mais aussi d’aide et de soutien aux personnes concernées. La plupart d’entre nous reconnaissons d’ailleurs – M. le rapporteur vient de l’indiquer pour sa part – le problème posé par ce délit de solidarité.

Toutefois, le Gouvernement ne peut pas souscrire à l’option proposée dans ces deux amendements, pas plus au niveau des intentions qu’à celui de leur application concrète. Faire reposer l’incrimination sur la preuve d’un avantage financier affaiblirait totalement la lutte contre les filières.

Une incrimination liant la nature même du délit à son mobile rendrait plus complexe – et le mot est faible ! – la tâche des services de police chargés du démantèlement des filières. Ce que vous proposez remettrait donc en cause la possibilité concrète et réelle de s’attaquer aux filières.

Le Gouvernement souhaite donc le maintien du délit d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier dans la rédaction actuelle de l’article L. 622-1 du CESEDA, tout en étendant les exemptions prévues à l’article L. 622-4 du même code lorsque l’aide au séjour constitue un acte de solidarité.

Il y a là un équilibre : nous mettons fin au délit de solidarité, mais, dans le même temps, nous devons veiller à ne pas rendre inopérante la lutte contre les filières. J’entends que vous vous faites porte-parole des associations, mais je me fais moi, clairement, porte-parole de ceux qui luttent contre l’immigration irrégulière et contre ceux qui exploitent celle-ci.

Mon opposition aux deux amendements est donc une opposition de fond.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 8
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Article 9

Article 8

L’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, la référence : « L. 621-1, » est supprimée ;

2° Le 2° est complété par les mots : « , ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

3° Après le 3°, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale sans but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux, lorsque l’aide désintéressée que cette personne physique ou morale peut apporter dans ce cadre n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière ou de conseils juridiques. »

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

bis Au 1°, les mots : « , sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;

II. – Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

2° Le 2° est ainsi modifié :

a) Les mots : « sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;

b) Il est complété par les mots : « , ou des ascendants, descendants, frères et sœurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission, toujours dans le souci de préciser le texte, souci qui, en l’espèce, n’est pas étranger aux préceptes d’une ancienne congrégation religieuse,…

M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi « ancienne » ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Ancienne pour moi, mais peut-être est-elle plus récente pour vous !

M. Jean-Jacques Hyest. Elle est toujours très vivante !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Eh bien, j’en prends acte, mon cher collègue ! En tout état de cause, il semble que, dans mon comportement de rapporteur, je puisse donner le sentiment d’en être le porte-parole puisque certains esprits autorisés ont pensé que j’avais suivi sa formation ! (Sourires.)

J’en reviens à l’amendement n° 33, qui a pour objet de remédier à une difficulté dans l’articulation entre les dispositions de l’article L. 622-4 du CESEDA et celles de l’article 212 du code civil.

Monsieur le ministre, l’immunité que, avec beaucoup de générosité et le souci de répondre aux associations, vous avez introduite a eu pour effet de créer toute une série de situations dans lesquelles les conjoints sont désormais concernés et protégés, « sauf », est-il précisé, « si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé ». Or ces restrictions ne figurent pas dans l’article 212 du code civil, d’où il ressort que les conjoints séparés ou qui ne vivent pas en communauté sont toujours tenus l'un envers l'autre à un devoir d'assistance.

Il serait paradoxal de poursuivre une personne au motif qu’elle n’aurait pas respecté les dispositions de l’article L. 622-4 ou de la priver de l’immunité alors qu’elle se serait simplement soumise à l’obligation de secours et d’assistance que lui fait le code civil.

Nous proposons donc de supprimer ces restrictions afin de réintégrer les époux se trouvant dans ces situations dans la liste des personnes bénéficiant d’une immunité.

Je suis persuadé, monsieur le ministre, que la Compagnie de Jésus aurait approuvé notre amendement !

M. Jean-Jacques Hyest. La voilà nommée !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. J’ai le sentiment que vous regrettez l’influence de cette grande compagnie, monsieur le rapporteur ! Il se trouve que, voilà près d’un siècle, dans un pays voisin, ma famille, qui exerçait le triste métier de banquier, s’occupait des finances de cette compagnie.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. D’où la connaissance que vous en avez !

M. Manuel Valls, ministre. D’où également la connaissance que j’ai, pour dire les choses clairement, de ceux qui « tournent autour du pot », mais ils le faisaient avec beaucoup plus de talent que nous… Je m’en remets à la sagesse de votre assemblée sur cet amendement.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Merci !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La sagesse du Sénat, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 29, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est un amendement de clarification rédactionnelle.

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Après les mots :

de soins médicaux

insérer les mots :

ou de conseils juridiques

2° Supprimer les mots :

ou de conseils juridiques

La parole est à M. Jacques Mézard.