Mme Dominique Gillot. Ils doivent en tirer fierté !

M. François Lamy, ministre délégué. Charité bien ordonnée commence par soi-même : la ville de Palaiseau, dont j’ai été maire pendant onze ans et qui a bénéficié d’un contrat urbain de cohésion sociale, devrait renoncer aux crédits qui lui sont accordés au titre de la politique de la ville et revenir au droit commun. J’espère que cela montrera le chemin à d’autres communes !

Mme Dominique Gillot. Ce sera un bel exemple !

M. François Lamy, ministre délégué. Les participants à la concertation travaillent à remettre à plat la définition des territoires prioritaires. Ils ont déjà souligné l’intérêt de retenir un nombre très restreint d’indicateurs, pour une meilleure objectivité et une visibilité accrue. Le revenu semble devoir être placé au cœur de la définition de cette nouvelle géographie, dès lors que c’est lui qui traduit le mieux un ensemble de réalités sociales et la concentration de difficultés différentes : nombre de familles monoparentales, part des logements sociaux, taux de bénéficiaires des APL, proportion des jeunes dans la population, etc. D’autres indicateurs, quantitatifs mais aussi qualitatifs, seront combinés à celui du revenu pour la définition et l’évaluation des projets de territoire.

L’idée majeure est de simplifier pour ne plus enclaver. Les participants à la concertation ont ainsi déterminé les contours d’une nouvelle architecture de la politique de la ville. En remplacement des zonages, est proposée une géographie emboîtée, centrée sur des « territoires cibles » de la politique de la ville. À partir de ces nouveaux territoires prioritaires se déploieront des territoires de projet et d’intervention, en fonction des problématiques, pour adapter l’action publique aux réalités locales et décloisonner les quartiers concernés.

Enfin, je souhaite que le territoire de contractualisation soit l’agglomération, le maire restant bien entendu le pilote opérationnel de proximité.

Sur ce point, nous devrons porter une attention toute particulière aux outre-mer, dont la situation, en termes tant de gouvernance que de spécificités thématiques, en matière d’habitat insalubre, de chômage ou de croissance démographique, doit conduire à une prise en compte et à un traitement différenciés des enjeux.

M. François Lamy, ministre délégué. Je travaille sur ce sujet avec le ministère de Victorin Lurel, et j’ai demandé qu’une table ronde spécifique soit organisée au mois de janvier, dans le cadre de la concertation.

De la même manière, nous devrons porter une attention particulière à la région francilienne, notamment en matière de gouvernance et de fait intercommunal. En effet, l’intercommunalité est beaucoup moins développée en Île-de-France qu’ailleurs. Dans cette région, les intercommunalités se sont souvent construites, j’en parle d’expérience, par affinités politiques ou par rejet de la commune d’à côté. Il faudra donc sans doute définir des périmètres plus larges que ceux des actuelles intercommunalités, sans attendre d’éventuelles fusions. La nouvelle politique de la ville sera une politique non pas isolée, mais complémentaire du droit commun.

Le troisième objectif est de mettre en place une nouvelle génération de contrats de ville.

Ma méthode consiste à simplifier et à mettre en cohérence tous les enjeux dans un contrat de ville unique et global, qui associe les actions en faveur de l’amélioration du cadre de vie – c'est-à-dire toutes les actions de rénovation urbaine –, les actions en faveur des habitants – soit toutes les actions de cohésion sociale actuellement menées dans le cadre des CUCS – et la mobilisation du droit commun de l’État, des collectivités locales, des agences et des organismes de sécurité sociale. Ce nouveau contrat de ville rassemble et engage les acteurs autour d’un projet de territoire, avec un diagnostic partagé et des objectifs clairs à l’échelle pertinente, à savoir l’échelle intercommunale.

Il s’agit également d’un contrat participatif, qui associe, sous la coordination du préfet et du maire, l’ensemble des acteurs, à commencer par le président de l’intercommunalité, le président du conseil régional, le président du conseil général, la caisse d’allocations familiales, Pôle emploi, l’agence régionale de santé, les chambres consulaires, les organismes d’HLM, bref tous ceux qui sont investis d’une responsabilité à l’égard des habitants des quartiers.

Ces contrats de ville de nouvelle génération ont vocation à être conclus après les élections municipales de mars 2014, pour la durée du mandat municipal, soit de 2014 à 2020.

M. Antoinette a évoqué l’articulation entre cadre national et cadre local. Je suis très sensible à ce que les élus de terrain peuvent me dire sur la nécessité de fixer des orientations nationales – les priorités sont malheureusement assez faciles à déterminer : emploi, éducation, santé, culture… –, mais il est évident que les actions, la stratégie, les moyens, la méthode doivent être mis en œuvre localement. À cet égard, les contrats de développement territoriaux mis en place en Île-de-France à l’échelle de véritables bassins de vie montrent peut-être la voie à suivre pour l’élaboration des futurs contrats de ville : État et collectivités territoriales ont défini ensemble les stratégies et les moyens à mobiliser. Je serai en tout cas très vigilant à ce que l’on n’impose pas d’en haut des politiques qui ne refléteraient pas la réalité locale.

Ces contrats, je l’ai dit, intégreront les opérations de rénovation urbaine, qui sont essentielles pour transformer le cadre de vie des habitants des quartiers. Depuis mai 2012, le Gouvernement s’est efforcé d’assurer le financement du Programme national de rénovation urbaine. Une lettre d’engagement mutuel a été signée entre la ministre de l’égalité des territoires et du logement et le réseau Action logement, qui apportera annuellement un minimum de 800 millions d’euros sur la période triennale 2013-2015, le complément étant fourni par l’État en fonction des besoins. Je peux donc affirmer aujourd’hui que nous mènerons à bien le premier Programme national de rénovation urbaine. Ce dispositif est salué comme une réussite dans tous les territoires, mais sa mise en œuvre doit être correctement évaluée afin de préparer au mieux la nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain. Conformément à l’engagement pris par François Hollande lors de la campagne présidentielle et confirmé au début du mois de septembre par le Premier ministre, nous y travaillons actuellement, en tenant compte, bien entendu, des erreurs qui ont été commises dans le passé et en étant attentifs à la question de la reconstitution de l’offre. Il s'agit en effet d’un sujet majeur : est-il vraiment nécessaire de démolir autant, alors que la priorité est plutôt de désenclaver ces quartiers, de les relier à l’ensemble du territoire dont ils relèvent ? Il faudra à la fois, pour cette nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, fixer plus précisément les grandes orientations et offrir plus de souplesse aux acteurs locaux –élus, associations, mais aussi habitants –, qui sont les mieux à même de définir les meilleures conditions pour créer la mixité urbaine.

L’objectif est en effet de faire émerger, à l’intérieur des territoires urbains, la ville mixte, la ville mélangée : mixité fonctionnelle, mixité sociale, mixité urbaine. Cela est plus difficile dans certaines villes que dans d’autres. Il faut également tenir compte des formes d’habitat. Je suis d’accord avec ce que disait Valérie Létard : on ne pense pas la ville de la même manière suivant que l’on se trouve dans l’agglomération lyonnaise, en Île-de-France ou dans le Nord-Pas-de-Calais. En résumé, il faudra, pour cette nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, savoir allier souplesse dans la mise en œuvre et fermeté dans la définition des axes structurants.

Dans ce contexte, j’ai confié à l’Observatoire national des zones urbaines sensibles une mission d’évaluation du premier PNRU, pour que nous puissions tirer tous les enseignements de cette expérience avant de prendre des décisions.

Je voudrais revenir brièvement sur la question des zones franches urbaines. Le gouvernement précédent avait décidé que ce dispositif prendrait fin en 2014. Je suis preneur de toutes les réflexions sur ce sujet. Une mission parlementaire a été créée à l’Assemblée nationale ; je ne sais pas si le Sénat prendra une initiative analogue, mais je souhaite que nous puissions disposer d’un véritable bilan.

M. François Lamy, ministre délégué. Je rappelle que le dispositif des ZFU représente, cette année encore, un coût de quelque 400 millions d’euros en exemptions fiscales ou en exonérations de cotisations sociales. Ce montant est à rapprocher du budget du ministère de la ville, qui est de 525 millions d’euros. On comprend aisément qu’un dispositif qui mobilise autant d’argent public doit produire des résultats !

M. Jean-Pierre Plancade. Tout à fait !

M. François Lamy, ministre délégué. Or, ce que je constate sur le terrain, c’est que le bilan est très contrasté. Là où les élus ont mené une politique résolue, en mettant en place des actions de désenclavement des zones franches urbaines, avec l’implantation de lignes de transport en commun, là où on a fourni aux entreprises tous les outils et moyens nécessaires à leur installation et à leur fonctionnement, là où on a construit les logements qui manquaient, là où on a organisé un espace public de qualité, instauré la sécurité, les exonérations de charges ont eu un effet de levier. (M. Jean-Pierre Plancade approuve.) Par contre, là où on s’est contenté d’attendre que les emplois apparaissent, cela n’a pas fonctionné : il y a eu beaucoup d’effets d’aubaine,…

M. François Lamy, ministre délégué. … qui ont pu déboucher sur un processus de désertification des territoires périurbains.

Je crois donc vraiment qu’il faut analyser le fonctionnement du dispositif des zones franches urbaines, ses effets positifs et négatifs, ses effets pervers. Je suis prêt à mener cette réflexion avec vous en 2013. Sur cette base, nous pourrons envisager un nouveau dispositif qui soit complémentaire des autres actions à mettre en place en matière de développement économique. La Banque publique d’investissement aura également un rôle à jouer à cet égard, puisque la définition d’une stratégie industrielle en direction des quartiers en difficulté fait partie de ses missions.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire ce matin sur la réforme de la politique de la ville. Je veux que cette réforme marque un tournant décisif en matière de participation des habitants des quartiers concernés. Ils doivent devenir des acteurs à part entière des territoires, aux côtés de l’État et des collectivités. Il s’agit là, j’en suis convaincu, de la condition première du rétablissement de l’égalité républicaine dans ces quartiers. Leurs habitants ont des choses à nous dire, sur leurs attentes, leurs projets, leurs relations avec la police, les discriminations dont ils font parfois l’objet et, surtout, sur la ville dans laquelle ils aimeraient vivre. Redonner toute leur place à ceux pour qui nous conduisons nos politiques publiques, mener notre action au plus près des besoins de la population représente un enjeu primordial. Dès le mois de janvier prochain, dans le cadre de la concertation, j’organiserai des rencontres citoyennes avec les habitants des quartiers, afin d’entendre leurs préoccupations, et surtout leurs préconisations.

Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ambition pour les quartiers populaires que je vous propose de partager. C’est une belle ambition collective que de vouloir rétablir l’égalité républicaine dans ces territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Natacha Bouchart applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la réforme de la politique de la ville.

4

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Natacha Bouchart.

Mme Natacha Bouchart. Monsieur le président, je souhaiterais faire une mise au point au sujet de deux scrutins publics.

Lors du scrutin public n° 57 sur la motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi relative à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, M. Christian Cambon a été déclaré comme s’étant abstenu, alors qu’il souhaitait voter pour cette motion.

Lors du scrutin public n° 58 sur l’article unique de cette même proposition de loi, M. Christian Cambon a été déclaré comme s’étant abstenu, alors qu’il voulait voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

5

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

6

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

conférence pauvreté-précarité

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Monsieur le Premier ministre, le 11 février 1987, il y a vingt-cinq ans, Joseph Wresinski faisait adopter par le Conseil économique et social un rapport intitulé Grande pauvreté et précarité économique et sociale.

Dans son rapport pour 2011-2012, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale constate que plus de 11 millions de personnes en France sont touchées par la pauvreté ou l’exclusion et que la pauvreté sous toutes ses formes n’a cessé d’augmenter. Parmi les personnes les plus vulnérables se trouvent les familles monoparentales, les jeunes, les femmes âgées, sans oublier les enfants. Il souligne aussi que « disposer d’un emploi n’est plus une condition suffisante pour franchir le seuil de pauvreté », tant l’emploi s’est raréfié et précarisé.

La pauvreté augmente et se territorialise. En France, un individu peut être considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 964 euros. Or 33 % des habitants des banlieues sensibles vivent avec moins de 900 euros par mois. Le revenu fiscal moyen de la population des zones urbaines sensibles représente environ 60 % de celui de l’agglomération qui abrite le quartier.

Monsieur le Premier ministre, lors de la préparation de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 10 et 11 décembre prochain, vous avez affirmé que vous alliez dégager « une enveloppe de 50 millions d’euros [...] sur les budgets des ministères [qui] renforcera les crédits alloués à la veille sociale, l’hébergement d’urgence et la prise en charge des demandeurs d’asile ».

L’objectif de votre gouvernement est bien de réduire les inégalités et d’éviter que des hommes et des femmes ne tombent dans une précarité dramatique non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour notre pays.

Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous indiquer, d’une part, les mesures que votre gouvernement compte prendre en urgence et, d’autre part, les actions que les ministres qui participeront aux ateliers de cette conférence avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale envisagent pour réduire ces situations sur le long terme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, comme je l'ai annoncé dans mon discours de politique générale, une conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale se tiendra lundi et mardi prochains. Elle sera l'occasion d'annoncer les axes structurants de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté, la précarité et les inégalités dans notre pays.

Vous avez eu raison de souligner l'urgence des situations.

Avant d’être des statistiques, ces hommes et ces femmes sont d’abord des visages, que vous connaissez bien. Ils sont parfois stigmatisés comme s'ils étaient coupables, alors que les hasards de la vie – pas toujours les hasards – ont pu provoquer ces chutes et conduire à l'extrême pauvreté.

Cette situation qui dure et perdure s'est aggravée durant ces dix dernières années de laisser-faire économique et social et s’est traduite par un bond inégalé des inégalités dans notre pays. Par conséquent, il faut faire face, il faut faire front.

Il fallait aussi agir dans l'urgence, je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le sénateur. C’est pourquoi, dans les six premiers mois qui ont suivi sa formation, le Gouvernement a pris des mesures.

Ainsi, nous avons revalorisé de 25 % l'allocation de rentrée scolaire. Cette mesure touche directement les familles les plus modestes de notre pays. Que de critiques n’avons-nous pas entendues ! Nous faisions là un cadeau qui servirait à l’achat d’iPad ou d’autres produits technologiques. C'est méconnaître la situation difficile des familles. Cette décision a directement bénéficié aux enfants, en particulier aux enfants les plus pauvres. Nous avons eu raison de la prendre !

Nous avons également débloqué une enveloppe de 50 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence.

Nous avons engagé l'encadrement des loyers.

Nous avons encore supprimé la franchise pour l'aide médicale de l'État. Là aussi, que n'a-t-on entendu !

Je tiens à souligner, et la conférence que vous avez évoquée sera l'occasion de le rappeler solennellement, que l’on ne fera pas reculer la pauvreté et l'exclusion sociale en tenant des discours moralisateurs et stigmatisants. Comme si être pauvre était un choix de vie !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le demande à tous, quelle que soit votre sensibilité politique : arrêtez d'exploiter la misère et mobilisez-vous pour la combattre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Pas d'effets de manches !

Un sénateur du groupe UMP. Ce n'est pas digne d'un Premier ministre !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est de la fumée tout ça !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La combattre à long terme, c'est précisément l'objet de la conférence qui se tiendra la semaine prochaine. Elle a été préparée minutieusement. Sept groupes de travail dirigés par des personnalités incontestables ont travaillé tambour battant, dans un esprit de concertation exemplaire : associations, collectivités territoriales, partenaires sociaux et représentants des personnes en situation de précarité ont été étroitement associés à la préparation de ces travaux.

Je sais déjà que les rapports qui seront présentés sont de très grande qualité. Ils seront exigeants aussi, j'en suis conscient ; ils le seront pour le Gouvernement comme pour tous les acteurs de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Mais ils pourront constituer, comme ce fut le cas lors de la conférence sociale ou de la conférence environnementale, une véritable feuille de route qui servira de base aux décisions que je serai amené à annoncer à l’issue de ces journées. Quoi qu’il en soit, je laisse aux rapporteurs le soin de présenter les préconisations qui résultent de leurs travaux.

Marie-Arlette Carlotti, ici présente, mais aussi tous les autres ministres et moi-même sommes mobilisés pour trouver des solutions concrètes. Certaines pourront avoir un effet immédiat, d'autres s'inscriront dans le moyen terme et nécessiteront des réformes.

Je conclurai sur un point. J'ai parlé ces derniers temps de « nouveau modèle français » et de la nécessité de retrouver de la compétitivité pour nos entreprises, pour l'emploi.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La compétitivité n'est pas qu'économique, elle est aussi sociale. C’est pourquoi ce nouveau modèle français n'aura de sens, ne sera mobilisateur, ne redonnera confiance que s'il s'appuie sur les valeurs qui fondent le pacte républicain. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Aujourd'hui, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le sénateur, une partie des Français ne croient plus à ces valeurs ni à ce pacte. (M. Claude Dilain opine.) Ils ont perdu confiance. Le défi que nous avons à relever, c'est de leur redonner toute leur place dans la République, quel que soit l'endroit où ils habitent : centres-villes, banlieues, périphéries urbaines ou quartiers plus éloignés, territoires ruraux.

Notre mission, c’est ce nouveau modèle français. Elle exige du travail. Elle réclame également du courage, de la détermination, et le Gouvernement n’en manque pas. Mais, pour cela, il a besoin de l’appui de la majorité parlementaire que je tiens ici à saluer et à remercier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Berson. Très bien !

chômage des jeunes

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Le premier rapport de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, l’INJEP, en tant qu’Observatoire de la jeunesse et des politiques de jeunesse, présenté ce mardi 4 décembre, met en exergue un constat des plus sombres : on assiste à une fragilisation accrue de la jeunesse, à de forts risques d’exclusion et à un creusement des inégalités entre jeunes dans le contexte actuel de crise économique, dont ceux-ci sont les premières victimes. En effet, 15 % des jeunes ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi. Le taux de pauvreté des 18-24 ans atteint en moyenne 22,5 %. Au total, plus d’un million de jeunes sont désormais confrontés à une situation de grande précarité.

Le rapport montre également que les jeunes représentent 22 % de la population active, mais 40 % des chômeurs. En outre, l’augmentation du chômage de longue durée est particulièrement préoccupante chez ces jeunes. Par ailleurs, la réalité n’est pas uniforme : dans l’accès à l’emploi, le clivage se creuse entre diplômés et non-diplômés. Le taux de chômage des non-diplômés est de 46 % ; 30 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur le dispositif du RSA jeunes, qui, il faut le constater, est un échec total. La dotation de 27 millions d'euros pour 2013 a été fortement revue à la baisse du fait de l’important taux de non-recours. En effet, seuls 8 000 jeunes sur les 130 000 initialement prévus en bénéficient, soit 6 %. Le taux de non-recours est donc de 94 % !

Il faut reconnaître que les conditions requises pour y avoir droit sont totalement irréalistes. Il est exigé que les jeunes justifient d’une activité professionnelle de deux ans à temps plein sur les trois années précédant la demande. Quand on connaît la réalité, on comprend qu’il y ait si peu de candidats !

Si nous nous réjouissons de la mise en place des 150 000 emplois d’avenir, beaucoup reste à faire.

Madame la ministre, ma question est donc la suivante : quelle réforme du RSA jeunes envisagez-vous et que comptez-vous faire pour lutter contre la précarité et la paupérisation croissante et massive de la jeunesse ?

De nombreux points méritent d’être abordés lors de la conférence qui sera organisée par le Gouvernement la semaine prochaine. Concernant la jeunesse en situation de précarité, avez-vous notamment prévu d’évoquer la possibilité de mettre en place une allocation jeunesse donnant un minimum d’autonomie et de stabilité pour construire un projet, l’impulsion d’une aide forte pour l’accès à la mobilité, au logement et à la santé ou bien le droit à la formation ?

Sur ce dernier point, il est urgent de réfléchir à la mise en place pour les jeunes précaires d’un droit de tirage automatique à des formations de qualité dans les filières d’avenir. Tous les acteurs de l’insertion, les missions locales, les mouvements d’éducation populaire, insistent sur ce point. (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Aline Archimbaud. Nous connaissons bien les très grandes difficultés pour un jeune qui enchaîne les contrats de travail très courts, les stages non rémunérés et les périodes de chômage à avoir accès à de telles formations ; c’est même quasiment impossible. C’est pourtant une condition incontournable pour faire reculer le chômage. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je vous demande de conclure, s’il vous plaît.

Mme Aline Archimbaud. La jeunesse est l’avenir de notre pays. C’est un immense potentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Elle avait des choses à dire, mes chers collègues !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner, tous les rapports sur la jeunesse sont alarmants. Nous le voyons tous, tous les jours : les jeunes sont durement frappés par la misère, par le chômage. L'avenir devrait pourtant leur appartenir. C'est le résultat non seulement de la crise, mais aussi de politiques et de dispositifs qui ne se sont pas révélés totalement adaptés à la situation et aux besoins des jeunes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

C'est chez les jeunes que les inégalités sont les plus marquées. Il y a aujourd'hui des jeunes qui n’ont rien, ni emploi, ni formation, ni ressources. C’est vers eux que nous devons nous tourner en priorité. Il ne serait pas digne d’un pays comme la France de laisser tomber une partie importante de sa jeunesse. Nous devons donner une seconde chance à ceux qui ont décroché.

Vous le savez, la jeunesse c’est la priorité du mandat de François Hollande, c’est la priorité du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. D'ailleurs, la première mesure que vous avez votée après l’élection présidentielle, ce sont les emplois d’avenir, qui répondent à la situation d’urgence de ces jeunes sans qualification qui ont besoin qu’on les aide pour démarrer dans la vie professionnelle.

Le contrat de génération sera lui aussi un levier très puissant pour favoriser l’emploi des jeunes. Mais nous n’en resterons pas là. Nous devons également être solidaires avec tous ceux qui ne peuvent pas entrer tout de suite sur le marché du travail.

Vous l’avez souligné, madame la sénatrice, le RSA jeunes est un échec. Il n’est pas adapté au public auquel il était initialement destiné. L’obtenir représente désormais une mission impossible. Il n’est lié à aucune mesure d’accompagnement qui permettrait aux jeunes de retourner sur le chemin de l’emploi. Sur les 130 000 jeunes qui étaient visés par le dispositif, seuls 9 000 y ont recours aujourd'hui. Nous devons tenir compte de cet échec.

Il est de notre responsabilité de trouver de nouvelles façons de soutenir les jeunes en difficulté, ceux qui n’ont ni formation ni emploi. Ce sera l’un des grands objectifs de la conférence dont vient de parler le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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