M. Pierre-Yves Collombat. La solution alternative que prévoit cet amendement me paraît crédible.

Elle satisfait aux mêmes impératifs, à la fois en termes de parité, d’expression du territoire et de proximité, que celle qui nous est proposée dans le projet de loi. De plus, elle permet une meilleure expression de la diversité.

Surtout, elle ne présente pas l’inconvénient du mode de scrutin envisagé par le Gouvernement, à savoir le caractère non-significatif des circonscriptions. On sait que si les cantons avaient une signification en milieu rural, ils n’en avaient pas en milieu urbain. Là, ils n’en auront plus nulle part !

De plus, cet amendement permet de maintenir une expression minimale des territoires ruraux. En effet, le principal reproche qu’un élu rural peut faire au scrutin majoritaire binominal est qu’il réduit considérablement le poids des territoires ruraux au sein du département.

Je propose d’instaurer un mode de scrutin à la proportionnelle, non sur la base départementale, qui est effectivement trop grande, mais sur la base de circonscriptions infra-départementales.

Sur ce point, on me cherche querelle : ce serait trop tôt, car les intercommunalités ne seraient pas achevées. Certes, mais elles sont très avancées ! Au mois de juin, les schémas seront terminés.

Nous pouvons nous appuyer sur ces découpages, ce qui ne signifie pas les reproduire : le Gouvernement reste maître de choisir les circonscriptions les plus significatives pour l’électeur, c'est-à-dire celles qui correspondent à une réalité.

Toutes choses inégales par ailleurs, c’est un peu le problème qui s’est posé autrefois aux révolutionnaires lorsqu’il a fallu découper les départements. Certains voulaient un découpage géométrique pour faire disparaître les divisions de l’Ancien Régime. D’autres, comme Mirabeau, préféraient qu’il soit tenu compte des réalités. Ces derniers ont obtenu gain de cause et, preuve que ce découpage n’était pas si mauvais, il a traversé les siècles.

C’est une solution de même type que je présente aujourd’hui. Le nombre de sièges serait modulé en fonction de l’importance de circonscriptions fondées sur les intercommunalités ou sur des regroupements d’intercommunalités, tenant en tout cas le plus possible compte des intercommunalités.

Cette solution me paraît susceptible de recueillir un grand nombre de suffrages. Elle n’est pas sans inconvénients, mais elle en présente moins que ce qui nous est proposé dans le projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 211, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191. – Le conseil départemental est composé d’élus représentant chaque canton du département et d’élus issus de listes départementales, soutenues par les candidats se présentant au suffrage des électeurs dans chaque canton. Ces élus sur listes représentent 30 % de l’assemblée départementale.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Nous ne sommes pas des jusqu’au-boutistes, comme certains semblent le croire. Simplement, nous pensons que, faire de la politique, c’est proposer, défendre, entendre et, ensemble, trouver des solutions. Voilà pourquoi nous avons déposé ce deuxième amendement.

Je l’ai souligné, le scrutin majoritaire pose de sérieux problèmes de représentativité et de légitimité.

Les principaux partis sont surreprésentés, et rares sont les petits partis qui ont des élus. Ils ne peuvent souvent en avoir que par le biais d’accords électoraux avec plus gros qu’eux, ce qui renforce, en fait, le bipartisme.

Partisan d’un scrutin proportionnel intégral, qui semble plus respectueux des principes républicains de parité et de pluralisme, le groupe CRC présente cet amendement de repli, mais aussi de consensus, c'est-à-dire susceptible de conduire à une solution.

Notre amendement vise à introduire un scrutin mixte. Cette proposition a pour avantage d’assurer tout à la fois la représentation des territoires, la parité et le rééquilibrage de la représentation des diverses sensibilités politiques par un scrutin de liste à la proportionnelle pour 30 % des conseillers départementaux.

Par-delà nos différentes approches, il s’agit d’un signe qui marque la volonté de parvenir à un accord entre les différentes composantes de la majorité sénatoriale, qui ont rejeté unanimement le conseiller territorial prévu par l’ancienne majorité.

Si une majorité d’entre vous, mes chers collègues, votait cet amendement, nous pourrions utiliser le temps de la navette parlementaire pour affiner la proposition et construire un mode de scrutin, certes, inédit dans notre pays, mais qui s’apparenterait, d’une certaine façon, à ce qui se pratique parfois au-delà de nos frontières.

C’est dans cet espoir que nous soumettons cet amendement à votre vote.

M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. – Les cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux sont de deux natures :

« - les cantons d'agglomération où les conseillers départementaux sont élus sur des listes à la proportionnelle au plus fort reste à deux tours ;

« - les cantons hors agglomération où les conseillers départementaux sont élus au scrutin uninominal à deux tours. »

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Plusieurs solutions sont possibles, comme le prouvent les différentes propositions qui viennent d’être avancées. Au départ, nous avions le sentiment qu’il n’y avait que deux options : le scrutin proportionnel et le scrutin binominal.

À entendre nos collègues du groupe socialiste, que j’ai écoutés attentivement, nous avions le choix entre la peste et le choléra. C’était soit la guillotine, soit la pendaison ! Finalement, le scrutin binominal aurait été retenu pour éviter le scrutin à la proportionnelle, qui leur paraissait pire.

Ce matin, seule a été rappelée la position de M. Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, qu’Yves Daudigny a été chargé de nous faire connaître, mais je rappelle à mes collègues de la majorité, et notamment à M. Guillaume, que M. Kanner, président du conseil général du plus grand département de France, a souhaité, lors de récentes discussions au bureau de l’ADF, que les différences de positions puissent s’exprimer au sein de cette dernière…

Les positions ne sont donc ni aussi claires ni aussi unanimes que vous l’affirmez. En tout cas, il ne faut pas penser que l’opposition est d’accord avec la majorité sur ce sujet.

M. Didier Guillaume. Une très grande partie !

M. Éric Doligé. C’est la position d’une partie de l’ADF, pas de sa totalité !

En ce qui me concerne, j’ai toujours été clair par rapport à tous mes choix. Il n’en ira pas autrement ici.

D’autres solutions que celle qui est proposée dans le projet de loi sont possibles. Nous n’avons pas seulement le choix entre le scrutin proportionnel intégral et le scrutin binominal. Mme Cukierman vient d’ailleurs de faire une ouverture en proposant un scrutin mixte.

L’amendement n° 119 va également dans ce sens et j’ai eu le sentiment qu’un certain nombre de mes collègues étaient assez favorables au scrutin mixte.

Certes, on nous a objecté que ce ne serait pas constitutionnel, mais, tant que le Conseil constitutionnel ne se sera pas prononcé, nous n’en saurons rien. Même les experts que nous avons entendus sont partagés.

Par ailleurs, je rappelle que nous sommes élus au Sénat par le biais d’un scrutin mixte et que le Président de la République a annoncé souhaiter que 10 % des députés, donc cinquante-huit d’entre eux, soient élus à la proportionnelle, ce qui conduirait à un scrutin mixte de scrutin à la proportionnelle et de scrutin uninominal.

M. Éric Doligé. Mon amendement vise à maintenir la proximité tout en tendant vers la parité, qui est un objectif constitutionnel. L’idée est d’instaurer des cantons d’agglomération. Dans ces circonscriptions, qui sont bien déterminées, les conseillers départementaux seraient élus sur des listes « chabada », comme on les appelle, à la proportionnelle intégrale pour assurer la parité.

Dans les agglomérations, le scrutin à la proportionnelle intégrale permettrait d’assurer la parité et, dans les secteurs hors agglomération, on en resterait au système actuel, c'est-à-dire le scrutin uninominal à deux tours, ce qui garantirait une bonne représentation dans les cantons ruraux, comme aujourd’hui, la taille des cantons devant, bien sûr, être redéfinie.

Il y a toute une réflexion à mener. À la limite, si le tunnel n’était plus de plus ou moins 20 % mais de plus ou moins 30 %, voire de plus ou moins 40 %, on pourrait trouver des solutions permettant une représentation rurale au scrutin uninominal et une représentation des agglomérations à la proportionnelle. Cela pourrait répondre à plusieurs des préoccupations que nous exprimons tous.

Si le Sénat retenait cette solution, qui présente l’intérêt de lever certains blocages, il pourrait la retravailler d’ici à la deuxième lecture ; entre-temps, nous connaîtrions également l’avis de l’Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° 335 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Béchu, Beaumont, Billard, Carle et Cornu, Mme Deroche, MM. Doligé, Doublet et Houel, Mme Lamure et MM. Paul, Pillet, Trillard et D. Laurent, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. - Les communes du département membres d’un même établissement public de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants forment un canton élisant au moins deux membres du conseil départemental.

« Chaque autre canton du département élit un membre du conseil général. »

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 107, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« Art. L. 191. - Les électeurs de chaque canton du département élisent au scrutin binominal à deux tours au conseil départemental deux membres de sexe différent qui se présentent en binôme de candidats. »

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Dans le cas où mon amendement n° 119 ne serait pas retenu, ce qui, bien sûr, m’étonnerait, car c’est le meilleur des systèmes (Sourires.), je propose une autre rédaction pour l’alinéa 2 de l’article 2.

À la formule « chaque canton du département élit », je préfère « les électeurs de chaque canton du département élisent », car ce sont les électeurs qui élisent les conseillers départementaux, non les cantons. Je précise que, si vous m’accordiez cette précision, ce serait une très petite satisfaction, car ce n’est vraiment pas cet amendement que je souhaite voir retenu ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. L'amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Collombat, Barbier, C. Bourquin, Chevènement et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

canton

par le mot :

section

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 202 rectifié, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Husson et Türk, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

membres

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer la philosophie de cet amendement. Je ne jette pas l’opprobre sur le texte du Gouvernement, mais la solution que je préconise me paraît plus en harmonie avec ce que souhaitent les différents intervenants qui se sont exprimés aujourd’hui.

Je propose donc que l’on retienne la proportionnelle pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants et que l’on en reste au système actuel dans les cantons hors agglomération. Ce qui s’entend pour les communautés d’agglomération s’entend, évidemment, pour les collectivités plus importantes, métropole et autres.

C’est également compatible avec le redécoupage des cantons, qui devrait tenir compte, non seulement des critères géographiques, mais également des critères démographiques. À cet égard, je proposerai tout à l’heure un amendement permettant, dans les territoires d’une densité inférieure à vingt habitants par kilomètre carré, de déroger à la règle instituée par le texte qui concerne les découpages.

Ma proposition, qui me semble en harmonie avec les attentes exprimées sur toutes les travées, mériterait que l’on s’y attarde un peu. Comme l’a très bien dit Éric Doligé, si cette porte était ouverte, la discussion pourrait être fructueuse.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié ter, présenté par MM. J. Boyer, Détraigne, Roche et Dubois, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

différent

insérer les mots :

issus de communes différentes, originaires d'une ancienne structure élective cantonale différente, 

La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Cet amendement n’a pas pour objet de compléter une liste, peut-être un peu regrettable, d’involontaires oppositions avec telle ou telle structure.

Il vise à empêcher, compte tenu du fait que les territoires seront vastes, que deux conseillers soient issus de la même commune. Dans le monde rural, je le dis souvent, quand bien même nous avons des tailles différentes, nous sommes tous des petits. (Sourires.)

Mon amendement prévoit donc que les conseillers soient issus de communes différentes mais aussi de différents anciens cantons. C’est la garantie que la réalité du terrain sera prise en compte.

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Jarlier et Détraigne, Mme N. Goulet, MM. Dubois, B. Fournier, Roche, Lasserre, Mercier et Namy et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

différent,

Insérer les mots :

électeurs de communes différentes, dans les cantons qui comprennent plusieurs communes,

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Cet amendement a le même objet que celui de M. Boyer, bien qu’il diffère du sien dans sa rédaction puisque j’ai remplacé le mot « issus » par « électeurs » ; il me semble important que les futurs conseillers départementaux, à l’intérieur d’un même canton, soient issus et électeurs de deux communes différentes afin d’assurer une bonne représentation géographique.

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Saugey et Carle, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

qui se présentent en binôme de candidats

par les mots :

issus de communes différentes lorsque le canton est composé de plusieurs communes

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Cet amendement, comme les deux précédents, vise à éviter la surreprésentation d’une commune au sein d’un canton.

En effet, si les deux conseillers départementaux sont issus tous les deux de la ville la plus peuplée du canton, il y a un risque que les communes les moins peuplées de ce canton ne soient plus représentées au sein de l’assemblée départementale, ce qui n’est pas conforme, monsieur le ministre, à votre volonté de préserver la diversité des territoires.

M. le président. L'amendement n° 157 rectifié bis, présenté par MM. Savary, Buffet, Cardoux et Charon, Mmes Debré et Duchêne, Mlle Joissains, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Lecerf, Lefèvre, Legendre, P. Leroy, Marini, Pierre, Retailleau, Carle, Hyest et Billard, Mme Deroche, MM. Ferrand, B. Fournier et Gournac, Mme Hummel, M. G. Larcher, Mmes Primas et Sittler et M. Vial, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

représentant chacun l'une des sections du canton

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Nous proposons que deux personnes soient élues en même temps, mais que chacune représente l’une des deux sections du canton. Les sections permettent d’avoir des cantons à taille humaine.

Cette idée, qui est celle de notre excellent collègue René-Paul Savary, président du conseil général de la Marne, me paraît intéressante, car elle permet d’éviter un des inconvénients des binômes.

M. le président. L'amendement n° 310, présenté par Mme Lipietz, MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Au sein de chaque département, 20 % des conseillers départementaux sont élus au scrutin de liste paritaire à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement, qui reprend en partie une proposition de nos amis communistes, a pour objet d’instiller, comme a aussi proposé de le faire le Président de la République, une dose de proportionnelle dans un scrutin uninominal ou, en l’espèce, binominal. Ainsi, 20 % des conseillers départementaux seraient élus à la proportionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. L’échange de vues auquel nous avons procédé ce matin laissait quelque peu augurer de la présentation des amendements à laquelle nous venons d’assister.

Selon sa logique propre, chacun de leurs auteurs a tenté de démontrer l’intérêt de la solution qu’il propose, et un certain nombre de ces propositions vont effectivement assez loin dans la réflexion. Ainsi, M. Collombat décrit au travers de ses amendements un mécanisme qui répond, selon lui, aux préoccupations exprimées par le ministre et Mme Cukierman a proposé des d’amendements de repli, au cas où sa proposition principale serait refusée.

Ce débat est intéressant, mais, étant chargé de rapporter la position de la commission, je ne peux, au hasard, accepté tel amendement et refusé tel autre. Je suis donc tenu d’émettre un avis défavorable sur tous ces amendements, à une seule exception près toutefois.

Je suis favorable à l’amendement n° 107, mais je suis un peu ennuyé puisque j’ai cru comprendre que son auteur ne se satisferait pas de cet avis… (M. Éric Doligé s’exclame.) Je déplore, monsieur Doligé, que ce ne soit pas celui que vous souhaitez voir adopté, mais la rédaction que vous proposez me paraît devoir être retenue.

Donc, au nom de la commission, je donne un avis favorable à l’amendement n° 107 et un avis défavorable à tous les autres.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Le rapporteur vient de dire des choses très justes. J’observe que, dès qu’il s’agit des modes de scrutin, chacun fait preuve d’une très grande imagination, et non pas seulement le Gouvernement, qui, encore une fois, n’a fait que puiser dans les réflexions du Sénat. Dans ce débat de qualité, chacun cherche évidemment la bonne voie.

Je précise d’emblée que les amendements qui prévoient d’instaurer un scrutin de liste à la proportionnelle pour l’ensemble du département ne peuvent recueillir l’accord du Gouvernement.

J’ajoute que je suis, comme le rapporteur, favorable à l’amendement n° 107.

Afin de ne pas répéter ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire depuis le début de la discussion, je m’arrêterai seulement sur le mode de scrutin mixte – la mixité est donc possible… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

D’ailleurs, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, le double mixte ne vaut pas uniquement pour un seul match au tennis ; en général, il dure tout un tournoi. Les grands champions de double mixte ont gagné plusieurs tournois, ce qui prouve que cela peut durer. Je vous trouve pessimiste sur la capacité d’un couple à résister – je me place sur le plan politique (Sourires.) – à l’épreuve du temps.

Certains d’entre vous proposent un mode de scrutin combinant le recours au scrutin uninominal dans les zones hors agglomération urbaine et l’instauration d’un scrutin proportionnel dans les zones urbaines. Il permettrait d’assurer la représentation des territoires sur la base d’un nouveau découpage cantonal tenant compte des spécificités rurales, d’une part, et des spécificités urbaines, d’autre part, et favoriserait en même temps une meilleure représentation des sensibilités politiques grâce à la proportionnelle ainsi que la parité par le recours à une part de scrutin de liste.

Toutefois, essayant de rentrer dans la logique de cette proposition, je ferai d’abord observer que les cantons dits ruraux ne le sont pas tous complètement, notamment dans la grande couronne d’Île-de-France.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Il y a des agriculteurs, qui doivent évidemment être représentés, mais ils sont peu nombreux, car les exploitations s’étendent souvent sur beaucoup d’hectares, et il y a de petites communes.

Je fais mienne votre préoccupation, mais ce mode de scrutin serait particulièrement complexe parce qu’il exigerait la fixation par la loi d’un critère objectif permettant de répartir les sièges entre cantons d’agglomération et cantons hors agglomération. Il serait délicat à mettre en œuvre dans les départements essentiellement urbains ou, à l’inverse, dans ceux qui n’ont pas de zones urbaines. Certains départements sont totalement urbains, d’autres sont totalement ruraux, d’autres sont mixtes.

En termes de compréhension, sur le plan national, de ces questions, il y a là, me semble-t-il, une difficulté. La complexité n’est pas ce que le Gouvernement recherche : il a fait le choix d’un mode de scrutin lisible, simple, uniforme, quel que soit le département ou le canton considéré.

Enfin, le risque d’inconstitutionnalité du mode de scrutin proposé ne peut être écarté. C’est d’ailleurs, nous l’avons souligné, un argument que les uns et les autres peuvent se renvoyer.

Vous me dites qu’il faut attendre que le Conseil constitutionnel se soit prononcé. Il nous a parfois été fait le reproche – et ce reproche a par le passé été adressé à d’autres gouvernements – de ne pas avoir été suffisamment sensibles au risque d’inconstitutionnalité. J’essaie donc de ne pas prendre trop de risques en la matière !

Le suffrage des électeurs n'étant pas pris en compte de la même manière selon qu'ils votent dans une zone rurale ou dans une zone urbaine, il est possible d’estimer qu'il y a un risque de rupture de l'égalité des citoyens devant le suffrage.

Nous tenons, certes, monsieur Mézard, à ce que les territoires soient représentés, mais, malgré tout, avant de représenter des territoires, les élus représentent des électeurs. Même si ces deux aspects sont étroitement liés, ce sont les électeurs qui élisent les conseillers généraux et qui, demain, éliront les conseillers départementaux.

La rupture d’égalité constitue donc un véritable risque, raison pour laquelle, je l’ai dit, le Gouvernement est défavorable à tous ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 107.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Ces amendements démontrent que la question du mode de scrutin, en particulier proportionnel, est essentielle.

Je ne peux pas laisser dire que les petits partis ne peuvent pas obtenir d'élus au scrutin majoritaire. Dans mon département, nombre de petits partis y sont parvenus ! Il suffit pour cela de présenter de bons candidats, et ceux-ci seront élus. Les candidats n'ont qu'à se présenter seuls. Nous sommes un certain nombre de non-inscrits ici ; nous nous sommes présentés seuls, y compris aux élections sénatoriales, et nous avons été élus.

Il est donc faux de dire que le pluralisme politique ne peut être obtenu que par la proportionnelle. Si les candidats ne sont pas très bons, il leur faut une étiquette politique, mais s’ils sont bons, ils n’ont pas nécessairement besoin d’un scrutin à la proportionnelle pour être élus. Or, dans les cantons, il y a beaucoup de bons candidats élus sans aucune étiquette politique.

M. Jean Louis Masson. Par ailleurs, il ne faudrait quand même pas instaurer la proportionnelle dans les villes et ne pas le faire dans les campagnes ! Le gouffre se creuserait encore plus entre les unes et les autres : il y aurait les rats des villes et les rats des champs…

Pourquoi devrait-on traiter différemment les villes et les campagnes ? Si l’on crée des cantons dans les campagnes, il n'y a pas de raison de ne pas en créer aussi dans les villes. Je ne vois pas pourquoi certains habitants auraient droit à un élu territorialisé, tandis que les autres seraient obligés de subir la proportionnelle, c'est-à-dire un système dans lequel, vous le savez bien, on doit voter pour un magma de candidats sans trop savoir à qui on a affaire.

Pour ma part, j’estime que la disposition du projet de loi qui vise à créer de grands cantons représentés chacun par deux personnes assure la territorialité des élus : une fois le système en place, chaque élu deviendra un interlocuteur pour la population et les municipalités.

Quand j’entends dire que si nous passons d’un à deux élus par canton ce sera la fin du monde, je crois rêver ! Ceux qui seront élus dans ce cadre comprendront très vite que, s'ils veulent être réélus, ils doivent s'occuper des habitants et des municipalités qu’ils représentent. Et cela se passera très bien !

Par ailleurs, c’est bien pour répondre à l’exigence de parité qu’il est prévu d’élire deux conseillers départementaux par canton. Il y aura toujours autant de conseillers, mais, je l’ai dit ce matin, lorsqu’il s’agit des cantonales, on pense non pas au nombre de conseillers mais au nombre d'hommes !

Effectivement, il y aura deux fois moins d'hommes dans les conseils départementaux que dans les conseils généraux, mais rappelez-vous, mes chers collègues, des débats au Sénat lors de l’instauration de la parité aux élections sénatoriales !

Mme Cécile Cukierman. Et de la proportionnelle !

M. Jean Louis Masson. À l’époque aussi, certains sénateurs croyaient que ce serait la fin du monde !

Aujourd'hui, nous avons dans cette enceinte de charmantes collègues qui travaillent aussi bien que les hommes. Le système fonctionne remarquablement et chacun trouve que la parité est une réussite. Chacune avec sa sensibilité politique, les femmes apportent une vision des problèmes qui leur est propre. D’ailleurs, si nous faisions aujourd'hui un sondage ici, je crois qu’il n’y aurait plus un seul sénateur pour trouver anormale la présence des femmes au Sénat.

M. Jean Louis Masson. Pour les conseils généraux, il en ira de même !

Certains s’offusquent parce que le système risque de mettre en péril les situations acquises, parfois par copinage, ou, tout simplement, parce qu’ils craignent de ne pas être réélus. Personnellement, je trouve que c’est très bien : je l'ai dit ce matin, il faut du renouvellement. Je voterai donc l’article 2.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, le risque d'inconstitutionnalité n’existe pas.

Les circonscriptions des sénateurs, qui sont sénateurs de la France, sont les départements, où ils sont élus soit à la proportionnelle, soit au scrutin majoritaire.

M. Didier Guillaume. Pas dans un même département !

M. Philippe Adnot. Si les conseillers départementaux pouvaient être élus dans une circonscription électorale soit à la proportionnelle soit au scrutin majoritaire, ce serait rigoureusement la même chose !

Je me suis enquis du risque d’inconstitutionnalité auprès de professeurs spécialistes du droit constitutionnel : ils m’ont garanti que, toutes choses étant égales par ailleurs, les deux systèmes étaient identiques.

Je le redis, je ne suis pas un opposant farouche du système qui nous est proposé, mais j’aimerais que les sénateurs se prononcent très librement sur cette question et que l’on voie qui est favorable à quoi.