M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’agroalimentaire est le premier secteur industriel de notre pays, tant en chiffre d’affaires qu’en valeur ajoutée. Il représentait 13 % de nos exportations en 2012.

C’est aussi le premier employeur industriel français, avec 415 000 salariés. Dans ma région, comme dans l’ensemble du territoire, les entreprises de l’agroalimentaire sont diversifiées et innovantes : elles emploient 17 000 personnes en Midi-Pyrénées, avec une forte prédominance des industries de la viande et des produits laitiers. Il s’agit de la première région française pour la fabrication de produits de salaisonnerie sèche, avec 35 % de la production nationale de jambon sec. Nous produisons notamment la Rolls-Royce de cette catégorie, je veux parler du Noir de Bigorre, que chacun connaît ! (Sourires.)

Or le secteur agroalimentaire risque aujourd’hui de traverser une crise grave à la suite des différents scandales que nous connaissons. Surtout, nos industries agroalimentaires doivent faire face depuis plusieurs années à des difficultés structurelles, à l’instabilité des cours des matières premières, renforcée par la spéculation sur ces derniers, et à une concurrence internationale de plus en plus intense, voire souvent déloyale.

En effet, comme dans bien d’autres secteurs, nous assistons, impuissants, au pillage de nos savoir-faire : les entreprises chinoises bénéficient certes de transferts de technologies en provenance du vieux continent, mais elles copient également les techniques de nos producteurs de foie gras, par exemple, et nous inondent de leurs produits de qualité plus que douteuse, tandis que leur marché domestique est fermé aux nôtres. Est-ce bien là le commerce international que nous voulons ?

L’agroalimentaire est un secteur stratégique à défendre, comme l’ont écrit dans leur rapport nos collègues de la mission commune d’information du Sénat sur la désindustrialisation des territoires. La nécessité de défendre cette industrie est de plus en plus prégnante.

Dans un communiqué de presse du 24 septembre 2012, les ministres chargés de l’agriculture, du redressement productif et de l’agroalimentaire ont déclaré : « Le rôle des pouvoirs publics est d’aider [les industries agroalimentaires] à mieux valoriser leurs productions et à favoriser durablement leur compétitivité internationale ».

Madame la ministre, ma question est donc simple : quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre, et suivant quel calendrier, pour renforcer la compétitivité des entreprises agroalimentaires françaises, fleurons de l’industrie nationale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le rapport Gallois a mis en évidence un décrochage de la compétitivité française depuis dix ans, notamment dans le secteur de l’agroalimentaire, lequel a connu un recul réel à l’échelon intracommunautaire.

À cela, il y a des raisons de coût ; en effet, les charges de personnel représentent 9 % du chiffre d’affaires produit par les entreprises d’abattage-découpage des porcs, par exemple, mais 75 % de la valeur ajoutée de cette filière. Il y a donc un problème de compétitivité-coût auquel il faut, bien entendu, s’attaquer.

Par ailleurs, comme le dit Louis Gallois dans son rapport, il faut rompre ce cercle vicieux dans lequel la faible spécialisation en niveau de gamme par rapport à la concurrence internationale, vous l’avez bien montré, entraîne de faibles marges, donc de faibles investissements, qui, à leur tour, suscitent une mauvaise ou une faible spécialisation. L’industrie agroalimentaire est confrontée à la même problématique que tous les autres secteurs de l’économie. La performance de nos industries dans ce secteur implique donc des choix nouveaux.

Il faut savoir que 60 % de la main-d’œuvre employée actuellement dans les abattoirs allemands serait étrangère. Ce n’est donc pas en luttant sur les coûts que nous pourrons nous sortir par le haut de cette situation. À mon sens, ce modèle ne peut pas être suivi en France ; du moins n’est-il pas souhaitable.

Au-delà de cette discussion sur l’application d’un certain nombre de directives, notamment la directive « détachement », nous avons besoin d’une stratégie politique de production, que nous devons aujourd’hui partager avec nos partenaires européens. Celle-ci doit absolument s’appuyer sur des éléments de compétitivité hors coût de nos industries agroalimentaires.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sera évidemment particulièrement utile aux entreprises du secteur, notamment dans les filières « viande », bien que son impact reste limité par rapport à l’ampleur du différentiel de coût du travail avec les abattoirs allemands, par exemple.

S’agissant des éléments de compétitivité hors coût, à savoir la qualité et l’image des produits – vous avez justement fait référence à une spécialité made in France qui véhicule cette notion de savoir-faire –, nous aurons une stratégie de montée en qualité et en gamme, qui est indispensable pour promouvoir nos produits à l’étranger.

Du côté de la production, la diversité des produits, sous le signe de la qualité, permettra également de maintenir des petites structures de production-transformation.

Du côté du consommateur, une bonne lisibilité des signes de qualité et de l’image France pourra favoriser l’attractivité de nos produits.

À mes yeux, il sera important de travailler sur l’innovation, les entreprises de l’agroalimentaire faisant actuellement preuve d’une certaine insuffisance en la matière. Nous mobiliserons donc à cet effet le crédit d’impôt recherche, ainsi que les instituts techniques agroalimentaires.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.

M. François Fortassin. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai noté avec plaisir que, avec vos collègues Nicole Bricq, Arnaud Montebourg et Sylvia Pinel, vous avez officiellement lancé, le 30 janvier dernier, la stratégie de « marque France ».

Toutefois, je me permettrai d’insister sur le problème de la traçabilité. S’agissant, en particulier, de la viande, le consommateur doit au moins connaître l’origine des animaux abattus et les dates d’abattage, me semble-t-il. Au fond, la traçabilité, c’est la vérité que nous lui devons ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin.

M. Jean-Pierre Raffarin. Madame la ministre, je suis heureux de vous voir au banc du Gouvernement et de vous saluer. Je souhaite aussi que vous puissiez transmettre notre sentiment sur la gravité de la situation actuelle à M. Montebourg et aux autres membres du Gouvernement. Ceux-ci ne donnent pas toujours le sentiment d’avoir une conscience suffisante de l’importance de la crise qui est annoncée pour l’année 2013. Il s'agit pourtant d’un véritable avis de tempête industrielle sur notre pays !

Déjà, les chiffres de 2012 montrent une explosion des faillites, qui ont augmenté de 42 % à la fin de l’année. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Qu’avez-vous fait en dix ans ?

M. Jean-Pierre Raffarin. Je vous en prie, monsieur Assouline, on ne rit pas avec ces sujets. Je n’ai pas d’esprit partisan en tenant ces propos. Je sais que les responsabilités sont partagées en la matière, mais pensez à tous les salariés de l’automobile qui, même quand ce secteur allait bien, avaient des difficultés.

M. Yannick Vaugrenard. On y pense autant que vous !

M. Jean-Pierre Raffarin. Aujourd’hui que nos groupes sont en grande difficulté, imaginez quelles peuvent être leurs inquiétudes et leur anxiété. Permettez-moi d’avoir une pensée pour les 700 salariés d’Autoliv, à côté de Poitiers, aujourd’hui menacés, ou pour tous les employés des fonderies Renault, que nous avions réussi à sauver l’année dernière et qui sont de nouveau préoccupés par leur situation.

Ce n’est pas de gauche, ce n’est pas de droite : c’est une bataille primordiale que doit mener le pays tout entier contre le chômage, ainsi que l’a dit M. le Premier ministre. Respectez cette orientation ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Dans la situation actuelle, nous sommes très inquiets. Nous comprenons bien que la ressource budgétaire est faible pour aider les entreprises, mais ce n’est pas une raison pour les ponctionner.

Par ailleurs, il y a des mesures qui ne coûtent rien. Ainsi, il me semble que le passage des seuils est un sujet déterminant. Beaucoup d’entreprises évitent d’augmenter leurs effectifs de 9 à 10 salariés, de 49 à 50 salariés ou de 149 à 150 salariés pour cette raison. Il y a là des blocages incroyables.

Observez le nombre de PME qui comptent aujourd’hui 49 salariés. Il faut les aider à franchir ce seuil en introduisant de la flexibilité, car il y a là une source de compétitivité hors coût et de développement à laquelle on ne peut pas opposer l’argument financier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur Raffarin, les membres du Gouvernement sont tous très conscients de la gravité de la situation actuelle.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Si, tous !

Le Gouvernement, sachez-le, est pleinement mobilisé pour trouver des solutions, pour nos concitoyens qui souffrent du chômage ou de la précarité, mais aussi pour les entreprises, car nous savons très bien que la reprise, la croissance et la création d’emplois dépendent très fortement d’elles.

Puisque vous parlez des seuils, j’insisterai, de manière plus générale, sur les mesures que le Gouvernement a prises pour venir en aide aux PME.

Nous avons lancé, il y a peu, les Assises de l’entrepreneuriat, dans le cadre desquelles nombre d’éléments très importants soulevés par les entrepreneurs sont examinés. Tel est le cas, notamment, d’un certain nombre de verrous, qu’ils soient de nature réglementaire, fiscale ou autre, qui bloquent le développement, la croissance, l’exportation ou le financement de nos entreprises, en particulier des PME.

Dans le cadre de cette réflexion, un groupe de travail est consacré à la simplification, administrative notamment, qui vise à faciliter la vie quotidienne des entreprises en limitant un certain nombre de formalités, en faisant en sorte que les entreprises soient conduites à ne produire qu’une seule fois des documents qu’on a tendance aujourd’hui à leur demander cinq, six, sept ou dix fois dans l’année. Ce projet, que nous appelons « Dites-le-nous une seule fois », concourra à permettre aux entreprises de se concentrer sur leur activité et non pas sur des démarches administratives, qui prennent du temps, coûtent de l’argent et ne rapportent rien.

Dans ce groupe de travail est aussi menée une réflexion sur la question des seuils. Vous avez raison, ce problème est souvent soulevé, mais nous avons du mal à en quantifier l’impact macroéconomique.

Nous examinons donc, avec les services sur lesquels je m’appuie pour les Assises de l’entrepreneuriat, quels sont les blocages liés à ces seuils, sachant que nous disposons de contre-exemples : je pense, en particulier, à une entreprise comme Criteo, dans le numérique, qui a connu une croissance à deux chiffres au cours des cinq dernières années, tout en réussissant à franchir ces plafonds de verre.

Nous travaillons aussi avec ces entreprises, qui ont réussi à dépasser ces problèmes, pour déterminer de quelle manière nous pouvons aider les autres à suivre le même parcours.

Monsieur Raffarin, sachez que nous avons bien ces questions en tête. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Raffarin. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir répondu en partie à ma question.

Toutefois, ma conviction est qu’il y a une véritable urgence sur ces sujets. Depuis que je suis élu, c'est-à-dire depuis plus d’une trentaine d’années, je n’ai pas vu de conjoncture économique aussi tourmentée que celle que nous vivons actuellement. Je voulais simplement vous aider à mesurer l’urgence de la situation.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, vous avez, certes, hérité d’une situation difficile, mais la politique de votre gouvernement l’a aggravée.

Notre préoccupation à tous, c’est le chômage, que notre médiocre compétitivité augmente. Cette dernière notion englobe la qualité de la main-d’œuvre, le coût du travail et la qualité du management. Votre politique maintient un coût du travail toujours excessif et entraîne l’exil des cadres.

Vous avez supprimé la TVA sociale, qui baissait les charges et donc le coût du travail. Plus compétitifs, nous aurions importé moins, exporté plus, diminuant notre déficit commercial, notre chômage, et accroissant les capacités de financement de nos entreprises.

Fondé sur l’augmentation de la masse salariale, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, trop complexe et inapproprié pour les PME, ne bénéficiera qu’aux entreprises en croissance. Pour les autres : rien !

Il favorisera surtout les grands groupes, dont l’activité s’exerce autant à l’étranger qu’en France, et non les PME, fragilisées par la crise et qui donc n’embauchent guère. De plus, les auto-entreprises et les TPE sont exclues du dispositif. Votre crédit d’impôt se résume donc à un crédit d’embauche pour les grandes entreprises !

Chacun conviendra que, pour être compétitives, nos entreprises doivent investir. Or leur capacité d’investissement a été laminée par une hyper-taxation décourageante, qui ôte l’envie, laquelle est également un moteur de compétitivité.

Madame la ministre, quelles mesures fiscales incitatives comptez-vous mettre en œuvre pour améliorer la compétitivité de nos PME, afin que celles-ci puissent affronter la concurrence internationale ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, est destiné en premier lieu aux PME. Nous avons commencé à nous rendre dans les régions pour informer les préfets des modalités d’application de ce dispositif, en particulier celles qui sont relatives au préfinancement destiné à soulager les difficultés de trésorerie des PME.

Ce crédit d’impôt sera extrêmement facile à utiliser, car les PME connaissent déjà très bien le mécanisme du crédit d’impôt recherche ; or la procédure sera la même. Les PME auxquelles nous avons présenté ce dispositif savent parfaitement comment elles vont le mobiliser.

Je rappelle que le CICE représentera l’équivalent d’un allègement de charges de 12 milliards d’euros en 2013 et de 20 milliards d’euros en 2014. Monsieur le sénateur, quand vous affirmez que le Gouvernement ne fait rien pour alléger le coût du travail, ce n’est vraiment pas exact.

Les PME pourront solliciter le préfinancement du CICE directement auprès d’OSEO, dès cette semaine, puisque la Banque publique d’investissement, la BPI, a commencé à fonctionner, en cédant la créance du CICE qu’elles détiennent sur l’État. Les banques commerciales pourront également proposer le préfinancement du CICE à compter du début du deuxième trimestre de cette année.

Que faisons-nous, d’une manière plus générale, pour améliorer la compétitivité des entreprises dans la compétition internationale ?

Nous avons pris un certain nombre de mesures importantes en faveur des PME – elles me tiennent à cœur pour les raisons que vous pouvez imaginer ! –, notamment pour soulager leur trésorerie : dans le cadre du pacte de compétitivité, nous avons en effet instauré un dispositif d’aide à la trésorerie doté de 300 millions d’euros. Un certain nombre de défaillances de PME sont en effet liées à des difficultés de trésorerie à court terme, dues notamment au non-respect des délais de paiement par de grandes entreprises ou des collectivités publiques.

Nous avons également mis en place le préfinancement du CICE, pour permettre aux PME d’anticiper le recouvrement de leur créance et résoudre ainsi une partie de leurs problèmes de trésorerie.

La BPI est opérationnelle depuis la semaine dernière, vous le savez. Elle permettra de mieux orienter l’épargne des Français vers les PME et les entreprises de croissance. La simplification de la vie des entreprises à laquelle j’ai fait allusion permettra également d’améliorer la compétitivité des entreprises.

Enfin, les assises de l’entrepreneuriat sont un événement tout à fait inédit dans la vie de la Ve République.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Elles permettront de recentrer la discussion avec les entreprises et de trouver des solutions concertées.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais celle-ci ne me satisfait pas.

En effet, nous avons tous conscience de l’inquiétude des salariés et des entrepreneurs. Le chiffre qu’a cité Jean-Pierre Raffarin est éloquent : le nombre de faillites a augmenté de 42 % ; c’est dramatique ! Votre projet de CICE s’adresse aux entreprises qui embauchent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Pas du tout !

M. Aymeri de Montesquiou. Or les PME n’embauchent plus aujourd’hui. Nous observons même un phénomène tout à fait nouveau : les chefs d’entreprises préfèrent distribuer les maigres profits qu’ils réalisent plutôt que de les réinvestir. On constate une perte de confiance et une diminution de l’envie d’entreprendre. Autre symptôme inquiétant : 27 % des étudiants préfèrent envisager une carrière à l’étranger.

Il faut donc redonner l’envie d’entreprendre, en instaurant une fiscalité incitative ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, je souhaite évoquer un secteur industriel qui n’est pas sinistré, loin s’en faut : il s’agit de l’industrie pharmaceutique et de la recherche afférente, un domaine d’activité qui contribue à amoindrir notre déficit extérieur, puisqu’il est excédentaire. Pour autant, le conflit qui se déroule actuellement à Toulouse pose la question de la survie – le mot n’est pas trop fort – d’un centre de recherche, avec 614 emplois à la clé ; il est annonciateur de lendemains qui pourraient déchanter.

Un précédent orateur a évoqué les problèmes résultant de la financiarisation de certaines activités, et c’est précisément de cela qu’il s’agit ici. Il est évident que si l’on sert davantage les actionnaires, il faut réduire l’effort dans la recherche-développement. De ce fait, les nuages s’amoncellent à l’horizon.

De même, quand on favorise l’externalisation de la recherche-développement par le biais de start-up ou en engageant des recherches à l’étranger, on met en danger le potentiel d’innovation de cette industrie, tout en alimentant l’inquiétude des chercheurs qui s’éloignent, de fait, de leur cœur de métier, à savoir le développement de médicaments destinés à soigner les patients.

Les salariés expriment donc leur inquiétude, et je la partage. En effet, dans les dix ou quinze ans qui viennent, nous risquons d’assister à la remise en cause une stratégie sanitaire et industrielle payante – c’est le cas de le dire ! Madame la ministre, je souhaiterais connaître le sentiment du Gouvernement à ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, si vous le permettez, je souhaiterais revenir sur un chiffre cité tout à l’heure : le nombre des défaillances d’entreprises s’est élevé à 59 000 en 2012, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à 2011.

Ensuite, le CICE s’applique à toutes les entreprises, puisqu’il est fonction de la masse salariale en dessous d’un certain salaire calculé en fonction du SMIC, et non pas aux seules entreprises qui embauchent.

M. David Assouline. Voilà la vérité !

M. Jean-Pierre Raffarin. Reportez-vous à l’observatoire de L’Expansion, dans le dernier numéro de cette revue !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Cette précision étant apportée, j’en viens aux industries de santé.

La France est une grande nation dans le domaine de l’industrie pharmaceutique : certaines de nos entreprises sont des champions mondiaux et notre recherche-développement est forte et puissante. Tous ces éléments justifient le maintien d’un secteur à haut niveau de productivité.

Les effectifs salariés globaux de l’industrie pharmaceutique s’élèvent à 103 000 emplois directs, un chiffre à peu près constant depuis les années 2000, sans que l’on observe, pour l’instant, de conséquences nettes de la crise. Considérée dans son ensemble, la chaîne du médicament emploie 310 000 personnes.

Néanmoins, vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, cette industrie connaît de fortes mutations et doit être accompagnée : elle le sera d’ailleurs dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, le PIA. Je le rappelle, le secteur de la santé mobilisera plus de 10 % des 35 milliards d’euros affectés à ce programme, car il en constitue l’une des priorités.

La spécificité de la filière, vous l’avez dit, réside dans la diversité des entreprises qui la composent : à côté de très grands groupes, un nombre important de PME et d’entreprises de taille intermédiaire représentent un grand potentiel de recherche et d’innovation, qu’il faut absolument mobiliser.

La prochaine réunion du Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS, est prévue en juin 2013. Cette institution permet au Gouvernement et aux industries de santé d’affirmer la vocation de la France à conserver son rang de grand pays dans les sciences du vivant et de la santé.

Le comité stratégique de filière des industries et technologies de santé, quant à lui, a pour mission de mieux structurer, au plan national, la filière des industries de santé en intégrant ses différents secteurs – médicament, biotechnologies, outils de diagnostic, etc. –, avec l’aide des partenaires sociaux, des pôles de compétitivité et des organismes de recherche. La feuille de route du comité stratégique comportera deux grands axes : conforter la capacité de recherche et d’innovation de la France et soutenir les industries de santé, en tant que filière stratégique pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour la réplique.

M. Jean-Jacques Mirassou. J’ajouterai simplement un commentaire. Dans ce secteur plus qu’ailleurs, le Gouvernement a un devoir et un droit d’ingérence, puisque – faut-il le rappeler ? – le remboursement des médicaments est financé par les contribuables, au même titre que le crédit d’impôt recherche ! En vous interpellant, madame la ministre, j’ai souhaité insister sur la nécessité, pour le Gouvernement, de s’activer davantage dans le cadre de la réorganisation de la filière.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Les lois de finances rectificatives votées cet été ont permis au Gouvernement de prélever 13 milliards d’euros d’impôts et de taxes supplémentaires sur les entreprises.

Dans le même temps, alors que les marges étaient au plus bas et que les investissements des entreprises s’écroulaient, il était pour le moins aberrant de supprimer dans l’urgence le dispositif de la TVA anti-délocalisations qui transférait 13 milliards d’euros de charges sociales pesant sur les entreprises vers la fiscalité.

M. David Assouline. Pour faire payer les consommateurs !

M. Francis Delattre. Ce dispositif aurait produit ses effets dès le 1er octobre 2012 et amélioré ainsi la situation financière de nos entreprises.

Vous avez essayé de réparer cette bévue en reprenant partiellement l’analyse du rapport Gallois sur la nécessité d’un choc de compétitivité – devenu en fait un pacte –, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Malheureusement, cette mesure urgence n’a reçu aujourd’hui aucun début d’application, ce qui m’amène à vous poser trois questions.

Tout d'abord, au-delà du verbiage d’une instruction fiscale, pouvez-vous nous préciser les modalités de l’application de ce crédit d’impôt en 2013 ? Ce dispositif de 20 milliards d’euros devait être financé à parité par la fiscalité, que nous connaissons, et par dix milliards d’euros d’économies, que nous ne connaissons pas. Pouvez-nous nous préciser les contours de ces économies ? À défaut, ce pacte se réduirait à un habile plan de communication.

Ensuite, quid des dix-neuf autres propositions du rapport Gallois, notamment celles qu’il qualifiait de « complément indispensable au choc de compétitivité », en particulier les mesures destinées à renforcer les fonds propres des entreprises et à soutenir leurs investissements, dans une période où le crédit bancaire se fait rare, avec l’application des directives de Bâle III ?

Enfin, qu’en est-il, madame la ministre, de la réorientation vers les PME et les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, des plans d’épargne en action, les PEA, et, plus généralement, du développement de l’actionnariat des PME dans un cadre fiscal non pénalisant et visible par rapport à d’autres placements ? Je vous rappelle que quatre millions d’investisseurs soutiennent aujourd’hui l’économie réelle, alors qu’ils étaient encore sept millions il y a deux ou trois ans. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, je l’ai dit tout à l’heure, représente un effort de l’État de 20 milliards d’euros en faveur des entreprises. J’insiste sur ce chiffre, puisque vous faisiez référence aux 13 milliards d’euros d’augmentation de la TVA, qui auraient pesé sur les consommateurs français, sans distinguer les plus riches des plus défavorisés.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi vise à créer un choc de confiance, comme le demandait Louis Gallois dans son rapport, afin de permettre à nos entreprises de renouer avec l’embauche et l’investissement. Je le répète, ce crédit d’impôt représentera un allègement de charges patronales de 12 milliards d’euros en 2013, le temps de la montée en charge du dispositif, et de 20 milliards d’euros en 2014.

Les PME pourront solliciter le préfinancement du CICE directement auprès de la BPI ou d’OSEO, en cédant leur créance sur l’État. Les banques commerciales, avec la garantie d’OSEO, pourront aussi assurer ce préfinancement. Le mécanisme est extrêmement simple : il suffira aux entreprises de calculer le montant de crédit d’impôt auquel elles ont droit et de le présenter à l’organisme bancaire pour obtenir le préfinancement.

Vous m’interrogez ensuite sur les mesures en faveur des fonds propres des entreprises. Il ne vous a pas échappé, en effet, que nos entreprises, en particulier nos PME, souffrent d’un taux d’autofinancement plus faible que celui des autres entreprises européennes. Elles rencontrent également des difficultés dans l’accès aux fonds propres, car l’industrie du capital-risque ou du capital développement est insuffisamment développée en France.

Là encore, la Banque publique d’investissement, qui sera dotée de plus de 40 milliards d’euros de fonds propres, apportera une réponse : elle est la banque des PME et elle permettra de résoudre leurs difficultés de financement, à la fois en termes de crédit et d’apport de fonds propres. Il s’agit donc d’une réponse extrêmement concrète, comparée au bilan, que je préfère ne pas qualifier, du gouvernement précédent.