M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question précise, à laquelle j’attendais une réponse précise. Au lieu de cela, vous me donnez l’impression de lire la plaquette de présentation du maire de Paris ! (Sourires.)

Vous me dites que ce dernier a une vision, qu’il a une ambition. Il a surtout l’ambition de partir à la retraite, lui qui est en poste depuis douze ans, puisque nous savons qu’il ne va pas se représenter.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Méfiez-vous ! Ne le poussez pas trop ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Dominati. Je vous pose une question précise, et vous semblez presque me lire un programme électoral… Monsieur le ministre, étant tous deux engagés en politique, nous savons tous deux ce qu’il en est !

Vous ne l’ignorez pas, la région d’Île-de-France investit dans des infrastructures routières : on couvre le périphérique, on couvre des voies d’autoroute dans des départements limitrophes de Paris et, à cinquante mètres de Notre-Dame, on ne serait pas capable à la fois d’aménager le site et de préserver l’activité économique de la capitale en aménageant des voies rapides couvertes ? On fait un projet « à l’économie » ! Certes la somme en jeu n’est pas négligeable, mais elle n’est rien au regard des 2,5 kilomètres à aménager de part et d’autre du fleuve !

L’État devrait intervenir. Vous affirmez qu’il n’en a pas les pouvoirs. Pourtant, vous disposez bien du pouvoir de réglementation ! De surcroît, dans ses pouvoirs de police, le préfet relève bien du ministre de l’intérieur. Et celui-ci fait une grande déclaration dans un journal parisien pour critiquer cet aménagement. Depuis, qu’a fait le Gouvernement ? Rien !

Vous me parlez d’aménagements flottants, de remise en valeur de la Seine. Mais, à peine élu, il y a douze ans, le maire de Paris avait déjà dit qu’il s’attaquerait à l’axe de la Seine.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Oui !

M. Philippe Dominati. Et, il y a encore plus longtemps, quand M. Huchon est arrivé à la tête de la région, lui aussi a promis de s’occuper de la Seine. Une société mixte a même été créée à cette fin. Elle a fait faillite il y a un an et nous sommes aujourd'hui obligés de la renflouer !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Et le fret fluvial ?

M. Philippe Dominati. Voilà dix ans que le projet capote régulièrement…

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Non !

M. Philippe Dominati. … et vous me parlez d’une ambition nouvelle !

Monsieur le ministre, il n’y a pas que les aménagements qui soient flottants : la position du Gouvernement sur le sujet l’est tout autant ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Il ne sert à rien que le ministre de l’intérieur fasse semblant de critiquer le projet dans la presse en disant que l’activité économique est en danger à Paris si un autre membre du Gouvernement nous invite à l’inauguration et nous promet que nous serons ravis ! Non, monsieur le ministre, je ne suis pas ravi, et les Parisiens ne le sont pas non plus !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. On verra !

M. Philippe Dominati. Prenez une position ferme et faites entendre votre voix sur les sujets parisiens, dont je sais qu’ils vous intéressent. Vous qui avez été élu local, ne laissez pas les choses se faire au petit bonheur la chance, à un an des élections, alors que la majorité municipale est en place depuis douze ans !

plan de développement du marché des automobiles électriques

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 181, adressée à M. le ministre du redressement productif.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la raréfaction des énergies fossiles implique que les différents acteurs, aussi bien l’État que les entreprises et les particuliers, se préparent à changer d’habitudes et de comportement, en particulier dans le domaine du transport individuel.

C’est dans ce contexte de mutation et de difficultés de l’industrie automobile classique que, voilà tout juste un mois, le 83e salon de l’automobile de Genève ouvrait ses portes.

Force est de constater que l’industrie automobile est enfin entrée dans le tourbillon de l’électrique : de nombreuses marques proposent des modèles, essentiellement de petite taille, à commencer par Renault, avec la Zoé. Certes, il convient, dans le même temps, d’évoquer le dépôt de bilan annoncé hier par Heuliez, qui n’a pas pu, en 2012, écouler plus de 700 de ses véhicules électriques Mia.

En 2012, 5 660 véhicules électriques ont été vendus, représentant 0,3 % du marché français, et jusqu’à 1,75 % si l’on inclut les voitures hybrides, soit tout de même deux fois plus qu’en 2011. Mais, dans l’ensemble de l’Europe de l’Ouest, ce ne sont que 24 203 véhicules complexes électriques qui ont été commercialisés, soit 0,21 % du total des ventes. Or la flotte de véhicules européenne est très ancienne et son renouvellement, eu égard à la lutte contre les émissions de CO2, devient urgent.

Malgré les mesures prises pour relancer les ventes de voitures par le biais de primes à l’achat de véhicules hybrides et électriques, dont la production devra être localisée en France, la demande ne semble pas encore être au rendez-vous.

Alors même que la prise de conscience d’une nécessaire nouvelle approche du transport se fait jour, à l’heure de la hausse continuelle des prix du carburant et aux préoccupations économiques et écologiques partagées par tout un chacun, quelles sont les causes de ce peu d’appétence pour le combustible alternatif qu’est l’électrique ? S’agit-il des problèmes d’autonomie, du prix d’achat du véhicule, des frais de réparation et d’entretien, de l’achat ou de la location des batteries ? S’agit-il du faible nombre de bornes, le risque de panne par manque de bornes de recharge étant régulièrement évoqué ?

À propos des bornes, il faut bien remarquer que celles qui sont d’ores et déjà installées le sont essentiellement en milieu urbain. La recharge ne pouvant se faire que sur des bornes dédiées ou via des prises spécifiques installées chez le particulier, le plein d’énergie demande près d’une heure sur une borne publique, mais six à sept heures à domicile ! Il n’existerait que 1 473 bornes sur notre territoire, dont beaucoup sont en panne ou peu opérationnelles. Mon département de l’Aisne n’en compterait même pas du tout !

Réagissant au très faible niveau de vente des premiers modèles enregistré en 2012, les constructeurs déplorent le manque de bornes, qui pourrait expliquer ces débuts difficiles. Comment l’objectif, fixé en 2009, de 400 000 bornes pour 2020, pourra-t-il être atteint, alors même que les prévisions tablent sur à peine 3 000 bornes en accès public par an ?

Il convient donc que les États, les villes et les constructeurs coopèrent afin que les infrastructures nécessaires soient mises en place. Alors même que le véhicule électrique représente un vaste marché, sur lequel le Gouvernement a parié en faisant de sa construction une priorité, il ne faudrait pas que l’offre faite aux consommateurs voie sa diffusion freinée par manque d’alimentation.

Si la France paraît actuellement faire figure de proue dans le développement de l’électrique, il est bien évident que des coûts d’usage et de maintenance inférieurs à ceux des véhicules thermiques seront les déclencheurs d’une utilisation de masse du véhicule électrique. C’est ainsi que nous relèverons ce défi !

Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un état des lieux des mesures de déploiement des bornes dédiées, au-delà du plan automobile présenté en juillet 2012 et du lancement de la mission Hirtzman le 3 octobre dernier ? Pouvez-vous également nous faire connaître la position du Gouvernement sur la situation d’Heuliez ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre du redressement productif, retenu ce matin par le comité stratégique de la filière mode et luxe, à Paris.

Avec le plan automobile présenté le 25 juillet 2012, le Gouvernement s’est vigoureusement engagé pour promouvoir le véhicule électrique.

L’État et ses opérateurs montrent ainsi l’exemple en consacrant 25 % des achats de véhicules aux véhicules électriques ou hybrides rechargeables, cette part étant portée à 100 % pour les véhicules urbains.

Le développement du marché des véhicules électriques a été accéléré, en augmentant de 2 000 euros le bonus pour l’achat d’un véhicule électrique, qui a été porté à 7 000 euros.

Les premiers résultats de cette politique ambitieuse sont d'ores et déjà perceptibles : dans un marché automobile français malheureusement en baisse de près de 14 %, les ventes de véhicules électriques ont vu leurs ventes multipliées par deux, qu’il s’agisse des véhicules particuliers ou des camionnettes, qui totalisent respectivement 5 663 et 3 651 unités vendues l’an dernier, contre 2 630 et 1 683 en 2011. Sur les deux premiers mois de l’année 2013, 898 véhicules particuliers et 874 véhicules utilitaires légers électriques ont été immatriculés, soit 1 772 au total, confirmant la progression de 2012. Cette croissance devrait se prolonger, portée par l’arrivée de nouveaux modèles de Renault – Zoé – et PSA –Berlingo et Partner.

Par ailleurs, pour accompagner les initiatives des collectivités territoriales, auxquelles les lois Grenelle ont confié la compétence pour le déploiement d’infrastructures de recharge, l’État a lancé en janvier 2013 un nouvel appel à manifestation d’intérêt, doté de 50 millions d’euros sur les fonds du programme d’investissements d’avenir, et ouvert à toutes les régions, départements, groupements de villes et communautés d’agglomération de plus de 200 000 habitants pour implanter davantage de bornes de recharge ouvertes au public.

Au 1er avril 2013, ce sont 6 500 prises de recharge qui sont implantées en France, contre 1 800 en juillet 2012.

Les premiers projets régionaux ou départementaux sont en cours de formalisation. Ils laissent espérer l’installation de 8 000 prises de recharge avant la fin de l’année.

Nous souhaitons, vous le savez bien, accélérer le développement de ces initiatives et sommes fortement mobilisés pour que ces résultats soient encore plus spectaculaires en 2013. Nous y travaillons avec l’ensemble des acteurs publics et privés.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle ne me satisfasse pas totalement.

J’ai élaboré ma question voilà six mois mais elle reste d’une brûlante actualité. Entre-temps, le 6 février dernier, s’est tenue une réunion à la Caisse des dépôts et consignations autour du coordinateur du réseau des infrastructures de charge et de la responsable du programme « véhicule électrique du futur » de l’ADEME. Son objectif, vous l’avez rappelé, était de présenter aux collectivités locales les dispositifs de déploiement des infrastructures de recharge.

L’aide de 50 millions d’euros que vous avez évoquée a été mise en œuvre et se révèle bienvenue. Elle est de 50 % pour les bornes à charge normale et de seulement 30 % pour les charges rapides. Pourtant, ce sont ces dernières qui seraient les plus efficaces sur le domaine public.

Enfin, n’a pas été abordée la question cruciale de l’incapacité des constructeurs européens de s’entendre sur un standard de recharge commun. Je vous demande de bien vouloir transmettre ce message à M. Montebourg, afin qu’il relaye ces inquiétudes auprès de Bruxelles, dans la perspective d’une uniformisation à laquelle la Commission doit, me semble-t-il, réfléchir.

Il paraît en effet que la recommandation s’oriente vers la prise allemande de « type 2 », qui est interdite en France pour des raisons de sécurité, liées à l’obligation d’obturateur.

L’avancement de ce dossier est donc loin d’avoir trouvé sa vitesse de croisière. Je compte sur l’action du Gouvernement pour aider au déploiement envisagé.

suppression des aides financières extra-légales pour les personnes bénéficiant de l'allocation aux adultes handicapés

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 412, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, cette question va peut-être vous paraître d’un intérêt très local.

Président, depuis vingt-cinq ans, du conseil de surveillance d’un hôpital psychiatrique situé dans une ville moyenne de 10 000 habitants, je considère comme une chance le fait que nous ayons pu, avec la municipalité et de nombreuses associations, réaliser plus de 140 logements permettant aux personnes handicapées de ne pas rester à l’hôpital et de continuer à vivre dans la société civile.

J’ai donc été très ému quand j’ai appris qu’était envisagée la suppression des aides financières extra-légales pour les personnes bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.

En effet, il semblerait que la caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin ait décidé de supprimer les aides financières à compter du mois de juillet 2013 pour les personnes titulaires de l’AAH, aides qui sont destinées à apporter un soutien dans la vie courante de ces personnes : aide ménagère, aide aux courses, etc.

Cette décision aurait de nombreuses conséquences aussi bien pour les usagers que, en termes financiers, pour les associations.

Les associations qui prennent en charge des personnes présentant des troubles psychiques dans le cadre de la réinsertion par le logement proposent un service d’aide ménagère permettant de les maintenir à domicile, ce qui évite souvent les réhospitalisations.

La suppression de ces aides fragiliserait un peu plus ces personnes pour qui le handicap psychique est une difficulté dans le maintien de l’autonomie. Cette perte risque d’accentuer leur isolement social. À terme, ces personnes ne pourront pas être maintenues à domicile ; elles risquent de rechuter et d’être réhospitalisées.

Le coût de ces réhospitalisations sera bien évidemment supérieur à celui des aides dont elles bénéficiaient jusqu’à maintenant.

En outre, ces associations, qui n’auront plus les financements nécessaires, devront éventuellement licencier une partie de leur personnel.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend maintenir la suppression de ces aides financières extra-légales pour les personnes bénéficiant de l’AAH.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, qui, dans l’impossibilité d’être présente ce matin, m’a demandé de vous répondre.

Je tiens tout d’abord à préciser que les aides extra-légales que les caisses primaires d’assurance maladie dispensent relèvent de leur action sanitaire et sociale et sont, à ce titre, de la compétence locale.

Le Gouvernement ne supprime en aucun cas des aides qu’il n’a pas la charge d’accorder ni de cibler.

L’amélioration de l’accès aux soins de tous, en particulier des personnes handicapées, est au cœur de l’action gouvernementale. Elle s’est traduite dans les faits par l’augmentation de 7 % du plafond de l’éligibilité à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, inscrite dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Cette augmentation permettra, à terme, de couvrir 750 000 personnes de plus par la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et l'aide à la complémentaire santé, l’ACS. Parmi ces 750 000 personnes, au moins 100 000 sont aujourd’hui bénéficiaires de l’AAH et pourront ainsi bénéficier d’une aide supplémentaire à l’accès aux soins.

À cet égard, l’initiative de la CPAM du Bas-Rhin s’inscrit dans la ligne que le Président de la République a fixée de « généralisation de la couverture complémentaire à tous les Français » lors du congrès de la mutualité d’octobre 2012. Elle complète, en quelque sorte, la mesure nationale du plan de lutte contre la pauvreté en majorant, via des aides extra-légales, le soutien financier apporté aux bénéficiaires de l’ACS et de la CMU-C.

Les personnes handicapées sont aujourd’hui plus nombreuses à bénéficier d’une complémentaire santé. Le Gouvernement reste par ailleurs extrêmement attentif à ce que l’accès aux soins, à la fois pour la santé et l’aide à la vie quotidienne des personnes handicapées s’améliore, dans le cadre du droit commun.

La CPAM du Bas-Rhin a veillé à appliquer un temps de transition dans le « reciblage » de ses aides extralégales en faveur d’une généralisation de la mutualisation, qui couvrira aussi les bénéficiaires de l’AAH. Par ailleurs, ces derniers peuvent cumuler l’AAH avec la prestation de compensation du handicap, la PCH, que leur handicap soit psychique ou non. Nous serons très attentifs à ce que la qualité de prise en charge ne diminue pas pour ces personnes.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, votre réponse étant très technique, je l’analyserai en détail ultérieurement pour savoir si elle est satisfaisante. (Sourires.)

Vous dites que les aides dépendent de la caisse primaire d’assurance maladie locale et non du Gouvernement. Certes, mais toutes les aides qui relèvent du domaine social se retrouveront dans le domaine sanitaire, qui relève bien, lui, du Gouvernement. Il faut donc bien veiller à maintenir un équilibre en la matière.

interdiction des feux de cheminée

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 328, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Alain Gournac. Madame la ministre, un bruit, qui n’était pas celui d’une bûche dans l’âtre, est parvenu à mes oreilles, un bruit selon lequel il serait désormais interdit aux Français de faire ce que mon père appelait une « flambée », autour de laquelle la famille se retrouvait…

J’observe un vif émoi chez les Franciliens, je rencontre des habitants du Pecq, ville dont je fus longtemps maire, qui m’interpellent : « Est-il vrai, monsieur le sénateur, que l’on va nous empêcher de faire des feux dans nos cheminées à partir de 2015 ? » Bien sûr, j’émets les plus grands doutes, mais je les assure que, faute d’éléments d’information précis, je me renseignerai.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, madame la ministre, je m’adresse à vous : pour obtenir ces informations.

Croyez-moi, au moment où l’on met tous les repères par terre, beaucoup de Français, dans mon département ou ailleurs, veulent acheter une maison avec une cheminée ; et s’il n’y en a pas, la première chose qu’ils font en prenant possession de leur maison est d’en faire installer une. Alors, allez donc leur expliquer qu’ils n’auront plus le droit, à partir de 2015, de faire un feu de cheminée à « foyer ouvert », que seuls les feux de cheminée à « foyer fermé » seront autorisés !

Madame la ministre, franchement, où est le danger de la « flambée » ? Comme moi, les Français ne comprennent pas pourquoi le Gouvernement veut leur interdire ce petit plaisir qu’ils s’accordent à la saison froide ou lorsque les nuits sont encore fraîches.

En tant que modeste législateur, je me demande comment mes engagements pourront être crédibles si je dois annoncer à mes concitoyens qu’ils ne pourront plus faire de feux de cheminée et que la famille devra désormais se rassembler autour du radiateur électrique ! (Sourires.) Cela me paraît aberrant !

Bien sûr, je souhaite que la santé publique soit préservée. Mais croyez-vous vraiment que les particules qui s’échappent d’une cheminée nuisent de manière si décisive à notre santé ?

Enfin, cette interdiction a été décidée en catimini, sans aucune publicité ; je lis toute sorte de documents, et je n’en ai trouvé trace nulle part. Ce n’est pas correct ! Il faut respecter les Français !

Madame la ministre, je sais que vous êtes très attentive à tout cela. Par conséquent, j’écouterai votre réponse avec beaucoup d’intérêt.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je veux vous répondre de la façon la plus franche.

Bien sûr, tout le monde apprécie un feu de bois dans la cheminée, mais il se trouve que 60 % de la population de notre pays est exposée à une qualité de l’air dégradée, dont les effets sur la santé sont désormais avérés : irritations, allergies, asthme, insuffisances respiratoires graves, maladies cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux, cancers…

Selon une étude de la Commission européenne, la pollution par les particules serait à l’origine d’environ 42 000 décès prématurés par an en France.

En outre, notre pays accuse un retard important dans le respect de la directive européenne sur la qualité de l’air de 1996. Nous sommes sous la menace d’une condamnation lourde de la Commission européenne.

C’est un fait : les vieux appareils de chauffage au bois et les foyers ouverts sont fortement émetteurs de particules. Les flambées dans les foyers ouverts représentent ainsi 27 % des émissions de particules dans l’air en Île-de-France.

Il y a là des leviers importants pour réduire significativement ces émissions, sans perte de confort. Je rappelle qu’un foyer ouvert émet six à huit fois plus de particules qu’un foyer fermé à l’aide d’un insert. Une chaudière à bois émet jusqu’à quinze fois moins de particules qu’une cheminée ouverte.

Voilà pourquoi les services de l’État en charge de l’élaboration du plan de protection de l’atmosphère pour l’Île-de-France ont proposé, après concertation – car il y a eu concertation, monsieur le sénateur –, des mesures visant à limiter les émissions de particules dues aux équipements de combustion individuels du bois. Ce plan, approuvé par arrêté interpréfectoral le 25 mars 2013, prévoit ainsi l’interdiction totale de l’utilisation des foyers ouverts à compter du 1er janvier 2015 en zone sensible.

Je vous signale que le préfet de région d’Île-de-France avait déjà interdit, en 2007, l’utilisation des foyers ouverts, sauf pour l’appoint et l’agrément.

À Paris, la combustion du bois sera totalement interdite, sauf dérogation par arrêté préfectoral. Dans la zone sensible, hors Paris, seront autorisées les cheminées à foyer fermé par un insert ou un poêle performant, c’est-à-dire doté d’un bon rendement énergétique, ce que l’on appelle « qualité flamme verte ».

Le remplacement des équipements de plus de quinze ans par des installations performantes sera recommandé et encouragé.

J’ajoute que ces mesures ont été discutées dans le cadre du Conseil national de l’air et ont fait l’objet d’une ample concertation avec l’ensemble des associations et des partenaires de la politique de l’État en matière d’amélioration de la qualité de l’air.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Madame la ministre, j’apprécie votre franchise. Cette qualité est importante pour répondre à ce genre de questions.

Pourriez-vous demander à vos services de rédiger une brève note pour expliquer cela à mes Alpicois et aux habitants de nos campagnes des Yvelines. Sinon, ils vont se dire que leur sénateur est fou ! (Sourires.)

Bien sûr, il va falloir aussi mettre en place une police des foyers ouverts, chargée de surveiller les toits et de vérifier que la fumée sortant des cheminées est bien verte ! (Sourires.)

Moi, madame la ministre, je proteste !

Je ne conteste pas du tout la nécessité de protéger la santé de nos concitoyens, mais sincèrement il est aussi important de pouvoir se retrouver en famille, que ce soit à la campagne ou près de Paris, autour d’une flambée. Dans la famille Gournac, c’était comme ça ! Et ce n’est pas vraiment pour se chauffer qu’on fait un feu dans la cheminée, d’autant que, la plupart du temps, l’habitation possède un vrai système de chauffage !

Décidément, je trouve tout à fait déplaisante cette idée de supprimer le droit de faire du feu dans la cheminée. On ne peut pas continuer à revenir ainsi sur tous nos repères, notre mode de vie. Après s’en être pris au camembert au lait cru, qui ne présentait pas, paraît-il, toutes les garanties d’hygiène, voilà qu’on s’en prend aux bûches qui flambent dans les cheminées ! Les Français perdent pied et ne croient plus du tout que les politiques soient capables de prendre les bonnes décisions.

Madame la ministre, je sens que vous brûlez d’envie de répondre à ma réponse, mais je ne suis pas sûr, monsieur le président, que notre règlement le permette… (Sourires.)

M. le président. Madame la ministre, si vous le souhaitez, je peux vous redonner la parole, pour un retour de flamme ! (Nouveaux sourires.)

Mme Delphine Batho, ministre. Je ne veux pas déroger au règlement du Sénat, mais puisque vous m’y autorisez, monsieur le président…

Je comprends parfaitement ce que vous dites, monsieur le sénateur, mais nombre d’habitants de l’Île-de-France sont préoccupés par les problèmes de pollution, notamment par les bronchiolites des enfants. Il faut donc faire un véritable travail de pédagogie sur cette question.

Grâce à cette mesure, les émissions de particules du secteur résidentiel pourraient être très sensiblement réduites. Il s’agit donc d’une mesure efficace.

Si elle ne doit entrer en application qu’en 2015 et non en 2013, c’est précisément pour nous laisser le temps de fournir des explications et de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement. Ainsi, le remplacement d’un foyer ouvert par un foyer fermé de même que les évolutions que j’ai évoquées concernant les poêles à bois seront éligibles au crédit d’impôt développement durable.

mesure de la pollution atmosphérique

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, auteur de la question n° 352, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. André Gattolin. Madame la ministre, la pollution de l’air est un sujet majeur de santé publique, comme vous venez de l’indiquer. Différentes études scientifiques, dont celle de l’Organisation mondiale de la santé, montrent qu’elle est la cause directe ou indirecte de 42 000 décès par an en France.

Face à ce fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur, différentes mesures ont été prises. Ainsi sont nés en 1998 les plans de protection de l’atmosphère, déclinaison française de dispositions européennes concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant.

Vous-même avez déclaré vouloir prendre des mesures permettant de limiter la circulation des automobiles en cas de pic de pollution. Or, quelles que soient les dispositions existantes ou à venir, elles s’appuient toutes sur la mesure de la qualité de l’air. Cette mesure repose actuellement sur un réseau national de surveillance de la qualité de l’air composé d’associations indépendantes.

Dans la région d’Île-de-France, par exemple, c’est l’Association de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France, Airparif, qui est chargée de cette surveillance. Cette structure, comme ses homologues des autres régions, permet d’avoir une information quotidienne sur l’état de l’air et de prendre ainsi les mesures nécessaires à la protection de nos concitoyens.

Dans les Hauts-de-Seine, département où je suis élu, AIRPARIF dispose actuellement de cinq stations de mesure. Récemment, la municipalité d’Issy-les-Moulineaux a déclaré ne plus vouloir de station de mesure sur son territoire. La cause de cette décision semble tenir à l’image négative donnée par l’existence d’un tel équipement ou, en tout cas, par les résultats qu’il produit. Dans le même temps, le conseil général des Hauts-de-Seine a décidé de ne plus verser les 80 000 euros de subvention annuelle qu’il attribuait à AIRPARIF, prétextant des contraintes budgétaires liées au gel des dotations de l’État et estimant également que sa contribution financière n’était pas déterminante.

Madame la ministre, si ces comportements sont suivis par d’autres collectivités locales, toute politique de protection de l’atmosphère pourrait être vouée à l’échec. Pourtant, il serait important pour la santé de nos concitoyens que, dans les villes de plus de 50 000 habitants ou de taille plus réduite mais abritant sur leur territoire des installations industrielles ou situées dans une zone de trafic routier intense, il soit impossible pour les élus locaux de s’opposer à l’installation d’une station de mesure de la qualité de l’air.

Compte tenu des positions récemment adoptées par certaines collectivités locales, quelles dispositions comptez-vous prendre, madame la ministre, afin d’éviter que l’ensemble du système de mesure de la pollution de l’air ne soit remis en cause pour des raisons budgétaires ou… tactiques ? Est-il possible de concevoir l’obligation d’une garantie pluriannuelle de financement ?

Enfin, n’est-il pas nécessaire d’imposer aux villes refusant la présence de stations de mesure de la qualité de l’air sur leur territoire, afin de ne pas avoir un « thermomètre » permettant de constater une pollution trop élevée dans leurs rues, l’installation et le maintien de telles stations ?