M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cet article 1er bis, nous abordons la question cruciale de l’adoption plénière et de la filiation, question cruciale parce que l’intérêt supérieur de l’enfant est l’horizon de notre préoccupation.

Tout individu, quelle que soit son orientation sexuelle, a une égale capacité à procréer. Aussi tout citoyen est-il à égalité de droits dans le mariage, tel que le connaît notre code civil. Or les personnes homosexuelles souhaitant s’unir par le mariage ruinent ce principe d’égalité en portant atteinte à la possibilité de sa mise en œuvre. Elles-mêmes, en effet, s’interdisent et s’empêchent mutuellement d’être des procréateurs.

Avec l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, on accorde aux couples d’homosexuels le beurre et l’argent du beurre – je ne reviendrai pas sur le gruyère, parce que cette réflexion ne m’a pas du tout plu ! Elle m’est restée sur l’estomac. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

La contradiction, voire l’incohérence, des couples homosexuels tient à ce qu’ils veulent l’enfant à la fois ensemble et séparément : ils veulent s’unir devant le maire pour se séparer dans l’enfant, alors que les couples composés d’un homme et d’une femme, unis devant le maire, donnent corps à cette union dans l’enfant. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Dans un couple composé d’un homme et d’une femme, l’enfant est le signe extérieur de l’intimité de ses parents. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et si cet homme et cette femme, ne pouvant avoir d’enfant, en adoptent un, cet enfant demeure, aux yeux de la société tout entière, le signe plausible de leur intimité.

Dans un couple homosexuel, l’enfant cesse d’exprimer cette intimité. Or le présent projet de loi le prive de cette expression. Lorsque l’enfant de Victor Hugo paraît, mes chers collègues, il n’apparaît pas invraisemblable. Vous pouvez y mettre tout l’amour du monde que vous voulez, jamais cet amour ne pourra dissiper cette invraisemblable généalogie.

Il faut être obsédé jusqu’à l’aveuglement par le droit à l’enfant pour ne pas voir que votre projet de loi, madame la ministre, ruine une représentation fondamentale non seulement chez l’enfant, mais également dans la société tout entière.

Notre institution du mariage, telle que nous la connaissons, par l’encadrement ordonnancé de la part procréative de la vie sexuelle des hommes et des femmes, assure sa solidité et son équilibre à notre société.

Bertrand Delanoë déclarait avec ironie, dans le film de Jean-Luc Romero – que je cite pour la deuxième fois ! –, que le mariage était « classique ». Il ne croyait pas si bien dire, car « classique » vient du latin classis, qui signifie « bateau ». Or, les marins le savent, il est nécessaire, à bord, que tout soit perpétuellement bien ordonné pour assurer une parfaite navigation !

M. Bruno Retailleau. Vive le Vendée Globe ! (Sourires.)

M. Alain Gournac. Le Premier ministre prétend tenir la barre, avoir un cap. Pendant ce temps-là, vous mettez la pagaille à bord, avec ce projet de loi !

Non seulement le mariage homosexuel ruine le principe d’égalité, comme je l’ai rappelé, mais il ruine également la filiation. Le président de la commission des lois va sans doute nous expliquer, comme il sait si bien le faire, que les mots évoluent. Or vous ne faites pas évoluer le mot « mariage », vous vous en servez pour habiller deux réalités différentes. Essayez un peu de faire évoluer le mot « procréation » ! Venez me l’expliquer !

Mariage, filiation biologique, filiation adoptive, vous croyez faire évoluer ces mots, parce que vous mettez sous le boisseau le mot « procréation », qui est le cœur du débat, l’axe de toute cohérence et qui, lui, ne peut évoluer !

L’adoption plénière que vous proposez est une mise à mal de la filiation. Votre article 1er bis s’avère une voiture piégée jetée contre elle, qui ébranle tout l’édifice social. Nous n’en avons pas besoin en ce moment ! Je voterai donc contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l’article.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, à l’origine, le titre de ce projet de loi évoquait le mariage et l’adoption.

Toutefois, vous avez découvert assez rapidement que, si une majorité de nos concitoyens étaient ouverts à une évolution de notre législation et à l’ouverture de droits civils, sociaux, fiscaux en faveur des couples de même sexe, une majorité de Français n’étaient pas enthousiastes – c’est un euphémisme ! – à l’idée de voir les règles de la filiation chamboulées et avaient compris, en quelque sorte, que l’on ne pouvait pas créer un droit à la filiation.

C’est le même raisonnement qui vous a conduits à supprimer, dans un premier temps, les mots « père » et « mère » du code civil et, découvrant très vite qu’une majorité de nos compatriotes ne l’acceptaient pas, à inventer ce fameux « article balai ». Nous aurons l’occasion d’en parler.

Revenons au fondement de votre engagement, la fameuse mesure n° 31 du candidat François Hollande : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. »

Très clairement, pour nous, le mariage est non pas un droit, mais une institution. Je ne vois pas comment vous pouvez créer un droit à l’adoption, sauf à dire que vous voulez créer un droit à l’enfant. Je ne vois pas comment vous pouvez créer un droit à l’adoption – les chiffres viennent d’être rappelés –, sachant que, par définition, l’adoption ne permettra pas aux couples homosexuels d’accéder à ce droit à l’enfant que vous créez à travers ce droit à l’adoption.

C’est précisément parce que ce droit-là ne verra jamais le jour que certains d’entre vous n’osent pas nous dire que, derrière ce texte, se profilent la PMA et la GPA.

C’est parce que nous ne voulons ni de la PMA ni de la GPA que nous refusons ce droit à l’adoption que vous voulez créer à la faveur de ce projet de loi.

Le droit à l’adoption n’existe pas, mes chers collègues, c’est un mensonge ! Et lorsque le Président de la République, chef de l’État, parle d’un droit à l’adoption, cela devient un mensonge d’État ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l’article.

M. Charles Revet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’article dont nous abordons l’examen, à l’instar de l’article 1er, est l’un des plus importants du projet de loi qui nous est soumis, puisqu’il traite de l’adoption.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous avez organisé des auditions nombreuses et intéressantes, qui m’ont appris beaucoup de choses importantes et inspiré quelques inquiétudes. Monsieur le rapporteur, lors de ces auditions, il me semble que vous nous avez dit, même si je ne vous cite pas mot pour mot, qu’il serait nécessaire de remettre à plat l’ensemble du dispositif relatif à l’adoption, parce qu’il ne correspondait plus aux situations vécues aujourd’hui. Vous avez même ajouté qu’il eût été préférable de le faire avant l’examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Je pense que je ne déforme pas vos propos, monsieur le rapporteur. (M. le rapporteur acquiesce.) C’est bien la preuve de l’enjeu que représentent cet article et l’ensemble des dispositions de ce projet de loi relatives à l’adoption.

Madame le garde des sceaux, vous nous avez dit que le débat avait eu lieu, mais encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « débat » ! Des auditions nombreuses et intéressantes se sont tenues, nous avons pu poser nos questions, mais l’adoption représente un tel enjeu qu’elle exige une réflexion poussée et un véritable échange. Je suggère donc que nous reportions l’examen de ce dispositif, afin que la réflexion dont parlait M. le rapporteur puisse avoir lieu, et que nous le reprenions à l’occasion du débat sur la famille, puisque Mme la ministre chargée de la famille nous a annoncé un débat sur ce sujet dans quelques mois.

Madame le garde des sceaux, vous nous avez montré, en présentant ce texte sans vous référer à aucune note écrite, que vous maîtrisiez parfaitement ce dossier. Je vous ai posé une question à plusieurs reprises, et je ne suis pas le seul. Je vous la soumets une nouvelle fois, en espérant que vous pourrez nous répondre. En effet, si vous n’y répondiez pas, soit pour me contredire, soit pour apporter des éléments d’information, cela signifierait, pour nos collègues et les personnes qui suivent nos travaux, que vous acquiescez.

Si ce projet de loi est adopté et publié au Journal officiel, et si une famille ou une structure, quelle qu’elle soit, forme un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, pouvez-vous affirmer que la France ne risque pas de se voir imposer, au nom de l’égalité, des dispositions concernant, par delà l’adoption simple ou plénière, la PMA et, peut-être, la GPA ? Je vous remercie de la réponse que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela n’a rien à voir !

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, les enfants élevés par des couples de personnes de même sexe ne se trouvent pas en situation d’insécurité juridique. Cet argument témoignerait d’une méconnaissance de la loi, parce que celle-ci a justement une vocation universelle : elle protège tous les enfants. Des possibilités en matière de tutelle, de partage ou de délégation de l’autorité parentale existent déjà.

Si ce projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage disparaîtra. Il y aura un mariage « hétérosexuel », qui continuera de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage « homosexuel », où la filiation tiendra du virtuel. D’ailleurs, de nombreux homosexuels ne souhaitent pas l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, car elle reviendrait à priver les enfants adoptés d’un père ou d’une mère.

Pour les enfants adoptés, l’adoption maintient une analogie de structure entre le couple qui a conçu l’enfant et celui qui l’adopte. La filiation ne se réduit pas à la vérité biologique. En revanche, même si l’enfant n’est pas issu biologiquement de cette union, il peut se penser comme tel. Dans les cas d’adoption par une personne célibataire, le parent de l’autre sexe est considéré comme manquant. L’adoption par un célibataire ne crée donc pas de filiation incohérente.

Dans le cadre d’une adoption plénière, où toute la filiation initiale est effacée, reconnaître l’adoption par un couple homosexuel revient à s’émanciper totalement du modèle naturel de parenté et de filiation. L’enfant adopté par deux personnes de même sexe ne peut pas se penser comme issu de leur union.

En dépit du fait que le terme « parent » continuera à être utilisé, il changera complètement de sens, puisque donner à un enfant des parents de même sexe reviendra, en fait, à lui donner des éducateurs, mais à le priver de parents au sens propre du terme.

En autorisant l’adoption par des couples homosexuels, vous allez inscrire ces enfants dans une généalogie unisexe. Un enfant rattaché à deux mères est privé de père ; un enfant rattaché à deux pères est privé de mère. Pourquoi priver les enfants adoptés d’une mère ou d’un père ? A-t-on le droit d’enlever à un enfant le fait d’avoir une mère ou un père ? Certes, les orphelins n’ont pas de père ou de mère, mais c’est en raison des aléas de la vie et non parce que l’État l’autorise !

Nous ne doutons pas que les homosexuels soient capables d’élever un enfant, nous ne doutons pas de leur moralité ni de l’affection qu’ils peuvent donner à un enfant, mais ce n’est pas une raison pour légaliser ce mariage, qui entraîne trop de conséquences.

La privation définitive d’une mère ou d’un père, l’impossibilité de se construire au travers d’une filiation homosexuée, complètement fictive, risque, à terme, de conduire à la PMA et à la GPA pour tous.

Vous vous honoreriez donc, madame le garde des sceaux, à choisir l’intérêt supérieur de l’enfant plutôt que de bidouiller le droit de la famille ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous arrivons à un point absolument central. En effet, parce qu’il concerne la filiation, l’adoption, il concerne, d’abord et avant tout, l’enfant.

Vous avez choisi, madame la garde des sceaux, la voie de la radicalité. Vous n’avez pas souhaité vous en tenir au seul mariage entre des personnes de même sexe. Vous allez ouvrir la filiation et l’adoption, mais sans en tirer toutes les conséquences.

Ce qu’il aurait fallu faire, ce sont des réformes globales. À partir du moment où vous vouliez abandonner la conception classique de la filiation, fondée sur la biologie, sur l’imitation de la nature ou de la biologie avec l’adoption, à partir du moment où vous vouliez inventer une filiation nouvelle, fondée sur la volonté, sur le projet de parentalité, alors il y avait une exigence. Cette exigence, c’était de mettre sur la table tous les moyens offerts pour créer cette nouvelle filiation pour les réformer de façon globale et cohérente. Et l’on sait que ces moyens sont au nombre de deux : l’adoption et les techniques de procréation médicale.

Vous ne l’avez pas fait, vous n’avez pas voulu le faire pour des raisons politiques, d’abord, et du coup, vous n’allez pas jusqu’au bout de votre logique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Votre texte, qui souffre de graves défauts de fabrication, encourt deux types de critiques.

Les premières critiques sont d’ordre juridique. Votre texte est critiquable sur le plan constitutionnel, sous l’angle de ce que l’on appelle l’« incompétence négative » du législateur et de l’exigence de clarté et d’intelligibilité de la loi.

Je m’explique.

En faisant figurer l’état des personnes dans le domaine de la loi, l’article 34 de la Constitution nous confie une responsabilité, celle de nous emparer et d’aller au bout du sujet, lequel englobe, justement, la filiation et l’adoption. Or nous ne le faisons pas puisque nous allons, par l’article 4 bis du projet de loi, laisser le soin au Gouvernement de prendre, par voie d’ordonnance, « les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur ». Nous allons le laisser régler un problème qui relève de nos responsabilités.

Et puis nous allons aussi renvoyer les problèmes au juge, auquel il reviendra de dire le droit. Car, faute d’être allé au bout de votre logique, vous présentez un texte qui comporte tant d’incohérences qu’il faudra demander au juge de se prononcer. Et cela n’est pas acceptable !

Nous sommes donc confrontés à un problème d’incompétence négative au sens où le Conseil constitutionnel l’entend, ainsi qu’à un problème de clarté et d’intelligibilité de la loi. En effet, la réforme que vous nous proposez est une réforme à la découpe, enchaînant, aujourd’hui, le texte sur le mariage, la filiation et l’adoption, et, demain, une loi sur la famille qui traitera sans doute d’autre chose, notamment de la PMA. Et cela nuit, bien sûr, à la clarté de la loi !

Faire des choix politiques, pourquoi pas ? Ceux que vous faites ne sont pas les nôtres. Mais, au moins, assumez-les ! Dites-le aux Français ! Tirez-en toutes les conséquences juridiques !

Après ces premières critiques, qui sont d’ordre juridique, il y a d’autres critiques, beaucoup plus fondamentales, qui portent sur la question de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant, c’est la clé de voûte, c’est l’alpha et l’oméga de notre droit interne, régulièrement constaté et rappelé par notre jurisprudence, comme de toutes les grandes déclarations internationales – je pense à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Or, madame le garde des sceaux, comment est-il possible que l’étude d’impact ait oublié rien de moins que les conséquences en matière d’adoption ? Ce n’est pas moi qui le dis, madame la garde des sceaux, c’est le Conseil d’État dans son avis ! Mes chers collègues, cela signifie qu’on a fait une réforme sans vérifier son impact sur les enfants. Cela en dit long sur l’aspect idéologique de la réforme ! Plutôt que l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il faudrait absolument promouvoir, c’est le droit à l’enfant que vous voulez instituer !

Comme vous n’en tirez pas, bien entendu, les conséquences, vous allez, malheureusement, créer un double traumatisme pour ces enfants : le traumatisme de la méconnaissance des origines, le double traumatisme d’être privé d’un père et d’une mère, une première fois parce qu’ils ont été abandonnés, une deuxième fois parce qu’ils auront soit deux pères, soit deux mères.

M. Éric Doligé. Bien sûr !

M. Bruno Retailleau. Tout cela n’est pas acceptable !

On sait très bien qu’il est plus compliqué pour ces enfants adoptés de se construire psychologiquement. Ils ont subi une blessure qu’il faut réparer. Oui, madame la ministre chargée de la famille, vous avez l’air de dire que tout cela n’est pas grave, dans la suite logique de ce que vous déclariez jeudi soir, ici même.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Elle n’a pas dit cela !

M. Bruno Retailleau. Je sais bien quelle est votre conception de la famille, mais ce que je veux vous dire…

M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure !

M. Bruno Retailleau. Je termine !

M. le président. Oui ! Il faut terminer, et vite !

M. Bruno Retailleau. Pour que ces enfants puissent s’identifier à des parents, il faudrait leur proposer une adoption pensable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Ladislas Poniatowski. On le fait taire parce qu’il est bon !

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, sur l’article.

M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’objectif de ce texte est sans ambiguïté : il vise à reconnaître pour les couples homosexuels un droit au mariage, mais aussi un droit d’accès à tous les attributs de la parentalité, notamment la transmission du nom et du patrimoine, et, surtout, la reconnaissance du lien de filiation et l’exercice de l’autorité parentale.

Bien que je ne partage pas du tout l’opinion de Mme le garde des sceaux, je dois bien admettre que cette revendication est logique dès lors que la question du mariage a toujours été intimement liée à la question de la filiation. Rappelons que le mariage ne peut se comprendre, même actuellement, qu’au regard de la présomption de paternité, dont il assure la protection.

En effet, cette filiation artificielle est indispensable puisque, vous en conviendrez, ni un couple d’hommes ni un couple de femmes ne peuvent procréer par eux-mêmes.

C’est pour cette raison, madame le garde des sceaux, que vous ouvrez l’adoption aux couples de même sexe. Néanmoins, il faut que les Français sachent que le pays ne pourra pas, à lui seul, faire face à la demande d’adoption.

D’une part, parce que le nombre d’enfants français adoptables s’est considérablement réduit au cours de ces dernières années ; d’autre part, parce que la plupart des adoptions d’enfants étrangers par des Français se font en accord avec des pays qui ne reconnaissent pas l’union homosexuelle.

L’Agence française de l’adoption est très claire sur ce dernier point : le nombre d’enfants étrangers adoptables est en constante diminution. Ainsi, entre 2005 et 2010, les adoptions internationales réalisées par les cinq premiers pays d’accueil ont diminué de 36 %. Pour autant, la demande, elle, ne faiblit pas puisque la diminution du nombre d’enfants français adoptables pousse nos ressortissants à se tourner toujours plus vers les pays étrangers.

Or, vous le savez, beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption aux ressortissants français condamnent l’homosexualité ou pratiquent une discrimination envers les personnes homosexuelles. D’ailleurs, la plupart manifestent explicitement, dans la fiche pays de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, leur refus de proposer des enfants à des couples de même sexe – Colombie, Burkina Faso, Mali, Chine. D’autres demandent parfois une attestation sur l’honneur du caractère hétérosexuel de l’adoptant – c’est le cas du Vietnam, par exemple.

Pour remédier à ce problème, et puisque le Gouvernement cherche à satisfaire un principe d’égalité muable et sans contenu stable, la PMA, déjà ouverte aux femmes pour raison médicale – infertilité pathologique ou risque de transmission d’une maladie grave –, devra être étendue sans conditions aux couples de femmes afin de satisfaire un droit à l’enfant consacré par ce texte.

Mme la ministre chargée de la famille est très claire sur ce point puisqu’elle a dit qu’une loi sur la PMA « sera examinée au Parlement avant la fin 2013 ». Madame la ministre, vous avez d’ailleurs ajouté que la PMA sera abordée dans le cadre de ce projet de loi sur la famille et précisé que le texte concernera toutes les familles, hétérosexuelles ou homosexuelles.

Dès lors, la raison invoquée qu’un droit à la PMA soit réservé à la femme, sous prétexte qu’elle seule puisse porter un enfant, est illusoire. Il est évident que, par souci d’égalité, la GPA devra être ouverte pour les couples d’hommes. Ce dispositif a, d’ailleurs, déjà été approuvé par le Gouvernement.

Ainsi, nous l’avons toujours affirmé, en liant la question du mariage à celle de la filiation, ce qui est logique, vous ouvrez la porte à un droit à l’enfant qui bouleverse non seulement le droit de la famille, mais encore les droits bioéthiques.

Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas possible d’entendre cela !

M. Jackie Pierre. C’est une réalité !

La médecine et les avancées dans ce domaine n’ont pas vocation à assouvir les besoins de consommation de nos concitoyens ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Si, aujourd’hui, la PMA est admise, c’est seulement pour des raisons médicales : pallier une stérilité pathologique ! Notre droit en matière de bioéthique se limite à cela puisque, depuis toujours, notre pays ne veut pas faire du corps humain une marchandise.

Cette position s’exprime d’ailleurs dans le domaine tant de la procréation médicalement assistée que de la GPA. Ni l’utérus, ni le ventre, ni aucune autre partie du corps humain de la femme ne peut se comparer aux bras des ouvriers ! (Mêmes mouvements.)

D’ailleurs, s’agissant du constat que je viens de dresser, certaines questions restent en suspens.

Si la PMA est légitimée en dehors des cas de maladie et si la GPA est tout simplement reconnue en France, pourra-t-on toujours, sauf à contrevenir au principe d’égalité, interdire aux femmes en couple avec un homme d’avoir recours aux dons de gamètes pour avoir un enfant avec telles ou telles caractéristiques ou à la GPA pour éviter les contraintes de la maternité ? (Vives marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)

Madame la ministre, parce qu’un droit à l’adoption…

M. le président. Merci, mon cher collègue !

M. François Rebsamen. C’est trop long ! Il faut faire plus court !

M. Jackie Pierre. … dans lequel l’enfant serait considéré non plus comme un sujet, mais comme un objet, parce qu’un droit à l’adoption, disais-je, appelle un droit à la PMA et à la GPA au nom du principe d’égalité…

M. le président. Merci, mon cher collègue !

M. Jackie Pierre. Tout cela est bien lié et bien ficelé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par l’examen de l’article 1er bis de ce projet de loi, nous entrons dans le cœur du cœur de ce texte, la filiation adoptive. J’évoquerai non pas les aspects juridiques de la question, mais plutôt la dimension affective et émotionnelle du débat, cette dimension qui doit nous guider pour graver cette loi dans le marbre, parce que, après, nous ne pourrons plus l’effacer !

En 1998, lors du débat sur le PACS, Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, s’était engagée à ce que le projet qu’elle défendait n’ouvrît pas la boîte de Pandore de l’adoption et, donc, de la filiation.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Cela a déjà été dit !

M. Alain Houpert. Lors des débats à l’Assemblée nationale sur le PACS, le 3 novembre 1998, la garde des sceaux avait déclaré : « Le choix a été fait de dissocier pacte et famille car lorsqu’on légifère sur la famille, on légifère aussi forcément sur l’enfant. Le PACS ne change rien au droit actuel de la famille car la seule cohabitation de deux individus, pacte ou non, ne fait pas une famille. C’est donc volontairement que le pacte civil de solidarité est sans effet sur les règles de la filiation, de l’autorité parentale et sur les droits de l’enfant. »

Notre collègue Catherine Tasca, alors présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, s’était empressée d’approuver ces propos. Mais, aujourd’hui, cette parole est reniée !

Mme Éliane Assassi. Elle a évolué !

M. Alain Houpert. Du PACS, vous souhaitez désormais, mes chers collègues, évoluer vers le mariage et l’adoption et, partant, vers la filiation et donc, demain, implicitement, vers la procréation médicalement assistée.

Comment vous croire lorsque vous nous dites que le projet de loi présenté aujourd’hui ne concerne que le mariage et l’adoption ?

Nous sommes tout à fait favorables, sur un plan juridique, au renforcement du PACS, qui apparaît insuffisant en matière d’égalité de droits entre couples homosexuels et hétérosexuels.

Nous sommes donc favorables à une véritable union civile. Toutefois, de notre point de vue, le renforcement de ces droits n’inclut pas le droit à l’enfant, car l’enfant n’est pas un droit.

Par ailleurs, l’égalité des droits ne signifie pas l’égalitarisme. L’égalité juridique, c’est traiter de manière inégale des situations inégales.

Un couple de personnes de même sexe ne peut pas procréer naturellement ; il ne peut donc avoir les mêmes droits en matière de filiation.

L’enfant n’est ni un droit ni une chose. Il ne saurait être une réponse à une frustration liée à l’incapacité naturelle d’un couple de même sexe de procréer.

Je partage tout à fait l’idée selon laquelle un couple homosexuel peut donner de l’amour à un enfant, et bien l’éduquer. Toutefois, je réfute l’argument utilisé par certains, selon lequel il vaut mieux être élevé par un couple homosexuel aimant plutôt que par un couple hétérosexuel en crise, au sein duquel, par exemple, le père serait violent.

On ne peut être que d’accord sur le fond avec une telle argumentation, mais celle-ci est cependant trop facile !