M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, le groupe CRC souhaiterait intervenir sur les articles 5, 6 ter, 11 bis, 16 et 23.

M. le président. Ma chère collègue, il n’est pas logique, ni d’ailleurs conforme à nos usages, que des orateurs s’expriment à ce moment du débat sur les articles.

Toutefois, la conférence des présidents n’ayant pas demandé la stricte application du règlement en la matière, je puis, en ma qualité de président de séance, accorder certaines dérogations.

Aussi, je vous propose, ainsi qu’aux quatre autres sénateurs du groupe CRC présents, d’intervenir chacun sur un article, étant rappelé que vous aurez également la possibilité de vous exprimer dans le cadre des explications de vote sur l’ensemble.

Ce compromis vous semble-t-il acceptable ?

Mme Mireille Schurch. Cela nous convient, monsieur le président.

M. le président. Il en est ainsi décidé.

article 5

Article 34
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Article 6 ter

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.

Mme Mireille Schurch. Aujourd’hui, l’article L. 121-1 du code de la voirie routière dispose que « le domaine public routier national est constitué d’un réseau cohérent d’autoroutes et de routes d’intérêt national ou européen. Des décrets en Conseil d’État, actualisés tous les dix ans, fixent, parmi les itinéraires, ceux qui répondent aux critères précités ».

À la suite de la loi de décentralisation de 2004, les routes ne répondant pas à ce critère ont été transférées aux départements. Toutefois, il était prévu que « l’État conserve dans le domaine public routier national, jusqu’à leur déclassement, les tronçons de routes nationales n’ayant pas de vocation départementale et devant rejoindre le domaine public routier communal ».

L’article L. 123-3 du code précité indique que « le reclassement dans la voirie départementale ou communale d’une route ou section de route nationale déclassée est prononcé par l’autorité administrative lorsque la collectivité intéressée dûment consultée n’a pas, dans un délai de cinq mois, donné un avis défavorable. »

Lorsque l’avis de la collectivité est défavorable, le reclassement peut alors être prononcé par décret en Conseil d’État, mais si et seulement si, ce déclassement est motivé par l’ouverture d’une voie nouvelle ou par le changement de tracé d’une voie existante.

Le présent article prévoit de revoir ces dispositions en facilitant les procédures de déclassement par l’État de routes ou de sections de routes nationales.

L’étude d’impact mentionne de manière limpide que l’objectif de cette mesure « est d’élargir les possibilités pour déclasser des sections de route nationale dans l’hypothèse où la collectivité concernée formule un avis défavorable ».

Pour la mise en œuvre de cette disposition, le présent article prévoit, dans le cas de déclassement de la voirie, que les collectivités reçoivent une compensation financière correspondant aux coûts éventuels de remise en état, de l’ordre de 70 000 euros par kilomètre.

Même si cela concerne un patrimoine marginal, représentant près de 250 kilomètres de route, nous considérons, pour notre part, que cette nouvelle charge incombant aux communes doit être justement encadrée.

Pour ce faire, nous avions proposé en première lecture un amendement, qui avait été, malheureusement, déclaré irrecevable, aux termes duquel cette compensation financière intégrait également une provision pour les charges afférentes à l’entretien de ces routes, sur le modèle de ce qui a longtemps été le cas pour les ouvrages d’art, par le biais d’une soulte libératoire.

En effet, à défaut d’une telle provision, ce transfert de compétence pourrait être un cadeau empoisonné pour des collectivités qui devront en supporter les charges d’entretien, faute de quoi leur responsabilité pourra être engagée.

Cela est d’ailleurs clairement rappelé dans l’étude d’impact, qui indique que « les usagers et tiers devront donc se tourner vers la collectivité dans l’hypothèse de dommages de travaux publics éventuels postérieurs au déclassement ».

Je profite de cette intervention pour vous demander une nouvelle fois, monsieur le ministre – je sais que vous y êtes favorable –, d’inscrire à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale la proposition de loi, adoptée à l’unanimité par la Haute Assemblée, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, dont on sait maintenant qu’elles représentent une charge explosive pour les collectivités.

Cela étant, et pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, nous continuons de regretter que les précautions que nous avions alors proposées n’aient pas été inscrites dans ce dispositif.

article 6 ter

Article 5
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Article 11 bis

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.

Mme Mireille Schurch. Alors que nous avions adopté ici même un amendement, déposé par plusieurs sénateurs, dont ceux du groupe CRC, permettant d’exonérer les véhicules, propriété de l’État ou d’une collectivité locale, affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes, l’Assemblée nationale a fait le choix de supprimer cette disposition, dès l’examen du texte en commission.

Pourtant, le rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale avait estimé, dans son rapport, qu’il s’agissait d’un apport de bon sens, qui constituait l’application directe d’une possibilité d’exonération ouverte par la directive Eurovignette.

Il considérait également avec raison qu’il aurait été quelque peu difficile à admettre que des véhicules communaux ou départementaux soient soumis à l’écotaxe pour des travaux d’entretien des routes locales, voire nationales, dans le cas d’une convention conclue avec l’État.

Les députés ont décidé de supprimer cette exonération, au nom du devoir d’exemplarité des collectivités publiques et en raison de la discrimination qui serait sinon créée entre les collectivités locales propriétaires de véhicules d’entretien et celles qui ont recours à des véhicules appartenant à des cocontractants privés.

Nous estimons, pour notre part, que ces arguments sont difficilement recevables.

D’abord, la discrimination ainsi créée est toute relative, puisque la limitation du champ de l’exonération aux seuls véhicules publics est justifiée : l’inclusion des véhicules appartenant à des entreprises privées aurait affaibli le dispositif légal et introduit une complexité supplémentaire.

Quant à l’exemplarité de l’État, comme des collectivités, nous en avons, mes chers collègues, une vision tout à fait différente.

L’exemplarité consiste non pas à chercher uniquement la symbolique, mais à mener une politique qui permette concrètement de replacer l’intérêt général au cœur des politiques publiques et à tenir les engagements qui ont été pris dans le cadre d’une campagne qui n’est pas si lointaine. Je veux surtout parler de l’engagement n° 54 par lequel un pacte de confiance et de solidarité, garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel, serait conclu entre l’État et les collectivités locales.

Par ailleurs, nous sommes particulièrement satisfaits que l’article 6 ter, un article de bon sens, vous en conviendrez, mes chers collègues, ait été rétabli par la commission mixte paritaire, car cette disposition est attendue par les élus, notamment les conseillers généraux.

article 11 bis

Article 6 ter
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Article 16

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. François Trucy. Ce n’est plus une dérogation !

Mme Mireille Schurch. Aux termes de cet article, le Gouvernement doit transmettre au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport analysant les conséquences de la réglementation relative à la circulation des poids lourds de 40 à 44 tonnes sur le territoire.

Si nous sommes favorables à une telle évaluation, nous pensons qu’il aurait été opportun de la mener avant de généraliser cette autorisation de circulation à tous les secteurs d’activité sur tout le territoire.

En effet, alors que nous dénonçons depuis plusieurs années l’incompatibilité de la circulation des poids lourds de 44 tonnes avec les objectifs du Grenelle de l’environnement, un décret du 4 décembre 2012 signé par Mme Batho et par vous-même, monsieur le ministre, généralisant la circulation des véhicules de 44 tonnes, est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Or le décret du 17 janvier 2011 n’autorisait la circulation de ces véhicules que pour les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et à partir de 2014 pour les autres secteurs.

Pourquoi ne pas avoir demandé une étude préalable afin d’évaluer l’impact environnemental et socio-économique, les coûts ou les gains pour la collectivité nationale, les effets sur les émissions de dioxyde de carbone et les impacts sur les chaussées ?

Il est vrai que, à première vue, charger un peu plus les poids lourds en leur donnant la possibilité de passer à 44 tonnes peut paraître écologiquement logique. Si l’on transporte plus de marchandises par camion, on réduit leur nombre, mais nous savons depuis de nombreuses années que c’est une fausse bonne idée ; pire, une véritable hypocrisie !

En effet, la circulation des poids lourds de 44 tonnes entraîne une détérioration plus rapide des routes. Dans un rapport de 2011, le Conseil général de l’environnement et du développement durable a estimé le surcoût lié à l’entretien des routes entre 400 et 500 millions d’euros par an, une somme d’autant plus importante que le budget consacré en 2013 à l’entretien du réseau routier national non concédé ne permet même pas d’assurer l’entretien et le maintien à niveau du réseau existant.

Notre autre motif de perplexité réside dans le fait que tous, sur quelque travée que nous siégions, nous avons affirmé la nécessité, pour répondre aux objectifs du Grenelle de l’environnement, de favoriser le report modal de la route vers le ferroviaire en développant des autoroutes ferroviaires. Or comment peut-on souscrire à ces objectifs tout en élargissant une autorisation qui est en totale contradiction avec les finalités des autoroutes ferroviaires ?

Toutes les études réalisées, y compris au plan européen, démontrent que l’augmentation de la charge des poids lourds, en conférant au transport routier un avantage compétitif supplémentaire, provoque une perte de trafic des modes alternatifs plus vertueux. La généralisation du trafic des 44 tonnes est donc bien une mesure contraire aux grandes orientations fixées par les lois « Grenelle » en matière de transports.

Enfin, les coûts externes du transport routier sont aujourd’hui estimés à plus de 80 milliards d’euros : cette somme correspond aux embouteillages, aux nuisances sonores et environnementales ainsi qu’à la dégradation des chaussées et des ouvrages d’art, dont la charge de l’entretien pèse sur l’État et, de plus en plus, sur les collectivités territoriales ; sans compter que les routes à très fort trafic de camions deviennent, comme la route Centre-Europe – Atlantique, la RCEA, que je connais très bien, particulièrement accidentogènes.

Enfin, je vous rappelle que le transport est en France le seul secteur dont les émissions de gaz à effet de serre augmentent, en raison de la croissance rapide des émissions du transport routier ; celui-ci représente encore 90 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports et plus d’un quart de ces émissions sont le fait des poids lourds.

Dans ces conditions, nous ne comprenons pas pourquoi, alors que le Gouvernement semble attaché aux enjeux environnementaux, une étude contradictoire n’a pas été commandée avant la généralisation de l’autorisation des 44 tonnes.

Mme Nathalie Goulet. Parce que cela fait trois ans qu’on en parle !

article 16

Article 11 bis
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Article 23

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 16 du projet de loi pose le principe de la responsabilité du propriétaire du navire en cas de pollution par hydrocarbures et prévoit une sanction renforcée en cas de marée noire.

Désormais, le défaut d’assurance sera puni d’une amende de 75 000 euros, au lieu de 45 000 euros, et fera encourir une peine d’un an d’emprisonnement. L’obligation de souscrire une assurance s’imposera aux navires immatriculés dans un port français, mais aussi à tous ceux qui toucheront l’un de ces ports ou une installation offshore située dans nos eaux territoriales.

Cet article constitue sans aucun doute une avancée ; il soulève cependant deux questions.

D’une part, la question se pose de l’effectivité des contrôles dans nos eaux territoriales. Pour assurer la protection de plus de 5 000 kilomètres de frontières maritimes, la douane dispose d’un service de garde-côtes chargés de lutter contre la fraude, la contrebande et les grands trafics et de veiller à la protection du milieu marin, ainsi qu’à la sécurité des personnes et des marchandises.

En ce qui concerne plus particulièrement la protection des mers, des avions spécialisés de télédétection des pollutions marines surveillent les façades maritimes les plus exposées aux pollutions dans le cadre du plan Polmar, afin de repérer les navires qui se livrent à des rejets illicites polluant la mer.

M. Roland Courteau. C’est exact !

M. Michel Le Scouarnec. L’importance de ces missions nécessiterait de renforcer les moyens humains et financiers. Or il semblerait que le plan stratégique de la douane ne diffère pas beaucoup des anciennes orientations mises en œuvre en application de la révision générale des politiques publiques, qui ont eu pour conséquences, de sources syndicales, la suppression de 400 emplois par an et l’abandon de certaines missions, faute d’autre choix. Il est temps d’emprunter d’autres chemins ! (M. Roland Courteau acquiesce.) C’est pourquoi l’intersyndicale douanière a lancé un projet alternatif au projet stratégique de la douane.

D’autre part, la question se pose des pollutions émises hors de nos eaux territoriales, mais qui ont de lourdes conséquences à la fois sur le domaine maritime international et sur nos eaux territoriales et nos côtes. Comme le rapport présenté en première lecture le signalait, l’article 16 du projet de loi ne règle pas « le problème des navires qui sombrent dans les eaux internationales et y provoquent des marées noires, le sujet relève du droit de la mer et, dans les eaux internationales européennes, de l’Union européenne ».

Certes, les « paquets Erika » ont fait progresser les règles de sécurité en Europe, par exemple en interdisant les tankers sans double coque ; cependant, dans la répression des actes de pollution, des progrès restent à réaliser.

Nous nous souvenons tous des images apocalyptiques de décembre 1999, lorsque le pétrolier Erika s’est brisé en deux au large de la Bretagne, entraînant une marée noire catastrophique sur plus de 400 kilomètres de littoral.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Michel Le Scouarnec. La justice française s’est heureusement déclarée compétente pour juger le naufrage de ce navire maltais qui a coulé en dehors de nos eaux territoriales, dans la zone économique exclusive où seules les conventions internationales s’appliquent, même si les conséquences sont géographiquement localisées sur les côtes françaises.

Dans le même temps, la notion de « préjudice écologique » a été retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 septembre 2012, soit tout de même treize ans après les faits.

L’article 4 de la Charte de l’environnement prévoit que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ». Selon nous, il serait très utile d’inscrire cette notion de « préjudice écologique » dans le code civil ; monsieur le ministre, qu’en pense le Gouvernement ?

Un autre problème se pose, particulièrement dans le domaine de la pollution maritime : celui des pavillons de complaisance, qui sont d’excellents écrans pour empêcher la recherche de la responsabilité des pollueurs. Les pavillons de complaisance ne devraient plus pouvoir noyer l’irresponsabilité permanente des compagnies pétrolières, prêtes à toutes les ruses pour se défausser. (M. Jean Desessard acquiesce.)

Mes chers collègues, je vous rappelle que l’Erika, qui battait pavillon maltais, appartenait à une société libérienne dont les actions étaient nanties en Écosse ; la gestion technique du navire était assurée par une société italienne, mais, par l’intermédiaire d’une société de droit suisse, il se retrouvait affrété par une société des Bahamas… N’est-ce pas formidable ? Ce n’est d’ailleurs pas tout, puisque, par l’intermédiaire d’une société britannique, le navire était ensuite affrété par une filiale de Total, de droit panaméen !

Mme Nathalie Goulet. Est-ce bien le moment de dire tout cela ?

M. Michel Le Scouarnec. Il est temps que le préjudice écologique maritime soit mieux défini et que des contraintes soient imposées aux pollueurs pour qu’ils assument les actions nécessaires à la remise en état des sites pollués.

Nous approuvons l’article 16 du projet de loi, mais nous tenions à présenter toutes ces remarques pour qu’il ne soit pas une goutte d’eau dans l’océan ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Jean Desessard. Très bien !

article 23

Article 16
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour une dernière prise de parole sur article.

M. François Trucy. Tout de même !

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 23 du projet de loi ne règle toujours pas la question du dumping social au sein de l’Union européenne.

Tant qu’il y aura des pavillons européens de complaisance et que l’on ne promouvra pas, au niveau européen, un pavillon d’excellence s’imposant à tous les navires, des compagnies maritimes continueront de profiter, au détriment des travailleurs et de la filière industrielle maritime, des statuts sociaux les plus bas, des impositions les plus faibles et des normes de sécurité les plus souples.

En réalité, cet article conduit à légitimer le recours à l’emploi de personnels précaires en favorisant l’embauche de travailleurs étrangers détachés en contrat à durée déterminée, dans la droite ligne de la directive Bolkestein. Or nous savons, mes chers collègues, quel est le sort de ces travailleurs ; un rapport de M. Bocquet, qui sera publié prochainement, nous en apprendra plus long sur le sujet.

Permettez-moi de vous présenter plusieurs problèmes qui existent aujourd’hui et que l’article 23 du projet de loi ne résoudra pas.

La SNCM a récemment choisi, pour remplacer l’Île de Beauté, bateau destiné à la vente, d’affréter El Venizélos, sous pavillon grec, sur des lignes régulières entre la Corse et la Tunisie. Autrement dit, des marins français vont naviguer sous pavillon étranger !

De son côté, la société Louis Dreyfus Armateurs, qui a pris le marché sur l’autoroute de la mer entre Gijón et Nantes, bat pavillon anglais et emploie des marins qui ne sont ni français ni même espagnols !

Mes chers collègues, pourrions-nous accepter qu’une entreprise étrangère s’installe en France avec ses propres salariés, soumis aux conditions de travail de leur pays d’origine ? Je ne le crois pas. Imaginez que, sous couvert d’ouverture à la concurrence, une entreprise italienne ouvre des bureaux de poste en France avec des travailleurs italiens : les Français devraient apprendre l’italien pour pouvoir acheter des timbres !

Je pourrais aussi prendre l’exemple des navettes aériennes que, mes chers collègues, vous connaissez certainement pour les emprunter entre votre circonscription et le Sénat.

M. Jean Desessard. Pas moi ! (Sourires.)

Mme Isabelle Pasquet. D’autres que vous, monsieur Desessard, les connaissent certainement ! (Nouveaux sourires.) Imaginez que, dans ces avions, le personnel de bord soit polonais et que les consignes de sécurité soient données en polonais…

Mme Nathalie Goulet. C’est créatif, ce matin !

Mme Isabelle Pasquet. Bien sûr, j’extrapole ; nous n’en sommes pas encore là. C’est pourtant ce qui pourrait arriver si nous laissons faire !

Avec les mesures qui sont prévues, les marins français vont finir, à plus ou moins long terme, par regarder les bateaux passer le long des côtes françaises.

M. Philippe Dallier. Il suffit de voir la SNCM : c’est bien parti !

Mme Isabelle Pasquet. On m’objectera que l’article 23 du projet de loi apporte un certain nombre de garanties pour améliorer les conditions de travail des marins ; on peut certes s’en féliciter, mais vous-même, monsieur le ministre, avez admis que, pour que le texte soit eurocompatible, il avait fallu limiter ces améliorations.

De même, on nous dira que vous renforcez les contrôles sur les bateaux, notamment en matière de règles sociales. Nous pourrions nous en satisfaire, si ces contrôles ne devaient pas être réalisés à moyens constants.

Or quelle est la réalité de ces moyens ? Mes chers collègues, figurez-vous qu’aujourd’hui une seule personne est affectée au contrôle des bateaux naviguant sur le bassin méditerranéen ; dans les faits, donc, aucun contrôle n’est assuré. On peut toujours sur le papier renforcer les contrôles, ils ne seront pas effectifs pour autant !

Pour le groupe CRC, le compte n’y est pas. À nos yeux, seul le pavillon français de premier registre peut garantir la survie de toute la filière maritime : celle des gens de mer et des marins, mais aussi de la construction navale. Ce qu’il faut, c’est une volonté politique d’affronter l’Europe et de s’opposer à la logique dévastatrice de la concurrence libre et non faussée. C’est ce qu’attendent les marins français, soutenus par l’ensemble des sénateurs du groupe CRC, dans le cadre du changement promis par le nouveau gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Vote sur l'ensemble

Article 23
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’instauration de l’écotaxe vise à favoriser le report modal, c’est-à-dire à encourager le transfert du trafic de marchandises de la route vers le rail, la mer ou les canaux.

Il faut pourtant reconnaître que, dans certaines régions françaises, quand bien même les poids lourds seraient fortement taxés, le report modal serait impossible, tout simplement parce que l’offre de fret, et donc la possibilité d’une alternative, n’existe pas ; dans ces conditions, l’écotaxe sera un nouvel impôt sans effet. C’est à cette contradiction que le Gouvernement est aujourd’hui confronté : mener une politique de report modal efficace nécessite de renforcer l’offre de transport de marchandises par le fer, la mer et les canaux.

Pour que les chargeurs aient recours au rail, il faut également que les réseaux soient performants, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. À cet égard, je vous rappelle que nous demandons depuis plusieurs années au Gouvernement de s’engager dans la voie du désendettement de Réseau ferré de France, afin de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour la régénération des réseaux. Nous avons suggéré de nouvelles sources de financement dans la proposition de loi visant au rétablissement de la confiance et à l’amélioration du dialogue social dans les entreprises de transports, déposée il y a peu.

Il faut aussi rappeler que, quoi que nous fassions, les derniers kilomètres seront toujours parcourus par la route.

L’intérêt de la taxe poids lourds est donc réellement conditionné au périmètre des infrastructures qui sont l’objet de son assiette. Reconnaissons-le : là où elle est pertinente, c’est sur les grands linéaires, où le report modal est pertinent.

Nous adhérons donc au principe de l’évolutivité du réseau taxé afin de tenir compte de la possibilité réelle, pour les chargeurs, de recourir à un mode de transport alternatif. À défaut, cette taxe poids lourd appliquée y compris dans les zones les plus enclavées, où nous avons du mal à dynamiser le tissu des PME, apparaîtrait comme injuste.

De plus, un certain nombre de pays ne signeront pas la charte de l’écotaxe française, de sorte que les transporteurs venant d’autres pays auront un avantage concurrentiel accru. Je vous accorde que ce phénomène ne se produira pas partout, puisqu’en définitive seulement 1 % du réseau routier sera taxé. Reste que nous ne pouvons pas nous permettre que cette taxe, juste dans son principe, se révèle injuste en certains endroits, notamment en Bretagne, ou fortement pénalisante pour certains secteurs, comme l’agriculture et l’agroalimentaire.

Sénateur costarmoricain, il m’appartient ici d’être le porte-parole, d’une part, des élus régionaux et, d’autre part, des professions agricoles et agroalimentaires, et plus particulièrement des PME, qui seront impactées par l’écotaxe.

Le conseil régional de Bretagne, se fondant sur ces constats, a formulé lors de sa session des 7 et 8 février dernier les vœux suivants : les modalités qui seront mises en œuvre devront respecter les acquis obtenus dans les textes législatifs établissant l’écotaxe poids lourds ; le dispositif devra être assorti de mesures d’encouragement pour les transporteurs qui font le choix du transfert modal en mettant leurs camions sur des navires ou sur des trains ; les ports régionaux devront être rendus éligibles aux financements d’État issus des produits de la taxe.

Des aménagements allant dans le sens de la prise en compte des vœux de l’assemblée régionale sont possibles. Ils ont fait l’objet d’échanges avec votre cabinet, monsieur le ministre, lors d’un entretien qui s’est tenu en janvier dernier avec Gérard Lahellec, vice-président du conseil régional de Bretagne chargé de la mobilité et des transports.

Les professions agricoles et agroalimentaires estiment à 2 000 emplois perdus les 40 millions d’euros de taxe envisagés. L’exonération de la RN 164, celle des transporteurs de lait et la minoration liée à la périphéricité montrent combien cette écotaxe peut être dangereuse en Bretagne, au regard de la situation géographique de la région, de la faiblesse des modes alternatifs de transport et des hinterlands.

Chez moi, à Lamballe, le directeur de la Cooperl estime à 3 millions d’euros les pertes, dans un secteur très tendu où la concurrence étrangère déloyale sévit.

Les portiques étant déjà installés - avant même le vote de ce projet de loi !-, je vous demande, monsieur le ministre, d’envisager un moratoire expérimental en Bretagne jusqu’en octobre 2014, afin que l’on puisse mesurer, pendant un an, l’impact de cette écotaxe, sans l’appliquer. Ensuite, nous verrons si une telle mesure est négative ou positive pour notre économie régionale.

L’égalité des territoires ne se décrète pas, elle se construit par des politiques ambitieuses. Nous attendons de ce gouvernement qu’il agisse pour l’intégration des coûts externes de la route et pour le report modal, par la création de l’écotaxe, sans oublier, dans le même temps, le développement du fret ferroviaire et des services publics au sein de tous les territoires de la République, afin de renforcer la présence d’un tissu économique performant et d’œuvrer concrètement pour la réindustrialisation des territoires.

Très favorable au report modal, le groupe CRC votera ce texte. Toutefois, renouvelant l’ensemble des remarques qui viennent d’être formulées par mes collègues, j’insiste sur nos inquiétudes concernant les régions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)