M. Jean Desessard. Je voterai cet amendement.

Il me semble en effet que le fait pour un salarié d’avoir des employeurs multiples est une réalité qui devrait s’amplifier. Je ne crois pas que la tendance soit à l’employeur unique tout au long d’une vie. Prendre le temps de donner une réponse aux problèmes posés par la multiplication des employeurs, c’est prendre acte de la réalité de cette situation.

Je comprends votre avis de sagesse, monsieur le ministre. Mais le mot « sagesse » semble vouloir signifier que l’employeur multiple constitue une anomalie.

J’aurais préféré une réponse plus franche, qui consisterait à dire : certes, les situations de précarité vont se multiplier, mais le pouvoir politique va essayer de les compenser par une stabilité et une sérénité sociales. D’ailleurs, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, cela doit se régler par décret ; c’est le pouvoir réglementaire qui a la main, si je puis m’exprimer ainsi.

Je ne veux pas que l’on fasse croire aujourd’hui que la précarité économique n’existera plus dans quelques mois ou dans quelques années. Elle persistera, car c’est la nature même d’une société économique plus fragmentée.

Le rôle du politique est d’anticiper cette mutation économique, laquelle, loin d’être un aléa, constitue le cœur même du problème que nous devons traiter. Il est donc important de bien examiner cette question des employeurs multiples.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 533.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle ne peut être moins favorable que celle résultant de l'application de l’article L. 861-3.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Au travers de cet amendement, nous proposons d’insérer, après l’alinéa 20 de l’article 1er, un alinéa prévoyant explicitement que le panier de soins proposé par la couverture minimale santé ne pourra pas, comme c’est le cas actuellement, être inférieur à ce qu’offre aujourd’hui la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C.

En effet, le projet de loi doit réellement assurer un encadrement du niveau des garanties, afin que ce niveau ne puisse être inférieur à ce que propose la CMU-C, laquelle, je le rappelle, est une assurance complémentaire gratuite accordée aux publics les plus modestes.

L’article 1er du projet de loi détaille le panier des frais de santé qui devront être pris en charge par cette couverture minimale, à savoir :

« 1° La participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations des organismes de sécurité sociale, prévue au I de l’article L. 322-2 pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires ;

« 2° Le forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 ;

« 3° Les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d’orthopédie dento-faciale et pour certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement. »

Ces dépenses sont exactement les mêmes que celles qui sont mentionnées à l’article L. 861-3 du code de la sécurité sociale.

Cependant – et c’est précisément cela qui nous inquiète –, le projet de loi indique que cette couverture minimale obligatoire collective comprend la prise en charge « totale » ou « partielle » des dépenses précédemment citées.

La possibilité ouverte d’une prise en charge seulement « partielle » n’est donc pas du tout satisfaisante pour un texte qui prétend créer un droit nouveau pour des salariés.

De plus, la référence au panier de soins CMU-C, comme base minimale, nous paraît d’autant plus indispensable que le panier de soins minimal prévu à l’article L. 911-7 nouveau du code de la sécurité sociale ne couvre pas la famille du salarié, contrairement à la CMU-C.

Certes, il est prévu qu’un décret détermine le niveau de prise en charge des dépenses ; mais, compte tenu des observations que je viens d’exposer, je vous propose d’adopter cet amendement pour faire figurer dans la loi un seuil minimal pour le panier de soins de cette couverture minimale.

Hier soir, monsieur le ministre, je vous ai questionné sur nos craintes à ce sujet, en faisant référence au remboursement prévu dans le domaine des lunettes, qui, selon nos informations, devrait être de 100 euros par an, contre 173 euros pour la CMU-C.

Je vous ai également interrogé par deux fois sur les prothèses dentaires, pour savoir s’il était exact que la garantie s’élèverait en l’occurrence à 125 euros par an, contre 157 euros pour la CMU-C.

Je souhaiterais que vous me répondiez précisément sur ces deux points, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement prévoit que la couverture minimale ne peut être inférieure aux garanties offertes par la CMU-C, établissant ainsi un parallèle qui, selon nous, n’a pas lieu d’être.

La CMU-C constitue une complémentaire santé de très grande qualité, destinée à un public particulièrement précaire, le plafond de ressources pour pouvoir en bénéficier étant égal à 661 euros par mois. Elle tend ainsi à annuler quasiment tout reste à charge pour les patients, car ceux-ci ne disposent pas des ressources permettant de payer ces dépenses.

Telle n’est pas la logique de la complémentaire collective en entreprise, qui entend couvrir, par définition, l’ensemble des salariés.

Il ne s’agit pas des mêmes publics, et la commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Chacun sait que la CMU-C est un dispositif spécifique destiné aux personnes les plus précaires. C’est pourquoi il s’agit d’un dispositif à haut niveau de garantie. Les chiffres qui ont été cités sont exacts. Les personnes auxquelles le dispositif s’adresse sont en effet totalement incapables de prendre en charge leurs dépenses de santé, ne serait-ce qu’en partie.

Si l’on peut bien évidemment établir un parallèle, ou une comparaison, entre la CMU-C et la complémentaire collective en entreprise, il est en revanche difficile, comme vient de le préciser M. le rapporteur, d’établir un lien entre ces deux dispositifs.

Je souligne aux uns et aux autres que l’adoption de cet amendement aurait évidemment pour conséquence un renchérissement considérable du montant de la cotisation, dont s’acquittent les entreprises mais aussi les salariés. Au bout du compte, le résultat ne serait pas nécessairement conforme à vos attentes.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne peut donner qu’un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Je viens donc d’avoir confirmation des montants de prise en charge que j’ai cités pour les lunettes et les prothèses dentaires.

Ces exemples sont importants. On sait en effet que les renoncements aux soins engendrent ensuite un surcoût pour la sécurité sociale lorsque celle-ci doit prendre en charge plus tardivement la maladie qui a été contractée.

J’ai eu confirmation, et je le regrette. Il me semble en effet contradictoire de prévoir, dans un texte qui entend sécuriser l’emploi et accorder des droits nouveaux aux salariés, la création d’une complémentaire obligatoire, financée de surcroît à 50 % par les salariés, qui couvre un panier de soins assez faible.

J’entends votre argument, monsieur le ministre : si l’on avait amélioré le panier de soins, la cotisation aurait sans doute été plus importante. Toutefois, cette faiblesse du panier de soins risque de contraindre les salariés à prendre une sur-complémentaire. C’est un peu le chien qui se mord la queue. À chaque fois que l’on met en place une complémentaire, on affaiblit la sécurité sociale, et j’ai expliqué pourquoi hier. Les garanties étant moindres et insuffisantes, on entre alors dans une spirale vicieuse.

Il me semblerait donc opportun que notre assemblée marque le texte de son empreinte en accordant aux salariés la même couverture que celle qui est octroyée aux bénéficiaires de la CMU-C.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je me retrouve dans les propos de mon collègue Dominique Watrin, à la nuance près que l’on parle non plus de « lunettes », mais de « dispositif médical permettant de voir »… (Sourires.)

Cela mis à part, l’argument qu’il développe me semble pertinent.

On parle parfois de médecine à deux vitesses, mais notre collègue nous explique fort justement que la santé peut désormais être considérée comme une boîte à plusieurs vitesses, qui comprendrait en outre une marche arrière ! (Nouveaux sourires.)

Je partage l’idée que le panier de soins doit comprendre des garanties minimales. Dès lors, il me paraît intéressant de le déterminer par rapport à une référence objective, telle la CMU.

Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, la sécurité sociale constitue la garantie de base. Si l’on veut que cette dernière conserve une certaine substance, il est évident que la complémentaire doit apporter quelque chose de plus.

Je rejoins donc les explications de nos collègues du groupe CRC, et je voterai leur amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends les arguments avancés par M. le rapporteur et M. le ministre.

Toutefois, comme je l’ai souligné dans mon intervention sur l’article 1er, près de 2 milliards d’euros vont être versés par l’État au titre des allégements fiscaux consentis aux entreprises. Cette somme devrait à tout le moins donner lieu à compensation, qui pourrait selon moi prendre la forme d’une régulation du marché des complémentaires en ce qui concerne les soins et le cahier des charges de base, les contrats-types et les dispositifs de péréquation entre mutuelles ou organismes.

Si cette régulation n’est pas effectuée, les deux grands bénéficiaires de cette mesure seront les entreprises privées d’assurance et, dans une moindre mesure, les entreprises elles-mêmes, qui feront moins d’efforts que les salariés.

Exiger pour tous un niveau de base correspondant à un haut niveau de protection me paraît être la compensation normale d’un marché que l’on doit réguler pour aller vers le fameux socle élargi, auquel vous n’êtes semble-t-il pas hostile sur le fond, monsieur le ministre.

Pour ma part, je voterai cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je rappelle à tous que, pour l’heure, chaque branche doit négocier un dispositif et qu’aucun niveau minimal n’est défini.

Nous allons toutefois progresser considérablement, et ce pour deux raisons.

Premièrement, les salariés des branches et des entreprises qui ne sont pas couvertes le seront dorénavant.

Deuxièmement, conformément à l’alinéa 18 de l’article 1er, nous allons déterminer par décret – une voie naturelle et légitime – un minimum, qui correspondra à des garanties substantielles.

La seule question posée par cet amendement n’est pas de savoir s’il y aura un bon niveau de couverture, mais de savoir s’il faut instituer comme couverture le plus haut niveau existant aujourd’hui dans un mécanisme de complémentaire, à savoir le niveau de la CMU-C.

Si, en l’occurrence, les garanties sont fixées à un niveau si élevé, c’est précisément parce que la CMU-C est destinée aux personnes qui n’ont aucune ressource.

Il n’est pas possible de considérer, me semble-t-il, que la situation d’un salarié est de même nature que la situation de quelqu’un qui n’a aucune ressource et ne peut donc apporter aucune contribution.

L’objectif de cet amendement est de fixer le niveau de garantie au niveau de celui de la CMU-C.

M. Jean Desessard. Nous parlons du panier de soins, pas de la rémunération !

M. Michel Sapin, ministre. Évidemment, monsieur Desessard ! Les essences, les essarts et les sapins doivent pouvoir se comprendre de ce point de vue-là ! (Sourires.) Je comprends le raisonnement, qui voudrait que l’on atteigne d’emblée le « mieux du mieux du mieux ».

Les partenaires sociaux, le Gouvernement – comme vous-mêmes – proposent d’avancer, de progresser.

Si l’on veut tout de suite atteindre le niveau le plus élevé, la situation risque d’être insupportable pour les entreprises et les salariés de ces entreprises. Et nous manquerons notre objectif.

Je rappelle que les bénéficiaires de la CMU-C n’ont pas la capacité de contribuer, ce qui explique d’ailleurs le très haut niveau de protection dont ils bénéficient. Les situations sont donc extrêmement différentes.

J’ai livré ces explications pour que chacun ait bien en tête le sens de son vote, et je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 187 :

Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 177
Majorité absolue des suffrages exprimés 89
Pour l’adoption 35
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 228 est présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli.

L'amendement n° 564 est présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le non-respect par l’employeur de l’obligation de couverture le rend redevable auprès de chaque salarié d’une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 228.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Lorsque l’on prévoit une obligation, il est préférable, en principe, d’assortir son non-respect d’une sanction.

Or le présent texte ne prévoit pas de sanction dans le cas où l’entreprise ne remplirait pas ses obligations en termes de couverture santé complémentaire. Peut-être M. le ministre nous dira-t-il que de telles sanctions existent et que nous sommes passés à côté, mais, à défaut de les avoir trouvées dans le texte, nous proposons que, en cas de manquement, l’employeur soit redevable d’une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit environ 154 euros en 2013.

Toutefois, cet amendement étant identique à celui de mon collègue Jean Desessard, je le retire au profit du sien.

Mme la présidente. L'amendement n° 228 est retiré.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 564.

M. Jean Desessard. Je suis flatté que ma collègue Marie-Noëlle Lienemann retire son amendement au profit du mien. Tout comme elle, je souhaite qu’une sanction soit instaurée en cas de manquement à la mise en place d’une couverture collective à adhésion obligatoire.

Pour que la généralisation de la complémentaire santé soit une réelle avancée, il faut qu’elle s’applique en droit positif. Or, si le texte prévoit des obligations de délai – tous les salariés devront bénéficier d’une complémentaire santé d’ici à 2016 –, il n’instaure aucune sanction en cas de manquement de l’entreprise.

J’aimerais pouvoir vouer une confiance aveugle à toutes les entreprises, mais l’expérience nous montre que certaines d’entre elles font parfois preuve de mauvaise volonté. C’est pourquoi il existe des règles et des sanctions en cas de manquement à ces règles.

Je propose donc que le non-respect par l’employeur de l’obligation de couverture le rende redevable auprès de chaque salarié d’une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale.

Permettez-moi, mes chers collègues, de terminer mon propos par cette citation d’Anatole France : « la justice est la sanction des injustices établies ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une sanction financière dans le cas où l’employeur ne respecterait pas l’obligation de mettre en place une couverture complémentaire santé collective pour ses salariés.

Je rappelle tout d’abord que les partenaires sociaux n’ont pas prévu un tel mécanisme dans l’ANI.

Je précise ensuite qu’il est peu commun qu’une sanction automatique soit imposée dans le code du travail sans autorité pour la mettre en œuvre. En revanche, une sanction pénale doit nécessairement être prévue par le législateur, conformément à l’article 34 de la Constitution.

En tout état de cause, même si l’on peut faire confiance aux partenaires sociaux pour faire en sorte qu’une complémentaire santé soit mise en place dans toutes les entreprises, il faut rappeler que, en cas de besoin, un salarié ou un syndicat pourra à tout moment saisir le juge pour faire appliquer l’obligation que la loi fera désormais aux entreprises. Le juge pourra ainsi fixer à ces dernières des astreintes. Je rappelle enfin que le juge dispose d’outils de droit commun pour faire appliquer ses décisions.

L’arsenal législatif existant me paraissant suffisant, je vous invite, mon cher collègue, à retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je comprends tout à fait les préoccupations des auteurs de cet amendement. Néanmoins, cette proposition permettrait-elle, si elle était mise en œuvre, d’améliorer le fonctionnement des relations entre un salarié et un employeur ?

Prenons un exemple : aujourd'hui, un employeur est obligé de payer son salarié ; s’il ne le fait pas, il n’y a pas de sanction. Dans ce cas, le salarié peut saisir le juge pour faire respecter ses droits, car, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, « la justice est la sanction des injustices établies ». (Sourires.)

Il en irait exactement de même si une entreprise ne mettait pas en place de couverture santé complémentaire pour ses salariés, comme la loi lui en fera obligation : chaque salarié pourrait alors saisir le juge.

La question qui nous est posée est la suivante : le dispositif qui nous est proposé serait-il plus favorable aux salariés que celui qui existe ? La réponse est non.

Vous proposez d’instaurer une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 154 euros, alors que le montant de la participation d’un employeur s’élèvera à 252 euros en moyenne. Pour l’entreprise, le coût de la sanction sera donc inférieur à celui de la mise en place d’une complémentaire santé !

Toutefois, là n’est pas la question. Même si vous portiez ce taux de 5 % à 10 %, à 15 % ou à 20 %, ce dispositif ne serait pas efficace. Un juge peut condamner une entreprise au versement d’indemnités dont le montant peut être extrêmement élevé, en fonction de la situation du salarié et du préjudice subi. Laissons donc au juge la liberté d’évaluer le préjudice et les indemnités afférentes, dont le montant, en tout état de cause, sera bien plus élevé que celui que vous souhaitez fixer forfaitairement.

Vous avez parfaitement raison, monsieur Desessard : le dispositif prévu dans le texte doit être respecté par les employeurs, mais la sanction que vous proposez n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

Compte tenu de mes explications, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. Ce faisant, ce serait reconnaître que « la justice est la sanction des injustices établies » ! (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 564 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Je suis un peu coincé ! (Sourires.)

Monsieur le rapporteur, j’en suis désolé, mais vous ne m’avez pas convaincu. Vous êtes parfois éblouissant de clarté, comme vous l’avez signalé ce matin, mais là, non ! (Nouveaux sourires.) Comme si le salarié d’une très petite entreprise allait saisir un juge quand les choses ne se passent pas bien avec son employeur... Vous savez bien que ce n’est pas possible !

Monsieur le ministre, je pense que l’indemnité que nous proposons est complémentaire de la saisie du juge. Nombre d’horaires sont dépassés, nombre de contrats de travail ne sont pas respectés, et ce, comme vous l’avez dit, toujours par les mêmes. Ce sont évidemment non pas les grandes structures comptant des forces syndicales qui posent problème, mais celles où le gars n’a même pas le temps de se déplacer pour faire une course administrative !

Vous parlez comme dans un livre, monsieur le ministre. Comme si les salariés avaient les moyens de saisir le juge, de prendre un avocat, de dépenser de l’argent pour cela, d’écrire des lettres argumentées. On n’est pas dans la réalité, là !

Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, la sanction financière est, je le répète, complémentaire. Elle ne s’oppose pas à la saisie du juge.

En revanche, je suis coincé concernant la faiblesse de l’amende. Je maintiens toutefois mon amendement, madame la présidente, pour montrer que la sanction financière est la solution.

Lorsqu’un employeur ne paie pas ses cotisations à l’URSSAF, il est immédiatement sanctionné, sans que son salarié ait besoin de saisir un juge. En l’absence de sanction automatique, le salarié peut se dire que, de toute façon, s’il saisissait le juge, il prendrait la porte… En revanche, un employeur ne voudra pas prendre de risque s’il sait qu’un contrôle est possible et ce qu’il peut lui en coûter de ne pas régler ses cotisations.

Je maintiens donc qu’une sanction financière automatique est intéressante, même si je suis conscient que la faiblesse du montant de l’amende fragilise mon amendement. L’amendement est donc maintenu.

Mme la présidente. Je vous indique d’ores et déjà, mes chers collègues, que j’ai été saisie d’une demande de scrutin public sur cet amendement.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Le groupe UMP a pris position hier soir sur la multiplication des demandes de scrutin public.

Nous avons décidé de ne plus prendre part à ces votes –il se peut cependant que nous en demandions un ou deux… –, car le débat a surtout lieu entre groupes de la majorité sénatoriale. Cela nous permettra de récupérer un peu du temps que nous avons perdu du fait de la multiplication des scrutins publics.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Que le groupe UMP choisisse de ne pas participer aux votes est un choix respectable et ne pose aucun problème. En revanche, qu’il prenne pour cela l’excuse des scrutins publics alors qu’il en a demandé sur tous les amendements déposés sur le texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe est très cavalier !

M. Jean-Noël Cardoux. Les enjeux ne sont pas les mêmes !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 564.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 188 :

Nombre de votants 178
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue des suffrages exprimés 90
Pour l’adoption 36
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 48, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 911-7-... - Les salariés qui bénéficient déjà d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, dont la convention arrive à expiration et donne lieu à une nouvelle négociation, ou lorsque l’employeur résilie le contrat existant, bénéficient d’une couverture collective complémentaire au moins égale à celle dont ils bénéficiaient auparavant. La participation de l’employeur au financement de cette nouvelle couverture complémentaire ne peut être inférieure à sa participation précédente.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement, comme tous ceux qu’ont déposés les membres de mon groupe, est constructif. Nous ne changeons pas d’avis. Nous estimons que l’esprit même de la couverture complémentaire n’apporte pas la bonne solution. Cette mesure ne fait que remédier partiellement à une réalité, à savoir la destruction progressive de la sécurité sociale, particulièrement due, il faut bien le souligner, à la faute de ceux qui ont précédé l’actuel gouvernement et que nous avons combattus ensemble, à gauche, dans cet hémicycle.

Monsieur le ministre, si nous ne pouvons nous satisfaire que vous ne redonniez pas à la sécurité sociale son véritable rôle, celui que les législateurs de l’après-guerre, de tous bords politiques, lui avaient confié, nous devons aujourd’hui étudier ce que vous proposez.

Une fois encore, sur le sujet qui nous préoccupe, nous considérons que le texte issu de la négociation sociale est en réalité fortement inspiré par le MEDEF et constitue pour les salariés un bien maigre cadeau, parce que, dans certains cas, il pourrait même les obliger à perdre le bénéfice d’une couverture complémentaire plus avantageuse.

En effet, l’employeur étant celui qui contrôle, en dernier recours, le choix de la couverture complémentaire puisqu’il a notamment la possibilité de résilier un contrat de couverture collectif, il peut également imposer une couverture moins avantageuse pour les salariés que celle dont ils bénéficient déjà.

Dans le présent projet de loi, rien ne garantit donc que les couvertures complémentaires qui existent déjà soient obligatoirement reconduites ou, en tout cas, que la nouvelle négociation ne se fasse pas sur la base d’un moins-disant social. En effet, si ce texte instaure une couverture minimale, trop minimale d’ailleurs à notre goût, il ne prévoit pas que les contrats de couverture complémentaire qui arriveront à terme au cours des prochaines années ou qui seront résiliés par l’employeur soient remplacés par des contrats au moins aussi protecteurs.

Pour notre part, nous pensons qu’il faut prendre comme base, en matière de négociations sur la couverture complémentaire, ce qui existe déjà. Il faut offrir aux salariés la protection de la loi pour éviter que ne leur soit imposée cette couverture minimale et que la négociation d’une nouvelle couverture n’implique pas une régression.

En l’occurrence, nous sommes bien obligés de constater que la logique de régression sociale s’étend également à ces complémentaires. Le projet de loi que nous examinons autorise des pertes de droits, des baisses de revenus, des attaques au droit du travail, en ne protégeant pas les salariés des chantages à l’emploi. Lorsque l’on a quelque peu fréquenté les entreprises, on sait ce que cela signifie.

Cette même logique prévaudra également lors de la négociation d’assurances complémentaires santé, et cela d’autant plus que, dans cette matière comme dans les autres, l’employeur aura finalement le dernier mot.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, par le biais de cet amendement, nous proposons d’encadrer le nouveau droit qui est proposé en garantissant que les salariés qui bénéficient déjà d’une couverture complémentaire ne voient pas leur protection s’amenuiser.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?