M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Cartron, rapporteur. L’amendement juxtapose et met en quelque sorte en concurrence deux notions, celle, plus technique, de titre de niveau V et celle, plus générique, de titre de premier niveau.

Ces deux notions sont censées être synonymes. Il faut donc faire un choix. Il me semble préférable d’en rester à la version de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Je suis du même avis, pour les mêmes raisons. J'en profite pour répondre à l'interpellation de Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Nous avons organisé le retour en formation depuis des plates-formes et les réseaux FOQUALE, Formation Qualification Emploi, que nous avons créés en collaboration étroite avec les régions, sous la responsabilité de l'État. Nous mobilisons les places offertes dans le cadre de l'éducation nationale qui n’ont pas été pourvues. Ce dispositif nous permet d'obtenir le résultat que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises : depuis janvier dernier, plusieurs milliers de jeunes réintègrent des formations.

Nous sommes en mesure de proposer des entretiens individuels à chaque jeune. Nous utilisons d'ailleurs internet, en lien avec l’ONISEP, pour permettre aux jeunes de prendre connaissance des offres les plus proches de chez eux. Les rendez-vous individuels débouchent sur des offres de formation. Les plates-formes mises en place par mon prédécesseur ont donné des résultats, mais il manquait en face l’offre de formation. Pour être clair, on retrouvait les décrocheurs, mais on ne parvenait pas à mobiliser les moyens. Nous nous sommes attelés à la tâche et j'espère qu'avant la fin de l'année nous pourrons atteindre le nombre de 20 000 « raccrocheurs » dont je vous ai parlé.

Je le redis, cette action est le fruit d’une collaboration entre l'État et les régions, sous la responsabilité de l'État.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 314 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

éducatif

par le mot :

scolaire

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Cartron, rapporteur. La rédaction proposée n’est pas anodine. La notion de « système éducatif » est plus large que celle de « système scolaire » : elle couvre en particulier l’apprentissage et l’enseignement agricole. Il est préférable de garder le renvoi au système éducatif, conformément à la rédaction en vigueur de l’article L. 122-3 du code de l’éducation.

La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis !

M. le président. Monsieur Fortassin, l'amendement n° 314 rectifié est-il maintenu ?

M. François Fortassin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 314 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République
Article 10

Article 9

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation, après le mot : « personnalité, », sont insérés les mots : « son sens moral et son esprit critique, » et, après la seconde occurrence du mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « , de partager les valeurs de la République ». – (Adopté.)

Section 4

Le service public du numérique éducatif

Article 9
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République
Articles additionnels après l'article 10

Article 10

Le second alinéa de l’article L. 131-2 du code de l’éducation est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« L’État organise, à sa charge, dans le cadre du service public de l’enseignement et afin de contribuer à ses missions, un service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance, qui a pour mission de :

« 1° Mettre à disposition des écoles et des établissements d’enseignement des services numériques permettant de diversifier les modalités d’enseignement, de prolonger l’offre des enseignements qui y sont dispensés, de contribuer à l’innovation des pratiques et aux expérimentations pédagogiques favorisant la coopération, et de faciliter la mise en œuvre d’une aide personnalisée à tous les élèves ;

« 2° Proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques pour leur enseignement, des contenus et services contribuant à leur formation initiale et continue ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles ;

« 3° Assurer l’instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire ;

« 4° Apporter son soutien au développement de projets innovants favorisant les usages pédagogiques du numérique à l’école.

« Ce service public utilise en priorité des logiciels libres et des formats ouverts de documents. »

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.

Mme Catherine Morin-Desailly. L’article 10 revêt une importance particulière, car il concerne le numérique éducatif et l'enseignement à distance. Plus encore que dans le reste du texte, il est bien ici question de l'avenir de l'école.

L’école ne peut ignorer la troisième révolution que constitue, après l'écriture et l'imprimerie, l'arrivée de l'ordinateur conjuguée au développement d’internet. C'est devenu un lieu commun de dire combien cette révolution a bousculé notre façon de communiquer, de nous informer, d’échanger et de travailler. Au fur et à mesure du développement des usages d’internet, tous les aspects de notre vie quotidienne et l'ensemble des secteurs sont touchés.

Par conséquent, l'école ne saurait être écartée de cette mutation extrêmement importante, de ce « changement de monde », pour reprendre une expression de Michel Serres. Elle doit prendre en considération cette nouvelle génération d'enfants que l'on appelle les digital natives, lesquels ont un rapport familier et intuitif à l’outil internet.

Monsieur le ministre, le Sénat s'est préoccupé depuis quelque temps déjà de cette question au travers des travaux que j'ai évoqués dans mon intervention lors de la discussion générale. Ainsi, notre groupe d'études « Médias et nouvelles technologies », qui est rattaché à la commission de la culture, a produit des rapports et émis des préconisations.

C'est par ailleurs au Sénat que revient le mérite d’avoir pris la première initiative en faisant inscrire dans le code de l'éducation la nécessité de sensibiliser les enfants, certes déjà familiers d’internet, aux immenses potentiels de l’outil numérique, mais aussi à ses risques. Un amendement a ainsi été voté à l'unanimité lors d'un débat sur le droit à l'oubli sur internet.

Il faut noter l'ambition du projet de loi sur ce sujet particulier, tout en soulignant que nous ne pourrons réussir qu’à un certain nombre de conditions.

Tout d’abord, il faut conjuguer cette ambition à celle de l’aménagement numérique de notre territoire. Sans une politique volontariste de l'aménagement de notre territoire en haut débit, voire en très haut débit, on risque une fracture territoriale et cognitive pour les enfants.

Ensuite, il ne faut pas considérer cette révolution au travers du seul prisme des outils, mais il convient avant tout de l’envisager dans ses conséquences sur les usages et sur l’évolution de la façon d’enseigner. En ce sens, les collectivités territoriales ne doivent plus être de simples pourvoyeurs d'outils déconnectés de toute réflexion sur les usages du numérique, et réciproquement. Nous avons pu le constater ces dernières années : les collectivités ont voulu investir, mais cela n’a pas toujours correspondu aux besoins fondamentaux des enseignants.

Enfin, je n’insisterai jamais assez sur ce point, l'introduction du numérique doit contribuer à renforcer le rôle du maître : on pourrait penser que l’outil numérique tend à remplacer ce dernier. Bien au contraire, son rôle sera plus que jamais déterminant pour orienter les élèves dans le flot communicationnel que représente internet.

Voilà les trois points essentiels que je tenais à souligner au moment où nous abordons un passage du texte qui nous semble tout à fait essentiel.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 10 vise à instaurer un service public du numérique éducatif dans le cadre du service public de l’enseignement. Il vient en réalité se greffer à l’article L. 131-2 du code de l’éducation relatif au service public de l’enseignement à distance.

L’ambiguïté du projet de loi initial sur le point de savoir à qui incombe la charge de ce service public avait, me semble-t-il, été levée par la rédaction retenue en commission. Mais j’y reviendrai au moment de l’examen de l’amendement n° 386 du Gouvernement.

Je souhaiterais évoquer les opérateurs qui devront assurer ce service public.

Le CNED, le CNDP et l’ONISEP, mentionnés dans l’étude d’impact, seront, nous dit-on, «très fortement mobilisés pour la mise en œuvre de la stratégie numérique du ministère de l’éducation nationale ».

Je regrette que le projet de loi ne mentionne pas expressément ces opérateurs, aux missions bien différentes, afin, d’une part, de distinguer leur rôle respectif et d’écarter toute tentative de fusion et, d’autre part, de préciser que leur action dans le domaine du numérique éducatif s’organisera autour d’une stratégie commune.

Concernant le périmètre des missions que le projet de loi assigne à ce service public, je souhaite m’arrêter sur la situation du CNED. J’étais intervenue en 2011 auprès de votre prédécesseur, monsieur le ministre, pour l’alerter sur le devenir de cet opérateur et de ses missions de service public.

Je le rappelle brièvement, le CNED a une double mission : d’une part, assurer l’instruction des enfants empêchés d’aller à l’école, par la maladie ou toute autre difficulté, et garantir à des adultes des formations qualifiantes et diplômantes de qualité, à des tarifs accessibles à tous ; d’autre part, permettre à des enseignants « accidentés de la vie », du fait d’une maladie ou d’un handicap, de continuer à travailler. Cet opérateur est donc très important.

Au sein du service public du numérique, les missions qui ont été confiées au CNED, dans un premier temps, comprennent deux volets : proposer un enseignement aux élèves empêchés, rôle qu’il remplit déjà, et offrir un dispositif de soutien scolaire en ligne au sein des établissements.

Ce dispositif de soutien nécessite, pour être efficace, plusieurs ingrédients : une relation humaine privilégiée, une implication de l’élève, soutenu par un enseignant et non un simple tutorat en ligne, une pédagogie du contournement - ne pas répéter le même type de cours, ne pas être vécu comme un dispositif discriminant.

Cette stratégie du contournement implique la fourniture de cours et d’exercices en ligne interactifs. Or le CNED, comme l’a relevé la Cour des comptes dans un récent rapport, n’est pas armé aujourd’hui pour dispenser un vrai e-learning.

Le Gouvernement entend-il lui accorder le temps et les moyens pour qu’il adapte ses outils, notamment technologiques, la formation de ses personnels et ses contenus ? Comment l’État compte-t-il assurer ce tutorat en « présentiel » dans les établissements ? Est-il envisagé que cette mission incombe au CNED ? Quels seront les personnels mobilisés ? Je rappelle que, pour obtenir un poste au CNED, les enseignants doivent avoir une maladie stabilisée qui les contraigne à travailler à domicile.

Cette question est importante puisque, dans le même temps, l’étude d’impact fait état de « mesures à court terme de rationalisation-restructuration » pour les opérateurs et de la recherche d’un budget « à l’équilibre » pour le CNED.

Ce dernier objectif ne sera pas aisé à atteindre, compte tenu des conséquences néfastes des politiques, notamment tarifaires, menées ces dernières années au CNED. Ainsi, des commandes passées par l’État comme « English by yourself », ou « L’académie en ligne », trente et unième académie, ont été financées sur les fonds propres du CNED, sans compensation financière de l’État.

À ce titre, j’aimerais connaître votre position, monsieur le ministre, sur la réduction du périmètre du service public et de la gratuité de l’enseignement à distance à la seule scolarité obligatoire, opérée par décret en 2009. Cette mesure exclut de fait les élèves de plus de seize ans. Comptez-vous, comme l’a recommandé la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2013, élargir ce périmètre pour qu’il tienne compte de celui de la gratuité dans l’enseignement scolaire ?

Je rappelle que les usagers du CNED, qu’il s’agisse de formation initiale ou continue, sont souvent issus de milieux peu favorisés.

Nous le voyons, la mise en œuvre de la stratégie voulue par le ministère va donc nécessiter de stabiliser cet établissement dans sa structure, son fonctionnement et ses effectifs afin d’être en adéquation avec les objectifs affichés pour le numérique.

Tels sont les éléments sur lesquels je voulais attirer l'attention de notre Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.

M. Jean-Claude Lenoir. Je souhaiterais commencer mon propos par deux observations liminaires.

Je voudrais d’abord insister sur l'intérêt du numérique, un constat partagé, me semble-t-il, par l'ensemble des groupes parlementaires. Une telle assertion est bien banale aujourd'hui, mais l’évoquer avec force est une façon d'exprimer notre intérêt pour ce que le numérique peut apporter à l'éducation et à la formation, aussi bien pour les scolaires que pour les enseignants. On pourra débattre de la question pendant des heures, mais je tiens à faire une intervention compendieuse !

Je voudrais ensuite insister sur l'apport du numérique dans les territoires ruraux. Vous n'êtes bien évidemment pas chargé de cette question, monsieur le ministre, mais nous discuterons sans doute prochainement du problème de la couverture numérique du territoire.

J’en viens à l'objet principal de mon intervention. Nous retrouvons ce matin les éléments d'un débat que nous avons eu hier soir s’agissant de l’emploi du mot « notamment ».

La commission a été bien inspirée en affirmant que le service public du numérique éducatif relèvera de l'État, alors que le texte initial laissait entendre que d'autres partenaires auraient pu être sollicités. Or un amendement du Gouvernement tend à faire de nouveau figurer dans la rédaction de l’article le terme « notamment ».

Je veux reprendre l’idée que j’ai défendue hier soir à propos de l'enseignement artistique. La tendance forte de ce projet de loi – d'autres gouvernements ayant tenté de procéder de la même façon, nous sommes particulièrement attentifs à ce point ! – est de faire porter une partie de la charge de ce nouveau service par les collectivités territoriales. Que les collectivités mettent la main à la poche, si elles sont si attachées au développement du numérique dans leurs écoles : voilà ce que l’on dira, et cela, nous ne pouvons pas l’envisager !

Bien entendu, cela n’empêche pas les collectivités de participer à des initiatives et à des opérations permettant d’amplifier le travail – nous rejoignons ici notre débat d’hier soir.

Mais veillons à ce qu’une ligne soit tracée pour séparer ce qui est assumé par l’État, et relève de sa responsabilité, de ce qui peut – j’insiste sur le mot « peut » – être apporté en complément par les collectivités territoriales.

Le mot « notamment » n’est pas neutre ; j’en veux pour preuve qu’il entre, qu’il sort, qu’il revient, qu’il repart… Le débat n’a pas commencé, mais je félicite déjà la commission d’y avoir veillé. Le Gouvernement tient beaucoup à ce mot, alors qu’il ne s’agit pas d’un mot fort : on a tendance à le banaliser pour garder la possibilité d’évoquer d’autres pistes…

Quoi qu’il en soit, j’attire à nouveau votre attention, monsieur le ministre, sur notre souhait que la ligne soit bien tracée entre ce qui relève de votre ministère et de son budget, et ce qui est demandé aux collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.

M. Gérard Longuet. Je serai d’autant plus bref que je partage totalement l’interrogation de mon collègue Jean-Claude Lenoir.

Dans l’histoire récente de la diffusion des technologies numériques au service de l’enseignement, les collectivités territoriales ont pris des initiatives généreuses et audacieuses, lorsque l’État n’en avait parfois ni la possibilité, ni les moyens, ni l’intention.

J’ai présidé un conseil régional et, pour ce qui concerne l’enseignement secondaire, nous avons, dès le siècle précédent, équipé des salles de libre accès informatique dans tous les lycées de Lorraine.

Les collectivités territoriales sont très partagées, car elles veulent le succès de leurs élèves et souhaitent doter les établissements primaires et secondaires – écoles, collèges et lycées – des meilleurs atouts pour la réussite. C'est pourquoi, lorsque l’État est sinon défaillant, du moins en retrait ou en attente, les collectivités territoriales prennent des initiatives.

Je regretterais qu’elles ne puissent plus les prendre… Et, en même temps, je partage totalement l’observation de mon collègue Jean-Claude Lenoir : le « notamment » de l’article 10 suscite un certain malaise. Si, avec cet article, il s'agit de moderniser la direction nationale de l’enseignement à distance, cela ne pose pas de problème, car c’est de la responsabilité de l’État. Mais, s’il s'agit de diffuser l’accès au numérique en tant que soutien pédagogique, la logique est alors celle, assez différente, d’une diffusion de moyens et de supports pédagogiques nouveaux.

Quelle est la bonne politique ? C'est sans doute une politique contractuelle entre l’État et les collectivités territoriales.

S’agit-il, pour l’État, de commander aux collectivités territoriales ? On ne peut pas l’imaginer.

S’agit-il, pour l’État, de n’agir que si les collectivités territoriales cofinancent ? Il l’a décidé dans d’autres domaines, par exemple, pour les routes nationales : aucune d’entre elles ne peut être modernisée sans la participation des collectivités territoriales. Dans ce cas, ces collectivités mettraient la main dans un engrenage qui les broierait tout entières.

Faut-il, pour autant, supprimer la coopération entre l’État, qui a un savoir-faire national, une expérience, et les collectivités territoriales, qui savent prendre des initiatives, comme elles l’ont montré ?

Je trouve, monsieur le ministre, que votre article est un petit peu ambigu et j’aimerais que vous nous disiez très clairement ce que vous attendez de cet article 10 : faire de l’enseignement à distance, et c'est l’État qui est concerné, ou diffuser des bonnes pratiques ? Dans cette hypothèse, le « notamment », selon moi, n’épuise pas le sujet et ne fixe pas les règles d’une coopération durable, saine et transparente.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, sur l’article.

M. Alain Fouché. À propos de l’enseignement à distance, le CNED est un établissement que je connais bien puisque je fais partie – avec René Monory, avec Mme Cresson… – de ceux qui, à l’époque, dans le cadre des délocalisations administratives, avaient déplacé le CNED à Poitiers, dans la technopole du Futuroscope.

M. Gérard Longuet. Excellent choix !

M. Alain Fouché. Ce n’était pas un trop mauvais choix ! Il y avait aussi l’ESEN – l’École supérieure de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche –, parmi tant d’autres.

Le CNED est une très belle structure, qui a simplement besoin de moyens financiers complémentaires et à laquelle le ministre devrait rester très attentif. Selon moi, le CNED doit rester le fil conducteur pour un certain nombre d’actions, même s’il convient évidemment de tenir compte de tous les services publics alentour.

Quelle doit être la répartition des rôles ? Celui de l’académie – ou de ses structures – est d’être le fil conducteur et celui des collectivités, d’être des partenaires. Naturellement, dans le domaine de l’enseignement à distance, l’État – ou ses structures – doit être le guide, et les partenaires arrivent en soutien, s’ils sont d’accord.

Enfin, l’enseignement à distance permet aux personnes qui connaissent des difficultés, qui sont handicapées, de ne pas avoir à se déplacer et d’accéder ainsi à une meilleure scolarisation. Toutes les difficultés rencontrées sont concernées. Par exemple, la surdité des enfants : ils ont besoin, pour une meilleure scolarisation, d’une reconnaissance officielle de la langue des signes. Dans ce domaine, le rôle du CNED doit être encore accru.

Le CNED est une institution forte. L’État abonde naturellement un certain nombre de lignes de financement, et les collectivités territoriales sont des partenaires. C'est comme cela que cela peut fonctionner, et non en partant dans tous les sens…

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

M. David Assouline. L’article 10 aborde plusieurs sujets précis. Toutefois, je pense que son objet n’est pas d’apporter des améliorations ou des réponses concernant quelques problèmes précis. On est dans la décision, dans l’installation de ce qui représente une révolution pour l'éducation nationale. D'ailleurs, comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, cela explique en grande partie que l’on puisse parler de loi de refondation.

Le dispositif, tel qu’il résulte de cet article, est-il figé ? Je pense qu’il est impossible de rentrer dans le débat à partir d’une telle vision, car c'est une révolution qui est en cours. Les bouleversements qui s’ensuivent vont conduire le ministère de l'éducation nationale – je l’espère, je le sais – à porter un regard suffisamment attentif sur la mise en œuvre de ce dispositif pour connaître, lui-même, une profonde évolution.

Je pense que nous devons appréhender le sujet de cette façon. Aborder le problème sous le seul angle de la mise à contribution des collectivités territoriale serait réducteur pour le Sénat. Nous autres, sénateurs, devrions considérer, au contraire, que les collectivités ont jusqu’à présent assumé une charge en termes de matériels et de supports qui n’a pas produit, sur le terrain et dans l’éducation, la plénitude des effets escomptés.

En effet, l’État n’a pas fait ce qui était nécessaire pour que ces matériels soient utilisés : la formation, la fourniture des contenus pédagogiques et la mise en place d’une vision collaborative.

C'est pourquoi nous parvenons à un taux d’utilisation réelle de ces matériels de 5 %. Le problème n’est donc pas, pour les collectivités territoriales, de redouter qu’on leur en demande plus, mais que leurs investissements servent enfin à quelque chose ! Des maires m’ont confié qu’ils ont acheté des ordinateurs pour tout le monde mais, de fait, les matériels restent dans les placards, faute de professeurs formés à leur utilisation !

Je ne comprends donc pas que l’on prenne le problème par ce bout-là.

Aujourd'hui, à la lecture de cet article, on devrait se réjouir de ce que l’État, assumant son rôle en termes de formation, fasse enfin en sorte que l’investissement des collectivités territoriales réalise tout son potentiel.

On peut, comme Mme Gonthier-Maurin s’exprimant sur le CNED, dire qu’il faut veiller à ce que chaque organisme existant ne soit pas dépouillé ni affaibli, et soit au contraire conforté. Mais l’on peut tout aussi bien se dire – puisqu’il s’agit d’une révolution – que chacune de ces institutions va évoluer.

Nous avons fait un voyage d’étude au Canada, sous la direction de M. Legendre. On nous a montré les innovations pédagogiques en cours et je me souviens bien – cela m’avait marqué – qu’auprès d’un public très défavorisé, constitué de jeunes qui n’avaient pas de parents pour l’aide au devoir le soir, le numérique était devenu un outil pour le soutien scolaire et, au-delà, contre les inégalités sociales. Certains ont auprès d’eux leurs parents le soir, d’autres pas, et c’est là que le numérique peut intervenir.

Dans ce que nous avons vu, l’informatique et le numérique permettaient le suivi personnalisé d’un élève par un professeur via un ordinateur, et de façon interactive et collaborative, c'est-à-dire qu’il ne s’agissait pas simplement de corriger un devoir et de le renvoyer, mais d’engager, le cas échéant, une véritable discussion.

Donc, la vision de l’enseignement à distance doit être élargie, bien au-delà de ce qu’il peut apporter, par exemple, aux personnes en situation de handicap. Ce qui est proposé dans cette loi permet, en effet, d’aller beaucoup plus loin.

J’en termine donc en affirmant avec force que l’État s’engage enfin, avec cet article, à placer le numérique au cœur de l’enseignement. C'est là une révolution, et une refondation !

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, sur l’article.

M. Joël Bourdin. Nous parlons beaucoup du CNED. C'est un bon instrument, particulièrement utile à nos jeunes qui sont malades ou expatriés – nous avons tous rencontré des élèves du CNED dans des endroits reculés de l’Afrique –, mais qui ne s’est pas encore emparé de toutes les innovations intervenues dans le domaine du numérique : il ne s’agit encore que de transmettre plus rapidement de l’écrit, sans interactivité.

Le CNED est en quelque sorte un grand lycée international qui a besoin de bouger. Je suis donc favorable à un service public, une sorte d’école internationale fondée sur le numérique, mais, monsieur le ministre, avec une révolution pédagogique ! Je suis du côté de Michel Serres qui exprime, dans son célèbre ouvrage…

M. Joël Bourdin. … – exactement ! –, certaines idées sur le sujet. Il faut utiliser le potentiel de réactivité des élèves pour faire passer des messages. Mais notre corps enseignant est un peu conservateur. Monsieur le ministre, il faut faire bouger tout cela !

Par ailleurs, j’estime qu’il est besoin de régulation dans le domaine de l’éducation par correspondance. Une multitude d’expériences ont lieu. J’ai eu l’occasion, il y a peu, de me rendre en Afrique pour me pencher sur la marchandisation – pardonnez-moi l’emploi de ce terme – de l’éducation. Or cette marchandisation est en marche ! Certains pays sont complètement livrés à l’enseignement en ligne, et il y a du bon, et du très bon, mais aussi du mauvais, voire du très mauvais.

Cet enseignement a besoin d’une charte et d’une régulation. Je pense que le ministère de l'éducation nationale et son ministre gagneraient à intervenir sur ce sujet.

Des problèmes existent en matière de soutien, ou tout simplement en matière de délivrance de diplômes, qui exigeraient que l’on se penche un jour sur le sujet. En tout cas, oui, pour le CNED, oui, pour sa modernisation, car elle est urgente et doit être menée en profondeur.