M. Vincent Capo-Canellas. En vous saisissant d’un tel sujet, mesdames les ministres, vous mesuriez l’ampleur des difficultés qui vous attendaient. Il faut dire que la feuille de route qui vous avait été donnée au départ n’était pas d’une clarté biblique, loin de là : réformer sans bousculer et simplifier en ajoutant.

Je salue le travail accompli par la Haute Assemblée, en particulier par le rapporteur, qui s’est beaucoup donné. En faisant preuve de sagacité, d’intelligence et d’un souci de l’écoute, il a beaucoup apporté à nos débats, tout comme le président de la commission des lois, qui a su orienter nos discussions avec sérénité et clairvoyance. Je remercie également les rapporteurs pour avis et tous ceux qui ont contribué à nos débats.

La Haute Assemblée a fait preuve de courage : ce texte sort du Sénat puissamment modifié, et c’est une bonne chose. Parallèlement, je relève l’écoute dont vous avez témoigné, mesdames les ministres. Peut-être n’aviez-vous pas le choix, penseront les mauvais esprits. Toujours est-il que vous avez montré avec élégance que vous étiez sensibles aux préoccupations du Sénat. Autant vous en reconnaître pleinement le mérite et saluer votre clairvoyance.

À l’issue de cette première lecture, le projet de loi est-il satisfaisant ? La réponse est non, même si nous mesurons l’ampleur du travail législatif réalisé. Pour sa part, le groupe UDI-UC était attaché à ce que nous puissions adopter un texte sur cette question essentielle pour la Haute Assemblée. La navette permettra sans doute de modifier et de compléter certaines dispositions.

Au rang des satisfactions, je mentionnerai trois sujets.

Premièrement, je citerai les conférences territoriales de l’action publique : le simple fait que ces instances aient été modifiées est positif, même si nous constaterons sans doute à l’usage que la complexité le dispute à l’entente attendue.

Deuxièmement, j’évoquerai l’abandon du pacte de gouvernance. C’est une satisfaction involontairement donnée, me dira-t-on. Je n’en souligne pas moins le courage dont les rapporteurs et la commission ont fait preuve et qui s’est révélé utile en la matière.

Troisièmement, enfin, la métropole lyonnaise nous apporte une grande satisfaction. Ce n’est pas la première fois que la capitale des Gaules montre l’exemple. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, de véritables choix ont été opérés à Lyon, sur un territoire qui prend son destin en main. Pour la métropole d’Aix-Marseille-Provence, l’avenir dira si les modifications apportées permettent de sortir du contexte d’opposition. À mon sens, cette démarche est nécessaire et juste. Sur ce point également, je salue le travail de la commission. Pour les métropoles en général, le présent texte est utile.

Cela étant, j’exprimerai trois regrets.

Tout d’abord, concernant la clause de compétence générale, l’arbitrage rendu s’apparente à une solution de facilité. Pour certains, il s’agit d’un signal d’apaisement. Dont acte ! Pour ma part, j’aurais préféré que vous fassiez le choix de la clarté.

Ensuite, la dialectique simplification-complexité n’a pas pu être dépassée. On pourrait débattre longuement de ce sujet !

Enfin, j’évoquerai l’Île-de-France.

En premier lieu, il y a eu une erreur de méthode : on a trop attendu du syndicat mixte « Paris-Métropole », qui ne pouvait jouer le rôle espéré.

En deuxième lieu, il fallait se fixer une ambition réaliste concernant la région capitale. Le seuil de 300 000 habitants a sans doute suscité beaucoup de craintes, même après avoir été réduit à 200 000.

En troisième lieu, partir du logement était une hypothèse qui, à mes yeux, ne pouvait pas tenir. C’était à la fois une fausse solution et un vrai problème. Surtout, le risque était de vouloir résoudre deux problèmes à la fois. Nul ne conteste qu’il existe un problème de logement en Île-de-France, mais la voie choisie n’était pas la bonne : on ne peut pas en même temps créer la métropole et résoudre la crise du logement dans la capitale. C’était un chantier trop ambitieux, et le projet n’était pas mûr sur ce point.

Nous devons veiller avant tout à rendre la métropole attrayante et utile aux élus. C’est là la clef ! Tant que l’on n’y arrivera pas, cela ne marchera pas.

Il faut se fixer une ambition réaliste, c'est-à-dire avancer avec des objectifs atteignables, s’entendre sur les périmètres et les compétences. Cela signifie qu’il faut commencer par l’intercommunalité, faute de quoi nous n’y arriverons pas. En effet, pour former un ensemble vaste, soit on additionne des ensembles moyens, soit on part de rien, ex nihilo, ce qui est tout de même beaucoup plus difficile.

Je ne suis pas favorable à des réformes radicales remises à plus tard : à mon sens, avant de construire une cathédrale, il faut bâtir des églises. Commençons par faire l’intercommunalité ! Je le répète, il faut se fixer une ambition réaliste, c'est-à-dire avancer pas à pas, avant tout combler le retard.

Le Grand Paris Métropole ne pourra exister qu’autour d’un projet de territoire. En la matière, la synthèse est presque faite, mais elle n’est pas encore suffisamment aboutie : l’Île-de-France a besoin d’un véritable projet global qui irrigue l’ensemble des territoires et qui puisse être montré à nos concitoyens.

Je conclurai en rappelant qu’il y a deux modèles en Île-de-France : soit la région métropole, soit la petite couronne métropole. À mon sens, la seconde solution peut se révéler aujourd’hui trop étriquée. Veillons à dépasser, grâce au présent texte, la coupure entre la petite et la grande couronnes. Il faut, à cet égard, former des intercommunalités interdépartementales !

Comme la grande majorité des membres de mon groupe, je m’abstiendrai sur ce texte. C’est un choix de responsabilité, qui permettra au Sénat d’exprimer sa vision de la décentralisation – c’est chose faite ! – et qui permettra à la métropole lyonnaise de prendre un nouveau départ. (M. le président de la commission des lois applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à m’associer aux remerciements qu’ont exprimés mes collègues : une fois n’est pas coutume, la qualité du dialogue entre les commissions du Sénat et l’exécutif a été hors du commun. Si je le souligne, c’est parce que Mmes les ministres étaient investies d’une mission impossible, pour la simple et bonne raison que le projet de loi était mauvais à la base.

Ce constat avait pourtant été dressé en amont : il ne fallait pas commencer par les métropoles. Le Gouvernement avait prévu un grand projet au sujet de l’action territoriale. Il a voulu débuter par les métropoles, et l’accident majeur est arrivé. De fait, que reste-t-il de ce texte ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Beaucoup de choses !

M. Philippe Dominati. La principale métropole de notre pays ne figure plus dans un projet de loi consacré aux métropoles ! On peut s’en satisfaire en affirmant que le travail législatif a bien joué son rôle, mais, en réalité, ce mauvais texte a été tellement amendé qu’il est désormais détruit.

C’est la première raison pour laquelle je voterai contre le projet de loi. On ne peut pas se satisfaire d’un rafistolage législatif destiné à améliorer un texte qui, à la base, n’a pas tenu compte des concertations menées, notamment en Île-de-France. En effet, en raison des délais législatifs, le Gouvernement n’a pas eu le temps de prendre la mesure du problème posé par la région capitale. Ce problème a été évoqué de diverses manières au sein de la Haute Assemblée : il ne s’agit pas moins d’une seule et même réalité.

La deuxième raison est le fait que le présent texte traite les différents sujets au cas par cas, ce qui me gêne énormément. Il met en avant le très bon exemple de Lyon – à côté de Marseille, où les avancées sont également réelles même si elles sont contestées par certains –, mais cette grande réussite n’est que l’arbre qui cache la forêt. En fait, cette méthode revient à sortir certains territoires du droit commun.

Concernant les métropoles, j’avais rappelé au cours de la discussion générale que tous les présidents de la Ve République avaient suivi une ligne directrice : l’organisation de la région parisienne. Le général de Gaulle a créé des départements et des villes nouvelles. Valéry Giscard d’Estaing a instauré l’élection d’un maire à Paris, afin de rapprocher la ville du droit commun. François Mitterrand lui-même, malgré des hésitations nourries par une vision morcelée de la ville, a eu confiance dans la réconciliation de la capitale avec le reste de la France. Il a ainsi associé le destin de la ville de Paris à celui de Lyon et de Marseille.

Aujourd’hui, il fallait aller plus loin, telle devait être l’ambition de ce texte. Au lieu de cela, vous vous contentez de pratiquer un clientélisme, du cas par cas. Vous avez dissocié le cœur du pays du reste des métropoles, et vous faites marche arrière vers le statut d’exception, hors du droit commun. Cela autorise toutes les formes de jacobinisme.

Votre famille politique a souvent le sentiment de lutter pour les collectivités territoriales. Ce texte nous montre l’inverse.

La troisième raison qui me conduit à rejeter le texte a évidemment trait au sort de Paris, dont je vais dire quelques mots puisque nous n’avons pas pu en débattre.

Mme Catherine Procaccia. On en a tout de même beaucoup parlé !

M. Philippe Dominati. Nous n’en avons parlé que d’une manière incidente, trop tôt ou trop tard !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’était une longue incidente !

M. Philippe Dominati. Tout d’abord, commençons par le périmètre.

Lorsque l’on demande à vos services, madame la ministre, aux services de l’État, de nous indiquer le périmètre concerné par cette réforme, ils éprouvent les plus grandes difficultés à nous répondre et à nous montrer la carte de la métropole parisienne telle que la prévoit le texte. La prochaine fois, présentez-vous devant le Parlement en nous montrant précisément l’objet dont nous devons débattre !

Ensuite, à la différence de celui de Lyon, le projet parisien présente des complexités de gouvernance, dans la mesure où il revient à ajouter une strate supplémentaire.

Enfin, il coûte plus cher, comme l’a souligné le rapporteur pour avis de la commission des finances.

Madame Ghali, vous avez affirmé que l’État donnait 30 milliards d’euros à Paris. N’oubliez pas les impôts supplémentaires que vont payer les Franciliens, dont une taxe spéciale d’équipement qui leur est propre. L’État décide, les Franciliens payent ! Les communes de l’agglomération d’Île-de-France doivent vivre avec cette contrainte. Ainsi, sur ces 30 milliards d’euros, le capital apporté par l’État, c’est zéro !

Lorsque j’ai demandé la suppression de la Société du Grand Paris, c’était en soulignant que si elle n’est dotée que d’un euro de capital, afin que la technostructure puisse décider à la place des élus locaux et des Parisiens en leur imposant plus d’impôts, nous ne serons pas d’accord !

Tous ces problèmes devaient être abordés. Malheureusement, ce texte, ou ce qu’il en reste, n’a plus de sens. Ce sont là les trois raisons pour lesquelles, sans ambiguïté, je voterai contre.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Povinelli.

M. Roland Povinelli. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je ne vais pas répéter tout ce que j’ai déjà dit depuis plusieurs jours et réexpliquer pourquoi nous votons contre ce texte, nous, les sénateurs des Bouches-du-Rhône.

Si 109 maires sur 119 – nous représentons aujourd’hui plus de 85 % des maires ! – et sept sénateurs sur huit, tous partis politiques confondus, sont si mécontents de ce texte, c’est qu’ils ont sans doute de bonnes raisons de l’être !

Je sais que Mme Lebranchu a reçu plusieurs fois les maires. Je lui ai demandé, et je suis certain qu’elle le fera, de nous recevoir encore et de nous écouter, afin que nous puissions modifier certains aspects avant la deuxième lecture devant le Sénat.

J’aimerais également que tous les sénateurs qui sont également maires, quel que soit leur bord politique, comprennent notre état d’esprit : nous ne sommes pas opposés à la métropole – ce n’est évidemment pas à des communes de 20 000 ou 30 000 habitants de construire des gares, des universités ou que sais-je d’autre –, mais il faut savoir que plus la population est faible, plus le maire est proche de ses administrés. Ici, à Paris, dont nous parlons beaucoup, croyez-vous que tous les soirs ses collaborateurs donnent au maire de Paris, que j’aime bien au demeurant, la liste des Parisiens qui veulent le rencontrer ? Croyez-vous qu’il les reçoit dans son bureau dans les quarante-huit heures ?

M. Christian Cambon. Il ne reçoit personne, cela règle le problème !

M. Roland Povinelli. Nous, nous voulons de la proximité !

On peut créer des métropoles, mais on peut aussi le faire en défendant nos communes ! Tous les orateurs, communistes, socialistes, centristes, membres de l’UMP, disent la même chose. Voilà pourquoi il faut revoir notre copie dans l’intérêt de tous.

Puisque l’on évoque la démocratie, je voudrais ajouter que, lorsque nous votons dans nos communes, dans nos départements ou dans nos régions, nous pouvons disposer d’un pouvoir pour voter à la place de quelqu'un d’autre. Par contre, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, où nous faisons les lois, un parlementaire peut voter pour 50, 80 ou 100 personnes. Ce n’est pas normal dans une démocratie ! Si ce soir, seuls les présents pouvaient voter, il me semble, au vu de notre nombre, que le résultat pourrait être différent de celui que nous allons connaître dans quelques minutes.

Madame la ministre, je sais que vous allez nous entendre et nous écouter. Nous fêtons – c’est un bien grand mot – trente ans de décentralisation. Après tout ce temps, on parle encore des lois Mitterrand, Mauroy et Defferre. Ah ! Gaston Defferre… Il avait dit tout le bien qu’il pensait des communes. Il n’est pas le seul : le Président Hollande en a parlé aussi, comme le Président Sarkozy. Tout le monde parle de la commune !

En tout cas, je souhaite que dans trente ou cinquante ans, même si nous ne serons plus là pour le voir, nos successeurs puissent dire : « Mme Lebranchu fut un grand ministre, car elle créa les métropoles mais elle conserva les communes ! » (M. Christian Cambon et Mlle Sophie Joissains applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mlle Sophie Joissains.

M. Jean-Noël Guérini. Vas-y Sophie !

Mlle Sophie Joissains. Je voudrais remercier la commission des lois, dont le président s’est montré très obligeant envers nous. Il nous a reçus, écoutés et il a essayé de nous aider en cherchant à aller dans le sens que nous pensons être le meilleur pour nous. M. le rapporteur a bien changé un peu d’avis à un moment donné, mais n’allons pas lui en tenir rigueur.

Le projet de loi a été intégralement réécrit par la commission des lois. Il le fallait, car le texte initial était extrêmement touffu et confus. À mon sens, en accordant trop de spécificités, il bridait les libertés.

Concernant les Bouches-du-Rhône, nous sommes face à un problème grave dont nous n’avons pas encore mesuré les conséquences. Je pense à la méthode. Certes, Mme Lebranchu est venue à de multiples reprises, ne comptant pas son temps. Comme Roland Povinelli, j’espère que nous pourrons à nouveau la rencontrer afin d’essayer de modifier certaines choses. La méthode a cependant démontré que la commune n’est plus ce qu’elle était : elle ne compte plus comme un échelon déterminant et son statut a largement diminué.

Rendez-vous compte que 109 maires sur 118 – communistes, socialistes, membres de l’UMP ou centristes – se sont rassemblés autour d’une table. Dans nos territoires, où la politique est bouillonnante, où l’on se bat souvent les uns contre les autres, avec beaucoup de ferveur dans nos discours pour défendre nos idées, une telle entente signifie beaucoup. Si nous avons agi ainsi, c’est parce qu’il y a bel et bien danger : la commune et la communauté urbaine de Marseille sont très endettées, à hauteur de quelque 3 milliards d’euros. Samia Ghali l’a d’ailleurs souligné.

Ce projet de loi m’agace, parce qu’il nous conduit à nous dresser les uns contre les autres, alors que tout le monde dans les Bouches-du-Rhône adore Marseille. Cela ne nous empêche pas d’adorer les autres communes, comme Aix-en-Provence, dont je suis native.

Jean-Claude Gaudin, qui connaît bien son territoire et qui sait les résistances terribles qu’il va rencontrer, a voulu que tous les maires puissent participer à la gestion de la nouvelle métropole. Reste que les équipements les plus lourds seront gérés par la métropole. Les autres communes sont peut-être relativement plus prospères que Marseille, mais ne rêvons pas : elles n’ont pas les moyens de faire face aux dettes et aux coûts de fonctionnement de tous ces équipements. Les crédits qui seront versés au pot commun vont donc être immédiatement absorbés : ils ne suffiront pas à redresser Marseille, et ils assécheront tout le reste.

Aujourd’hui, Marseille a besoin d’argent pour se restructurer et devenir la capitale de la Méditerranée, qu’elle mérite d’être.

Le Gouvernement nous promet 34 millions d’euros. On se dit que ce n’est pas une somme énorme quand on sait que le coût de fonctionnement de l’Opéra de Marseille s’élève à 100 millions d’euros par an, mais que c’est déjà ça. Voilà pourtant que la commission des finances, peut-être à bon droit sur le plan de l’intérêt général, refuse de voter cette dérogation. Cela signifie que, au lieu de 34 millions d’euros, nous n’obtiendrons que 15 millions d’euros, l’État n’ayant pas d’argent.

On va mettre un département à la rue pour se donner bonne conscience pour la ville de Marseille ! Si l’on veut vraiment aider Marseille, aidons-la sur les transports, aidons-la sur le port et sur bien d’autres choses. D’ailleurs, nous étions d’accord pour aider le port.

Sachez-le, nous n’avons pas fait une proposition en l’air. Nous avons placé une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes en vous demandant de nous laisser, nous, élus locaux, qui connaissons parfaitement notre territoire et qui l’aimons, mettre en place un syndicat mixte pour les transports auquel nous aurions versé l’ensemble de nos dotations. Dans le même temps, Jean-Noël Guérini l’a dit, nous sommes prêts à donner 50 millions d’euros à Marseille par solidarité, au titre des charges de centralité.

Nous ne voulons pas que l’État ne prenne aucune responsabilité dans ce processus. Nous demandons simplement que Marseille soit prise en considération dans la loi de finances. Nous sommes d’accord pour coopérer, mais nous refusons absolument d’être totalement mis de côté !

Paris obtiendra 30 milliards d’euros. Même si l’État n’en donne effectivement qu’un seul, les amendes de stationnement des Français financeront le reste. Pourquoi ne fait-on pas la même chose pour Marseille, si on l’aime tant ? Pourquoi se contenter de se donner bonne conscience ? Marseille a besoin de financements ! Marseille a besoin de se restructurer !

Je vois une dernière raison de ne pas voter le projet de loi : José Manuel Barroso est contre. Il est opposé à la complexification et aux coûts supplémentaires que ce texte va créer. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport de la Commission européenne et du Conseil.

Mes chers collègues, je sais que tout le monde a beaucoup travaillé, avec de très belles intentions, mais ce système ne fonctionnera pas. J’ai parlé au téléphone avec seize maires aujourd’hui. Si on les avait écoutés, on aurait sûrement pu exiger d’eux beaucoup plus d’efforts. Mais face au déni de démocratie auquel ils sont confrontés, la résistance sera terrible ! (Mme Samia Ghali, MM. Jean-Noël Guérini et Roland Povinelli applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais à mon tour saluer le travail réalisé par la commission des lois sous l’impulsion de son rapporteur et de son président. Elle a corrigé le texte initial, qui a gagné en clarté et en cohérence, et fait confiance aux territoires.

Dans le domaine des politiques de mobilité, que notre commission suit avec attention, je me félicite de l’aboutissement tant attendu du véritable parcours du combattant que fut la dépénalisation du stationnement payant. Il s’agit d’une mesure concrète et efficace pour la décentralisation, si l’on en croit les expériences menées dans un certain nombre de pays.

Comment ne pas se réjouir également de la transformation des autorités compétentes en matière de transport en autorités organisatrices de la mobilité ? Les ajouts opérés vont dans le sens que nous souhaitions, celui de la promotion des modes de déplacement respectueux de l’environnement, qui ne se limitent pas aux transports collectifs mais comprennent également le vélo, la marche, le covoiturage, l’autopartage.

Enfin, la création des pôles ruraux d’aménagement et de coopération a permis de rééquilibrer quelque peu le texte, avec une meilleure prise en compte du monde rural. Ce dernier était, je l’avais souligné, ainsi que d’autres collègues, le grand absent du texte initial. Le monde rural possédera désormais un outil opérationnel, à l’image des pôles métropolitains. Bien sûr, il convient de poursuivre le travail dans les semaines et les mois à venir, mais cela constitue un espoir important.

Je suis heureux que la commission du développement durable ait contribué à enrichir ce texte par ses amendements, et je remercie le Sénat de les avoir soutenus.

Ce texte, dans sa globalité, comporte, à l’issue de nos travaux, de véritables avancées pour notre démocratie territoriale. Il clarifie le rôle des différents acteurs territoriaux et accroît la cohérence des territoires. Nous avons fait là un bon travail législatif.

Pour conclure, je tiens à remercier Mmes les ministres de la compréhension et de la sagesse dont elles ont su faire preuve tout au long de ce débat très important. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Jean-Pierre Caffet et Mlle Sophie Joissains applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voterai ce texte avec conviction,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est un scoop ! (Sourires.)

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. … et ce pour deux raisons.

Mon premier motif de satisfaction tient, comme cela a été souligné, à la qualité et à l’efficacité du débat parlementaire. À cet égard, je veux moi aussi remercier le président de la commission des lois et féliciter son rapporteur, qui, sous ses traits d’humour, a fait preuve de tact et de ménagement, tout en restant déterminé. Je n’oublie pas non plus de remercier mes deux collègues rapporteurs pour avis.

J’adresse aussi mes remerciements et mes félicitations à Mmes les ministres, pour leur qualité d’écoute et leur efficacité. Pour avoir assisté à d’autres débats, même si je ne suis sénateur que depuis une vingtaine de mois, je puis vous dire qu’il n’en est pas toujours ainsi. J’en suis donc extrêmement heureux.

Mon second motif de satisfaction tient au fait que ce texte constitue incontestablement une étape importante dans l’évolution et la modernisation de l’organisation politico-administrative de notre pays. Je ne sais pas s’il s’agit d’un texte historique, comme cela a été relevé hier soir. Par définition, c’est l’histoire qui le dira !

Je note que Lyon, Marseille, Nice et les autres métropoles vont vivre un nouveau départ, qui leur permettra d’améliorer leur rayonnement et leur efficacité en matière d’économie et de logement, ce qui est très important.

Je retiens également du débat – cette idée n’a peut-être pas été assez verbalisée, mais elle était sous-jacente – que le temps où il était de bon ton d’opposer monde rural et monde urbain est révolu. Là aussi, nous avons franchi une étape ! On sait très bien aujourd'hui qu’il n’y a pas lieu d’opposer ces deux mondes, qui sont complémentaires. Je ne doute pas que les deux prochains volets du projet de loi mettront plus encore en exergue cet aspect des choses. C’est un point important, même si certains ici restent sceptiques.

Après ces deux motifs de satisfaction, j’exprimerai – pas seulement à titre personnel – un regret, celui que le Grand Paris Métropole ne figure pas dans le texte.

La métropole de Paris a disparu des écrans radar du Sénat, ce qui est particulièrement dommageable pour la région, notamment – excusez-moi d’y insister, mais cela relève de la compétence de la commission que je représente – pour le logement. La situation dramatique du logement sur ce territoire a été évoquée à plusieurs reprises au cours du débat. Je sais bien que la gouvernance ne fait pas tout, néanmoins elle est indispensable.

Lors de l’élaboration du rapport d’information sur le droit au logement opposable, le président de l’association Droit au logement lui-même m’avait dit que nous pouvions construire tous les logements que nous voulions dans la région d’Île-de-France, mais que nous serions toujours confrontés aux mêmes problèmes tant que nous n’aurions pas réformé la gouvernance. C’est un point très important, puisque la région parisienne va malheureusement revenir, pour l’instant, à un statu quo.

C’est dommage pour le Sénat, je le dis avec tristesse, car on dira demain que nous avons parlé de toute la France pendant six jours, sauf de l’Île-de-France.

Mme Laurence Cohen. Mais non, on en a parlé !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Quelles en sont les causes ?

J’entends que les élus de cette région seraient responsables de la situation. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette affirmation. Les élus ont réfléchi longuement, presque de manière institutionnelle, avec Paris Métropole. Ils ne sont pas plus mauvais que les autres, et c’est leur faire là un faux procès.

Il est clair qu’il existe des clivages à Paris. Toutefois, je n’ai pas eu le sentiment qu’il n’y en avait pas ailleurs. À Marseille, une solution a été trouvée !

Ce clivage ne concerne pas seulement les Franciliens, il intéresse tous les Français. En outre, ne le réduisons pas à un antagonisme entre deux personnes. Ce raccourci est insupportable ! Réfléchissons plutôt à la vision que nous avons de l’avenir de la France, et de l’Europe d’ailleurs, comme cela a été dit. Imagine-t-on l’Europe des régions, un concept à la mode il y a quelque temps ? Dans ce cas, on a une feuille de route. Ou imagine-t-on, au contraire – je dis bien « au contraire » –, une Europe ou une France avec des métropoles qui rayonnent ? Là est le clivage, qui n’intéresse pas que la région d’Île-de-France, car il était souvent en filigrane, voire insidieux, dans les discussions concernant les autres territoires.

Pour ma part, je n’incrimine pas non plus la qualité du projet de loi. C’est là aussi faire un procès injuste : presque tous les articles ont été modifiés ! J’aurais d’ailleurs bien aimé voir si l’on pouvait améliorer l’article relatif à la métropole de Paris, comme on l’a fait pour les articles concernant les autres métropoles.

M. Jean-Jacques Hyest. C’était impossible !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je ne crois pas que c’était impossible !

L’échec de Paris, c’est celui d’un compromis. Le Gouvernement a fait un texte de compromis, et on le lui a reproché au cours de la discussion générale, comme si le compromis était une mauvaise chose. Ce compromis a été rejeté. La grande leçon que j’en tire, c’est qu’il n’y a pas, dans cette double vision régionale ou métropolitaine, de compromis possible en Île-de-France. Le moment est donc venu d’arbitrer.

Le Président de la République a dit à plusieurs reprises qu’il retiendrait le texte de Paris Métropole. À défaut de texte, le Gouvernement nous en a proposé un autre. Il faut maintenant un arbitrage et le porter. Pour ma part, croyez-moi, je porterai cet arbitrage quel qu’il soit, dirais-je presque.

Pour conclure, j’espère que j’aurai toujours les mêmes motifs de satisfaction mais que je n’aurai plus de regret à l’issue de la deuxième lecture. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Jean-Pierre Caffet et Edmond Hervé applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, rapporteur pour avis.

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis moi aussi un nouveau sénateur : je ne suis ici que depuis un an et demi. Je m’étonne donc que certains soient surpris que la droite, la gauche et le centre puissent discuter de sujets concrets. C’est ce que je fais tous les jours dans l’agglomération que je préside, où j’ai pour vice-présidente notre collègue Marie-France Beaufils et pour vice-président Philippe Briand, député et secrétaire national de l’UMP. Nous arrivons à discuter des dossiers ensemble, et c’est d’ailleurs ce que souhaitent les habitants. C’est le fait que chacun de nous ait ses spécificités qui permet à notre territoire d’avancer.

Même si le mode de scrutin pour les élections sénatoriales peut, je le sais, peser ici ou là sur certains choix, on est entré dans une autre période. La France de 2013 peut-elle tout simplement dire qu’elle ne veut pas de métropole ni de fait métropolitain ? Pour redistribuer le PIB, il faut bien le créer quelque part !

M. Jean-Jacques Hyest. Pas quelque part !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il faut donc que les métropoles permettent à la France d’avancer sur un certain nombre de sujets. On doit bien sûr le faire, monsieur Hyest, sans négliger le reste. J’ai d’ailleurs écouté avec attention vos propos empreints d’une grande sagesse. Cependant, on ne peut pas faire comme si les choses n’évoluaient pas. On peut parler de l’égalité des territoires sans promettre à tout le monde qu’on fera la même chose partout !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. On peut traiter de l’égalité des territoires sans dire qu’il y aura un microscope électronique dans chaque chef-lieu de canton.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous demandons l’équité !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Car, ça, c’est dire un mensonge à la population ! C’est donc une bonne chose que le fait métropolitain ait été reconnu dans ce débat.

Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur les finances.

Il n’est pas facile d’être à la commission des finances, car on se fait toujours évidemment un peu « cartonner » quand on applique l’article 40 de la Constitution.

M. Jean-Claude Lenoir. Il ne fallait pas y aller !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Mais, en tant qu’ancien professeur de droit, je ne me vois pas faire fi de la Constitution.

M. Jacques Mézard. Il y a différentes interprétations !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il peut en effet y avoir des interprétations différentes, monsieur Mézard, mais, pour ce qui me concerne, je resterai toujours solidaire de l’ensemble des membres de la commission. Quand la commission des finances prend des décisions à l’unanimité, cela a un poids.

Aussi, lorsque nous avons décidé de refuser les systèmes dérogatoires qui pesaient sur l’enveloppe globale, ce n’était pas pour refuser un certain nombre de choses à la métropole d’Aix-Marseille-Provence ; c’était tout simplement pour dire que le Gouvernement pouvait prendre les ressources ailleurs, et Mme la ministre l’a d’ailleurs indiqué ce matin.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Si l’on crée des métropoles en prenant des ressources aux autres territoires, il est normal que ceux-ci aient peur et se méfient. La France est-elle dans une situation telle que le Premier ministre ne puisse dire à un ministre qu’il ne peut pas trouver 50 ou 60 millions d’euros ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !