M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, depuis le milieu des années quatre-vingt, le législateur s’est employé à renouveler l’attention portée par notre pays au développement universitaire, scientifique et technologique, face aux défis techniques, environnementaux et socio-économiques. Aujourd’hui, madame la ministre, vous nous proposez de rassembler dans une même ambition l’enseignement supérieur et la recherche, démarche inédite sous la Ve République.

Les études supérieures contribuent à l’élévation des connaissances et du niveau de compétences de l’ensemble de la société. La recherche universitaire a vocation à accroître cette connaissance, à accompagner et à stimuler le progrès scientifique, à permettre à la société de concilier soif de savoir, compréhension du monde, amélioration de ses conditions de vie comme de son bien-être et respect de l’environnement, tout en nourrissant la compétitivité de la nation.

« La recherche, c’est une histoire sans fin, héritage et dépassement, continuité et transgression... Rien n’est jamais achevé », déclarait récemment le Président de la République au Collège de France. Voilà pourquoi l’enseignement supérieur et la recherche sont indissociables. À cet égard, la particularité de l’université, c’est qu’elle est la seule institution à établir le lien entre l’excellence pédagogique et l’excellence scientifique.

Le système, morcelé depuis longtemps, et la communauté universitaire, déstabilisée par la LRU et par le pacte pour la recherche, expriment des espoirs contradictoires et cherchent un nouvel horizon commun.

Reconnaissant à l’université une double mission, celle de former aux métiers d’aujourd’hui et celle de préparer aux métiers de demain, grâce à la recherche, refusant d’examiner les évolutions du système par l’unique prisme de la compétitivité, ce projet de loi vise bien la construction d’une société plus juste, plus inclusive et mieux formée, au sein de laquelle chacun doit trouver les moyens et les occasions de réaliser un projet personnel et professionnel à la hauteur de ses capacités et de ses aspirations.

En faisant de la réussite de tous les étudiants l’objectif prioritaire du présent texte, le Gouvernement confirme son engagement : offrir à chaque jeune la possibilité d’être bien préparé pour entrer dans la vie active, s’émanciper et développer une ambition personnelle en dehors de tout déterminisme.

Cet objectif, fondamental pour l’avenir de notre pays, est bien en cohérence avec le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, dont le Parlement achève actuellement l’examen, et qui traduit la même ambition.

Comme notre collègue Ambroise Dupont et moi-même l’avons constaté dans notre rapport sur le contrôle de l’application de la LRU, la mise en œuvre de la loi du 10 août 2007 s’est caractérisée par des dysfonctionnements que ce projet de loi entend rectifier, et par des capacités de dépassement sur lesquelles s’appuyer.

Ainsi, le présent texte prévoit de renforcer la gouvernance collégiale au sein des universités, par l’instauration d’un conseil académique doté de compétences consultatives et décisionnelles, aux côtés d’un conseil d’administration conforté dans sa fonction stratégique.

Répondant à la demande des personnels et des étudiants en faveur d’un cadre de régulation nationale des formations – contrepartie indispensable de l’autonomie pédagogique, budgétaire et financière des établissements –, l’État doit se poser en garant de l’intérêt général et du libre accès de tous les étudiants à un service public d’enseignement supérieur de qualité sur l’ensemble du territoire.

Le renforcement du cadrage national se traduira par la mise en place de stratégies claires et ambitieuses en matière d’enseignement supérieur et de recherche, élaborées en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

En cohérence avec ces priorités nationales, une coordination de l’offre de formation et de recherche s’opérera au niveau du territoire académique ou inter-académique, dont le périmètre sera fixé en concertation par tous les acteurs, dans le cadre d’un contrat de site unique.

Dans le souci de rendre l’offre de formation et de recherche plus lisible, les modalités des regroupements universitaires et scientifiques seront reprécisées, tandis qu’en sera renforcée la visibilité, aussi bien auprès des élus locaux et des représentants de l’État que des partenaires européens et internationaux.

L’ambition d’une formation universitaire et scientifique au service de la société est bien au cœur de ce projet de loi. Il s’agit de la conduite d’un système complexe aux objectifs globaux clairement définis, confiant dans la capacité des acteurs à contribuer eux-mêmes à l’adaptation des modalités d’action, à la diversité et à l’environnement.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que notre commission a adopté un certain nombre d’amendements modifiant les premiers articles du présent texte. En effet, la reconnaissance de la notion de « transfert » apparaissait comme l’un des principaux apports aux articles du code de l’éducation définissant les missions et les objectifs du service public de l’enseignement supérieur et de la politique nationale de recherche.

S’il est important, cet enjeu n’est pas une fin en soi. Plusieurs d’entre nous s’en sont émus : c’est pourquoi nous avons redéfini le transfert comme l’une des composantes de la valorisation des résultats de la recherche au service de la société.

Les autres aspects de ce service à la société sont bien sûr le développement de l’innovation et de la capacité d’expertise et d’appui aux politiques publiques pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux et environnementaux.

Notre commission a également intégré à la définition des missions de recherche du service public de l’enseignement supérieur l’encouragement de la participation du public à la prospection, à la collecte des données et au progrès de la connaissance scientifique. Nous avons ajouté un nouvel objectif : développer les interactions entre sciences, recherche et société via la définition des sciences participatives et l’introduction de la référence à la culture scientifique, technique et industrielle dans le code de l’éducation.

C’est un premier pas vers la reconnaissance des cultures à partager, enseigner, acquérir, développer avec et au service d’une société en devenir. Cette dimension est au cœur même du rôle démocratique de l’université. Comme le dit le professeur Vincent Berger, « la démocratisation du sens critique et du savoir sans cesse renouvelé permet de partager la compréhension du monde avec le plus grand nombre. »

Prolongeant l’esprit du présent texte, notre commission a adopté une série d’amendements visant à faire de l’amélioration de la qualité de vie étudiante un objectif prioritaire de la réforme de l’enseignement supérieur.

Tout d’abord, la commission a consacré, parmi les missions du service public de l’enseignement supérieur, le soutien aux initiatives collectives ou individuelles en faveur de la solidarité et de l’animation de la vie étudiante.

Ensuite, elle a fait de l’amélioration de la qualité de la vie étudiante et de la promotion sociale des étudiants des piliers des contrats de site. Pour ce faire, l’ensemble des partenaires seront appelés à élaborer, sous l’égide du réseau des œuvres universitaires, un projet opérant la synthèse des besoins en la matière, qui sera transmis à l’État et aux collectivités territoriales comme document d’aide à la décision.

De surcroît, les compétences décisionnelles de la commission de la formation du conseil académique en matière de vie étudiante ayant été considérablement renforcées, il est nécessaire de compléter l’intitulé de cette instance, afin de la dénommer « commission de la formation et de la vie universitaire ».

Attentive - et respectueuse - aux travaux de la conférence des présidents d’université, la CPU, dans la précision de la responsabilité sociale des universités, notre commission a adopté des dispositions tendant à conforter la prise en compte de la situation particulière des étudiants et des personnels en situation de handicap au sein des universités, et à appliquer à ces dernières, par symétrie aux dispositions adoptées par le Sénat au titre du projet de loi de refondation de l’école, le principe d’« université inclusive ».

Pour cela, il est opportun de confier au conseil académique, en formation plénière, la responsabilité de préparer le schéma directeur pluriannuel en matière de handicap, approuvé par le conseil d’administration. Il reviendra au président de l’université de présenter au conseil un rapport d’exécution annuel assorti d’indicateurs de suivi et de résultats.

La résorption de l’emploi précaire au sein des universités, objectif prioritaire de la politique de chaque établissement, sera incluse dans le bilan social présenté chaque année au conseil d’administration par le président d’université.

Malgré les affichages ambitieux du précédent gouvernement dans le cadre du plan « Réussite en licence », les indicateurs de performance se sont dégradés. Seulement 27 % des étudiants inscrits en première année de licence obtiennent leur diplôme trois ans plus tard. Ce taux ne s’élève qu’à 6 % pour les titulaires d’un baccalauréat professionnel.

Justement alarmé par ce constat, le Gouvernement a souhaité réaffirmer la nécessaire continuité entre les enseignements dispensés dans le dernier cycle du second degré et ceux du premier cycle universitaire.

Dans une logique de renforcement d’un parcours intégré d’orientation dit « - 3 /+ 3 », assurant la cohérence de l’orientation et de l’appui à la réussite de la première année de lycée à la dernière année de licence, il est clairement rappelé que les enseignements du lycée doivent préparer à la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur, et que l’enseignement supérieur doit s’intéresser au devenir de ces lycéens.

Par un ajout au présent projet de loi, l’Assemblée nationale a prévu de réserver des places aux meilleurs élèves de chaque lycée dans les filières sélectives, en particulier dans les classes préparatoires. Notre commission s’est attachée à ajuster ce dispositif afin d’assurer que les élèves de chaque série et de chaque filière du lycée puissent en bénéficier, pour éviter que les bacheliers de la filière S ne soient favorisés de fait.

Pour sortir du dualisme entre universités et grandes écoles, et optimiser les chances de réussite par le rapprochement entre filières sélectives et université, notre commission a institué le principe de la double inscription des élèves de STS et de classes préparatoires dans leur lycée et dans une des universités avec lesquelles une convention aura été conclue. L’élève s’acquittant des droits d’inscription à l’université aura en contrepartie pleinement accès aux services universitaires, comme la bibliothèque et le CROUS.

Par coordination, nous sommes revenus sur la suppression de la gratuité des classes préparatoires, introduite par l’Assemblée nationale. La double inscription me paraît plus lisible, plus efficace et juridiquement plus sûre.

Enfin, il nous a paru nécessaire de favoriser la préparation aux concours d’entrée dans la fonction publique ou d’accès à différentes écoles et formations sélectives, à l’intérieur même de l’université. Il sera ainsi possible de garantir une formation de haut niveau, accessible à tous.

Le présent projet de loi complète les missions du premier cycle d’études supérieures afin de renforcer le principe de l’alternance et de garantir à tout étudiant l’opportunité de construire un projet personnel et professionnel sur la base d’une spécialisation progressive de ses études, grâce à la pluridisciplinarité des enseignements dispensés en licence.

En effet, une spécialisation, étroite, précoce, ne favorise pas une adaptation aisée des jeunes conditionnés trop tôt à un champ restreint de compétences, alors que leurs aspirations sont encore incertaines face aux évolutions rapides du monde du travail.

C’est une évidence, la loi ne peut, à elle seule, apporter une réponse satisfaisante pour la réussite étudiante. À cet égard, je tiens à souligner les nombreuses initiatives déployées sur le territoire pour accompagner les étudiants vers le succès.

Dans les universités que j’ai eu le plaisir de visiter, se développent des dispositifs innovants de prise en charge des nouveaux arrivants par les étudiants, favorisant les rencontres avec les secrétaires pédagogiques et les contacts réguliers avec les professeurs. C’est un nouveau regard porté sur les parcours de formation, qui nécessite de développer un sentiment d’appartenance, de comprendre les motivations des étudiants, de déterminer pourquoi ils se sont inscrits à l’université et quelle est leur réflexion sur la recherche à l’université.

Un « semestre nouveau départ » est souvent proposé, avec une remise à niveau grâce à des stages d’expression écrite et orale avant d’entreprendre un nouveau cursus.

Les bouleversements affectent également les pratiques pédagogiques. Dans un monde où le savoir est disponible partout, il faut soutenir l’enseignant, dont le rôle de sachant doit évoluer vers celui de pédagogue. Être en phase avec le processus d’assimilation de l’étudiant, le laisser parfois se tromper pour mieux lui permettre de comprendre, c’est une révolution pédagogique qui peut désorienter certains enseignants, déjà confrontés à des étudiants remettant parfois leur enseignement en cause.

Constatant la permanence du taux d’échec en première année de médecine – plus de 80 % –, le Gouvernement prévoit enfin l’expérimentation de nouvelles modalités d’admission aux études médicales. Une réorientation précoce sera proposée à 15 % d’étudiants dont le niveau sera jugé insuffisant pour leur permettre le classement en rang utile. Des passerelles seront aménagées vers une licence mieux adaptée dans les domaines des sciences et de la santé, pour une admission directe en deuxième ou en troisième année. Ainsi, les étudiants ne perdront plus leur temps !

Cette expérimentation pourrait être utilement étendue à d’autres filières où seraient organisés des accompagnements pédagogiques à l’appui d’une réorientation diversifiée en fonction des aptitudes et des goûts des étudiants.

Par ailleurs, il faut consacrer le doctorat comme une formation à la recherche et par la recherche, afin de reconnaître le troisième cycle comme une véritable première expérience professionnelle au sein de la communauté académique, et une possibilité d’accès aux grands corps comme à l’encadrement ou la direction stratégique des entreprises.

De plus, il est proposé de substituer à l’actuelle procédure d’habilitation des établissements d’enseignement supérieur à délivrer des diplômes nationaux, une procédure d’accréditation. L’objectif est bien de renforcer l’autonomie pédagogique des établissements et de simplifier l’offre de formations, fondé sur la « capacité à faire » plus que sur un « engagement à faire ». Cette méthode rendra plus lisible l’offre de formation en réduisant les spécialités au niveau master, de même que les différentes finalités. Elle instaurera une nomenclature nationale des intitulés de mentions.

Le processus d’accréditation ne modifie en rien le régime en vigueur relatif aux diplômes nationaux, aux diplômes d’établissement et aux grades. L’extension de l’accréditation aux établissements privés ne pourra concerner que les grades, puisque la délivrance des diplômes universitaires ne concerne que les EPSCP, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Nous avons fait le choix, en précision du projet de loi, pour répondre à de nombreuses préoccupations exprimées lors de mes auditions et garantir une gouvernance pleinement démocratique et collégiale des universités et de leurs regroupements, d’augmenter le nombre de personnalités extérieures désignées à l’initiative du conseil d’administration. Cela permet de limiter les nominations par voie institutionnelle qui ne garantissent pas forcément l’assiduité des représentants nommés.

La procédure d’un appel public à candidatures permettra, du reste, de choisir des personnalités qualifiées ayant justifié leur motivation pour s’investir dans la gestion stratégique de l’établissement.

Outre des représentants du monde socio-économique, ces personnalités devront comprendre un représentant d’un établissement d’enseignement secondaire, afin d’assurer le nécessaire continuum entre le lycée et le premier cycle universitaire.

Afin de résoudre le problème posé par le « millefeuille » d’instruments de coopération universitaire et scientifique hérité de la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, dite « loi Goulard », et le foisonnement des structures temporaires, supports des projets financés par le programme des investissements d’avenir, l’article 38 du projet de loi entend procéder à une rationalisation des modalités de regroupements possibles. Trois sont désormais proposées : la fusion, la participation à une communauté d’universités et d’établissements ou l’association.

À cet égard, suivant les suggestions du groupe écologiste, et en accord avec Mme la ministre, notre commission a modifié l’article 38 afin de renforcer le caractère démocratique du conseil d’administration des communautés, en y garantissant la présence d’au moins 50 % de représentants élus désignés au suffrage universel.

En écho à de nombreux acteurs ou collègues, dont ceux du groupe UDI-UC, nous avons également le souci de consacrer la dimension confédérale du mécanisme de l’association. Il semblerait opportun, à ce titre, de préciser que, dans ce cas choisi, le projet partagé est défini d’un commun accord et que le volet commun du contrat de site unique soit validé par le conseil d’administration de chaque établissement membre de l’association confédérale, conférant ainsi à chacun le même poids dans la décision collective.

S’agissant de la recherche, que le projet de loi veut libérer et sécuriser dans sa finalité fondamentale, et stimuler dans sa finalité de transfert technologique, notre commission a introduit le principe d’une évaluation de la dépense budgétaire et fiscale de l’État, crédit d’impôt recherche compris, en faveur de la recherche privée et de la recherche partenariale. Cette évaluation serait effectuée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui dispose de pouvoirs d’enquête étendus à cet effet.

En matière de valorisation de la recherche menée sur fonds publics, le projet de loi demande aux entreprises partenaires un engagement contractuel ferme d’exploiter l’invention brevetée exclusivement sur le territoire de l’Union européenne.

Le Centre national de la recherche scientifique – le CNRS –, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique – l’INRIA –, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – l’INSERM – et la Caisse des dépôts et consignations – la CDC –, entre autres, s’en sont inquiétés.

Si le régime d’exploitation du titre de propriété industrielle est trop rigide, nous courons le risque d’inhiber sérieusement la signature de contrats de licence.

En conformité avec l’avis de la commission des affaires économiques, nous souhaitons assouplir cette condition contraignante inconnue partout ailleurs. Il semble ainsi plus pertinent de demander uniquement à l’entreprise de prévoir une exploitation, au moins partielle, sur le territoire de l’Union européenne.

Enfin, en ce qui concerne l’évaluation, je souligne que, à ma demande, les services de législation comparée du Sénat ont réalisé une étude très intéressante sur les dispositifs d’évaluation externe indépendante de l’enseignement supérieur et de la recherche mis en place dans plusieurs autres pays, ou régions, européens : le Royaume-Uni, le land de Basse-Saxe, la Suède et la Suisse. Cette étude fait état d’une très grande variété des systèmes d’assurance qualité en Europe, qui s’emploient chacun, à des stades de maturité différents, à répondre aux exigences européennes en la matière.

Le land de Basse-Saxe et le Royaume-Uni ont mis en place les dispositifs d’évaluation les plus avancés, fondés sur la revue par les pairs, qui articulent efficacement l’évaluation interne basée sur l’autoévaluation, l’évaluation externe par des experts indépendants et le suivi de la mise en œuvre des recommandations issues de l’évaluation.

La mise en place du Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur s’inscrit, dans la continuité des efforts de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, dans le sens d’une meilleure prise en compte de l’auto-évaluation et de son articulation effective avec l’évaluation externe indépendante.

Les missions, la gouvernance et le fonctionnement de l’autorité administrative indépendante d’évaluation sont ainsi rénovés.

Notre commission a accordé, dans les critères de l’évaluation, une place particulière à la transparence, à la prévention des conflits d’intérêts dans la mise en place des comités d’experts et au principe du contradictoire.

Enfin, afin de vraiment améliorer la qualité d’accueil des étudiants étrangers, pour qui rien ne change, malgré l’abrogation de la triste « circulaire Guéant », notre commission a adopté plusieurs modifications des modalités d’entrée et de séjour des étudiants étrangers sur notre territoire.

Voilà, mes chers collègues, une présentation non exhaustive des améliorations apportées par notre commission à ce texte majeur, qui font suite à un travail méthodique et concerté, notamment avec les membres de cabinet de Mme la ministre, dont je salue la disponibilité et l’écoute.

Ce texte est technique, comme l’attestent ses 70 articles et les quelque 600 amendements étudiés. Il traite surtout de sujets complexes, emblématiques des enjeux poursuivis : parité, transfert, formation tout au long de la vie, attractivité du territoire, réforme de l’évaluation, renfort de l’autonomie, accompagnement de la maturité de la gouvernance des établissements, développement intellectuel, transition écologique ou, encore, rayonnement international de la France...

La demande de transparence, de sincérité budgétaire, de respect de critères de dotation équilibrés pour faire vivre l’enseignement supérieur et la recherche, au bénéfice de la dynamique nationale, de la réussite étudiante et de la qualité de vie professionnelle des enseignants et des chercheurs, est très forte. Cependant, il n’y a pas de solution définitive à l’ensemble des problèmes vécus de longue date.

La rigueur de l’analyse conduit, d’ailleurs, à reconnaître que tout ne se résume pas aux moyens. Les ressources, certes insuffisantes, sont mal coordonnées en raison de cette dispersion des forces, aggravée par la politique menée ces dernières années (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Henri de Raincourt. Cela faisait longtemps !

Mme Dominique Gillot, rapporteur. À cela s’ajoutent, pour les enseignants-chercheurs, une perte de prestige mal vécue et, pour les étudiants, de profonds doutes quant à leur avenir.

Notre pays a besoin de l’université ! Elle est porteuse d’espoir, car c’est en elle que se trouvent la créativité et l’imagination qu’exige le monde en permanente mutation.

Le génie de notre jeunesse devrait être employé à développer de nouveaux savoirs plutôt qu’à la reproduction de connaissances existantes.

À travers ce projet de loi, c’est notre avenir qui est en jeu. Le Parlement l’examine, en continuité, avec le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, dessinant ainsi un projet global de société, saisissant par sa force et sa cohérence.

Parce que l’université et la recherche sont un levier indispensable du redressement de la France, ce texte, que nous commençons à examiner aujourd’hui, répond à l’exigence démocratique, qui est aussi une nécessité sociétale, de l’évolution et du partage de la connaissance qui font la force d’une grande nation.

Je vous engage à partager cette ambition émancipatrice dans le relais et l’amplification des savoirs construits dans et par notre université du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur de la commission de la culture, madame la présidente de la commission de la culture, madame la rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, mes chers collègues, notre commission des affaires économiques s’est donc saisie pour avis du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Elle s’est penchée, plus particulièrement, sur les volets recherche, gouvernance et transfert du texte.

Madame la ministre, vous avez souhaité mettre ces éléments en avant, et cela me semble, dans l’intention du moins, tout à fait opportun.

Notre recherche est, certes, parmi les meilleures au monde mais elle reste encore bridée par un excès de bureaucratie et peine à établir un lien durable avec le monde de l’entreprise.

Le paysage de la recherche est devenu trop complexe. C’est un constat partagé par tous aujourd’hui, et qui a encore été souligné à de nombreuses reprises lors des Assises nationales de la recherche. Il est clairement ressorti, également, des nombreuses auditions que nous avons menées dans le cadre de notre rapport pour avis sur la loi du 29 novembre 2012 de finances pour 2013. Vous rappeliez vous-même, madame la ministre, l’expression de « mikado institutionnel » souvent utilisée pour évoquer cette complexité.

Nos chercheurs étouffent sous des tâches administratives croissantes et cela les détourne de leur activité de recherche, qui est pourtant leur cœur de métier.

Cela les empêche, par ailleurs, de soumissionner aux appels d’offres passés par l’Union européenne dans le cadre des programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique, les PCRD. En conséquence, notre taux de retour a reculé d’un tiers depuis 2007. Aujourd’hui, nous donnons presque deux fois plus à l’Europe que nous recevons d’elle au titre de la recherche ! Dans un contexte de financements internes très contraints, il y a là une aberration qu’il convient de rappeler et contre laquelle il nous faut œuvrer.

Les causes de ce faible taux de retour sont connues ; il résulte principalement d’une insuffisante articulation entre programmation nationale et programmation européenne et d’un manque de soutien aux équipes présentant des projets.

Or, madame la ministre, bien que vous ayez identifié tous ces obstacles, votre projet de loi ne les aborde pas. Que comptez-vous donc faire pour y remédier, et ainsi permettre à notre recherche de mieux tirer parti des financements européens ?

Trop dispersée et mal connectée avec l’Europe, notre recherche souffre par ailleurs d’un « pilotage des moyens défaillant », pour reprendre l’expression de la Cour des comptes dans son tout récent rapport sur le financement public de la recherche.

À l’échelle nationale, l’État ne remplit pas son rôle de stratège et de coordinateur des multiples acteurs existants. Territorialement, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, sont d’une efficacité variable selon les territoires.