M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre de la manière la plus exhaustive aux nombreuses questions qui m’ont été posées, qui ont été le plus souvent – mais pas toujours – très pertinentes.

Au préalable, je répondrai à MM. Bizet et de Montesquiou que le Gouvernement mène une politique volontariste, comme l’a dit d'ailleurs Richard Yung, pour créer les conditions d’une croissance qui soit durable. Cette volonté s’appuie sur le sérieux budgétaire : nous en avons besoin, compte tenu de la situation que nous devons gérer. Nous ne pouvons faire abstraction du passé, même si nous aimerions bien...

Le sérieux budgétaire s’impose à nous, indépendamment même des éventuelles recommandations adressées à notre pays. Nous devons restaurer une souveraineté budgétaire, quelles que soient les recommandations de l’Union européenne.

M. Yvon Collin. Absolument.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est une obligation incontournable, compte tenu du déficit budgétaire que nous devons gérer et dont vous conviendrez, monsieur de Montesquiou, monsieur Bizet, qu’il ne date pas de l’année 2012. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. Vous ne dites plus rien, maintenant, chers collègues de l’opposition !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. La démonstration a d’ailleurs été faite par M. le rapporteur général de la commission des finances : les recommandations adressées à la France, comme à chaque État membre, reprennent, pour l’essentiel, des thématiques qui correspondent à des chantiers d’ores et déjà engagés par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Tel est le cas, en particulier, des réformes du marché du travail ou des mesures prises en matière de compétitivité.

Notre diagnostic diffère aussi sur certains points abordés par la Commission européenne : par exemple, en ce qui concerne les moyens d’améliorer la compétitivité des entreprises.

En tout état de cause, comme l’ont justement souligné M. le président de la commission des affaires européennes et M. le rapporteur général de la commission des finances, le gouvernement français poursuit ses efforts de redressement budgétaire : il mettra en œuvre ses réformes selon sa propre méthode, après avoir élaboré sa propre analyse, en dialogue avec le Sénat, l’Assemblée nationale et les partenaires sociaux, trop souvent oubliés dans le passé.

Nous discuterons des réformes, y compris des réformes structurelles, dès demain, dans le cadre de la grande conférence sociale. Ce n’est pas le fruit du hasard si, cette année, cette conférence comporte une table ronde sur l’Europe sociale. En effet, ces réformes doivent être non pas imposées, mais partagées. Pour cela, elles doivent être préalablement dialoguées et construites en commun avec celles et ceux qui représentent aussi une partie de nos concitoyens et qui peuvent légitimement s’exprimer sur des dispositifs les concernant directement.

Monsieur de Montesquiou, nous sommes favorables au renforcement de la coordination des politiques économiques.

M. Aymeri de Montesquiou. Alors, il faut le faire !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous ne l’avons jamais caché ; nous l’assumons même ! Cette coordination est prévue notamment dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Nous en débattrons d’ailleurs lors du Conseil européen, sur la base du rapport que nous attendons de M. Van Rompuy. Nous avons d’ailleurs déclaré que nous étions ouverts à la mise en place d’une coordination ex ante des politiques économiques en matière de réformes nationales, coordination prévue par le TSCG et sur laquelle la Commission européenne doit bientôt présenter des propositions.

Cependant, la coordination des politiques économiques ne signifie pas que la Commission doive décider du contenu des politiques économiques nationales en lieu et place des Parlements nationaux, le Président de la République l’a fort logiquement rappelé ; je donne cette précision en réponse à une interpellation de M. Requier.

C’est aux parlementaires, sur proposition et après analyse du Gouvernement, qu’il appartiendra d’arrêter in fine, après un débat national, les mesures qui seront traduites dans des lois et respecteront le cadrage général de la Commission européenne. La définition stricto sensu de ces mesures relève de la souveraineté nationale ; elle sera assurée par le Parlement, après consultation des partenaires sociaux, dans le strict respect de la coordination des politiques économiques.

Comme l’a aussi souligné M. Requier, nous menons une politique destinée à restaurer la compétitivité de notre pays, qui s’est, et je le regrette, fortement dégradée au cours des dix dernières années. Tel est d’ailleurs le sens du pacte de compétitivité et de croissance, qui a été mis en place et qui portera ses fruits.

Vous m’interrogez sur les réformes que nous entendons mener. Les choses ici sont claires : le programme des réformes a été transmis en avril dernier aux assemblées, avant d’être communiqué à la Commission européenne. La recommandation de la Commission salue d’ailleurs le fait que nous ayons informé préalablement le Parlement de notre programme de réformes et de stabilité. Connaissant bien cette maison, qui est parfaitement tenue, j’imagine que ces documents ont été mis à votre disposition. (Marques d’approbation.)

La Commission européenne ayant salué la crédibilité retrouvée de la France, grâce à la politique de sérieux budgétaire menée par le Gouvernement, il s’agit maintenant que le Conseil en fasse autant dans les semaines à venir.

Vous m’avez aussi interrogé sur notre détermination à mettre en place un gouvernement économique de la zone euro. De quoi s’agit-il ?

Le gouvernement économique dont le Président de la République a esquissé les traits lors de sa conférence de presse du 16 mai 2013 est un gouvernement responsable devant les citoyens. Il devra articuler une autorité qui doit être identifiée – c’est-à-dire un président qui se consacre à temps plein à l’Eurogroupe et qui devra être porteur d’une ligne politique, d’une unité de parole engageant effectivement la zone euro –, des procédures de décision, une capacité de préparation d’action et de mise en œuvre. L’ensemble est à construire.

L’important est que la France propose d’avancer d’une façon volontariste, en ne restant pas sur la défensive. Nous proposons cette présidence, qui n’est pas une proposition « clef en main », à la discussion ouverte avec les vingt-six autres pays de l’Union européenne. La France joue son rôle historique quand elle avance des propositions pour que la gouvernance de l’Union européenne se modernise et évolue, car tel est le rôle dévolu à notre pays.

Sur ce point, la contribution franco-allemande du 30 mai 2013, élaborée à la suite de la conférence de presse du Président de la République française, a jeté les bases de ce gouvernement économique : elle indique, noir sur blanc, qu’il faut « un président à temps plein de l’Eurogroupe des ministres des finances disposant de moyens renforcés ».

Quant à savoir si la zone Eurogroupe doit avoir une ressource propre – je le dis à M. Billout, qui s’en inquiétait –, nous ouvrons la perspective que d’autres ministres siègent au sein de l’Eurogroupe, par exemple ceux qui sont chargés des affaires sociales ou du travail. Nous considérons, en effet, qu’il est bon que ce groupe dispose d’indicateurs, notamment sociaux, et qu’il les prenne en compte pour déterminer les politiques de l’Union économique et monétaire. La chose est totalement nouvelle !

Nous demandons également l’organisation, au sein du Parlement européen, d’une structure démocratique, pour permettre aux parlementaires européens de faire écho à leurs électeurs et d’exercer une sorte de contre-pouvoir face à ce président à temps plein de l’Eurogroupe. Et nous demandons que les partenaires sociaux soient traités, à l’échelle européenne, comme ils le sont en France depuis un an, avec respect, pour construire ensemble des politiques.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le schéma est proposé – et non imposé – à la discussion des Vingt-Sept.

La contribution franco-allemande me paraît donc assez symbolique. Cela m’amène à évoquer le fantasme d’une « crise entre la France et l’Allemagne », l’Allemagne et la France ne partageant ni les mêmes visions ni les mêmes programmes. C’est un fait, et nous l’assumons complètement, que la France a un gouvernement social-démocrate et que tel n’est pas le cas en Allemagne. Mme Angela Merkel a été élue dans son pays sur une base différente de celle qui a permis l’élection de François Hollande. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne pouvons pas travailler ensemble !

La relation franco-allemande est unique ! Il n’y a aucun autre cas sur la planète où les ministres des deux pays travaillent ensemble chaque semaine, faisant le point sur la situation et participant ainsi à l’échange bilatéral entre les deux gouvernements. Je vous invite à aller chercher sur la planète un autre cas de ce genre !

Cette relation est équilibrée, j’ai même envie de dire rééquilibrée. Peut-être est-ce cela qui gêne certains ou qui suggère quelques tensions. Oui, nous avons rééquilibré le couple franco-allemand ! Nous avons mis un terme à une sorte de suivisme qui ne laissait pas la place au débat. Dans la situation antérieure, en effet, on commençait par prendre la décision pour demander, ensuite, aux autres de la partager !

Cette relation est sereine. Loin de nous cacher nos difficultés, nous les mettons sur la table et parlons ouvertement de nos désaccords, mais en sachant que nous devrons, de toute façon, trouver un compromis. En effet, cette relation unique, sereine et équilibrée est aussi inclusive. Si on veut une solution à vingt-sept, il faut, tout d’abord, trouver une solution à deux, autrement dit, une solution franco-allemande.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le gouvernement français et le gouvernement allemand le savent : même si nous ne sommes pas d’accord, il sera de notre responsabilité de trouver une solution pour entraîner les autres pays. Car nos partenaires, je puis vous l’assurer, souhaitent que cela se passe ainsi.

Je vous donnerai quelques exemples pour illustrer les avancées qui ont eu lieu malgré nos divergences.

Monsieur Bizet, monsieur de Montesquiou, c’est vrai, nous n’étions pas d’accord avec l’Allemagne sur des sujets importants : je pense, par exemple, à la taxe sur les transactions financières. Nous ne partagions ni la même ambition ni la même volonté de l’instaurer. Or, en janvier 2013, sa création a été actée.

Étions-nous d’accord pour que puisse perdurer dans notre pays, et même à l’échelle de l’Union européenne, le Fonds européen d’aide alimentaire aux plus démunis ? Pour avoir lu les décisions prises par le Conseil européen, j’ai l’intime conviction qu’il y avait là une divergence. Un pays souhaitait que le Fonds perdure, tandis que l’autre souhaitait décharger l’Union de cette question, pour la renvoyer aux États membres. Or, dans quelques semaines, le Fonds européen d’aide aux plus démunis aura été sauvé à la demande de la France. Nous l’aurons sauvegardé !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. L’Allemagne souhaitait-elle un mécanisme de supervision bancaire et un rôle renforcé pour la Banque centrale européenne ? Je n’en ai pas la certitude. Telle n’est pas la vision de l’Allemagne, vous le savez, vous qui suivez ces questions depuis des années. Ce mécanisme, nous allons néanmoins faire en sorte qu’il se mette en place, comme nous veillerons au renforcement du rôle de la BCE.

Était-il possible d’imaginer qu’un mécanisme européen, le MES, vienne recapitaliser directement les banques en difficulté ? C’est la France qui a emporté la décision.

Étions-nous d’accord sur les mesures de lutte contre l’évasion fiscale ? Cette directive était, passez-moi l’expression, « plantée » depuis cinq ans. Personne n’avançait au sein des Vingt-Sept, parce que deux États posaient en préalable la conclusion d’un accord préalable avec cinq pays, communément appelés « paradis fiscaux ». Comme ces deux États ne parvenaient pas à résoudre le problème avec ces cinq-là, la situation était bloquée : tant qu’on n’avançait pas avec eux, on n’avançait pas ensemble, à vingt-sept ! Or, le 22 mai dernier, triste jour pour les fraudeurs, nous avons imposé l’adoption, avant la fin de l’année, de la directive « Épargne ».

Tout cela, ce sont des faits tangibles, opposables, sur lesquels nous n’avions pas forcément la même vision. Pourtant, avec une certaine force tranquille, nous avons, peu à peu, marqué notre territoire et donné une autre vision à l’Union européenne. J’ai, pour ma part, le sentiment que nous avons fait avancer l’Europe sereinement, en dialoguant avec nos amis et partenaires allemands, pour lui faire prendre une direction nouvelle. Et d’autres pays qui, il y a un an, n’étaient pas forcément aussi ouverts à notre égard nous écoutent peu à peu.

Monsieur Gattolin, c’est l’année de la citoyenneté européenne, et vous m’avez interpellé sur ce thème. Je suis d’accord avec vous, il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Chacun doit en porter sa part. De mon côté, dans ma région, j’essaie de sensibiliser les électeurs sur ce sujet pour qu’en mai prochain, certains se sentent concernés, car ils sont porteurs, comme vous l’êtes vous-même, de cette citoyenneté européenne.

La citoyenneté européenne peut être aussi confortée par l’idée que l’Europe est à nos côtés sur nos territoires. Et c’est ce que va faire la Banque européenne d’investissement.

Plusieurs questions ont porté sur l’importance de la BEI. Oui, dans le pacte de relance, il y a une recapitalisation de la Banque européenne d’investissement qui va permettre le déblocage d’une soixantaine de milliards d’euros, pour accompagner des territoires et des entreprises. La BEI a été recapitalisée en début d’année. La semaine dernière, nous avons signé un accord avec la Caisse des dépôts et consignations. Parce qu’elle est proche des territoires, c’est la CDC qui va délivrer en région cet argent de la BEI – 7 milliards d’euros cette année, la même somme l’an prochain et autant en 2015.

Les premiers dossiers ont été actés dès le mois dernier. Ainsi, Renault va bénéficier de 400 millions d’euros pour la recherche sur les véhicules non polluants. Ainsi, le syndicat intercommunal d’assainissement de la région Île-de-France va recevoir 600 millions d’euros pour mener des travaux. Ainsi, l’extension de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry sera financée à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros.

Je réponds ainsi, exemples à l’appui, à vos questions. Tout cela, ce sont des actions concrètes, pour lancer des travaux, pour participer à la relance et créer des emplois non délocalisables.

J’en viens à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis. Le mandat adopté vendredi dernier ne se contente pas de préserver nos intérêts défensifs, tels que l’exception culturelle, sur laquelle je reviendrai. Il porte également sur des intérêts offensifs, notamment l’ouverture des marchés publics des États fédérés au sein des États-Unis.

Nous chercherons aussi la suppression des barrières non tarifaires, car nous savons que les marges sont ici. Nous avons discuté de bien des questions. Or, il faut le souligner, ce dont nous n’avons pas parlé est aussi important que les intérêts défensifs que nous avons su préserver.

M. Daniel Raoul. C’est même plus important !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Toutes les semaines, nous surveillerons de près l’avancée des négociations au sein du comité de politique commerciale. Nous nous attacherons à préserver nos intérêts défensifs. Au-delà de l’exception culturelle, nous défendons des choix de société, nos préférences collectives, notamment pour tout ce qui a trait à l’agriculture. J’y ai fait référence tout à l’heure dans mon propos liminaire.

Je salue d'ailleurs le travail d’Aurélie Filippetti, qui a su mobiliser treize de ses collègues en adressant un courrier au président de la Commission. Je félicite également – je sais que vous serez sensible à mon propos – Nicole Bricq, qui a été chargée vendredi de tenir la ligne de front définie par le Gouvernement. Je n’insiste pas sur la ténacité dont elle peut faire preuve. Cette qualité, vous l’avez éprouvée ici ! (Sourires.)

J’en viens à la Serbie et au Kosovo. Monsieur le président de la commission, la France a une position très ouverte par rapport au Conseil européen des 27 et 28 juin prochain. Nous sommes d’accord, nous l’avons dit, pour engager les négociations en vue d’avoir, à terme, une adhésion de la Serbie et un protocole d’association avec le Kosovo, sous réserve que l’accord passé entre les deux pays en avril dernier soit effectivement respecté et que des actions s’engagent. Mme Catherine Ashton recevra les deux Premiers ministres de ces pays à la fin de cette semaine pour pouvoir nous engager sur des bases sûres les 27 et 28 juin prochain.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je n’insisterai pas sur le problème de la Turquie, sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer dans cet hémicycle il y a quelques jours. Vous le savez, notre position, c’est l’ouverture, tout en exigeant le respect des règles de droit qui fondent la construction de l’Union européenne. J’ai reçu il y a quelques jours mon homologue turc et lui ai rappelé cette exigence, soulignant que le droit de manifester doit être respecté en Turquie, comme dans toutes les grandes démocraties.

Avant de vous laisser la parole pour le débat, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai un mot sur la TTF, la taxe sur les transactions financières, dont le principe a été acté. Il nous reste à travailler sur ses modalités et à avancer sur le prochain texte présenté par la Commission. Les discussions actuellement en cours se focalisent sur l’assiette de la taxe et sur les produits financiers à inclure, au cas par cas, pour éviter tout effet pervers sur le financement de l’économie.

Le ministre de l’économie l’a rappelé il y a deux semaines, la France défend évidemment pour cette taxe une assiette large incluant, outre les devises, certaines transactions sur les dérivés. Il s’agit en effet d’opérations dont la finalité est purement spéculative et qui ne contribuent en rien au financement de l’économie réelle.

J’espère ne pas avoir créé trop de frustrations. Quoi qu’il en soit, vous avez en quelque sorte, un temps de rattrapage pour poser vos questions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous disposons à présent d’un certain nombre de documents très intéressants.

Outre les rapports de la Cour des comptes et le rapport de 2013 de l’OCDE sur la France, nous avons reçu, en début d’année, le France forecast et le In-depth Review for France de la Commission européenne en début d’année. On vient de nous communiquer également les recommandations de la Commission européenne et du Conseil pour notre pays, ainsi que le rapport du FMI.

Mes chers collègues, tous ces documents convergent tant sur le diagnostic que sur les mesures à prendre. Tous leurs auteurs soulignent que, pour retrouver le chemin de la compétitivité et de la croissance, la France doit sans tarder mener des réformes structurelles.

Dès lors, ma question sera très simple, monsieur le ministre. Quels engagements prendra le gouvernement français à l’égard de ses partenaires, notamment l’Allemagne, lors du Conseil européen des 27 et 28 juin ? Pour ma part, je n’ai pas obtenu de réponse au cours de la discussion générale.

Quelle réforme amorcerez-vous concrètement, et selon quel calendrier ? Accepterez-vous de contractualiser vos engagements, comme le suggèrent dans leur rapport MM. Beffa et Cromme ?

Enfin, et c’est un point très important à mes yeux, comment comptez-vous conjuguer une coopération renforcée avec l’Allemagne avec votre hausse massive d’impôt ? Vous avez dit qu’il n’y avait pas de fantasme sur ce sujet. Cependant, la stratégie économique que vous menez depuis deux ans, notamment sur le plan fiscal, a considérablement accentué la divergence de nos deux économies. Le problème est là !

Il ne s’agit pas seulement de tomber d’accord sur tel ou tel point, il nous faut aussi, sur le plan factuel, faire converger durablement nos deux économies, ce qui est loin d’être le cas.

M. Daniel Raoul. Cela ne date pas d’aujourd'hui !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Franchement, madame la sénatrice, il ne doit pas y avoir de fantasme sur les relations franco-allemandes, pas plus que sur la divergence entre nos deux pays.

Je suis heureux que l’Allemagne se soit déclarée prête à travailler avec nous sur des bases nouvelles, pour prévoir des indicateurs sociaux dans les politiques de l’Union économique et monétaire, pour réfléchir à la mise en place d’un salaire minimum dans tous les pays de l’Union et pour élaborer une directive relative au détachement des travailleurs permettant de lutter contre le dumping social. Nous n’excluons pas d’obtenir une convergence sociale par le haut, car la concurrence est aujourd’hui trop forte entre les pays de l’Union européenne.

Je le répète, nous allons travailler sereinement avec l’Allemagne et, je l’espère, entraîner les autres pays de l’Union européenne.

Le programme national de réforme, c’est celui du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, qui fait suite au rapport Gallois. Il comprend 35 mesures, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour un montant de 20 milliards d’euros, un coût que nous allons bien évidemment assumer.

Il prévoit aussi une réforme des retraites, que nous avons annoncée. Toutefois, ce n’est pas à la Commission européenne d’en décider. Les solutions que nous proposerons dans ce domaine, madame la sénatrice, nous les présenterons, en quelque sorte en avant-première, à celles et ceux qui ont légitimité à s’exprimer sur cette question. Vous n’attendrez d’ailleurs pas longtemps, puisque nous en débattrons, demain et après-demain, durant quarante-huit heures.

Ce programme comporte également deux réformes qui interviendront avant la fin de l’année, chacune portée par Michel Sapin : l’une, qui a été annoncée, de la formation professionnelle, l’autre, relative au développement de l’apprentissage.

Il s’agit, enfin, de la mise en œuvre du choc de simplification, également annoncé par le Président de la République, et dont le Parlement, donc le Sénat, sera saisi.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’emploi des jeunes figure parmi les principaux thèmes de la feuille de route du prochain Conseil européen. Les chiffres, que nous connaissons tous, font état d’une situation dramatique pour une majeure partie de la jeunesse européenne : plus de 23 % des jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi au sein de l’Union européenne. La France dépasse cette moyenne, avec un taux de 26,6 %. Plus grave encore, en Grèce, en Espagne ou en Croatie, plus d’un jeune sur deux est au chômage.

Depuis Berlin ce matin, aux côtés de la chancelière allemande, le président Obama a mis en garde contre l’émergence d’une « génération perdue ». L’Europe est naturellement consciente de ce fléau et en a pris toute la mesure. C’est en particulier le cas du couple franco-allemand, qui s’est récemment mobilisé, en plaidant, notamment, pour le déboursement accéléré de 6 milliards d’euros sur deux ans en faveur de l’emploi des jeunes. Toutefois, nous devons faire plus, car cet état de sous-emploi massif fragilise nos concitoyens et alimente l’euroscepticisme.

Nous avons épargné la guerre à nos jeunes générations. C’est une bonne chose. Néanmoins, sans une politique vigoureuse et audacieuse de lutte contre le chômage, un autre mal les guette, celui d’un avenir fait de désœuvrement et de détresse sociale, propice au repli sur soi et à la peur de l’autre.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je compte sur la détermination du président Hollande et sur celle du Gouvernement, donc sur la vôtre, pour étendre à l’Europe l’engagement de faire de la jeunesse une priorité. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous touchez là, monsieur le sénateur, au cœur de l’agenda du Conseil européen des 27 et 28 juin prochain. En effet, s’il ne devait y avoir qu’une seule priorité, ce serait notre jeunesse. Cette priorité mobilise non seulement le Président de la République, qui la porte en personne, mais aussi l’ensemble du Gouvernement.

Sur ce sujet, j’espère que nous pourrons obtenir des résultats concrets, avec le vote par le Parlement européen, lors des prochaines semaines, du cadre financier pluriannuel et avec la création, proposée par la France en février dernier, d’une ligne de 6 milliards d’euros. Nous souhaitons que ces crédits soient mobilisés, non pas sur la période 2014-2020, ainsi que le prévoit le projet de budget, mais entièrement en 2014 et 2015, afin de créer un effet de levier maximum, un front loading, comme on dit en anglais, destiné à accompagner les mesures mises en place par les pays.

Cette mesure bénéficiera à toutes les régions d’Europe dans lesquelles le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est supérieur à 25 %, c’est-à-dire, pour la France, l’ensemble des territoires d’outre-mer et une dizaine de régions.

Il faut aussi citer la « garantie jeunesse » : l’Union européenne demande aux États de mettre en place des mesures d’offre de formation professionnelle, d’apprentissage et de stages. La France s’engagera, au travers d’un appel à projet que tous les préfets de département recevront dans quelques jours, à proposer ce dispositif à titre expérimental dans dix départements, dans un premier temps, avec l’objectif d’accompagner 100 000 jeunes.

Par ailleurs, la dotation consacrée à Erasmus passera de 8 à 13 milliards d’euros, afin de toucher davantage de jeunes en situation de formation et de mobilité, mais aussi d’ouvrir ce programme aux jeunes qui n’en bénéficient pas aujourd’hui, c’est-à-dire à ceux qui sont en formation en alternance dans les entreprises et les apprentis. Nous mettrons ainsi « sur l’établi », si je puis dire, un statut européen de l’apprenti qui fait actuellement défaut et qui permettra une reconnaissance de leur formation.

Enfin, durant ce Conseil, une demande sera faite à la Banque européenne d’investissement, la BEI, de mettre en place des crédits spécifiques pour les jeunes créateurs d’entreprise.

Monsieur le sénateur, les mesures tout à fait concrètes sont de nature à vous confirmer que la jeunesse est la priorité première, en France comme en Europe.