Un sénateur du groupe UMP. C’est irréaliste !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Afin d’assurer le contrôle de ces différentes obligations, le Gouvernement vous propose de créer une Haute Autorité de la transparence de la vie publique disposant de pouvoirs effectifs, en remplacement de l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique, instituée en 1988.

M. Éric Doligé. Qu’elle déclare son patrimoine !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les principaux responsables politiques et administratifs de notre pays devront lui transmettre les différentes déclarations prévues et les sanctions pénales en cas de non-respect des obligations de transmission seront renforcées.

Afin qu’elle forme un véritable organe indépendant de régulation, la Haute Autorité sera dotée de l’autonomie financière et pourra fixer elle-même son organisation interne ainsi que ses procédures par un règlement général.

Le président de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique sera nommé par décret, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution. Nous aurons quelques échanges sur la composition de ce collège, puisque la question sera soulevée par divers amendements.

La Haute Autorité de la transparence de la vie publique aura un rôle et des pouvoirs élargis par rapport aux missions de l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quelle est la valeur d’une règle lorsque les moyens de contrôle n’existent pas ou sont insuffisants ? Je rappelle que la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dont certains demandent le maintien dans le cadre d’un statu quo du droit positif, a elle-même signalé, dans chacun de ses rapports annuels, que l’insuffisance des moyens juridiques à sa disposition ne lui permettait pas de remplir efficacement la mission que le législateur lui avait confiée.

M. Gérard Longuet. Avez-vous déjà vu une commission satisfaite de son sort ? Vous découvrez des évidences !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Demain, la Haute Autorité de la transparence de la vie publique pourra demander la transmission des déclarations fiscales remplies par le conjoint. À défaut d’obtenir directement communication de ces déclarations, elle pourra en demander copie à l’administration fiscale.

En outre, la Haute Autorité pourra demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication, ce qui représente évidemment une avancée très importante. Une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pourra également être prononcée en cas de refus de communication des déclarations.

On le voit, le projet du Gouvernement est porteur d’une réelle ambition pour cette nouvelle autorité administrative indépendante, qui pourra être saisie par le Premier ministre, le président de l’une des assemblées parlementaires ou une association habilitée de lutte contre la corruption.

Enfin, le projet de loi organique et le projet de loi prévoient les évolutions normatives nécessaires à la construction d’une « culture déontologique », tâche ardue fixée par le rapport Sauvé.

Plus précisément, nous vous proposons deux séries de dispositions, touchant respectivement aux incompatibilités parlementaires et au renforcement de la répression contre les malversations.

Nos premières propositions consistent à protéger les parlementaires des intérêts particuliers.

Comme l’a souligné le rapport d’information du Sénat sur la prévention des conflits d’intérêts, publié en mai 2011, la logique des incompatibilités n’est pas d’interdire toute activité professionnelle.

M. Jean-Michel Baylet. Heureusement !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il s’agit plutôt de soustraire le mandat parlementaire aux influences susceptibles de l’écarter de la prise en compte de l’intérêt général.

Le Gouvernement propose d’interdire, par exemple, le cumul du mandat parlementaire avec l’exercice de fonctions au sein d’entreprises réalisant une part importante de leur activité commerciale avec l’administration.

L’indépendance des élus qui participent à l’exercice de la souveraineté nationale est un principe constitutionnel, qui doit être garanti par l’édiction de nouvelles interdictions évitant la confusion de l’argent et de la démocratie.

S’agissant des incompatibilités parlementaires, la commission des lois a maintenu le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, en ajoutant une nouvelle incompatibilité, relative à la direction d’un syndicat professionnel. Une telle précision me semble utile.

Je tiens à souligner que, en ce qui concerne tant le contrôle des incompatibilités que les sanctions éventuelles en cas de conflit d’intérêts, les projets initiaux du Gouvernement comme les textes issus des travaux de la commission des lois du Sénat respectent pleinement l’autonomie des assemblées.

M. Henri de Raincourt. C’est faux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. En effet, le dernier mot reviendra toujours au bureau des chambres, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

M. Gérard Longuet. Pas du tout !

M. Jean-Claude Lenoir. Regardez le texte, c’est le parquet !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement vous propose de mettre en œuvre l’engagement n° 49 de François Hollande en ouvrant la possibilité d’une peine complémentaire d’inéligibilité : ainsi, l’ensemble des élus du suffrage universel et les membres du Gouvernement seront passibles d’une peine d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à dix ans en répression des infractions portant atteinte à la moralité publique telles que la corruption, le trafic d’influence, la fraude électorale et la fraude fiscale.

Enfin, nous vous proposons de renforcer la répression du « pantouflage ». À cet égard, l’interdiction faite aux fonctionnaires par le code pénal de rejoindre, à l’issue de leurs fonctions, une entreprise avec laquelle ils ont été en relation du fait de ces fonctions sera étendue aux membres du Gouvernement et aux titulaires de fonctions exécutives locales.

Le projet de loi organique et le projet de loi que le Gouvernement vous présente s’attachent à fixer un cadre commun de la déontologie de la vie publique sans chercher à régir dans le moindre détail le comportement des responsables publics.

Comme lors des principales affaires qui éclaboussèrent les trois dernières républiques, l’inaction n’est pas une option, car ces questions sont au cœur du pacte républicain !

Les dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen forment un ensemble conçu pour servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence et de justice.

M. Francis Delattre. C’est de la démagogie !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est d’abord aux responsables publics, élus ou non, que justice sera rendue. En réglementant les liens qui unissent argent et politique, le projet de loi organique et le projet de loi sont destinés à lever la suspicion qui pèse sur ces responsables dans l’opinion publique.

Ensuite, la justice sera assurée pour nos concitoyens qui, mieux informés et garantis, pourront distinguer le vrai du faux sans le filtre du soupçon.

Lors de l’épreuve de philosophie du baccalauréat de cette année, de nombreux lycéens ont planché sur ce sujet : « Peut-on faire de la morale si l’on ne s’intéresse pas à la politique ? »

M. Pierre-Yves Collombat. Et surtout si l’on est immoral ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, la question qui nous est posée est d’une certaine manière inverse : peut-on faire de la politique sans s’intéresser à la morale ?

M. Gérard Longuet. Regardez Cahuzac ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Montesquieu, dans De l’Esprit des lois, écrivait très simplement que pour pouvoir fonctionner une démocratie a besoin de personnalités vertueuses.

M. Francis Delattre. Il vous reste beaucoup de travail !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je suis convaincu que la Haute Assemblée saura promouvoir et améliorer la cause de la vertu publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste).

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Raincourt. Place au prêchi-prêcha ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Éric Doligé. Il aura fort à faire pour nous convaincre !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transparence, le contrôle et le respect de la vie privée…

M. Gérard Longuet. Ça, c’est foutu !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … sont trois impératifs qui s’imposent à nous. De fait, c’est à nous, législateurs, qu’il revient de trouver, avec le Gouvernement, le meilleur dispositif pour concilier la nécessaire transparence, le contrôle qui s’impose et le respect de la vie privée auquel nous avons de bonnes raisons d’être fortement attachés.

M. Charles Revet. Il faut y être très attentif !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Jusque-là, je ne perçois pas de contradiction…

M. Jean-Claude Lenoir. Vous ne faites que commencer !

M. Henri de Raincourt. Mais ça va venir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Éric Doligé. Que le Gouvernement retire ses textes !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le ministre, le projet de loi organique et le projet de loi fixent les obligations de déclaration de l’ensemble des responsables publics : membres du Gouvernement, parlementaires nationaux et européens, responsables des exécutifs locaux au-delà d’une certaine taille pour les communes et les intercommunalités, membres des autorités administratives indépendantes et hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres, dirigeants d’entreprises publiques.

M. Charles Revet. Ça se fait depuis des années !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Il s’agit de pouvoir vérifier l’évolution du patrimoine de ces responsables pendant le temps de leur mandat, s’ils sont élus, ou de leurs fonctions, s’ils sont fonctionnaires, et de montrer qu’il n’y a pas d’enrichissement inexpliqué.

Comme M. le ministre l’a fort bien rappelé, ces projets s’inscrivent dans une lignée de lois : la loi organique du 24 janvier 1972 modifiant la législation relative aux incompatibilités parlementaires a instauré la déclaration d’activités, puis les lois du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique la déclaration de patrimoine ; enfin, en 2011, sur l’initiative des assemblées parlementaires, tout particulièrement du Sénat, la déclaration d’intérêts a été créée.

M. Gérard Longuet. C’était le rapport Larché !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est dans cette évolution historique que viennent s’inscrire les deux textes que nous examinons aujourd’hui. (M. le ministre acquiesce.)

Je vous rappelle aussi que la commission des lois du Sénat a publié un rapport d’information rédigé par MM. Jean-Jacques Hyest, Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Pierre Vial. Les conclusions de ce rapport, fruits d’un travail important, ont été approuvées par la commission. Elles m’ont servi de fil rouge dans mon travail.

De fait, dans les amendements que je présenterai, j’ai repris à mon compte un certain nombre des suggestions qui ont été avancées dans le cadre pluraliste ayant permis la rédaction de ce rapport.

Il s’agit, mes chers collègues, de la démarche d’élus, dont nous faisons partie, attachés à la République et à la transparence comme au contrôle et au respect de la vie privée.

M. Gérard Longuet. Nous sommes attachés au contrôle du Parlement par le Parlement, pas par des fonctionnaires !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Certes, mon cher collègue, le contrôle du Parlement par le Parlement et la séparation des pouvoirs sont de bonnes choses.

M. Gérard Longuet. C’est même le fondement de la République !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mais le contrôle doit pouvoir aller jusqu’à son terme.

M. Bruno Sido. Comme si les fonctionnaires étaient indépendants !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Or la justice est la première des instances indépendantes de notre pays, du moins voulons-nous le croire ! Il n’est jamais bon qu’une instance ne se réfère qu’à elle-même.

Qu’il me soit permis d’insister tout particulièrement sur certains points dont nous débattrons.

Je dirai un mot, d’abord, de la communication des déclarations de patrimoine, qui est un bon point. Le projet de loi prévoit dans le détail la manière dont elles seront rédigées. À cet égard, nous avons adopté un grand nombre d’amendements, et nous en adopterons peut-être d’autres ce soir.

Ces déclarations de patrimoine sont déposées au début et à la fin du mandat.

M. Jean-Michel Baylet. C’est déjà prévu par la loi !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Toute évolution significative, monsieur Baylet, doit être déclarée, et comme vous le soulignez à juste titre, un tel dispositif est déjà prévu par la loi. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)

M. Henri de Raincourt. À quoi bon le répéter alors ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ce qui n’est pas encore prévu par la loi, en revanche, c’est la transparence.

Le projet du Gouvernement prévoyait, pour les parlementaires comme pour les ministres, la publicité des déclarations de patrimoine. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un dispositif selon lequel les déclarations sont faites auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui les transmet, après vérification.

Notre commission des lois a modifié les délais prévus, afin qu’il puisse effectivement y avoir vérification. Au demeurant, l’opération pourra se poursuivre après la transmission des déclarations en préfecture. Selon le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, ces dernières seront consultables par tout électeur.

Aux termes de l’alinéa 51 de l’article 1er du projet de loi organique adopté par l’Assemblée nationale, « le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations de situation patrimoniale, des observations ou des appréciations » afférentes se traduit par une sanction qui peut aller jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amendes. Notre commission a adopté un amendement visant à supprimer cet alinéa. Pourquoi ?

M. Bruno Sido. Oui, pourquoi ?

M. Gérard Longuet. Parce que l’honneur d’un parlementaire, cela n’a pas d’importance !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Absolument pas, monsieur Longuet ! L’honneur d’un parlementaire a au contraire beaucoup d’importance. Simplement, la commission des lois a très majoritairement estimé qu’il n’y avait pas grand sens à sanctionner d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende quiconque aura communiqué une information universellement consultable.

M. Henri de Raincourt. Donc, il faut la communiquer à tout le monde !

M. Bruno Sido. Et la publier dans un journal !

M. Henri de Raincourt. Ça ne tient pas la route !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Si tout électeur peut consulter à la préfecture une déclaration,…

M. Bruno Sido. Oui, et alors ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … il n’y a pas de fondement à en sanctionner la communication.

Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que tous les sites internet ne sont pas soumis à la loi française ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart. Et voilà !

M. Bruno Sido. C’est la mondialisation !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Si l’un d’entre vous connaît un dispositif susceptible de remédier à cet état de fait, qu’il nous en fasse part !

De plus, les journalistes pourront invoquer le secret de leurs sources pour diffuser une information à laquelle, de toute façon, chacun aura largement accès.

M. Henri de Raincourt. C’est comique !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Voilà pourquoi nous n’avons pas retenu l’alinéa 51. En revanche, nous avons adopté, sur ma proposition, un amendement visant à sanctionner fortement la publication de déclarations mensongères ou avec intention délibérée de nuire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Les sanctions existent déjà !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mes chers collègues, êtes-vous donc favorables à ce que des divulgations fausses soient publiées et non sanctionnées ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Claude Lenoir. Quelle naïveté !

M. Jean-Michel Baylet. Démonstration est faite des difficultés de ce texte...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Vous ferez vos propositions, dont j’ai déjà eu connaissance ; mais je n’ai pas relevé un grand nombre d’alternatives !

La première possibilité, on en a parlé encore ce matin, c’est le texte initial du Gouvernement, à savoir la communication des déclarations par le Journal officiel.

La seconde possibilité, c’est le dispositif imaginé par l’Assemblée nationale. Dans ce cas, la sanction prévue par nos collègues nous paraît totalement disproportionnée et impraticable. Dans les faits, elle ne serait jamais ou rarement infligée.

Le texte prévoit également des sanctions fortes, mais justifiées, à l’égard des parlementaires qui omettraient de faire ces déclarations ou qui feraient de fausses déclarations. Sur ce point, il n’y a pas de désaccord.

M. Éric Doligé. Et les ministres ?

M. Bruno Sido. Et les hauts fonctionnaires ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Le cas des ministres est prévu par le texte, monsieur Doligé.

La commission des lois s’est opposée à une inéligibilité perpétuelle, considérant que cette sanction était contraire à l’esprit de nos institutions.

M. Bruno Sido. Dix ans, cela suffit ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Chacun a le droit de s’amender quelques décennies plus tard et de devenir meilleur.

M. Bruno Sido. On a le droit de devenir meilleur, disait Victor Hugo !

M. Henri de Raincourt. On va tous aller se confesser !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ces dispositifs s’appliquent aux parlementaires, aux maires des communes d’une certaine importance, ainsi qu’aux présidents d’une intercommunalité. Le texte prévoyait un seuil de 30 000 habitants, que nous avons conservé. Ainsi, le nombre total de personnes assujetties à ce dispositif serait de l’ordre de 7 000.

La commission a également pris en compte, monsieur Baylet, la nécessité de préserver la vie privée,…

M. Henri de Raincourt. C’est sûr !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … au regard des indivisions en cas de communauté de biens. Elle a aussi soutenu ou précisé un certain nombre de mesures relatives à la discrétion à l’égard des conjoints, des membres de la famille et des proches.

Pour ce qui est des collaborateurs parlementaires, nous avons prévu la déclaration de tous les autres emplois exercés concomitamment afin de prévenir les conflits d’intérêts.

Dans le texte qui nous a été transmis, le conflit d’intérêts est défini comme une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics et privés. Notre commission a modifié sur trois points cette définition.

Premièrement, elle en a restreint le champ, le limitant à toute interférence entre des intérêts publics et des intérêts privés. Il est en effet facile de voir, ne serait-ce qu’en assistant aux séances du Parlement, que divers intérêts publics entrent souvent en ligne de compte. Par exemple, beaucoup d’entre nous, le mardi matin, défendent les intérêts de telle ou telle collectivité locale.

M. Gérard Longuet. Évidemment, nous sommes élus pour ça !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Deuxièmement, la commission a modifié la partie de l’article 2 du projet de loi indiquant que le conflit d’intérêts est « de nature à compromettre ou à paraître compromettre l’exercice des fonctions ». Nous avons supprimé le verbe « paraître ». N’ayant pas encore réussi à percevoir toutes les subtilités de la théorie des apparences, nous avons préféré nous en tenir aux faits.

Troisièmement, le texte du Gouvernement tendait à préciser que les personnes exercent leurs fonctions « avec dignité, probité et impartialité ».

M. Gérard Longuet. Par définition, nous avons tous un parti pris ! Sinon, nous ne serions pas parlementaires !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Justement, monsieur Longuet. C’est pourquoi la commission a décidé de supprimer le mot « impartialité ». Car je ne connais pas de ministre ni de parlementaire impartiaux : nous défendons tous, animés par nos convictions, les causes qui nous tiennent à cœur. La commission a retenu l’expression « dignité, probité et intégrité ». (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Henri de Raincourt. C’est grotesque !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Qu’y-a-t-il de risible ? Cette rédaction est meilleure dans la mesure où nous sommes tous nécessairement engagés.

S’agissant de l’obligation de déport, nous avons modifié le texte du Gouvernement, car nous considérons que le déport n’est possible ni pour le Premier ministre, qui, comme vous le savez, contresigne, en vertu de la Constitution, la majorité des actes du Président de la République, ni pour les ministres, qui contresignent, dans le champ de leur compétence, nombre d’actes du Premier ministre, en particulier ceux dont ils doivent assurer l’exécution.

Pour ce qui est des incompatibilités, nous avons suivi l’Assemblée nationale. S’agissant de l’incompatibilité avec la fonction de conseil et de l’interdiction de commencer une activité nouvelle durant le mandat, nous avons introduit certaines propositions du rapport que j’ai cité tout à l’heure, relatives en particulier à l’incompatibilité d’un mandat parlementaire avec la direction d’un syndicat professionnel ou la présidence d’une autorité administrative indépendante.

Toujours en vertu des propositions figurant dans ce rapport, nous avons retenu une incompatibilité avec la direction des sociétés mères qui travaillent pour l’État.

Nous avons aussi précisé que les fonctionnaires devenus parlementaires devront désormais être en position de disponibilité et non de détachement.

M. Bruno Sido. Ils devraient démissionner !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Enfin, nous avons prévu qu’il serait impossible à un parlementaire de percevoir une rémunération pour siéger dans des instances au sein desquelles il représente l’assemblée à laquelle il appartient.

M. Bruno Sido. C’est normal !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Nous avons aussi précisé les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Conseil constitutionnel, tout en adoptant ce matin un amendement aux termes duquel ces derniers peuvent continuer à exercer certaines fonctions ou certains travaux d’ordre scientifique, juridique, intellectuel ou culturel.

S'agissant de la réserve parlementaire – sujet que chacun connaît ici –, certains voudraient la supprimer.

M. Éric Doligé. Oui, il faut la supprimer !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission a été saisie sur ce point de plusieurs amendements qu'elle examinera ce soir.

Certains d’entre eux visent à rendre publique l'affectation des dotations financières consenties dans le cadre de la réserve parlementaire – appellation indue, d’ailleurs –, laquelle, comme chacun sait, est inscrite dans les crédits du ministère de l'intérieur et dont les parlementaires proposent l'attribution à des communes, à des collectivités locales ou à des associations.

S'agissant de la question des lanceurs d'alerte,…

M. Henri de Raincourt. Les délateurs !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … il vous est proposé de supprimer les articles y afférents, pour la simple raison que des dispositions semblables figurent dans le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, que nous examinerons dans quelques jours. Il nous a paru inutile d'engager deux fois le même débat à deux semaines d'intervalle.

M. Henri de Raincourt. Quel bon sens… (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. S'agissant de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique, nous avons adopté un certain nombre d'amendements visant à conforter son indépendance et à élargir sa composition.

Ainsi, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désigneraient désormais chacun non plus une, mais deux personnalités qualifiées pour siéger au sein de cette instance, et ce après avis conforme des commissions parlementaires compétentes rendu à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Nous avons également considéré que la Haute Autorité devait disposer de plus de temps pour contrôler les patrimoines. En particulier, elle doit pouvoir saisir les services fiscaux qui devront lui fournir les informations nécessaires plus rapidement qu’ils ne le font aujourd’hui. De la sorte, elle pourra en trois mois procéder aux contrôles prévus par le projet de loi, étant entendu que, dès lors que les déclarations de patrimoine auront été adressées aux préfectures, elle continuera d’exercer cette mission de contrôle.

Enfin, la commission a adopté un certain nombre de dispositions relatives au financement de la vie politique. Ainsi, elle a plafonné les dons susceptibles d’être versés par une même personne physique à un ou plusieurs partis politiques, de même qu’elle a limité la possibilité pour les parlementaires de se rattacher à des micropartis ou à des structures considérées comme telles. Sont visés en particulier les micropartis basés dans des collectivités d'outre-mer, qui, d'une certaine façon, permettent de contourner la loi à des fins de commodité.

Mes chers collègues, telles sont les principales modifications à ce texte que vous propose la commission des lois. Nous avons été guidés par le souci…

M. Gérard Longuet. De cacher l’affaire Cahuzac !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … de parvenir au meilleur équilibre possible entre la transparence, le contrôle et le respect de la vie privée. Nous avons souhaité ne pas adopter de dispositifs impraticables, autrement dit nous avons veillé à écarter toute mesure irréaliste.

Lorsque la loi est violée, lorsqu’elle n’est pas respectée ou bien en cas d’exploitation mensongère des déclarations faites par les élus, nous avons souhaité que de vraies sanctions s’appliquent.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que ce type de loi fut de tout temps un combat.

Je me souviens, soit en tant que parlementaire soit en tant que membre du gouvernement, que les lois de moralisation du financement des campagnes électorales ou des partis politiques,…

M. Henri de Raincourt. On voit le résultat !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … qu’elles aient été présentées par Michel Rocard ou par Alain Juppé, avaient été vivement combattues. Nombreuses avaient été les déclarations selon lesquelles une telle entreprise n’était ni sérieuse ni réaliste, et qu’il ne fallait pas s’engager sur ce chemin.

De même, quand ont été instaurées l'indemnité parlementaire ou les indemnités des élus, il s’était trouvé de bons esprits pour considérer que ces fonctions devaient être exercées gratuitement et qu'il ne fallait pas parler de ce sujet. (MM. Henri de Raincourt et Bruno Sido s’exclament.)

Chaque fois que l'on aborde les questions relatives aux rapports entre l'argent et la politique, on trouve toujours de bons esprits pour nous expliquer que ce n’est pas le moment, que le problème ne se pose pas et que tout va bien.

Mes chers collègues, vous savez très bien que tout ne va pas bien.