M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je le rappelais lors de la seconde lecture de ce texte, cette réforme attendue et nécessaire arrive dans un contexte favorable.

La règle Volcker interdisant la spéculation pour compte propre, la règle Vickers instaurant une filialisation des activités de dépôt et le rapport Liikanen proposant le cantonnement des activités spéculatives sont autant d’étapes importantes qui nous confortent dans notre objectif de réformer le secteur bancaire.

Les citoyens attendent de nous des mesures fortes ; ils ne supportent plus les scandales financiers à répétition et ne veulent plus être mis à contribution par les banquiers, qui n’assument pas les conséquences de leurs choix financiers désastreux.

Une banque a aujourd’hui deux fonctions : d’une part, réaliser des prêts et collecter des dépôts en créant de la monnaie ; d’autre part, investir sur les marchés financiers pour son propre compte ou celui de sa clientèle.

Or il existe actuellement un mélange douteux entre ces deux activités.

Cette collusion est justifiée par les banques en utilisant l’argument suivant : le développement des activités de marché permet de répondre aux besoins de l’économie. Ce que les banquiers oublient de dire, c’est que les bilans bancaires ont augmenté 2,5 fois plus vite que le PIB mondial au cours des dix dernières années.

En fait, les spéculateurs se sont vite rendu compte que les produits dérivés sont extrêmement rentables et qu’il est beaucoup plus intéressant de les utiliser plutôt que de financer l’économie.

Cet état de fait est inacceptable lorsque l’on connaît les difficultés de financement des entreprises. Une enquête menée par le Labo de l’économie sociale et solidaire de Franche-Comté a montré que 60 % des demandes spontanées des auto-entrepreneurs et des TPE ne sont pas traitées par les banques du territoire.

Il n’est pas normal que les banques préfèrent prêter aux hedge funds plutôt qu’aux entreprises. Il n’est pas admissible que les TPE et les auto-entrepreneurs doivent recourir à des crédits normalement destinés aux particuliers.

Depuis la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, nous constatons les dégâts causés par une finance de marché dérégulée qui a de plus en plus d’incidences sur notre économie.

Aujourd’hui, les banques françaises disposent de 8 000 milliards d’euros d’actifs de bilans cumulés, dont plus de 70 % sont des opérations de marché sans lien avec l’économie réelle. Or ces banques ont également, je le rappelle, la responsabilité de l’épargne de citoyens.

À la fin de 2012, la dette privée du secteur financier français atteignait 120 % du PIB, avec tous les dangers que cela comporte en termes de stabilité et de sécurité.

Si nous regardons la manière dont notre économie se finance, nous en arrivons à la conclusion suivante : nous ne pouvons continuer à courir ce risque. En effet, aujourd’hui, plus de 90 % du financement des PME françaises provient des banques, ce qui signifie que les entreprises, en particulier les plus modestes, sont extrêmement vulnérables aux menaces qui pèsent sur le secteur bancaire.

Cette situation n’est pas uniquement française ; nous nous penchons ici sur une problématique mondiale.

En 2007, le montant quotidien des exportations mondiales atteignait 64 milliards de dollars. À la même date, les transactions de change quotidiennes s’élevaient à plus de 3 210 milliards de dollars, soit un rapport de 1 à 50 !

Selon le FMI, en 2007 toujours, l’économie réelle mondiale, c’est-à-dire la somme des biens et services produits et échangés à travers le monde, représentait 44 800 milliards de dollars. À la même date, l’économie financière, c’est-à-dire l’ensemble des produits financiers de marché, s’élevait à plus de 2 millions de milliards de dollars. Le gigantisme de cette somme, qui dépasse l’entendement, ne signifie plus rien de concret, et sa seule évocation doit nous faire réfléchir sur la virtualité, la dangerosité, la fragilité de notre système financier.

L’enjeu n’est pas seulement économique, il est également démocratique et touche à l’éthique financière.

Regardons comment fonctionne une opération de private equity. Un fonds de placement souscrit un prêt auprès d’un établissement bancaire, d’un montant plusieurs fois supérieur à ses fonds propres. Avec cet argent, il rachète une entreprise, la restructure vigoureusement et la revend ensuite avec une forte plus-value, qui couvre largement les frais bancaires liés à son emprunt. Les bénéfices sont substantiels, mais, vous l’aurez compris, ce système fait peu de cas des employés de l’entreprise ainsi rachetée et redressée au pas de charge sans valeur ajoutée, sinon pour le spéculateur.

Nous devons donner aux citoyens les moyens de s’assurer que leur argent ne sert pas à de telles pratiques. C’est aujourd’hui notre rôle, en tant que politiques, de réguler ces excès et de garantir la sécurité des placements de nos concitoyens.

Sur ces travées, nous sommes tous conscients que la réponse à apporter aux abus de la finance doit se situer au niveau européen. Nous appelons ainsi de nos vœux une réforme européenne ambitieuse remettant le citoyen au cœur du système financier.

Ce projet de loi, que nous examinons pour la troisième fois dans cet hémicycle, est une étape sur le chemin de la régulation par les instances politiques.

La France se doit d’être dans le mouvement et ne pas se limiter à le suivre ; elle doit impulser une dynamique ambitieuse à l’échelle européenne.

Nous arrivons aujourd’hui à la fin de la navette parlementaire. Même s’il n’y a pas de séparation des banques, la séparation des activités bancaires en filiales distinctes est de nature à limiter le risque qui pèse sur l’épargne des Français.

Plusieurs amendements votés au cours du débat parlementaire ont permis des avancées majeures.

Ainsi, l’obligation pour les banques de déclarer leurs activités au sein des paradis fiscaux est un pas en avant vers la transparence du milieu bancaire. Cette mesure donnera aux pouvoirs publics des moyens de contrôle renforcés.

De même, le volet consacré à la limitation de la spéculation sur les matières premières agricoles est un progrès important. Le renforcement du contrôle de l’AMF et l’obligation de rendre une étude d’impact sur le cours des matières premières permettront de limiter sérieusement les abus et de contribuer à la stabilité du prix des matières premières agricoles pour tous.

L’alimentation constitue un droit fondamental qui ne doit pas faire l’objet d’une spéculation à outrance, et ce projet de loi rétablit cet impératif moral.

Désormais, ce texte contient aussi un important volet relatif à la protection du consommateur, avec le plafonnement des commissions bancaires pour les plus fragiles, la précision des missions de l’Observatoire de l’inclusion bancaire et l’exercice renforcé du droit au compte : autant d’avancées importantes qui renforcent les droits du consommateur et empêchent certains abus exercés par les établissements bancaires.

Mes chers collègues, à la lumière de tous ces éléments, les écologistes voteront ce projet de loi.

M. Richard Yung, rapporteur. Très bien !

M. Jean Desessard. Ce n’est pas une surprise, monsieur le rapporteur !

Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un petit pas,…

M. Thani Mohamed Soilihi. Un petit pas de géant !

M. Jean Desessard. … mais il va dans le bon sens !

Par ce vote positif, monsieur le ministre, les élus écologistes marquent leur soutien à votre action pour la mise en place d’une politique européenne de régulation des activités bancaires.

En effet, le petit pas que constitue ce projet de loi représentera, s’il est également effectué à l’échelle européenne, une réelle avancée du contrôle du secteur bancaire au profit des citoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Trucy.

M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la discussion de ce texte qui aurait dû instaurer la séparation stricte des activités bancaires si le Gouvernement avait tenu l’engagement n° 7 du candidat François Hollande, lequel avait promis de séparer « les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ». Ces opérations spéculatives ne seront que filialisées, et il n’y aura donc pas de Glass-Steagall Act à la française, comme on pouvait d’ailleurs le présager dès le début !

Je ne reviendrai pas sur tous les points de ce texte, et mon propos sera donc relativement bref.

En tant qu’opposition responsable, nous avons toujours reconnu que ce texte comportait de nombreux points positifs, mais nous avons aussi mis en garde la majorité et le Gouvernement sur la nécessité de ne pas pénaliser outre mesure les banques françaises ; chacun sait en effet que la solidité de ces dernières est un facteur de compétitivité de notre économie dans un système très concurrentiel, non seulement face aux banques américaines bien sûr, mais aussi au sein même de l’Union européenne. Il importe donc de coordonner notre régulation avec l’évolution de la régulation dans les autres pays européens, ou alors de la soumettre à un principe de réciprocité dans l’espace concurrentiel européen, principe qui est bien rarement respecté.

À partir de là, nous ne sommes pas opposés à une régulation des activités bancaires. De ce point de vue, d’ailleurs, le projet de loi que le Sénat s’apprête à voter aujourd’hui s’inscrit, pour une part, dans la continuité de la loi de régulation bancaire et financière de 2010, votée sous le précédent quinquennat.

Nous sommes également soucieux de la protection du consommateur, et le plafonnement des commissions d’intervention est une avancée que nous saluons. Nous n’avions pas de position tranchée sur le fait de savoir s’il fallait un double plafond ou non : un plafond plus bas pour les plus fragiles et un plafond plus élevé pour les autres. Le plafond unique, défendu par les députés, présentait l’avantage de la simplicité, mais la majorité sénatoriale craignait qu’il ne soit fixé trop haut pour les clientèles les plus fragiles. Au final, l’idée soutenue par le Sénat d’un double plafond a été retenue par la commission mixte paritaire.

Nous attendons donc, monsieur le ministre, que vous nous précisiez quel sera le montant des deux plafonds par opération et par mois, car c’est là que tout se joue. La presse parle de 8 euros par opération et de 80 euros par mois pour l’ensemble des Français, et de 4 euros par opération et de 20 euros par mois pour les plus fragiles d’entre eux, c’est-à-dire les personnes bénéficiant d’un droit au compte de la Banque de France et des moyens de paiement alternatifs au chèque. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres ? Il semblerait normal que la représentation nationale soit mieux informée que la presse et, surtout, avant elle !

D’une manière générale, nous constatons que la commission mixte paritaire a retenu majoritairement la version du Sénat, ce dont nous nous félicitons.

Les députés avaient déjà validé l’apport du Sénat relatif au financement des collectivités territoriales, avec la création de l’Agence de financement des collectivités territoriales, telle que souhaitée par l’Association des maires de France : c’était une bonne chose.

En revanche, en ce qui concerne le pouvoir de surveillance de l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation, ou ACPR, la commission mixte paritaire a retenu la version de l’Assemblée nationale, entérinant le pouvoir de contrôle de l’ACPR sur les administrateurs des caisses régionales de banques mutualistes ou coopératives, que nous avions supprimé au Sénat. Nous le regrettons.

En définitive, nous le voyons, ce texte comporte des avancées, mais aussi un certain nombre de points négatifs. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP s’abstiendra au moment du vote sur l’ensemble du projet de loi. Encore faut-il préciser que le travail a été grandement facilité, au sein de notre assemblée, par l’engagement exceptionnel de notre rapporteur Richard Yung, tant en commission qu’en séance publique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de la discussion de cette loi de séparation et de régulation des activités bancaires, présentée à l’origine comme l’une des plus importantes réformes du quinquennat.

D’une certaine façon, nous devions solder, avec cette loi, les comptes de la loi bancaire de 1984 qui a fait émerger le concept de « banque universelle » et constitué, dans les faits, les groupes financiers de première importance que nous connaissons aujourd’hui, avec leurs heurs et malheurs.

C’est dans le droit fil de la loi bancaire et des lois de privatisation que sont apparues des entités comme BNP Paribas, unifiant la première banque de dépôt de notre pays et l’une des plus importantes banques d’affaires et d’investissement de la place ; c’est aussi cette loi qui a conduit le Crédit lyonnais au zénith de l’activité de banque-industrie avant que, une fois le siège social consumé par un incendie, les mauvais placements de la banque ne finissent par la contraindre à accepter la tutelle du Crédit agricole !

C’est aussi la loi de 1984 qui a conduit à la fusion de nos principales banques avec des compagnies d’assurance, comme on a pu le voir avec Axa, rachetant d’abord l’Union des assurances de Paris, avant de constituer Axa Banque en rachetant Banque directe à BNP Paribas ; on a pu également le voir avec le GAN, aujourd’hui élément de Groupama, issu de l’assurance agricole ; et je ne parle pas de la loi qui, sous le quinquennat précédent, a conduit à la naissance du groupe réunissant Banques populaires et Caisses d’épargne sous la direction de M. François Pérol.

Bref, le paysage bancaire de notre pays a beaucoup changé et nos grands établissements conservent, pour l’essentiel, de très fortes positions, comparativement à la concurrence internationale. Quelques exemples ont été cités, et j’en rappellerai également quelques autres : BNP Paribas dispose aujourd’hui d’un actif de bilan équivalant au produit intérieur brut marchand du pays, et la Société générale, passée experte en gonflement de bilans, dépasse aujourd’hui les 1 200 milliards d’euros. Le groupe BPCE, pour sa part, a annoncé en 2012 un produit net bancaire de plus de 21 milliards d’euros et un total de bilan de 1 147 milliards d’euros.

Tel est l’état des lieux de notre secteur financier que l’argent public est venu sauver de la thrombose en 2008, avant d’être suppléé par celui de la Banque centrale européenne, coulant à flots depuis que MM. Trichet et Draghi, revenus au principe de réalité, en ont décidé ainsi.

Nous en arrivons donc à ce texte, fruit de compromis plus ou moins avancés.

Je ne reviendrai pas très longtemps sur la question clé de la séparation des activités de banque de détail et des activités de banque d’investissement. L’adoption de l’article 1er, au terme de la première navette entre les deux assemblées, a consacré le faible niveau de séparation de ces activités, ce qui, dans les faits, aurait largement suffi à Mme Laurence Scialom, professeur d’économie que nous avons eu l’occasion d’entendre lors des auditions préparatoires de la commission des finances, pour demander la requalification du texte en supprimant de son titre le mot « séparation ».

De fait, le travail parlementaire, celui de la navette comme celui de la commission mixte paritaire, n’aura conduit qu’à apporter quelques modifications, somme toute limitées, au texte – malgré l’apparence résultant du nombre élevé des articles finalement adoptés – et à ouvrir un certain nombre de chantiers de réflexion pour l’avenir.

Je veux souligner ici un acquis évident de la discussion, à savoir le reporting – pardonnez cet anglicisme ! – pays par pays des établissements de crédit, d’ailleurs étendu aux entreprises à vocation transnationale. Cet apport essentiel de la discussion est une très bonne chose et traduit concrètement à la fois une recommandation exprimée à plusieurs reprises par la commission d’enquête sénatoriale sur la fraude fiscale et une légitime aspiration d’une part importante des associations issues de la société civile.

Un second apport, plus marginal mais non négligeable, ne saurait être oublié : le Haut Conseil de stabilité financière a acquis un caractère un peu plus collégial, ce qui constitue un atout, et il se trouve désormais moins directement placé sous la direction du seul gouverneur de la Banque de France.

La discussion du projet de loi a également permis quelques avancées dans le champ des questions accessoires à la place des établissements bancaires dans la vie économique.

Ainsi, nos débats ont porté en partie sur la question tout à fait essentielle des frais bancaires. Je dois dire que le texte auquel est parvenue la commission mixte paritaire nous laisse quelque peu sur notre faim.

Voilà quelques années, les parlementaires de gauche de cette assemblée, dans le cadre d’autres débats financiers, œuvraient pour obtenir la création d’un service bancaire de base, universel et gratuit. Cette aspiration, qui ne fut jamais traduite par l’adoption d’un texte suffisamment précis en la matière, donna naissance à cette sorte de succédané que constitue le droit au compte, dispositif dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne fait guère l’objet d’une intense publicité de la part des établissements de crédit.

En 2013, nos débats n’ont porté que sur la minoration relative des frais demandés à des personnes considérées comme fragiles et la fixation d’une sorte de double plafond des frais bancaires qui devraient, selon les indications disponibles dans la presse, se situer aux alentours de 20 euros pour les uns et de 80 euros pour les autres, ces sommes s’entendant par mois, bien sûr.

Soyons clairs, nous n’avons encore accompli qu’une partie du chemin sur ces sujets et je suis convaincu que la question reviendra sur nos bureaux, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, comme reviendra celle de l’assurance emprunteur, autre découverte de ce débat, qui a fini par mettre en évidence les forts juteux bénéfices que ces assurances offraient aux établissements de crédit l’occasion de réaliser, avec une marge nette proche de 50 % !

M. Éric Bocquet. Le point où nous en sommes rendus avec le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire laisse clairement le champ ouvert à la réflexion et à l’amélioration de ce projet de loi.

Au total, cette loi proclamée comme emblématique des textes débattus et adoptés pendant cette législature nous laisse, si j’ose dire, un certain goût d’inachevé : elle se limite à des avancées trop timides et ne comporte en tout cas rien qui permette de nous faire varier de notre position d’abstention vigilante, au risque de trancher quelque peu sur le bel enthousiasme de la plupart des orateurs. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de plus de six mois de travail parlementaire, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire et je veux le répéter : ce texte est pour nous un objet de fierté, parce qu’il représente la concrétisation de l’un des principaux engagements du Président de la République et qu’il marque un changement d’époque en matière de régulation financière. Il tire en effet les leçons de la crise financière mondiale en apportant des réponses structurelles, en mettant en place de véritables mécanismes de prévention et de résolution des risques liés aux activités de marché, après trente années de dérégulation dont nos économies et nos concitoyens paient encore le prix. Ce faisant, il contribue à mettre un terme à certaines dérives financières, en encadrant les activités risquées des établissements bancaires et en prémunissant les déposants et les contribuables des conséquences d’éventuelles faillites.

Ce texte fait en outre de la France un État précurseur en Europe – nous avons en effet devancé les réformes qui ont vu le jour ces dernières semaines au niveau européen –, avec l’adoption de la directive CRD IV qui prévoit de nouvelles dispositions en matière de transparence, d’encadrement des rémunérations et de lutte contre l’évasion fiscale.

Nous nous félicitons du déroulement des débats sur ce projet de loi, dont l’adoption représentera l’aboutissement d’une véritable coproduction entre nos deux assemblées parlementaires et le Gouvernement. Au fil des propositions de chacun et de riches discussions, nous votons aujourd’hui un texte qui prend en compte les enjeux du système bancaire à tous les niveaux, pour faire de cette activité un outil efficace en matière de financement de notre économie, de relance de notre appareil productif et d’amélioration de notre compétitivité.

Monsieur le ministre, vous aviez dès le départ souhaité intégrer dans ce projet de loi un volet relatif à la protection des consommateurs. Les débats nourris que nous avons eus avec nos collègues de l’Assemblée nationale montrent qu’il s’agit de mesures importantes, attendues et utiles. Ce texte intègre finalement notre proposition d’instaurer un double plafonnement des commissions d’intervention facturées par les banques en cas d’incident de paiement.

Ce double plafonnement nous a paru être la garantie d’une certaine cohérence économique et sociale, une protection supplémentaire pour les populations les plus fragiles étant créée. Celles-ci seront désormais protégées par un plafond spécifique de commissions d’intervention, à la fois par opération et par mois, inférieur au plafond général, ainsi que par la mise en place d’une gamme de services bancaires de base. Ce dispositif permettra ainsi de préserver l’équilibre économique général de l’activité bancaire, tout en limitant les abus pour les consommateurs.

C’était la principale source de divergences qu’il fallait surmonter avec nos collègues députés lors de la commission mixte paritaire. Je me réjouis que les représentants de notre assemblée aient pu faire prévaloir leur point de vue de manière unanime. C’est la démonstration que la capacité d’influence, exceptionnelle ou non, tient parfois plus à la pertinence des arguments qu’à l’autoproclamation unilatérale.

Au-delà de cette question, ce texte définit l’architecture d’une profonde réforme du système bancaire en innovant sur de nombreux aspects : la transparence, avec des exigences nouvelles de publication en matière d’activités des banques pays par pays ; la lutte contre l’évasion fiscale et le secret bancaire, grâce à l’instauration d’un système d’échange automatique de données sur les revenus et les actifs financiers des contribuables, à l’instar du FACTA américain ; l’encadrement des rémunérations et l’introduction du principe du say on pay; des mécanismes de prévention et de contrôle du risque systémique renforcés, notamment par le cantonnement des activités de marché spéculatives et l’accroissement du rôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR ; enfin, la protection des consommateurs.

Ce sont là autant de réformes qui doivent ramener l’activité financière à sa vocation première, le financement de l’économie. Ce texte pose ainsi les principes d’un juste équilibre entre une activité financière utile et un cadre réglementé pour assurer la stabilité des marchés et la protection de nos finances publiques.

En résumé, il y aura désormais un « avant » et un « après » loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

Je ne vous surprendrai donc pas, mes chers collègues, en vous disant que mon groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire.

Je tiens, pour conclure, à remercier notre rapporteur Richard Yung pour son implication, sa qualité d’écoute et sa compétence, mises au service de l’élaboration d’un texte difficile, mais ô combien nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires arrive au terme de son parcours législatif. C’est donc une des principales promesses du Président de la République qui trouve aujourd’hui sa concrétisation, particulièrement dans l’objectif d’efficacité qu’il s’était fixé.

Je tiens à dire ma satisfaction devant la qualité et la rigueur du travail accompli par les deux chambres du Parlement, et à féliciter le ministre et ses services, ainsi que mes collègues rapporteurs du Sénat, pour la qualité de leur écoute,

Je veux aussi remercier particulièrement la commission des finances et son rapporteur, Richard Yung, pour l’attention et la bienveillance manifestées à l’égard des propositions de la commission des affaires économiques.

Le texte initial a été grandement amélioré au cours de la navette parlementaire, dans le sens d’une régulation à la fois plus exigeante et plus fine du secteur financier. Des équilibres satisfaisants ont été trouvés entre, d’un côté, la nécessité de lutter contre les dérives spéculatives à l’origine de la crise financière que nous avons connue, et, de l’autre, la nécessité de préserver la souplesse et l’efficacité des mécanismes de financement indispensables à la compétitivité et à la croissance de notre économie. Des progrès ont également été accomplis en matière de protection des droits des usagers des banques.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat sur ce texte, je voudrais en particulier dire ma satisfaction de constater que les mesures que j’ai proposées et défendues, avec le soutien de la commission, ont été retenues dans le texte final.

L’une de ces mesures visait à mieux encadrer les rémunérations dans le secteur de la finance.

J’ai proposé, en première lecture, deux dispositions allant dans ce sens. La première vise à impliquer personnellement les dirigeants et les traders en cas de résolution bancaire, au travers d’un mécanisme de renoncement à leur rémunération variable. La seconde consiste à introduire la règle du say on pay dans le secteur bancaire en l’étendant, au-delà des dirigeants eux-mêmes, à l’ensemble des preneurs de risques au sein des banques.

Je regrette cependant l’abandon du projet de réforme sur la gouvernance des entreprises, qui aurait dû généraliser en France ce principe du say on pay, mais je me réjouis que, sur notre initiative, cette forme de contrôle des rémunérations par l’assemblée générale des actionnaires puisse au moins s’exercer dans les établissements de crédit. Espérons que ce projet adopté pour les banques ait un effet d’entraînement suffisant sur les dirigeants des autres grandes entreprises, sans quoi le législateur devra, je pense, se pencher à nouveau sur cette question particulièrement sensible en période de crise économique, financière et sociale.

Indépendamment de cela, j’estime toutefois que, dans un prochain texte, il faudra aller plus loin et faire en sorte que le vote de l’assemblée générale des actionnaires intervienne avant et ne soit non pas simplement consultatif, mais décisionnel.

L’autre disposition défendue par la commission des affaires économiques concerne le plafonnement spécifique des frais d’incidents bancaires pour les publics les plus fragiles.

La commission mixte paritaire a rétabli le dispositif que le Sénat avait voté. Nous nous en réjouissons, car un plafonnement homogène, applicable de la même manière à tous les clients des banques, aurait abouti à un effet pervers, nuisible aux ménages les plus en difficulté. Les banques, on le sait, auraient fait tout leur possible pour que le niveau du plafond par opération et celui du plafond global soient déconnectés du coût réel des interventions réalisées lors des incidents de compte, et soient fixés au niveau le plus élevé. Les plus fragiles n’auraient donc tiré aucun bénéfice d’un tel dispositif, ou trop peu, tandis que, désormais, plusieurs centaines de milliers de personnes pourront profiter du plafond bas !

Pour conclure, j’attire l’attention sur le fait que la portée réelle des dispositions que nous allons adopter dépendra en grande partie des seuils qui seront fixés par décret, notamment pour ce qui concerne la filialisation des activités de comptes propres.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois pouvoir dire, en reprenant un terme rubistique, que nous avons collectivement marqué un « bel essai ».

Je souhaite que les choix du Gouvernement, notamment s’agissant de la voie réglementaire, transforment cet essai et fassent du texte que nous allons adopter définitivement aujourd’hui une réforme vraiment ambitieuse, qui constituera un modèle pour les autres pays européens.

Monsieur le ministre, le Parlement suivra avec attention les mesures d’application de cette loi. Je souhaite, pour ma part, qu’un rapport d’étape sur la mise en œuvre de ce texte soit réalisé dans le cadre des activités de contrôle du Sénat, et ce dans l’intérêt tant du législateur et de l’exécutif que de notre économie en général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)