M. Ladislas Poniatowski. Or, monsieur le ministre, vous n’auriez pas les moyens de couvrir la totalité des demandes si toutes les stations-service devaient se mettre aux normes d’ici à 2016 !

M. Ladislas Poniatowski. Cet allongement du délai ne doit pas concerner les seules stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an : le seuil doit être porté à 3 500 mètres cubes, comme c’était initialement prévu.

Enfin, j’évoquerai l’article 5, qui vise le régime juridique applicable au démarchage et à la vente à distance. En réécrivant l’article L. 121-19-4 du code de la consommation, cet article prévoit que « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services ». Son dispositif concerne donc les contrats de fourniture d’énergie. Malheureusement, il est en contradiction avec le code de la consommation, qui dispose que le gestionnaire de réseau reste directement responsable à l’égard du client des prestations techniques qu’il réalise. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement à cet article.

En résumé, eu égard à l’absence de dispositions afférentes à la facture énergétique des Français, je blâmerai le Gouvernement non pas pour ce qu’il y a dans son texte, mais plutôt pour ce qui n’y figure pas.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le ministre, j’espère que vous entendrez nos propositions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à saluer l’excellent travail de nos rapporteurs, Martial Bourquin et Alain Fauconnier, qui se sont fortement investis dans l’examen de ce texte à un moment difficile de l’année et dans des conditions particulièrement délicates, compte tenu des délais imposés. Il aura fallu à l’un et à l’autre ainsi qu’aux rapporteurs pour avis, Michèle André, Nicole Bonnefoy et Jean-Luc Fichet, beaucoup de patience, d’abnégation et de travail. Qu’ils en soient remerciés !

Beaucoup ont rêvé de la mise en place de l’action de groupe en France ainsi que de la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Eh bien, nous allons le faire !

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Yannick Vaugrenard. C’est à nous qu’il est donné aujourd’hui de réaliser cette belle ambition. Voilà un premier motif de satisfaction. Nous nous apprêtons ainsi à rejoindre les nombreux pays de l’Union européenne – près de la moitié d’entre eux aujourd’hui – qui ont déjà adopté l’action de groupe. Rappelons en outre qu’un registre du crédit a été créé en Allemagne dès 1928.

Le projet de loi relatif à la consommation a pour objet de favoriser le respect de l’ordre public économique par ses différentes parties prenantes, au profit du consommateur, auquel seront accordés de nouveaux droits. Toutefois, selon une approche gagnant-gagnant, ce texte prend également en compte l’intérêt des entreprises. Ces dernières ont non seulement besoin d’une progression de la consommation pour garantir leur croissance, mais elles doivent aussi proposer des produits de meilleure qualité afin de gagner en compétitivité.

Cependant, de nombreux scandales ont fragilisé ce pilier de notre système économique qu’est la confiance du consommateur à l’égard des produits qu’il achète comme de ceux qui les produisent et les lui fournissent. Je pense ici, entre autres exemples, à l’affaire Spanghero…

M. Jean-Jacques Mirassou. J’allais le dire !

M. Yannick Vaugrenard. … ou aux escroqueries dans le domaine de la vente en ligne de voyages. Or, sans une confiance renouvelée du public envers les produits qui lui sont destinés et les acteurs qui les commercialisent, la reprise de la consommation sera incontestablement plus difficile. Il était donc temps de remédier à cette situation de défiance. Votre projet de loi, dont je salue, monsieur le ministre, le caractère à la fois équilibré et complet, tend à mettre en place des dispositifs qui y contribueront.

Parce que ce texte est important et que nous devons nous assurer de son applicabilité, je me félicite par ailleurs que les actions de groupe dans les secteurs de la santé et de l’environnement soient appelées à faire l’objet de projets gouvernementaux ultérieurs. L’engagement en est pris, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre. J’y tiens tout particulièrement, dans la mesure où, dans mon département, la Loire-Atlantique, de nombreux salariés sont notamment confrontés à de gros problèmes liés à l’amiante. Il est vrai cependant que, dans un tel contexte, nous avons affaire bien plus à des patients, à des usagers ou à des salariés qu’à des clients.

Une action de groupe menée à la suite de la vente d’un médicament aux effets délétères sur la santé de patients abusés ne peut reposer sur les mêmes ressorts qu’une autre action concernant la pollution massive d’une nappe phréatique par un site industriel ou encore qu’une démarche liée à une pratique abusive concernant la facturation de forfaits de téléphones portables. La distinction entre les différents types d’action de groupe en fonction de la nature des préjudices subis était donc nécessaire, voire indispensable. Nous ne devions pas brouiller notre démarche législative en abordant conjointement des problématiques appelant à l’évidence des réponses spécifiques et adaptées.

Ce texte s’adresse par ailleurs à un consommateur qui ne doit pas être seulement perçu comme un agent économique, mais aussi, et surtout, comme un citoyen. En tant que tel, il doit être non seulement mieux informé, mais aussi mieux formé ! Je me félicite donc que le projet de loi examiné et modifié par la commission des affaires économiques dispose qu’une information des jeunes consommateurs sera intégrée dans les programmes de l’éducation nationale. C’est un outil indispensable pour les sensibiliser à leurs nouveaux droits. À quoi servirait-il en effet de disposer de nouveaux droits sans en avoir connaissance ? Rappelons du reste que, dans un avis rendu le 21 décembre 2000, le Conseil national de la consommation donne pour objet à l’éducation à la consommation de « former l’esprit, développer les aptitudes intellectuelles, faire acquérir des principes aux jeunes, afin de leur permettre de satisfaire leurs besoins au mieux et à bon escient, en utilisant les biens et les services mis à leur disposition ».

Or la France présente aujourd’hui une carence en la matière. Le seul texte qui aborde le sujet est une circulaire du ministère de l’éducation nationale datée du 17 décembre 1990. Très peu la connaissent, et il en est peu fait état dans les circulaires de rentrée. Il s’agit pourtant également d’un important sujet de préoccupation européen. La Commission européenne a ainsi lancé au printemps 2013 le réseau Consumer Classroom, dont les acteurs principaux sont les professeurs des écoles, des collèges et des lycées. II fournit des ressources afin d’aider les enseignants à concevoir les cours portant sur l’éducation à la consommation. Dans le cadre d’une compétition organisée pour déterminer les meilleurs projets, ce site internet a d’ailleurs vu concourir plus de cinquante écoles issues de douze pays européens. Ils sont en effet nombreux à promouvoir des formations à cette problématique. Au Royaume-Uni, par exemple, les écoles auront ainsi l’obligation, dès la rentrée de septembre 2014, de proposer aux élèves une formation sur les questions financières et sur la gestion du budget d’un ménage. II serait donc positif que la France avance également dans la direction d’une telle formation, offrant un éclairage indispensable pour soutenir une démarche de consommateur citoyen responsable et pas seulement de simple agent économique.

Je l’évoquais au début de mon intervention, la mise en place du registre national des crédits aux particuliers est une avancée précieuse pour la protection du consommateur. Introduit dans le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, il s’agit d’un instrument de lutte contre le surendettement, dont l’utilité a été démontrée dans les pays qui l’ont déjà adopté. Sachez qu’un certain nombre de garde-fous ont été mis en place afin de lutter contre les éventuelles dérives que pourrait entraîner cette création. Ainsi, la consultation de ce fichier à des fins commerciales sera durement sanctionnée.

Reste qu’une autre dérive doit faire l’objet d’une vigilance particulière : la mise en place de ce registre ne saurait être utilisée par les établissements prêteurs comme prétexte afin de se soustraire à leurs responsabilités. En effet, la consultation de ce fichier ne doit pas les dispenser du travail de recherche et de conseil auprès des consommateurs qui s’adressent à eux. Cela constitue en théorie, faut-il le rappeler, leur cœur de métier. Il est anormal que les démarches nécessaires à la fourniture des services proposés par les établissements de crédit soient si notoirement, et si fréquemment, insuffisantes.

Concernant la question des services financiers, la mobilité bancaire est un enjeu crucial pour mettre fin au fort déséquilibre existant entre les établissements bancaires, d’une part, et les consommateurs – réellement démunis –, d’autre part. La portabilité du numéro de compte bancaire serait un excellent outil en vue de rééquilibrer la situation. L’amendement adopté par l’Assemblée nationale, qui vise à mandater le Parlement afin d’explorer les modalités opérationnelles de la mise en œuvre d’une telle mesure, ouvre d’intéressantes perspectives. Je pense que la contribution du Sénat sur cette question pourra également être précieuse. Notre commission des affaires économiques propose notamment que les services d’aide à la mobilité avancés par la banque d’arrivée soient gratuits et sans conditions. Par ailleurs, nous avons bien noté que la portabilité bancaire fera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 31 décembre 2014, ce qui est une bonne chose.

Dans un registre voisin, je salue la possibilité offerte aux consommateurs de résilier leur assurance sans frais, au bout d’un an au lieu de deux.

J’observe enfin que ce texte de loi témoigne d’un arbitrage en faveur d’une stratégie dissuasive plutôt que punitive. Cette démarche, gage d’une plus grande efficacité, me semble être la meilleure manière de procéder. Nous travaillons en effet dans le sens d’une meilleure régulation de notre modèle économique, afin d’en accroître les performances.

De manière complémentaire, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes va pouvoir recourir, dans le cadre de certaines infractions au code de la consommation, à des sanctions administratives plutôt qu’à des sanctions pénales. Ces dernières étaient en effet jusqu’à présent insuffisamment appliquées et intervenaient généralement dans des délais beaucoup trop importants. Cette disposition renforcera la dissuasion et donc le bon fonctionnement de notre système. Mais pour être efficace, il faut des moyens ! Or la désorganisation de la DGCCRF, issue, faut-il le rappeler, de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques en 2010, a été justement relevée par la Cour des comptes dans son rapport du 4 juillet dernier concernant l’administration territoriale de l’État.

Les contrôles, notamment sur le plan alimentaire, sont essentiels, et la dissuasion repose aussi sur la force de ceux qui sont susceptibles d’être réalisés. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur l’évolution des effectifs et sur l’efficacité de l’organisation de la DGCCRF après le vote de ce projet de loi ?

Les qualités du présent texte sont incontestables, mais il ne faudrait pas que des délais trop importants de mise en application viennent en relativiser la portée. Je note donc avec intérêt que le nombre de décrets d’application prévus pour sa mise en œuvre a été réduit. C’est un gage d’efficacité renforcée, comme pourrait l’être la fixation de leur parution à des dates butoirs. Indépendamment de la circulaire du 29 février 2008, selon laquelle les ministères sont tenus de publier les décrets de toute nouvelle loi dans un délai maximum de six mois, le présent projet de loi pourrait en effet inclure un délai maximum de publication différent pour chacun de ces décrets. Je crois ainsi rejoindre des préoccupations déjà évoquées.

En complément, je pense qu’un suivi et une évaluation de l’application du texte sont absolument indispensables. La commission des affaires économiques pourrait s’en charger, en partenariat avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, dont c’est le rôle.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je voudrais rappeler ici que nous avons une responsabilité importante avec l’examen de ce texte. Par ses nombreux et riches apports, il peut contribuer – je dis bien « contribuer », soyons modestes – à relancer la consommation, qui reste la clef de voûte de notre croissance économique, ainsi qu’à rétablir la confiance, dans une société circonspecte et souvent en proie au doute.

Gardons à l’esprit ces objectifs de redressement du pays et de protection du consommateur, ainsi que le rôle positif que le projet de loi pourra jouer lorsque les nouvelles exigences qu’il contient rencontreront la volonté de réaliser des produits de meilleure qualité, et donc plus compétitifs. Il s’agit donc bien d’un rapport gagnant-gagnant, comme je l’évoquais au début de mon propos, qui, j’en suis convaincu, pourra découler de la mise en œuvre de cette loi tant attendue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès que l’on évoque le sujet de la consommation, un défi s’impose : protéger le consommateur, tout en ne nuisant pas au développement de l’activité économique des entreprises. La mesure phare du projet de loi, l’action de groupe, illustre parfaitement cette difficulté de trouver un équilibre juste et satisfaisant pour l’ensemble des acteurs. Mes deux collègues, Valérie Létard et Muguette Dini, s’étant déjà exprimées sur les autres points du projet de loi, je concentrerai mon propos sur ce sujet.

L’action de groupe est une procédure civile permettant à plusieurs victimes ayant subi un même préjudice de se regrouper pour confier une action en réparation à un tiers, en l’occurrence une association de consommateurs agréée. L’originalité de cette action est qu’elle déroge au principe de droit français selon lequel nul ne plaide par procureur. Cette action offre une nouvelle façon d’obtenir réparation en matière de droit de la consommation et de la concurrence. Cependant, elle doit faire l’objet d’un encadrement très rigoureux, afin de ne pas devenir un facteur de déstabilisation permanent de la compétitivité des entreprises.

II est important de corriger certains raccourcis que nous avons pu lire ou entendre. L’action de groupe ne crée pas de nouveaux droits ; elle constitue seulement une nouvelle manière d’agir, par procureur. Elle ne modifie pas le droit de la réparation, mais permet le regroupement des mêmes victimes d’une violation de la loi ou d’une obligation contractuelle ayant subi un même préjudice dont l’origine est identique. L’action de groupe doit donc être conçue comme s’inscrivant autant que possible dans le droit commun, que ce soit en matière de procédure ou dans le domaine du droit de la réparation. C’est dans cet esprit de simplification que je proposerai des amendements.

Sur le terrain de la procédure, d’abord, pourquoi créer des tribunaux d’exception ? La spécialisation de quelques tribunaux de grande instance est inutile, puisque tous sont capables de connaître des affaires de la consommation – c’est même aujourd’hui leur quotidien. Je suis d’autant plus opposé à cette spécialisation qu’elle aurait plusieurs conséquences négatives. Elle entraînerait un éloignement de la justice, alors que la consommation est une matière qui touche tous les Français. En outre, elle créerait une nouvelle source de contentieux, que les juristes spécialisés ne manqueraient pas d’exploiter : ceux-ci s’opposeraient aux actions de groupe, souvent au détriment des consommateurs, en soulevant des exceptions de procédure sur la compétence. Enfin, elle obligerait à délocaliser des contentieux locaux vers des métropoles régionales.

Avec le même objectif de rapprocher l’action de groupe du droit commun, nous avons déposé un amendement visant à anticiper la constitution du groupe avant l’expiration du recours en cassation : il s’agit de permettre au juge de mettre en œuvre une exécution provisoire des mesures de publicité. Le projet de loi prévoit en effet que le pourvoi en cassation est suspensif, ce qui est contraire au droit commun de la réparation. C’est dire qu’une action de groupe ne pourra pas voir se concrétiser la moindre condamnation avant l’épuisement de toutes les voies de recours, c’est-à-dire avant environ cinq ans lorsque l’affaire est portée jusqu’en cassation. Un tel système rend attractifs les recours dilatoires. Notre proposition vise donc à réduire ce handicap en favorisant la constitution du groupe le plus tôt possible, afin d’éviter aux consommateurs une information tardive et de prévenir la perte des preuves ou des biens.

Au fond, j’approuve l’action de groupe. Alors que la lourdeur et le coût d’une action individuelle devant la justice étaient jusqu’à présent un obstacle totalement décourageant, ce dispositif permettra la réparation de préjudices de faibles montants à travers une mutualisation des coûts. Les victimes pourront ainsi recourir à des expertises onéreuses et à des tests aux coûts souvent très élevés, qui viendront nourrir les débats judiciaires. Cette procédure constitue donc une réelle avancée.

Pourtant, je rappelle que le but poursuivi n’est pas d’ouvrir la voie à de multiples procédures. C’est pourquoi il me semble important de prévoir dans la loi un processus facultatif de médiation, autorisant le recours à un accord amiable tout au long de la procédure.

Au-delà de l’objectif final de réparation du préjudice, la mise en place de l’action de groupe aura, à mon avis, un effet préventif assez fort ; en conséquence, elle sera un moyen d’assainissement des activités commerciales. En effet, si les entreprises veulent échapper au risque d’une action de groupe, elles n’auront pas d’autre choix que de garantir la qualité des produits fabriqués en grande quantité et des services proposés.

Par ailleurs, il me paraît essentiel que la nouvelle action de groupe ne prenne en aucune manière l’apparence d’une procédure d’exception, qui pourrait être source de certaines dérives. À cet égard, la création d’une action de groupe dite simplifiée ne se justifie pas ; j’ai déposé un amendement visant à supprimer cette procédure, que je considère comme inadaptée. Monsieur le ministre, pourquoi encourager la mise en place d’une action de groupe simplifiée et mal encadrée, qui dénaturerait totalement la procédure normale ?

Pour ma part, je pense que le juge saura s’adapter à chaque circonstance et décider de mesures de réparation appropriées à chaque situation. Il faut laisser le juge décider de la manière dont il conduira l’action de groupe. La procédure classique lui laisse suffisamment de latitude, par exemple pour simplifier, s’il le faut, la constitution du groupe de consommateurs lésés. Le code de procédure civile et toutes ses dispositions relatives à la mise en état de la procédure devant le TGI offrent au juge un arsenal de moyens d’instruction qui lui permettra de s’adapter aux circonstances de chaque litige, petit ou grand, simple ou complexe.

Le fond du droit est celui du droit contractuel et du droit de la réparation ; il n’y a aucune nécessité d’innover ou de créer un particularisme. Je le répète, n’ouvrons pas des voies de contentieux en créant de nouvelles juridictions ou de nouvelles procédures, sinon, au lieu de simplifier, ce dispositif aura l’effet inverse ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Calvet.

M. François Calvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur l’action de groupe, présentée par le Gouvernement, à juste titre, comme une avancée majeure pour les consommateurs et pour les associations qui les défendent, lesquelles suivent avec gourmandise les avancées du projet de loi.

Je tiens à souligner que, aujourd’hui pas plus qu’hier, je ne suis favorable à la poursuite d’une politique européenne et française purement consumériste. À l’exception de l’Allemagne, qui a su conserver une politique industrielle de l’offre grâce à laquelle elle exporte aujourd’hui ses produits dans le monde entier, l’Europe – la France en tête, toujours désireuse de montrer l’exemple – a multiplié les textes consuméristes.

M. Charles Revet. Exactement !

M. François Calvet. Cette politique, européenne et française, beaucoup plus consumériste qu’industrielle, notre économie la paie aujourd’hui, car elle a surtout favorisé les importations, en particulier de produits asiatiques.

Pour illustrer mon propos, je rappellerai les nouvelles propositions de Bruxelles, plus précisément de la commissaire à l’économie numérique. Mme Kroes nous explique que, en imposant des baisses de prix chez les opérateurs européens et en permettant aux fonctionnaires de Bruxelles de voyager sans payer de surcoût pour leurs communications et pour leurs données, elle va réaliser le grand marché unique des télécoms et réindustrialiser l’Europe des télécoms. Personne ne comprend le pourquoi du comment, mais la presse et les associations de consommateurs relaient ce message qui flatte les oreilles du plus grand nombre. Pourtant, cette politique du tout-consumérisme dans le domaine numérique témoigne d’un grand échec européen. De fait, en vingt ans, l’Europe a tout perdu : tous les grands équipementiers sont désormais asiatiques, malgré les tentatives de maintien sous perfusion de ce qui fut un grand équipementier français, et toutes les plateformes de services ainsi que toutes les grandes réussites numériques sont aux États-Unis.

Malgré cette situation désastreuse, personne ne remet en cause ni les instances de Bruxelles ni les gouvernements européens qui sont responsables.

Il en va exactement de même avec l’action de groupe. On nous explique que cette grande innovation juridique, débattue depuis trente ans, va relancer la consommation en redonnant aux consommateurs de la confiance et du pouvoir d’achat. En réalité, elle va surtout affecter les quelques secteurs et les quelques grandes entreprises qui gagnent encore de l’argent. En effet, nous savons très bien que les associations agréées s’intéresseront d’abord aux secteurs capables de leur assurer de nouvelles sources de financement et d’améliorer leur notoriété médiatique. En fin de compte, la seule retombée positive du projet de loi sera médiatique, car les actions de groupe vont relancer notre sport national, qui consiste à jeter en pâture aux médias nos trop rares entreprises qui arrivent à dépasser le stade de la TPE ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Calvet. Monsieur le ministre, permettez-nous, d’une part, de douter de l’efficacité de votre recette phare pour relancer la consommation. Permettez-nous, d’autre part, de vous rappeler que la seule préoccupation des Français aujourd’hui n’est pas de savoir s’ils pourront récupérer quelques euros dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais s’ils pourront encore trouver demain une entreprise en mesure de les embaucher.

Il existe suffisamment de moyens dans notre droit pour réprimer les entreprises fautives et pour indemniser les victimes. De même que je doute de l’efficacité de la baisse de prix à marche forcée proposée par Bruxelles pour relancer une économie européenne du numérique en panne, ainsi je doute des résultats de cette recette franco-française.

Si l’action de groupe est un peu l’arlésienne du droit de la consommation depuis vingt ans, ce n’est pas sans raison. Sur le plan du signal économique, nous pensons que le moment est mal choisi : dans la compétition des lois et des normes à laquelle se livrent les États, à commencer par ceux de l’Union européenne, il est peu probable qu’une loi sur les recours collectifs améliore l’attractivité de la maison France pour les entreprises.

Certes, on me répondra que quelques pays européens ont déjà adopté une législation sur l’action de groupe ; mais, curieusement, ce n’est pas le cas de l’Allemagne, qui reste notre principal partenaire et concurrent. Cessons de croire que l’Union européenne est une union des Bisounours, alors que le Gouvernement observe, impuissant, la lutte fratricide des États membres sur le terrain de l’attractivité fiscale et sociale.

Une fois de plus, le Gouvernement a un sens du timing décalé.

La Commission européenne propose une nouvelle directive régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne. Cette proposition de directive va être adoptée d’ici à la fin du mandat de la Commission européenne, et la France aura deux ans pour la transposer. Dès lors, nous aurions pu attendre l’adoption de ce texte européen pour ne légiférer qu’une fois et éviter d’exposer nos entreprises à une innovation juridique bien plus sévère que celles auxquelles nos principaux concurrents européens seront soumis. De fait, légiférer aujourd’hui n’a pas grand sens, puisqu’il faudra bientôt recommencer. Par votre méthode, monsieur le ministre, vous laissez prospérer le sentiment d’insécurité juridique, qui est la première cause de rejet de la France par les investisseurs industriels.

Vous allez certainement expliquer, comme le font toujours les gouvernements français, que la France donne l’exemple. Cet argument avait déjà été avancé à propos d’autres mesures emblématiques, comme l’instauration du principe de précaution – vous voyez que je ne suis pas sectaire.

M. Jean-Jacques Mirassou. Un peu quand même !

M. François Calvet. Seulement, le reste de l’Europe et du monde ne s’intéresse pas aux leçons économiques que la France estime encore pouvoir donner, surtout lorsqu’elles pourraient nuire à la compétitivité.

Monsieur le ministre, votre majorité aime tellement la complexité qu’elle a introduit une action de groupe simplifiée, qui témoigne de la grande confiance qu’elle accorde au dispositif initial proposé par le Gouvernement, dont on nous assure pourtant qu’il résulterait d’un consensus…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est le choc de simplification !

M. François Calvet. Cette procédure simplifiée, qui s’ajoute à la procédure normale, ne manque pas de saveur : on se demande où donc est le choc de simplification annoncé par le Président de la République !

Au total, monsieur le ministre, nous regrettons la logorrhée législative que vous avez présentée et l’orientation purement consumériste de la politique économique qui en découle. Surtout, l’action de groupe, présentée comme la mesure phare du projet de loi, si elle peut être acceptable en période de prospérité, se transforme en mauvais signal pour des investisseurs déjà frileux. En outre, son instauration devance de manière maladroite la future directive européenne visant à faciliter l’introduction d’actions en dommages et intérêts.

J’ajoute que, comme beaucoup d’autres textes, celui-ci entraînera des coûts supplémentaires difficiles à supporter pour ma région et mon département des Pyrénées-Orientales, confrontés à la concurrence de la Catalogne espagnole et de son économie dynamique.

Pour toutes ces raisons, je voterai contre le projet de loi. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

Motion d’ordre