M. René Vandierendonck, rapporteur. Nos collègues députés nous ont donc entendus sur les points où nous avions élaboré une proposition construite. Restait la page blanche de Paris… L’Assemblée nationale l’a remplie. Sans dénaturer sa contribution, nous nous sommes appliqués, en deuxième lecture, à entendre les attentes des territoires.

La commission des lois du Sénat, qui a procédé à de nombreuses auditions, s’est attachée à respecter le dispositif, adopté par l’Assemblée nationale, de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre tout en prenant en compte les dynamiques intercommunales. Pour ce faire, nous avons proposé un système de compétences obligatoires de la métropole du Grand Paris limité aux domaines stratégiques ou structurants. Nous avons également souhaité prohiber les concurrences stériles avec la région et prévoir que des compétences complémentaires puissent être attribuées par la suite à l’EPCI, à la demande des communes.

Nous avons en outre conforté, comme le Gouvernement le souhaitait, la dynamique des conseils de territoire, notamment dans le domaine de la politique de la ville. Nous avons également instauré la faculté, pour les communes qui le souhaiteront, de construire une intercommunalité de proximité à leur convenance, que ce soit à l’échelle des intercommunalités ou à celle des périmètres des contrats de développement territoriaux.

Nous présenterons tout à l’heure un amendement visant à assurer la participation de l’association Paris Métropole à la mission de préfiguration chargée de mettre en place ce mécanisme.

Sur la question du périmètre, nous avons entendu les représentants de toutes les intercommunalités et les présidents des conseils généraux. Légitimement, la grande couronne refuse de jouer le rôle de variable d’ajustement. Le texte de la commission apporte un certain nombre de garanties sur ce point, en limitant le périmètre de la future métropole de Paris à la petite couronne.

Nous sommes fondamentalement persuadés que le système de péréquation qui sous-tend la création de l’établissement public unique permettra de progresser vers la construction d’une grande métropole.

S’agissant des autres dispositions du projet de loi, le texte que nous avons adopté en première lecture avait été enrichi par des amendements qui ont permis des avancées très attendues par les territoires. Concernant la dépénalisation du stationnement, je voudrais insister sur le fait que, si nous abordons cette discussion avec un système complet et structuré de propositions, c’est grâce au concours du Gouvernement, des inspections générales et du Conseil d’État. Nous avons reçu sur ce point des encouragements, des conseils et surtout une aide très précieuse. Je remercie par ailleurs les très nombreux collègues qui se sont mobilisés sur ce sujet.

En ce qui concerne nos propositions en matière d’intercommunalité en zones périurbaines ou rurales, la création des pôles ruraux, qui a été fortement discutée, a recueilli l’adhésion de la commission du développement durable. C’est extrêmement précieux et encourageant. M. Filleul en parlera tout à l’heure.

S’agissant des problématiques de gestion des milieux aquatiques, qui, je puis en témoigner, n’intéressent pas que le Sud, la commission m’a autorisé à soumettre au débat une contribution complète fondée sur les travaux accomplis par MM. Nègre et Collombat au titre de la mission commune d’information sur les inondations dans le Var. Il s’agit, tout en respectant les initiatives locales existantes, d’apporter des réponses complémentaires et des moyens pérennes, afin de garantir l’efficacité des dispositifs de prévention des inondations. Il me paraît très important d’avancer dans ce domaine.

Madame la ministre, pourquoi aurions-nous changé d’avis sur la conférence territoriale depuis la première lecture ? Nous continuons de faire le choix d’un système souple, excluant toute forme de tutelle ou de curatelle d’une collectivité sur une autre. Notre position est constante sur ce point, même si certaines contributions de l’Assemblée nationale nous semblent intéressantes, telle la composition équilibrée de la CTAP.

En ce qui concerne la création du Haut Conseil des territoires, prévue initialement dans le troisième volet de la réforme territoriale, nous savons que son introduction dans le présent texte relève de votre volonté, madame la ministre, et de celle du rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Dussopt, de prendre en compte le souhait du Sénat que l’on légifère sur la simplification des normes, puisque la CCEN devait être une formation spécialisée du Haut Conseil des territoires. Je vous en donne acte. Certains auraient pu estimer qu’il pouvait être judicieux d’installer dès maintenant une telle instance, afin de préparer le volet financier de la réforme territoriale, dont personne ne parle, sauf peut-être nos collègues du groupe CRC, au travers d’une proposition de loi.

Il n’en demeure pas moins que le rôle d’un rapporteur est d’exprimer la position de la commission qu’il représente… (Rires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Or, quand il a évoqué à l’Assemblée nationale la création du Haut Conseil des territoires, M. Dussopt en a fait une présentation qui a irrité un grand nombre de mes collègues. Permettez-moi de vous donner lecture de la citation suivante, tirée de la page 38 du rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale : « La disparition du cumul des mandats organisée par le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire en cours de discussion fera que le Parlement ne sera plus à l’avenir un lieu où seront représentés les exécutifs des collectivités territoriales. » (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Louis Nègre. Et voilà !

M. Pierre-Yves Collombat. Le crime est signé !

M. René Vandierendonck, rapporteur. On comprend, dès lors, qu’une majorité des membres de la commission des lois ait décidé de voter un amendement visant à supprimer du texte la création du Haut Conseil des territoires. Je me devais de vous en rendre compte !

Voilà donc sur quelles bases nous démarrons la discussion du présent projet de loi. Concernant la métropole du Grand Paris, il peut être tentant, je le sais, de coaguler des votes sur une rédaction ou une autre. Je vous invite tout de même à considérer que vous mettriez votre rapporteur et ceux qui l’accompagneront en commission mixte paritaire dans une situation délicate pour défendre la position du Sénat si vous en veniez à adopter des dispositions qui seraient les cousines germaines de celles que nous avons écartées en première lecture… Je tenais à vous faire part de mes inquiétudes à cet égard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’occasion de cette deuxième lecture, la commission des affaires économiques s’est saisie de l’article 12, qui institue la métropole du Grand Paris, de l’article 13, qui met en place le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France, de l’article 13 bis, qui est une conséquence du précédent, de l’article 18 bis, qui traite de l’établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche, l’EPADESA, et enfin de l’article 19 bis, relatif à l’établissement public de Paris-Saclay.

Je pense que vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que je centre mon intervention sur l’article 12. Je partirai du fait principal : le rejet net par le Sénat de la proposition initiale du Gouvernement de créer un établissement public sans fiscalité propre, regroupant Paris et les EPCI à fiscalité propre de l’unité urbaine de la capitale.

Après ce rejet, que certains ont qualifié d’« électrochoc », deux solutions s’offraient en théorie : soit le Gouvernement, ne tenant pas compte du vote du Sénat, présentait le même texte à l’Assemblée nationale en espérant qu’il y serait voté ; soit il prenait en compte le vote de la Haute Assemblée et soumettait un autre texte aux députés. C’est, heureusement, cette seconde solution que le Gouvernement a choisie. Je suis d’ailleurs un peu surpris que, à l’Assemblée nationale, certains s’en soient émus !

Dans le même esprit, un certain nombre de nos collègues qui, lors de la première lecture, avaient rejeté le texte de façon catégorique, évoquant notamment un « déni de démocratie », ont maintenant l’air de lui trouver quelques mérites…

M. Jean-Pierre Caffet. Ils y reviennent !

M. Vincent Capo-Canellas. Ce n’est pas le même texte !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Si nos travaux débouchent simplement sur une version amendée du projet de loi initial du Gouvernement, nous aurons perdu beaucoup de temps !

M. Vincent Capo-Canellas. C’est vous qui avez changé d’avis !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas interdit, mon cher collègue !

À mes yeux, le texte adopté par l’Assemblée nationale présente beaucoup d’avancées.

La première d’entre elles concerne le périmètre de la métropole du Grand Paris, qui avait été beaucoup critiqué, notamment par Philippe Dallier, mais pas seulement. La notion d’« unité urbaine » était effectivement quelque peu fluctuante. Le périmètre que l’on nous propose aujourd'hui – Paris et les départements de la petite couronne – est clair et stable.

Deuxième avancée, encore plus importante : la mise en place d’une gouvernance claire et efficace, par la création d’un EPCI à fiscalité propre, ce qui permettra de faire du Grand Paris une véritable métropole intégrée.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Prenons l’exemple du logement. Je ne rappellerai pas ici les chiffres que je cite souvent sur la situation du logement en Île-de-France, dont on connaît la gravité. Le texte prévoit qu’un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement sera élaboré non plus par le conseil régional, mais par un comité régional composé de l’État, de la région, de tous les départements, de la métropole, mais aussi des EPCI de la grande couronne. J’y vois un outil puissant pour mettre en cohérence la politique de l’habitat et de l’hébergement sur toute la région d’Île-de-France, ainsi que les prémices de cette autorité régionale que Gérard Roche et moi-même avions proposé d’instaurer dans notre rapport sur l’application de la loi instituant le droit au logement opposable.

Une troisième avancée tient au rôle des maires. Il avait été reproché au projet de loi initial de réduire celui-ci à peu de choses. Le présent texte prévoit que les maires participeront à l’exécutif de manière directe, et non par voie de représentation.

Enfin, grâce aux conseils de territoire, les dynamiques qui ont été engagées sur certains territoires, dans le cadre soit d’un EPCI, soit de l’élaboration des contrats de développement territorial, ne seront pas brisées. Je remercie au passage la commission des lois d’avoir confié la compétence de la politique de la ville aux territoires, anticipant ainsi, me semble-t-il, les dispositions du projet de loi que présentera prochainement M. le ministre François Lamy. Je tiens à rendre hommage à M. Vandierendonck, qui, en première comme en deuxième lecture, a effectué un travail remarquable. La tâche était pourtant extrêmement difficile : Mme la ministre a rappelé à l’instant à quel point les positions étaient éloignées, pour ne pas dire contradictoires. Mais au milieu de la tourmente se dressait René Vandierendonck, dont chacun sait ici qu’il est indestructible ! (Sourires.)

Bien évidemment, tout ne sera pas réglé par cette loi. Il y a encore beaucoup de travail à accomplir, en ce qui concerne notamment les conseils de territoire. Cela étant, je me félicite de l’existence d’une mission de préfiguration, qui permettra de prolonger le débat au-delà des enceintes parlementaires.

Pour terminer, je souhaiterais apporter un éclairage sur quelques points.

L’article 13 bis, dont j’avais proposé l’introduction dans le texte en première lecture et qui prévoit la fusion des établissements fonciers publics d’État, a été voté presque conforme par l’Assemblée nationale. En effet, celle-ci s’est bornée à allonger d’un an le délai accordé pour réaliser cette fusion, dont je redis ici l’importance. L’Île-de-France est la seule région de France à compter plusieurs établissements publics fonciers d’État. Partout ailleurs, il y en a au plus un. Au-delà de ce qui peut être considéré comme une anomalie acceptable, on ne peut construire de schéma régional de l’habitat et de l’hébergement ni de politique cohérente, équilibrée et solidaire de l’habitat et de l’hébergement si l’on n’a pas à sa disposition un outil foncier adapté. Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande de voter à nouveau cet article.

L’article 19 bis, relatif à l’établissement public d’aménagement de Paris-Saclay et introduit sur l’initiative de Jean-Vincent Placé, répond à une volonté de réformer la gouvernance de cet organisme. En première lecture, j’avais toutefois exprimé mes craintes que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne soit écarté de celle-ci. En effet, la recherche et l’enseignement supérieur sont la vocation de l’établissement public de Paris-Saclay. L’Assemblée nationale a maintenu une tutelle conjointe du ministère de l’urbanisme et de celui de l’enseignement supérieur et de la recherche : cette solution me satisfait et j’appellerai le Sénat à émettre un vote conforme sur cet article.

En conclusion, j’espère que le Sénat votera votre texte, madame la ministre, et vous suivra cette fois jusqu’à Paris… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme la ministre sourit.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission du développement durable a décidé de se saisir pour avis de ce projet de loi en deuxième lecture pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, elle a souhaité suivre avec attention l’évolution de deux dispositifs du texte introduits sur son initiative : la dépénalisation du stationnement, prévue aux articles 36 bis et 36 ter, et la création des pôles ruraux d’aménagement et de coopération, inscrite aux articles 45 quinquies et 45 sexies.

La commission du développement durable s’est également penchée sur la compétence des métropoles et des communautés urbaines en matière de distribution d’électricité, comme je m’y étais engagé, mes chers collègues, lors de l’examen du texte en première lecture. Prévue par le Sénat aux articles 31 et 42 du projet de loi, cette compétence a été supprimée par l’Assemblée nationale, avant d’être réintroduite par René Vandierendonck dans le cadre de la deuxième lecture.

La commission du développement durable s’est aussi saisie pour avis des articles 35 B à 35 E, relatifs à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations.

Enfin, la commission des lois lui a délégué au fond l’examen de deux articles : l’article 8 bis, inséré par l’Assemblée nationale, qui instaure le schéma régional de l’intermodalité, et l’article 17, relatif au Grand Paris.

Peu de modifications ont été apportées à ces deux articles. La commission du développement durable se félicite de l’accent mis sur l’intermodalité au travers de l’article 8 bis. En effet, il s’agit d’une dimension essentielle des politiques de promotion des transports en commun, qui souffrent aujourd’hui du cloisonnement entre les différentes autorités compétentes. La commission du développement durable a toutefois opté pour une association plus forte des départements et des autorités organisatrices de la mobilité à l’élaboration de ce schéma piloté par la région, en remplaçant le terme de « concertation » par celui de « collaboration », qui nous paraît mieux adapté.

Quant à l’article 17 relatif au Grand Paris, il a été très peu modifié par l’Assemblée nationale et a été adopté sans modification par notre commission.

J’en viens aux deux réformes – que nous estimons majeures – intégrées au projet de loi sur l’initiative de la commission du développement durable.

Attendue de longue date, la dépénalisation du stationnement a été adoptée – et applaudie – en première lecture par nos collègues quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Je les en remercie, car ce vote nous a beaucoup aidés dans les débats qui ont suivi. Pour mémoire, cette réforme prévoit que la redevance de stationnement pourra être acquittée par le conducteur soit au début de la période de stationnement, suivant un barème tarifaire « au réel », soit à l’issue de la période de stationnement, de façon forfaitaire – ce sera un « forfait de post-stationnement ».

À la suite de ce vote du Sénat, que d’aucuns ont qualifié d’« historique » – je pense en particulier à M. Nègre –, le Premier ministre a demandé une évaluation du dispositif, en confiant une mission à cet effet aux inspecteurs généraux des ministères concernés. Cette évaluation dresse une longue liste de défis à relever pour assurer la pleine réussite de la réforme. Elle a conclu que cette réforme était possible, à condition de prendre les dispositions d’ajustement et le temps de mise en place nécessaires, ce à quoi nous sommes évidemment disposés.

En réaction à ce rapport, le Gouvernement a souhaité expertiser une autre piste de réforme du stationnement payant de véhicules. Il s’agirait de maintenir le stationnement payant dans un cadre pénal, comme Mme la ministre nous l’a expliqué tout à l’heure, tout en prévoyant une modulation des amendes en fonction des zones de stationnement au choix de la collectivité. Le Gouvernement a soumis cette piste à l’examen du Conseil d’État, qui, dans un avis du 19 septembre dernier, a conclu qu’une telle mesure pouvait être conforme à la Constitution, mais sous certaines conditions.

La commission du développement durable estime toutefois – j’insiste sur ce point – que cette réforme alternative ne répond pas à la totalité des objectifs assignés à la dépénalisation du stationnement, telle que le Sénat l’a adoptée en première lecture et telle que l’Assemblée nationale l’a votée à notre suite.

Certes, elle permettrait de réduire les disproportions actuelles entre le montant uniforme de l’amende et les tarifs de stationnement pratiqués sur nos divers territoires, mais elle ne répond pas à la question de l’effectivité des contrôles. Or cette dernière est indispensable à la mise en œuvre de politiques de stationnement ambitieuses. En effet, il ne s’agit pas seulement de garantir une collecte satisfaisante du produit du stationnement payant ; il s’agit aussi et avant tout – faut-il le rappeler ? – d’assurer une rotation effective des véhicules en centre-ville.

C’est la raison pour laquelle la commission du développement durable a maintenu sa position initiale en faveur d’une véritable dépénalisation du stationnement, qui répond bien mieux aux enjeux. Il nous semblerait extrêmement regrettable de revenir sur cette disposition, qui constitue une réelle mesure de décentralisation, peut-être même la seule vraie mesure décentralisatrice de ce texte.

L’Assemblée nationale s’est d’ailleurs montrée largement favorable au dispositif et ne l’a modifié qu’à la marge, comme René Vandierendonck l'a rappelé à l'’instant.

La commission du développement durable a donc poursuivi ses travaux dans l’objectif de faire aboutir cette réforme, tout en la retravaillant au regard des observations faites par la mission des inspecteurs généraux, que nous avons rencontrés et avec qui nous avons eu de longs échanges. Il nous fallait tenir compte de l’ensemble de ces observations et proposer un amendement présentant une nouvelle rédaction de l’article, que la commission du développement durable a adopté. La commission des lois a bien voulu l’intégrer à son texte, ce dont je me félicite.

Cette nouvelle rédaction transforme la redevance de stationnement en redevance d’occupation du domaine public. Elle renforce les garanties des conducteurs, en rendant obligatoire l’assermentation des agents chargés du recouvrement des forfaits de post-stationnement.

Elle prévoit aussi la remise d’un rapport du Gouvernement analysant les moyens de promouvoir le recours à des procédés électroniques permettant d’attester de la présence d’un véhicule sur une zone de stationnement à un moment donné, afin de renforcer la force probante du constat des agents. Le rapport des inspections générales estime en effet indispensable l’usage de ces procédés électroniques lorsque la collecte est effectuée par un tiers contractant.

Enfin, elle dispense les personnes qui souhaiteront contester leurs forfaits de post-stationnement devant le juge de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros. La commission des lois en a décidé autrement ; nous en débattrons.

Cette nouvelle rédaction lève en outre les obstacles relatifs à la procédure comptable, également relevés dans le rapport des inspections générales. Afin de garantir l’efficacité du recouvrement, est prévue la mise en place d’un comptable unique chargé du recouvrement des forfaits de post-stationnement. Le recours formé contre cette redevance ne sera pas suspensif, compte tenu de la faiblesse des montants concernés et afin d’éviter les procédures dilatoires.

Bien évidemment, comme Mme la ministre l'a rappelé, un certain nombre d’autres ajustements devront être réalisés par la voie réglementaire. Des mesures devront être prises, par exemple, pour que les juridictions administratives puissent absorber ce nouveau contentieux dans des conditions satisfaisantes. Je rappelle toutefois que cela est possible, comme l’a montré l’exemple récent du contentieux relatif au permis à points.

Afin de permettre ces ajustements dans des conditions satisfaisantes, le délai d’entrée en vigueur de la réforme a été repoussé de dix-huit à vingt-quatre mois après la publication de la loi.

Au total, l’article 36 bis, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, constitue à mon sens un bon compromis entre, d’une part, la nécessité pour la collectivité d’assurer la collecte de cette redevance à un coût raisonnable, et, d’autre part, les droits des conducteurs.

Il reste une question à traiter : celle de l’incidence de cette mesure sur le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». C’est, me semble-t-il, en loi de finances qu’elle pourra être résolue.

J’en viens au deuxième sujet abordé avec conviction par la commission du développement durable : les pôles ruraux d’aménagement et de coopération.

Ces pôles ont été substantiellement remaniés par l’Assemblée nationale, qui les a renommés « pôles d’équilibre et de coordination territoriaux ».

À l’origine, le Sénat les avait conçus comme des outils relativement souples, à destination des territoires ruraux et périurbains volontaires. L’Assemblée nationale a rendu le dispositif plus contraignant, en déterminant précisément les missions de ces pôles. Elle leur a notamment confié de façon obligatoire la gestion du schéma de cohérence territoriale, le SCOT. Elle a aussi détaillé leurs règles de fonctionnement et de gouvernance, privant ainsi les élus locaux de marges de manœuvre pour les adapter aux spécificités de leur territoire.

En outre, l’Assemblée nationale a remis en cause le caractère volontaire de la démarche, en autorisant la transformation d’un syndicat mixte existant en pôle quand bien même la totalité de ses membres n’y seraient pas favorables.

Notre commission a adopté une nouvelle rédaction de cet article, afin de revenir sur certaines des modifications apportées par l’Assemblée nationale. La commission des lois l’a intégrée dans son texte.

Cette nouvelle rédaction soumet toute transformation d’un syndicat mixte existant en pôle à un accord unanime de ses membres et rend à nouveau facultative la compétence du pôle en matière de SCOT. Elle allège également les règles applicables à la gouvernance des pôles, afin de laisser les élus maîtres de leur organisation sur le territoire. Ces derniers pourront choisir d’associer le conseil général à la démarche. Le pôle pourra être constitué soit en syndicat mixte fermé, soit en syndicat mixte ouvert.

Cette nouvelle rédaction supprime enfin la référence à la possibilité de fusion des EPCI du pôle en communautés de communes ou en communautés d’agglomération. Cette disposition pouvait en effet entraîner une confusion sur la vocation des pôles.

L’objectif que nous avons assigné à ces pôles est d’être un outil de coopération et de synergie destiné à la mise en œuvre de projets communs, et non le préalable à une nouvelle refonte de la carte intercommunale. La mutualisation des moyens qu’ils permettront, par exemple en matière d’ingénierie, feront d’eux de véritables centres de ressources pour les collectivités rurales et périurbaines qui souhaiteront travailler ensemble.

Afin que cette vocation apparaisse clairement, nous avons décidé de les renommer « pôles ruraux d’équilibre et de solidarité territoriale », intitulé qui s’inspire de ceux ayant été adoptés par le Sénat, avec la réintroduction d’une référence à la ruralité, et par l’Assemblée nationale, avec la notion d'équilibre.

La commission du développement durable a en outre adopté un amendement à l’article 4 visant à rétablir la représentation de ces pôles à la conférence territoriale de l’action publique. Malheureusement, la commission des lois a pris une position contraire ; nous en débattrons ultérieurement.

J’en viens à la compétence des métropoles et des communautés urbaines en matière de distribution publique d’électricité, votée par le Sénat et supprimée par l’Assemblée nationale. L’octroi de cette compétence est indispensable si l’on souhaite leur permettre de développer une politique ambitieuse et intégrée de maîtrise de l’énergie, en lien avec la compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie », qu’elles exercent déjà.

C’est la raison pour laquelle notre commission a adopté deux amendements qui visent à rétablir cette compétence, tant pour les métropoles que pour les communautés urbaines.

Cependant, afin de ne pas remettre en cause l’équilibre financier des syndicats mixtes compétents dans ce domaine et de préserver le principe de solidarité territoriale, notre commission a souhaité accompagner cette mesure d’un mécanisme de « substitution-représentation », comme cela avait été prévu en première lecture pour les métropoles.

En application de ce dispositif, les communes membres d’une métropole ou d’une communauté urbaine qui appartiennent à un syndicat mixte compétent en matière de distribution publique d’électricité continueront à appartenir au syndicat, mais s’y feront représenter par la métropole ou la communauté urbaine.

Nous avons ajouté une clause relative à la gouvernance de ces syndicats, afin de garantir une proportionnalité entre la représentation de la métropole ou de la communauté urbaine au sein du conseil syndical et la part de la population qu’elle représente par rapport à la population totale couverte par le syndicat.

Il nous est en effet apparu, au cours des auditions réalisées sur ce thème, mais aussi dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, que la gouvernance et la transparence de ces syndicats étaient un sujet de préoccupation dans nombre de territoires. Je me félicite de ce que la commission des lois ait repris les conclusions de nos travaux sur cette question dans son texte.

Je terminerai par les articles 35 B à 35 E, relatifs à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations. Ces quatre nouveaux articles appellent certaines réserves de la part de la commission du développement durable.

L’étude d’impact financier de ce transfert de compétence ne nous a été transmise que très tardivement. Bien que le Gouvernement se soit emparé du sujet et que cette étude semble sérieuse et documentée, nous ne disposons pour l’heure d'aucune analyse des répercussions de la création de cette nouvelle compétence en fonction des différents types de bassins. Le coût du transfert sera en effet très variable selon que l’on se trouve, par exemple, dans le bassin ligérien ou dans une zone peu irriguée et éloignée de la mer.

La politique de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations devra donc pouvoir s’appuyer à la fois sur des outils juridiques adaptés et sur un financement suffisant.

Pour cette raison, si notre commission a émis un avis favorable sur ces articles, c’est bien sous réserve qu’un financement approprié soit prévu.

Notre collègue Pierre-Yves Collombat a déposé des amendements visant à parachever le dispositif. Son amendement n° 392 prévoit en particulier la création d’une taxe unique pour toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières, à la taxe d’habitation et à la cotisation foncière des entreprises, afin de financer la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Plafonnée à 40 euros par habitant, elle permettrait, selon les estimations établies en lien avec les services du ministère, de collecter environ 600 millions d’euros.

Cette proposition de financement paraît solide et intéressante. J’estime cependant ne pas avoir, à ce jour, l’expertise nécessaire pour déterminer si le montant perçu permettra bien de couvrir la réalité des transferts opérés, y compris à moyen et long termes. En outre, la somme de 600 millions d’euros collectée au niveau national répondra-t-elle bien, à l’échelle de chaque bassin, aux nouvelles charges créées localement ?

Vous le voyez, nous sommes donc dans l’attente – et cette attente est forte, madame la ministre – de réponses à ces différentes questions sur le financement du transfert de cette nouvelle compétence, en particulier sur les conséquences localisées de celui-ci.

En conclusion, la commission du développement durable souhaite que la deuxième lecture du projet de loi soit l’occasion d’aboutir sur chacun des sujets développés ici. Certains, comme la dépénalisation du stationnement, sont en gestation depuis plusieurs années ; d’autres, tel celui des pôles, peuvent redonner du sens et un nouvel élan aux territoires en associant les EPCI ruraux aux petites agglomérations. Il en va de même du nécessaire approfondissement de la solidarité départementale, alors que les métropoles et les communautés urbaines exerceront la compétence de la distribution d’électricité.

Nombre de travaux et d’études menés au sein de cette assemblée ont permis d’approfondir les enjeux. Prises individuellement, ces propositions sont en elles-mêmes significatives ; rassemblées, elles fixent de nouveaux horizons à la décentralisation. Il est temps de passer aux actes.

Madame la ministre, nous voterons ce projet de loi. La commission du développement durable a apporté dans ce débat toute sa détermination à faire avancer les chantiers que j’ai évoqués. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)