M. Éric Doligé. C’est vrai !

M. Christian Favier. Pour notre part, et sur la base du consensus opéré au sein de Paris Métropole, nous défendrons des amendements porteurs d’une vision solidaire, fédératrice et dynamique de la métropole capitale. Tels seraient d’ailleurs, selon nous, les axes de la nouvelle étape de décentralisation qu’il reste à imaginer et à construire.

Pour l’heure, il faut bien le dire, ce qui devait constituer l’acte III de la décentralisation n’est rien d’autre qu’un nouveau rendez-vous manqué. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mlle Sophie Joissains applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, que reste-t-il des espoirs suscités par les états généraux de la démocratie territoriale qui se sont déroulés – vous l’avez rappelé, madame la ministre – il y a tout juste un an ? On dirait que des années-lumière se sont écoulées depuis lors, tant l’enthousiasme initial est retombé.

Sur le statut de l’élu, jusqu’à présent, le seul changement est l’assujettissement de leurs indemnités à une cotisation de sécurité sociale qui ne leur apporte, d’ailleurs, aucune garantie supplémentaire.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour ce qui concerne la gouvernance départementale, a été instauré un mode de scrutin binominal très défavorable aux territoires ruraux…

MM. Charles Revet et Bruno Sido. Eh oui !

M. Pierre-Yves Collombat. … dans les départements dont une partie est fortement urbanisée, ce qui est loin d’être l’exception ; un mode de scrutin déracinant le conseiller départemental de son territoire.

Il aurait été trop simple de préférer à ce mode de scrutin, dont personne n’a jamais voulu, un scrutin proportionnel sur la base des intercommunalités, ce qui aurait eu le mérite de donner du sens à l’élection et d’articuler l’action des communautés et la politique départementale…

M. François Trucy. Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat. Le présent texte, en multipliant les métropoles, aboutira à ce paradoxe que les représentants de celles-ci, le plus souvent majoritaires à l’assemblée départementale, feront la politique de l’ensemble du territoire non métropolitain dans tous les domaines de compétence départementale, alors même que l’assemblée départementale sera devenue incompétente sur le territoire métropolitain pour les compétences qu’elle aura transférées. Comme paradoxe, ce n’est pas mal !

M. Charles Revet. Ce n’est pas le seul !

M. Pierre-Yves Collombat. Autant on peut trouver logique la solution lyonnaise qui sépare l’actuel département du Rhône en deux, autant on peut accepter les solutions parisienne et marseillaise, malgré les difficultés non réglées, en tant que tentative pour structurer – j’allais dire « enfin » ! – des espaces très urbanisés, autant, en revanche, la multiplication des métropoles dans des départements dont le tissu est largement composé de villes petites ou moyennes en lien avec de vastes territoires ruraux pose problème.

Derrière cela se trouve une idée simple : la richesse des nations dépend exclusivement de la « compétitivité » internationale de leurs zones les plus urbanisées, qui en sont les locomotives tirant les wagons du reste du territoire, fardeaux, hélas ! hérités de l’histoire. La richesse ruisselant des métropoles vers les petites villes et les communes rurales, renforcer les premières, surtout en période de crise, serait aussi faire le bien des secondes, même si celles-ci ne le savent pas....

Cette théorie étant affaire de foi, personne n’a évidemment pris la peine de la vérifier et de considérer que 75 % au moins des emplois ne dépendent pas de la compétitivité internationale des entreprises, mais de la dynamique économique endogène, autant dire des circuits et des débouchés locaux.

Et puis, vous le savez bien, madame la ministre, après toutes les tentatives récentes pour « ringardiser » le Sénat,...

M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. ... pour le couper des préoccupations essentielles des collectivités territoriales que, selon la Constitution, il est pourtant censé représenter, comment ne pas voir dans le Haut Conseil des territoires autre chose que le brouillon du futur Sénat rêvé par les disciples de Lionel Jospin ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre-Yves Collombat. Plutôt que de l’exécuter proprement par voie référendaire, comme ce fut tenté dans le passé, on le videra donc de sa spécificité et de sa substance ; s’agissant toujours des collectivités territoriales, il sera relégué au rôle de chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs, par le Haut Conseil des territoires.

Remarquons que ce Haut Conseil dispose d’un pouvoir d’initiative puisqu’il « peut faire toute proposition de réforme concernant l’exercice des politiques publiques conduites par les collectivités territoriales ou auxquelles celles-ci concourent ».

Vous l’aurez compris, l’essentiel de la délibération aura lieu au sein de ce Haut Conseil, le Parlement ne pouvant qu’entériner les décisions qui y auront été prises. Cela me rappelle la constitution consulaire de l’An VIII, laquelle prévoyait que le Tribunat discutait, sans les voter, les projets de loi préparés par le Conseil d’État,...

M. Roger Karoutchi. Exactement !

M. Pierre-Yves Collombat. ... le corps législatif votant, sans les discuter, les projets qui étaient présentés par des orateurs du Tribunat et du Gouvernement. C’est probablement cela qu’on appelle « modernisation » de la vie publique, en Terra nova évidemment ! (Sourires sur les travées du groupe UMP.)

Vous l’aurez également compris, notre groupe, qui en fait une question de principe, ne saurait en aucun cas s’accommoder de cette nouvelle tentative de marginalisation du Sénat. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) En revanche, il reconnaît le travail de Sisyphe de notre rapporteur, René Vandierendonck,...

M. Charles Revet. Il n’a pas pu faire grand-chose !

M. Pierre-Yves Collombat. ... ses efforts pour neutraliser, comme il l’avait fait en première lecture, les dispositions les plus urticantes du texte provenant de l’Assemblée nationale et pour en conserver les éléments les plus positifs issus de nos discussions. Tout est loin d’être satisfaisant, et nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements, mais le pire a été évité.

Pour résumer, je dirai que l’accord et la convention ont été largement substitués à ce qui restait de contraintes, pour faire « confiance à l’intelligence des territoires », comme nous aimons à le répéter.

Je n’oublie pas non plus, mesdames les ministres, les efforts du Gouvernement, et les vôtres en particulier, madame Escoffier, ainsi que ceux de vos collaborateurs, pour soutenir ce qui, si l’on aboutit, pourrait fonder une politique efficace de prévention de l’inondation dont nous souhaiterions, avec mon collègue Louis Nègre, président de la mission d’information dont je fus le rapporteur, qu’elle voie enfin le jour.

À lire ceux qui préfèrent le statu quo, c’est-à-dire que les catastrophes continuent à se renouveler sans qu’il en soit tiré de leçon, il manquerait quelques études et rapports pour se décider : cela coûterait trop cher, les outils proposés ne seraient pas les bons, à moins qu’ils n’existent déjà… En un mot, et je l’ai lu dans l’exposé des motifs d’un amendement, « il serait urgent d’attendre », probablement d’attendre de nouveaux morts et de nouvelles destructions ! Les sinistrés d’hier et de demain apprécieront.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, il nous reste à faire de ce texte un « plus », et non un « moins », pour nos collectivités et nos territoires, sans nous cacher – on l’a bien vu lors de la première lecture ! – que le rocher que nous aurons pu remonter en haut de la montagne risque fort de basculer en seconde lecture à l’Assemblée nationale. Le risque est là !

« Il faut imaginer Sisyphe heureux », prêchait Albert Camus. Nous verrons bien dans quel état Sisyphe sortira de ce débat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis extrêmement heureux de la façon dont se sont déroulés les débats au Sénat,...

M. Philippe Bas. Nous aussi !

M. Gérard Collomb. ... tant dans l’hémicycle en première lecture qu’au sein des différentes commissions.

Nous avions tous un point de vue personnel sur le texte qui nous était présenté par le Gouvernement, mais nous avons avant tout essayé de créer des convergences et d’élaborer une rédaction pour pouvoir avancer ensemble. Nous avons réussi, mes chers collègues, à éviter les faux débats, à ne pas opposer l’urbain et le rural, la métropole et la commune, le département et la région. Nous nous sommes efforcés de prendre en compte les réalités de la France d’aujourd’hui, qui est diverse.

Je pense à celle des villes petites et moyennes qui maillent le territoire. Dans le texte que nous avons écrit ensemble, nous avons essayé de renforcer ces villes autour de l’intercommunalité, en créant des communautés urbaines dotées de davantage de pouvoirs.

Je pense à celle des métropoles, qu’il faut faire émerger et structurer. Avec une dizaine de métropoles, la France va pouvoir trouver sa place, demain, dans la compétition internationale.

Je pense à celle de cette France rurale, qui, malgré l’absence de grandes villes sur son territoire, depuis l’est du pays jusqu’aux Pyrénées, en passant par le Massif central, doit pouvoir agir. Lorsque nous examinerons le deuxième volet de la réforme, peut-être serons-nous conduits à préciser que, pour cette France-là, il faut renforcer les pouvoirs du département (M. Bruno Sido applaudit.),…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Très bien !

M. Gérard Collomb. ... afin que celui-ci puisse tirer vers l’avant les territoires.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Gérard Collomb. Sans doute devrons-nous aussi envisager que quelques départements unissent leurs forces, de manière à aller encore plus de l’avant.

Je suis heureux que le travail réalisé pour Lyon par Michel Mercier et moi-même ait pu donner une impulsion.

Je suis heureux également que nous puissions avancer, en dépit des difficultés, que j’ai bien comprises, sur le dossier de la métropole Aix-Marseille-Provence. J’ai été très sensible, mademoiselle Joissains, et je vous l’ai dit, à la façon dont vous avez parlé, avec une grande conviction, de l’identité de ces concitoyens que vous avez la charge de représenter. Reste que je suis persuadé que ce territoire n’avancera pas sans unir ses forces.

Mes chers collègues, à l’issue du précédent débat, nous avons tous éprouvé une certaine frustration au sortir de l’hémicycle : beaucoup ont considéré que si projet de loi initial manquait d’ambition pour l’Île-de-France, c’était faute de consensus. Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale a un mérite, celui d’exister.

Je ne suis pas le meilleur spécialiste de la région parisienne, mais je mesure combien la fragmentation en Île-de-France est source de difficultés en termes de dynamique économique. En l’espace de dix ans, cela représente une différence de 15 points de PIB avec le Grand Londres ! Cela a aussi des incidences sur la construction de logements sociaux, sur la solidarité entre les territoires. Il convient donc d’aller de l’avant. Sur cette partie du texte également, le rapporteur a essayé de créer des convergences et de parvenir à un consensus.

Rien ne serait pire que de ne pas adopter un texte sur la métropole du Grand Paris ou même l’ensemble du projet de loi.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Eh oui !

M. Gérard Collomb. Cela signifierait que le travail de convergence que nous avons accompli ici, au Sénat, pourrait être remis en cause.

L’intelligence des territoires à laquelle chacun fait allusion s’est exprimée au cours des discussions que nous avons eues. Pour ma part, je souhaite que nous adoptions un texte à l’issue de nos débats, car je suis sûr que, avant de le remettre en cause de manière catégorique, on y prêtera quelque attention.

Mes chers collègues, parce que nous représentons les collectivités territoriales dans leur diversité, il est de notre responsabilité d’indiquer quelle est la voie de l’avenir pour la France et l’organisation de ses territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je veux commencer par saluer le travail du rapporteur avec qui nous avons eu des contacts réguliers. À partir d’un texte issu des travaux de l’Assemblée nationale tout à fait inacceptable – je pense en particulier aux dispositions relatives à la métropole du Grand Paris –, il a œuvré pour apporter des modifications et proposer des avancées. Le texte de la commission nous convient-il pour autant tel qu’il est ? Naturellement non !

Je tiens à rassurer Gérard Collomb ainsi qu’un certain nombre d’orateurs : notre stratégie n’est pas celle de la page blanche. J’ai bien conscience que, si nous n’adoptons pas un texte à l’issue de nos travaux, l’Assemblée nationale considérera que celui qu’elle nous a transmis n’a pas besoin d’être débattu de nouveau et nous imposera sa version, qui est pire que tout ! Dans ces conditions, nous allons tout faire pour modifier les articles, voire les réécrire, ce qui serait mieux.

M. Roger Karoutchi. Mesdames les ministres, depuis des semaines et des mois, j’entends de nombreuses critiques sur la région d’Île-de-France. Il est vrai que les difficultés ne manquent pas. Mais ce qui intéresse nos concitoyens qui y résident, c’est la fiscalité, le logement, les transports publics, le traitement des déchets, autrement dit les problèmes concrets auxquels ils sont confrontés. Comment croire qu’ils sont fascinés par les structures qui s’occupent d’eux ? Même en rêve, c’est inimaginable !

La réalité est simple : 20 % de la population française occupe 2 % du territoire. Dans ces conditions, ne nous jetez pas la pierre en répétant en permanence que ça ne marche pas. Si ça ne marche pas, c’est parce que depuis cent ans on a laissé se concentrer les populations dans la région capitale et, aujourd'hui, celle-ci rassemble 50 % des cités sensibles, 50 % des bénéficiaires du RSA. Les élus locaux sont confrontés à des difficultés à ne plus savoir qu’en faire ! (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)

Faut-il pour autant une métropole ? De ce point de vue, je partage l’avis de Gérard Collomb : trouvons des solutions spécifiques en fonction des territoires ou des régions. Effectivement, on n’est pas forcé de reproduire à chaque fois le même schéma : département, région, métropole. Par exemple, on pourrait inventer un EPCI Métropole qui maintiendrait les EPCI locaux.

M. Roger Karoutchi. Le problème, c’est que la loi ne nous y autorise pas.

Faut-il voir toutes ces difficultés sous le seul angle juridique en nous imposant d’entrer dans le moule ? Ne faut-il pas plutôt regarder le travail considérable des élus locaux qui, en Île-de-France comme ailleurs, mais en Île-de-France particulièrement, se font insulter tous les jours, parce que les transports publics ne marchent pas assez bien, parce qu’il n’y a pas assez de logements ? (Mme Isabelle Debré applaudit.) Ces élus locaux doivent-ils toujours être considérés comme ne faisant pas leur boulot ? À mes yeux, c’est une injustice. C’est dur d’être un élu en Île-de-France ! C’est dur de traiter tous les sujets !

M. Roger Karoutchi. Nous avons pourtant beaucoup fait : nous avons transféré le syndicat des transports à la région, c’est le STIF ; des syndicats des eaux, des syndicats de traitement, des syndicats en tous genres existent hors département ou hors commune et accomplissent un travail considérable, tout comme les présidents des établissements publics de coopération intercommunale. Pourquoi répéter constamment que rien n’est fait ?

Quelle que soit la solution retenue, les difficultés perdureront. Pensez-vous vraiment qu’il suffit de créer une métropole pour que, d’un coup, les transports publics marchent, les logements se trouvent en nombre, les services publics de proximité apparaissent ? Non !

Il est vrai qu’il faut agir. Depuis des années, je répète que les problèmes du cœur de l’agglomération ne sont pas ceux de la grande couronne. Au lieu de créer la région d’Île-de-France, n’aurait-il pas mieux valu créer une région capitale plus centrée, plus immédiate et non une région avec une petite couronne et une grande couronne, qui, dès le départ, empêchait cette région d’avoir une unité ? Voilà un vrai sujet ! Y a-t-on suffisamment réfléchi ?

Malheureusement, on ne va pas changer la carte des régions aujourd’hui.

M. Bruno Sido. Pourquoi pas ?

M. Éric Doligé. On pourrait le faire !

M. Roger Karoutchi. Pourquoi pas après tout, puisqu’on fait tout le reste ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Je ne souhaite pas que l’on remette en cause tout le texte. Avançons et créons, s’il le faut, une métropole sur le territoire qui a été retenu, à savoir Paris et la petite couronne, et qui, lui, a une unité. Mais ne tuons ni les communes ni les EPCI. Préservons cette intercommunalité en proche couronne qui a été proposée, souvent imposée par des gouvernements de gauche comme de droite, et qui aujourd’hui fonctionne : ceux qui la composent ont des résultats, ils ont des habitudes de travail commun, ils ont des harmonies. Et il faudrait aujourd'hui leur dire que le travail qu’ils accomplissent ensemble depuis dix ou vingt ans est terminé et qu’ils dépendront désormais de la métropole qui, avec 6,5 millions d’habitants, gérera ces structures en direct ?

Cette démarche est à la fois injuste au regard du travail des élus locaux, des maires, des présidents d’EPCI et trop optimiste. Je suis convaincu que les Franciliens à qui l’on aura annoncé que la métropole va tout changer risquent de nous dire en 2016 : « Vous avez créé une structure supplémentaire, mais le métro ne marche pas mieux, il n’y a pas plus de services publics de proximité, on ne trouve toujours pas facilement de logements ». Et quand ils s’adresseront au maire, celui-ci répondra qu’il n’est pas responsable ! Quant à l’intercommunalité, elle dira elle aussi qu’elle n’y peut rien !

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Roger Karoutchi. Pourquoi vouloir à tout prix créer une structure anonyme, au point que le citoyen en vient à se demander qui le représente, qui travaille pour lui ?

M. Roger Karoutchi. Je conviens que, en Île-de-France, plus encore qu’ailleurs, car la concentration de population y accentue les phénomènes, se concentrent des problèmes considérables de péréquation et d’inégalités. Mais nous pouvons trouver des solutions. Demandons-nous si, dans un premier temps, il faut vraiment que la métropole soit un EPCI ? Ne peut-on pas apprendre à travailler ensemble en créant un établissement public respectant les EPCI locaux ? Ensuite, d’autres étapes s’imposeront peut-être. Avançons ensemble sans stigmatiser les élus locaux et sans dire que tout ce qui a été fait ne sert à rien, car ce n’est pas vrai !

Il est vrai en revanche que, par rapport au Grand Londres, nous sommes en retard. La dynamique économique du Grand Londres a été beaucoup plus forte, mais elle ne s’est pas opérée dans les mêmes conditions. Ce n’est pas un problème de structure, c’est plutôt un problème de volonté politique, de décisions économiques, notamment sur le secteur de développement à privilégier.

Mesdames les ministres, permettez-moi de conclure sur un autre sujet. Je sais que le Parlement n’est pas toujours rapide, mais tout de même ! Que Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement ait adressé voilà cinq jours au directeur général de l’établissement public foncier Île-de-France une lettre lui annonçant qu’il était chargé de la préfiguration de l’établissement public foncier unique de la région qui va être mise en place par la loi, avant même que celle-ci ne soit votée, n’est pas admissible ! (Marques d’approbation et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Le Parlement a encore des droits, et on les défendra ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans le court délai qui m’est imparti, je consacrerai mon intervention aux solutions que l’on peut apporter à la question de la métropole du Grand Paris.

La commission des lois, sous la houlette de son rapporteur René Vandierendonck, a fourni un important travail pour améliorer le texte de l’Assemblée nationale. À notre sens, il est important que la Haute Assemblée se prononce sur le Grand Paris. Je donne volontiers acte à la commission de ces avancées.

J’ai déposé un certain nombre d’amendements visant à améliorer le texte de la commission des lois, notamment en donnant une existence juridique aux territoires. Mais, et c’est pour moi l’essentiel, je souhaite mettre l’accent sur une solution de compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Vous verrez que c’est bien d’un compromis qu’il s’agit.

M. Philippe Bas. Historique ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Vincent Capo-Canellas. Je retiens de la version de l’Assemblée nationale deux éléments essentiels : d’une part, la volonté d’instituer une métropole du Grand Paris au vrai sens du terme, de créer, d’imposer devrais-je dire, le fait métropolitain, et de l’imposer autour d’un périmètre clair ; d’autre part, celle de créer un financement puissant et autonome de la métropole, qui permettra une mutualisation des moyens et une péréquation entre les différents territoires de la petite couronne. Ce dernier point constitue sans doute la question majeure.

À mon sens, un financement puissant et autonome pour la métropole ne signifie pas un financement exclusif qui prive les EPCI de proximité de leurs ressources. Il est possible de prévoir un financement puissant et autonome pour la métropole qui ne pulvérise pas l’existant de la coopération intercommunale. Le système alternatif que je propose fait l’objet des amendements nos 183 rectifié et 184 rectifié que j’ai déposés.

Nous devons aller vers ce système, car le dispositif de l’Assemblée nationale, même amendé par le rapporteur, ne fonctionne pas, et ce pour une raison simple : c’est du PLM à l’envers. Le territoire équivaut à l’arrondissement, mais il est au-dessus de la commune. C’est donc bancal et inopérant.

En plus d’être une usine à gaz, c’est une régression par rapport aux acquis de l’intercommunalité. On rend des compétences aux communes, on recrée des syndicats pour les exercer. Par conséquent, des compétences descendent des EPCI existants vers les communes, d’autres remontent à la métropole qui, ensuite, les redescend vers les territoires.

M. Philippe Bas. C’est incompréhensible !

M. Vincent Capo-Canellas. C’est le yoyo ou l’ascenseur, si ce n’est que nous jouons là avec le quotidien de nos concitoyens.

Au surplus, on crée des syndicats à côté des territoires ou avec, c’est selon. L’ensemble reviendra à la métropole ou aux communes sans financement clair. C’est kafkaïen ! Cela ne répond à aucune logique financière ou opérationnelle. On fabrique du millefeuille !

Un autre schéma est possible : il suffit de doter la métropole d’un prélèvement fiscal propre sur les ressources des établissements publics de coopération intercommunale. Pour cela, il faut assurer un financement puissant et autonome, et conserver les EPCI. Ce mécanisme permettrait de financer le haut, la métropole, sans tarir le financement du bas, les EPCI de proximité. Il évite le yoyo des compétences et les querelles sur les dotations de financement de chacun. Les EPCI perdent uniquement les compétences qui vont à la métropole, mais gardent la proximité.

M. Philippe Dallier. On crée une couche de plus !

M. Vincent Capo-Canellas. Non ! Le territoire est une couche de plus ; par conséquent, le syndicat et le territoire, ce sont deux couches de plus !

J’en viens à la question centrale, celle qui fait débat, le symbole, puisque c’est le symbole que l’on m’oppose. Sur le plan juridique, dans ce schéma, la métropole ne peut être qu’un syndicat mixte. Eh oui, il n’y a pas d’autre catégorie juridique disponible !

M. Vincent Capo-Canellas. Ce n’est certes pas un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, mais un établissement public qui permet la coopération intercommunale et qui bénéficie d’un prélèvement fiscal propre. C’est donc un syndicat mixte d’un type nouveau. Ne le diluez pas !

En dernière analyse, cette solution aurait pour avantage de financer le haut – la métropole – et le bas – le territoire –, de favoriser l’exercice des compétences de la métropole comme celles des intercommunalités de proximité, d’être opérationnelle et de permettre, demain, des évolutions.

Ainsi, le symbole de la métropole EPCI à fiscalité propre a vécu ! Il y a mieux dans la panoplie : la métropole du Grand Paris, établissement public avec financement propre, qui permet la coopération intercommunale.

Il reste, me direz-vous, un dernier argument auquel il faut faire justice. Cette solution serait proche de celle du Gouvernement en première lecture, nous dit-on. Si c’était vrai, je dirai avec malice que le Gouvernement devrait s’y rallier avec panache. Mais c’est inexact, ou à tout le moins incomplet : nous allons bien plus loin que la version initiale du Gouvernement, car nous finançons la métropole de manière autonome et puissante. C’est toute la différence ! C’était l’objectif, et il est atteint par une voie qui permet à la métropole d’exister vite et dans un cadre efficace.

Je crois profondément que faire œuvre législative sur ce sujet de la métropole du Grand Paris, c’est aujourd’hui choisir une solution qui simplement fonctionne et c’est, je crois, une bonne façon pour le Sénat de réengager le débat avec l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, si, en première lecture, nous nous sommes entendus pour reconnaître l’importance du fait métropolitain, nous ne sommes pas parvenus, et je le regrette, à édifier l’institution qui manque à l’aire urbaine parisienne.

Le Grand Paris Métropole est une nécessité, et le Sénat se doit de participer à son élaboration. Je sais que chacun d’entre nous a œuvré pour cela ; je sais aussi que nous avons déjà, les uns et les autres, fortement évolué grâce à nos échanges. Les débats que nous allons avoir doivent nous permettre d’apporter maintenant la réponse que les Franciliens attendent, celle qui sera utile à la conduite de politiques publiques locales actives et dynamisantes pour l’ensemble métropolitain.

La métropole que le projet de loi nous propose se définit notamment par ses périmètres. Certains se limitent à une géographie binaire : la métropole d’un côté et ce qui en est exclu de l’autre, la frontière pouvant d’ailleurs varier et faire débat. Pour ma part, j’ai tendance à voir notre géographie régionale de façon plus complexe. Je considère en effet que nous pouvons et devons distinguer, au-delà de la zone dense, d’une part, le cœur de métropole de sa périphérie, faite de zones toujours impactées par la croissance de l’urbanisation, et, d’autre part, des territoires ruraux de plus faible densité mais qui remplissent eux-mêmes également des fonctions métropolitaines.

L’édification du Grand Paris Métropole impose une réflexion sur son organisation, et la quantité d’amendements sur cette thématique me laisse penser que le sujet sera largement traité. J’appelle ainsi spécifiquement votre attention, une fois de plus, sur les relations de la métropole avec sa périphérie. Comment le cœur de la métropole va-t-il organiser sa dépendance, répondre aux besoins des territoires qui l’entourent et ne pas se limiter à externaliser beaucoup de nuisances vers sa grande périphérie ?

En ce qui concerne les zones denses de la grande couronne – celles qui sont dans l’unité urbaine au sens de l’INSEE –, elles sont directement connectées au cœur de la métropole et répondent de plus en plus aux besoins des populations qui travaillent en son cœur. Ainsi, ces espaces accueillent les populations en leur fournissant non seulement des logements, mais aussi un ensemble de services. Si la carte intercommunale y a bel et bien été achevée, il s’avère que certains EPCI sont encore de trop petite taille face au risque du rayonnement qu’occasionnera le futur EPCI du Grand Paris Métropole.

Il est donc important de susciter la création d’ensembles intercommunaux d’une taille suffisante pour dialoguer avec la métropole du Grand Paris et ainsi aboutir à une plus grande cohérence de l’action publique dans toute la région d’Île-de-France. Compte tenu de la diversité géographique de ces territoires, nous vous proposerons de fixer un seuil de 100 000 habitants aux EPCI situés dans l’unité urbaine, y compris en grande couronne.

Ces zones denses de la grande couronne ont également une autre fonction : elles sont l’interface entre la métropole et les zones rurales de la région d’Île-de-France ; elles permettent que la ruralité reste un levier du cœur de la métropole, et non un frein. Nous avons en effet tendance à oublier l’apport des territoires ruraux pour le cœur de la métropole, l’effort que cela leur coûte et le peu de compensation qu’ils ont en retour. Je ne citerai que quelques exemples.

Ainsi, 75 % des besoins de la métropole en sable alluvionnaire, pour le BTP, proviennent des territoires ruraux franciliens, seine-et-marnais principalement. Ces mêmes territoires fournissent une part substantielle de l’eau à Paris et dans son immédiate périphérie, et cela depuis le XIXe siècle. Symétriquement, ils accueillent plus de 50 % des déchets de la métropole, déchets ménagers ou déchets inertes. Ils sont le réceptacle de nombreuses infrastructures parfois nuisibles, telles les plateformes aéroportuaires, les contournements autoroutiers et ferroviaires, les zones logistiques et les équipements multimodaux – fleuves-routes, fer-route, etc. Et que dire des transformations que vont devoir subir ces mêmes territoires afin de protéger des crues le cœur de la métropole – je pense notamment au projet des casiers réservoirs de l’EPCB grand lac de Seine ?

Je vous ai déjà décrit en première lecture la vie des femmes et des hommes qui vivent sur ces territoires, leurs craintes de relégation et d’exclusion de la dynamique métropolitaine, qui engendrent systématiquement des réactions, voire des votes extrémistes. Il est primordial, et ce afin de ne pas perdre les populations de ces territoires, de tisser du lien entre ses territoires ruraux et le cœur de métropole. Ce lien ne peut s’établir dans une confrontation faciale.

J’ai craint pendant un temps que le cœur de métropole n’absorbe peu à peu les zones denses de la grande couronne. Cette annexion aurait, dans un premier temps, brisé la fonction d’interface que remplissent les territoires denses de la grande couronne, puis, dans un second temps, créé un gap important entre le cœur et les territoires ruraux de l’Île-de-France.

La cohésion et la solidarité territoriales, portées, pour certaines compétences, par l’institution régionale, pour d’autres par les conseils généraux, permettent dans la grande couronne de maintenir le lien et d’atténuer les craintes de relégation.

Le périmètre métropolitain, que définit désormais ce texte, répond à ce besoin. Mais nous devons aller plus loin ; nous devons permettre l’expression des territoires au sein de la métropole, et ce par l’intermédiaire de leur conseil général. J’ai déposé un amendement en ce sens, qui vise à créer des conférences territoriales départementales chargées d’assurer la représentation des territoires de la grande couronne et la prise en compte de leurs problématiques par la conférence métropolitaine.

J’ai apprécié l’apport de notre collègue Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, proposant la création de pôles d’équilibre et de solidarité territoriale, qui doivent être des structures volontaires et souples. Mais je ne pense pas que l’on puisse en l’état obliger les EPCI à s’inscrire dans cette démarche. Dans une certaine mesure, je peux comprendre la difficulté d’y associer les conseils généraux, et je préconise donc en ce sens la création de conférences territoriales départementales.

Enfin, nous devrons, dans la suite des actes de la décentralisation, poursuivre notre réflexion sur la solidarité financière entre les départements de l’Île-de-France, en prenant en compte les dynamiques et charges de chacun d’eux.

Le Grand Paris Métropole que nous appelons de nos vœux doit construire une articulation entre chaque territoire. Le bon fonctionnement et la dynamique de l’Île-de-France dépendent, demain, du respect de l’équilibre entre le cœur de métropole, sa périphérie et sa ruralité.

Notre action doit permettre de stabiliser la gouvernance de la région capitale, et cela passera nécessairement par une plus grande prise en compte des attentes des territoires qui remplissent des fonctions métropolitaines mais qui n’y trouvent pas leur compte aujourd’hui. J’ai bon espoir que ce texte et les débats que nous allons avoir permettent d’atteindre ces objectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)