compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. Hubert Falco,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de projets de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2012,…

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Excellent !

M. le président. … ainsi que du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 2 août 2013.

3

Retrait de questions orales

M. le président. J’informe le Sénat que les questions orales n° 505 de M. Ambroise Dupont et n° 532 de M. Jean-Pierre Leleux sont retirées du rôle des questions orales et, par conséquent, de l’ordre du jour de la séance du 29 octobre 2013, à la demande de leur auteur.

Acte est donné de cette communication.

4

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 11 octobre 2013, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (n° 2013-346 QPC) ; le troisième alinéa de l’article L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles (n° 2013-347 QPC) ; l’article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 (n° 2013-348 QPC).

Acte est donné de ces communications.

5

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

formation de la police municipale

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, auteur de la question n° 457, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Yvon Collin. Je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur – mais M. le ministre chargé des affaires européennes me répondra, je n’en doute pas, avec talent (Sourires.) – sur certaines rigidités dans les mesures réglementaires relatives à la formation de la police municipale. Je pense en particulier au cas d’un gendarme ayant choisi d’intégrer la police municipale.

Dans mon département, le dynamisme démographique a suscité de nouveaux besoins en matière de sécurité. Certains élus ont décidé d’y répondre par la création d’un service de police de proximité. Bien naturellement, les policiers municipaux sont soumis, dès leur recrutement, à une période de formation initiale obligatoire de six mois ou neuf mois selon leur grade, la formation initiale d’application, comprenant une partie théorique et des stages pratiques.

Sans vouloir remettre en cause le principe général de formation des policiers municipaux, je m’interroge néanmoins sur sa pertinence dans le cas de l’affectation à la commune d’un gendarme totalisant de nombreuses années de service dès lors que l’intégration dans la fonction territoriale est strictement subordonnée au suivi d’un stage de formation initiale et que l’origine et le parcours du candidat ne sont pas pris en compte.

En effet, le dispositif en vigueur ne valide pas l’expérience et la compétence acquises. Ainsi, un gendarme ayant plus de vingt ans de carrière se retrouve curieusement en stage d’observation. Dans le Tarn-et-Garonne, par exemple, une commune souhaitant recruter un gendarme en activité qui totalisait vingt-trois ans de service, donc très expérimenté, a dû envoyer l’intéressé passer plusieurs mois en formation, alors qu’il était opérationnel immédiatement. En outre, il est indispensable qu’un gendarme doté d’une arme suive en plus une formation à l’armement.

Le bon sens voudrait que l’on dispense un gendarme totalisant plusieurs années d’expérience de terrain d’une formation initiale longue et coûteuse pour la collectivité. Selon moi, un tel agent devrait simplement être tenu de suivre la formation continue obligatoire en cours de carrière, comme le prévoit la législation. Cela ne présente pas d’inconvénient, puisqu’il s’agit de dix jours minimum de formation tous les trois ans.

Je souhaitais donc interroger le Gouvernement sur ce problème, qui soulève, d’une manière plus générale, la question de la rigidité des mesures réglementaires. Le dispositif de formation de la police municipale n’aurait-il pas dû être assorti de dérogations en fonction des profils recrutés, notamment dans le cas des gendarmes expérimentés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l’intérieur étant en déplacement avec le Premier ministre, il m’appartient effectivement de vous répondre, peut-être pas avec talent, mais à tout le moins avec plaisir. (Sourires.) Je m’attacherai à vous apporter des éléments précis.

La loi prévoit un dispositif particulier de formation pour les policiers municipaux, en raison de la spécificité de leurs missions, formation garantissant les compétences des agents des polices municipales et, ainsi, la qualité de leur action.

En vertu du décret du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d’emplois des agents de police municipale, ceux-ci ne peuvent pas exercer leurs missions avant d’avoir accompli la période de formation obligatoire de six mois et obtenu les agréments du procureur de la République et du préfet, qu’ils soient lauréats du concours ou recrutés par détachement.

La formation, qui est organisée par le Centre national de la fonction publique territoriale, alterne des sessions d’enseignement théorique, des stages pratiques d’application en collectivité et d’observation au sein d’autres services liés à la sécurité et des services judiciaires ou sociaux.

Le contenu de l’enseignement, précisé dans un décret du 25 octobre 1994 modifié, porte sur le fonctionnement des institutions et l’environnement professionnel, sur les techniques et moyens à mettre en œuvre, ainsi que sur le développement des aptitudes physiques.

Lors d’un débat organisé au Sénat le 24 janvier 2013, le ministre de l’intérieur avait précisé qu’une réflexion globale était engagée au sein de son ministère sur le cadre et les moyens d’intervention des polices municipales. Cette mission, confiée au préfet Jean-Louis Blanchou, a associé l’ensemble des entités du ministère ayant des compétences en matière de police municipale, c’est-à-dire la police, la gendarmerie, la Direction générale des collectivités locales et la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques.

Au cours de la réflexion sur l’individualisation des parcours de formation initiale, il est apparu que l’origine professionnelle des policiers municipaux nouvellement nommés ne saurait les dispenser de tout ou partie de cette formation.

Il est effectivement important que tous les agents de police municipale, y compris les anciens policiers ou gendarmes, passent par un creuset commun : devenir policier municipal, c’est apprendre un nouveau métier. Le parcours de formation, quelle que soit la nature des services accomplis antérieurement à son recrutement, permet au nouvel agent de s’approprier l’environnement professionnel du policier municipal, indispensable à l’exercice de ses fonctions.

Il n’est donc pas envisagé de modifier la réglementation relative à la formation des policiers municipaux en vue de réduire la durée de formation ou de traiter de manière différenciée les stagiaires suivant leur origine professionnelle antérieure.

Toutefois, les parcours de formation doivent être réellement adaptés aux expériences déjà acquises. Cela implique que les stages d’observation ne puissent pas être accomplis au sein de l’administration d’origine. Il est effectivement arrivé que d’anciens gendarmes devenus policiers municipaux soient envoyés en stage… dans la gendarmerie !

À cet effet, une modification des décrets concernant la formation initiale d’application des divers cadres d’emplois de la police municipale est engagée. Elle permettra d’individualiser les parcours initiaux de formation des anciens policiers nationaux et gendarmes, afin de leur éviter d’effectuer leur stage dans leur ancien service.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si je n’ai pas senti une très grande ouverture…

En tant qu’élus ruraux, nous savons parfaitement quel est le niveau d’expérience atteint par les gendarmes, qui connaissent généralement bien la population et ont acquis pratiquement toutes les compétences nécessaires à un bon agent de police municipale.

Je note tout de même quelques petits signes de votre part. Il semble effectivement assez farfelu d’envoyer un ancien gendarme en stage en gendarmerie pour faire de lui un parfait agent de police municipale ! Il est donc normal que des dispositions aient été prises sur le sujet.

Pour ma part, je continuerai à marteler qu’il faut une formation adaptée, donc une formation tenant compte du parcours professionnel antérieur de l’agent.

résidences mobiles de loisirs en matière de stationnement

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 495, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Piras. Je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la réglementation applicable aux résidences mobiles de loisirs en matière de stationnement dans le cas de l’ouverture d’un camping accueillant moins de vingt personnes et comprenant trois résidences de ce type, problématique à laquelle est confrontée une petite commune de la Drôme.

Il convient de le rappeler, en vertu de l’article R 111-33 du code de l’urbanisme, les résidences mobiles de loisirs sont des véhicules destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent des moyens de mobilité leur permettant d’être déplacées par traction, mais que le code de la route interdit de faire circuler.

Le fait de raccorder la résidence mobile à un assainissement non collectif conduit-il à ce qu’elle ne puisse pas être assimilée à une caravane ? En matière de règles de stationnement, la résidence mobile de loisirs doit-elle être assimilée à une caravane ou bien à une habitation légère de loisir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, la question que vous avez adressée à M. le ministre de l’intérieur sur la législation applicable aux résidences mobiles de loisirs relève en fait plus particulièrement des compétences du ministère de l’égalité des territoires et du logement, chargé des règles d’urbanisme. Néanmoins, les deux ministères m’ont confié la lourde responsabilité de vous répondre.

Aux termes de l’article R 111-33 du code de l’urbanisme, les résidences mobiles de loisirs sont effectivement définies comme des « véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent des moyens de mobilité leur permettant d’être déplacés par traction mais que le code de la route interdit de faire circuler ».

Ainsi, depuis la réforme des autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007, la résidence mobile de loisirs n’est ni une caravane ni une habitation légère de loisirs. C’est une installation à part entière, définie à l’article que je viens de mentionner ; il n’est plus besoin de l’assimiler à d’autres hébergements, comme le faisait la jurisprudence antérieure à la réforme.

Le raccordement de ces résidences mobiles à un assainissement non collectif est possible, sous réserve que ces dernières puissent être désolidarisées, rapidement et à tout moment, de l’installation sanitaire. Le raccordement ne doit donc pas remettre en cause le caractère mobile de la résidence, c’est-à-dire avoir nécessité le retrait des roues et de la barre de traction.

Par ailleurs, selon l’article R 111-34 du code de l’urbanisme, une résidence mobile de loisirs ne peut être installée que dans un parc résidentiel de loisirs, dans un terrain de camping régulièrement créé ou dans un village de vacances classé en hébergement léger au sens du code du tourisme.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, je vous remercie de la précision de votre réponse. Mme le maire de la petite commune de la Drôme qui m’a sollicité pour vous interroger à cet égard en sera ravie.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Elle le mérite ! (Sourires.)

dotation d'équipement des territoires ruraux

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 500, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Alain Fouché. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le fonds exceptionnel de soutien aux départements dits « en difficulté ».

En 2012, le Président de la République s’est engagé à mettre en place un fonds pour accompagner le financement des départements ne pouvant faire face, en premier lieu, à leurs dépenses sociales.

En effet, tous sont confrontés à la diminution de leurs recettes fiscales et à une forte augmentation de ce type de dépenses à caractère social, qu’il s’agisse du revenu de solidarité active, de l’allocation personnalisée d’autonomie ou des mesures liées à la petite enfance.

Nous sommes très nombreux ici à vouloir connaître les « véritables » modalités de répartition du fonds. À la lecture du tableau de ventilation, un constat saute aux yeux : 80 % des crédits auraient été octroyés à des départements socialistes ou divers gauche.

Force est de constater que la Corrèze, département du Président de la République, a été le plus aidé. L’exécutif local a voté un budget en déficit, ce qui est d’ailleurs illégal, avec une capacité d’autofinancement en chute.

Si le fonds avait servi à compenser des dépenses à caractère social, chacun aurait pu le comprendre. Mais de telles dépenses représentent moins de 46 % du budget et, à notre connaissance, il s’agit de dépenses d’investissement.

De nombreux départements, à l’image du mien, la Vienne, où l’action sociale représente plus de 50 % du budget, ne bénéficient d’aucune part du fonds. La répartition est, à l’évidence, politique et arbitraire !

L’idée était généreuse, et très attendue par les élus locaux. Mais la déception est grande.

Trois départements ont bénéficié de 30% de l’enveloppe globale : la Corrèze a obtenu plus de 13 millions d’euros ; suivent le Tarn, puis la Guyane… Je n’y suis pas opposé, mais, à situation identique, le soutien de l’État doit être égalitaire.

L’incompréhension domine, et chacun voit bien pourquoi...

J’en profite pour renouveler devant vous l’inquiétude des élus locaux quant à la dégradation importante des finances locales, notamment celles qui sont apparues du fait de la réforme des rythmes scolaires sans compensation financière.

Il faudrait que le maire ait le choix de mettre en place ou non la réforme, qui devrait d’ailleurs pouvoir être reportée pour les communes n’étant pas prêtes. En outre, les financements du transfert de charges aux collectivités devraient être assumés par l’État, ce qui serait bien normal.

Votre éclairage sera très important, monsieur le ministre

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, afin de dissiper toute ambiguïté, je vous ferai une réponse très détaillée, sur un sujet qui relève des compétences non seulement de Manuel Valls, mais également, et plus encore probablement, de mes collègues Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier.

L’engagement du Président de la République que vous avez rappelé a été tenu. La loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a créé un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, doté de 170 millions d’euros et composé de deux sections.

La première section, d’un montant de 85 millions d’euros, a été répartie, comme le prévoit la loi, au profit de la moitié des départements les plus mal classés, au regard d’un indice synthétique prenant en compte la proportion de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie, du revenu de solidarité active et de la prestation de compensation du handicap, pondéré par la population du département.

Pour la seconde section, également dotée de 85 millions d’euros, la loi précise que « des subventions exceptionnelles peuvent être versées en section de fonctionnement à des départements connaissant une situation financière dégradée du fait, en particulier, du poids des dépenses sociales ». Chaque département pouvait déposer un dossier de candidature pour bénéficier d’une attribution à ce titre. Cinquante-sept départements l’ont fait.

L’Inspection générale de l’administration, l’IGA, a été missionnée par Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique et par Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation pour étudier l’éligibilité des départements à la seconde section du fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté.

L’IGA a rendu un rapport dans lequel elle analyse les candidatures et propose une liste de départements éligibles, fondée sur six critères objectifs. Trois d’entre eux portent sur la situation financière des départements : pertes de péréquation, capacité d’autofinancement nette rapportée aux recettes réelles de fonctionnement et capacité de désendettement. Les trois autres portent sur les dépenses sociales que les départements prennent en charge : pourcentage de bénéficiaires d’aides, part relative des dépenses d’aide sociale dans le budget départemental, effet ciseau entre la progression des dépenses d’aide sociale et la progression des recettes réelles de fonctionnement.

À l’issue de ces travaux, la mission a préconisé de rendre éligibles à la seconde section du fonds les départements dont la situation est jugée critique au regard d’au moins quatre critères sur six. Pour la Vienne, votre département, trois critères parmi les six qui ont été définis par l’IGA relèvent d’une bonne situation. En revanche, cinq critères parmi les six relèvent d’une situation critique pour la Corrèze et le Tarn, deux départements que vous avez cités, et les six critères relèvent d’une situation critique pour la Guyane, autre département dont vous avez parlé.

Au total, ce sont donc vingt-trois départements qui bénéficieront d’une aide exceptionnelle au titre de la seconde section du fonds. Ils devront à cette fin conclure une convention avec l’État indiquant les engagements qu’ils comptent prendre pour faciliter le rétablissement de leur situation financière.

La répartition de la seconde section est ainsi concentrée sur les départements les plus en difficulté, déterminés en fonction d’une analyse objective. Il n’y a là aucun arbitraire ; je suis heureux de pouvoir vous l’indiquer.

De la même manière, les aides versées à chacun des départements éligibles ont été calculées en fonction des six critères objectifs précités. Je note que la Corrèze et le Tarn percevront à ce titre des sommes inférieures à celles que le précédent gouvernement leur avait attribuées dans le cadre du fonds d’urgence au titre de 2011. Il est vrai en revanche que les départements d’outre-mer n’avaient rien perçu à ce titre, du fait des choix opérés par ce même gouvernement, ce qui nous semblait injuste !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, la Corrèze perçoit peut-être un peu moins de dotations qu’auparavant, mais c’est tout de même le département le mieux doté dans la liste !

Je ne suis pas du tout d’accord avec les critères définis dans le rapport de l’IGA.

Certains départements, comme le mien, ont fait beaucoup d’action sociale tout en gérant les finances locales de manière rigoureuse ! Au fond, je me demande si la solution choisie ne relève pas d’une sorte de prime à la mauvaise gestion.

En tout cas, de nombreux départements ne sont pas satisfaits d’une telle répartition, et Mme la ministre a dû en être avisée. Il est peut-être difficile de revoir le dispositif à ce stade, mais il faudrait agir autrement la prochaine fois.

redécoupage des cantons et des intercommunalités

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 559, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, ma question concerne le redécoupage des cantons et corrélativement, celui des intercommunalités.

Vous le savez, chaque fois qu’un Gouvernement procède à un redécoupage des circonscriptions électorales, il est l’objet, parfois à tort, parfois à raison, de multiples accusations de « charcutage » ou de dévoiement du suffrage universel.

Ce qui est fait actuellement pour les cantons n’est probablement pas parfait, mais ce n’est pas pire que le redécoupage des circonscriptions législatives intervenu en 2009 ! (M. le ministre délégué acquiesce.)

En la matière, certains de mes collègues de l’UMP devraient faire preuve d’un peu plus de réserve dans leurs vociférations, qui ont actuellement tendance à se multiplier.

Par exemple, en 2009, le département de la Moselle a subi un « tripatouillage » épouvantable, à tel point que la commission des lois de l’Assemblée nationale, pourtant à majorité UMP, a adopté un amendement soulignant que les propositions du gouvernement étaient malhonnêtes et qu’il fallait les rectifier.

Ce département est également le seul, avec celui du Tarn–et-Garonne, pour lequel le Conseil constitutionnel a explicitement indiqué qu’il y avait eu charcutage et que les découpages étaient tout à fait douteux. Le projet concernant la Moselle avait également obtenu un avis négatif de la part du Conseil d’État et de la commission de contrôle du découpage électoral.

En dépit de cela, le Gouvernement de l’époque est passé en force. Je ne comprends pas que ceux qui ont soutenu une telle opération viennent aujourd’hui se plaindre de ce qui se passe pour les cantons.

L’expérience de 2009, notamment en Moselle, montre qu’il suffit localement d’un élu malfaisant et magouilleur pour aboutir à des turpitudes inacceptables !

Par conséquent, monsieur le ministre, pour faire face à d’éventuelles critiques, peut-être fondées, il me semble absolument nécessaire de fixer des règles et des principes. Le Gouvernement doit préciser les critères et les éléments qu’il compte retenir pour procéder au découpage. On ne peut pas se contenter de la simple indication des limites existantes ou futures d’intercommunalités ou d’informations très vagues sur la règle des 20 % sans même savoir si elle sera appliquée ou non.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous indiquiez comment, concrètement, le Gouvernement donne la priorité à tel ou tel critère et sur quels fondements il rend tel ou tel type d’arbitrage.

C’est uniquement si des règles bien claires et précises sont posées que l’on pourra ensuite savoir si le Gouvernement les a appliquées et qu’il pourra lui-même – d’ailleurs, c’est dans son propre intérêt – expliquer, face à d’éventuelles accusations, pourquoi il a fait passer les ciseaux d’un côté du trait ou de l’autre.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous réponds au nom de Manuel Valls, qui est aujourd’hui en déplacement avec le Premier ministre.

Les règles du redécoupage électoral sont écrites. Sur les critères applicables à la redéfinition des limites cantonales, il convient de rappeler précisément la jurisprudence constitutionnelle, qui guide le travail mené par le ministère de l’intérieur.

Dans une décision, assez récente, du 16 mai 2013, le Conseil constitutionnel a rappelé que « l’organe délibérant d’un département doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage ; que, s’il ne s’ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque département ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».

À propos de la délimitation des circonscriptions électorales qui succéderont aux cantons actuels, le Conseil constitutionnel a relevé que « si le législateur peut tenir compte de considérations géographiques, au nombre desquelles figurent l’insularité, le relief, l’enclavement ou la superficie ainsi que d’autres impératifs d’intérêt général susceptibles d’atténuer la portée de la règle de l’égalité devant le suffrage, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée » .

Par ailleurs, la règle selon laquelle les limites cantonales doivent respecter les limites d’arrondissements perd sa justification dès lors que le projet de loi met fin au renouvellement par moitié des conseils généraux. Les limites des nouveaux cantons peuvent donc s’affranchir du respect des limites des arrondissements.

Le Gouvernement procède au remodelage cantonal en fixant comme premier principe le respect des critères démographiques. Il ne s’en écarte que de manière limitée, et seulement pour tenir compte de spécificités géographiques impératives.

M. Alain Fouché. Ce n’est pas la réalité !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le remodelage s’appuie autant que faire se peut sur la carte des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, dans les départements qui disposent d’un schéma départemental de coopération intercommunale, le SDCI, et lorsque la configuration de celui-ci le permet. Quand tel n’est pas le cas, le travail s’appuie prioritairement sur la carte cantonale existante, ainsi que sur la carte des bassins de vie établie par l’INSEE pour l’année 2012.

Vous avez également interrogé le Gouvernement sur la carte intercommunale. Je le rappelle, la création d’EPCI d’au moins 5 000 habitants est un objectif fixé au titre des SDCI en vertu de la loi du 16 décembre 2010. Toutefois, le préfet disposait de la possibilité d’y accorder des dérogations en se fondant sur des caractéristiques géographiques particulières ou sur l’existence d’une zone de montagne, ce n’est pas le cas de votre département, mais qui peut intéresser d’autres sénateurs présents dans l’hémicycle.

La suppression des discontinuités territoriales, sous réserve des exceptions limitativement énumérées par le législateur, constitue quant à elle une obligation fixée par cette même loi. Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre des schémas départementaux, les préfets avaient pour mission de prendre des arrêtés de projet de périmètre tendant à la suppression de ces discontinuités avant le 31 mai 2013. À compter de cette date, une procédure particulière a été prévue dans le code général des collectivités territoriales pour mettre fin aux situations de discontinuité ou de communes isolées qui se feraient jour. Ces dispositions sont d’application immédiate et ne sont assorties d’aucune dérogation.

Le Gouvernement a réaffirmé cet objectif de rationalisation de la carte intercommunale à l’occasion d’une communication en conseil des ministres le 13 février dernier. La nouvelle « configuration géographique des intercommunalités », que vous évoquez dans votre question, n’est donc pas retardée. Le Gouvernement veille à ce que la rationalisation de la carte intercommunale aboutisse dans les délais les plus brefs et dans les meilleures conditions d’acceptation au niveau local, ce qui est indispensable à la réussite de ces projets.

Enfin, comme vous le savez, monsieur le sénateur, les propositions de redécoupage des cantons seront préalablement soumises au Conseil d’État, avant de recueillir l’avis des départements concernés.