Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Je suis tout à fait d’accord avec M. le ministre quand il affirme que ce projet de budget est très favorable aux entreprises.

Nos collègues Savary, Delattre et Delahaye tiennent des propos complètement contradictoires.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Chacun ses contradictions !

M. Thierry Foucaud. M. Savary vient de nous expliquer que les maisons de champagne ne peuvent bénéficier du CICE, parce que les salaires y sont supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Tant mieux pour les salariés, mais des exemples de ce genre ne servent pas vos arguments sur le coût du travail et la compétitivité car, que je sache, l’économie du champagne se porte bien !

M. Philippe Dallier. Par définition, ce n’est pas délocalisable !

M. Thierry Foucaud. Monsieur Delahaye, je suis pour ma part sénateur depuis 1998 : j’ai toujours entendu affirmer que, si l’on n’aide pas les grands patrons, la France mourra et il n’y aura plus d’emplois ! Depuis 1998, c’est en centaines de milliards que se chiffre l’aide au grand patronat en France : voyez quelle est la situation de l’emploi aujourd’hui…

Vous évoquez les 36 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés, mais le produit de cet impôt est en baisse dans le projet de loi de finances. Par ailleurs, il faut aussi rappeler d’autres chiffres : le patronat a bénéficié de 165 milliards d’exonérations et autres cadeaux ! Ce n’est pas en distribuant toutes sortes d’aides en permanence que l’on réglera le problème de l’emploi.

Puisqu’une réforme fiscale est annoncée, il faut peut-être envisager d’aider les patrons qui créent de l’emploi, qui investissent, qui essaient de construire l’avenir de la France. Je ne suis pas opposé en bloc au patronat.

M. Thierry Foucaud. Bien sûr que non ! Aidons les patrons qui construisent la France et taxons ceux qui, avec l’argent gagné grâce à la force de travail des salariés, distribuent des dividendes et font des placements financiers. Tel est le sens dans lequel notre fiscalité doit être revue.

M. Francis Delattre. Merci, camarade !

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

M. Aymeri de Montesquiou. Personne ne pleure sur les patrons du CAC 40 ! Tout le monde est d’accord pour aider les petites entreprises, mais, aujourd'hui, avec un taux d’impôt sur les sociétés de 38 %, on les asphyxie totalement ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Comme l’a rappelé tout à l'heure notre collègue Delattre, ce sont les pays qui imposent le moins les entreprises qui créent le plus d’emplois ! Nous sommes dans une situation dramatique ! Pour en revenir au cas des maisons de champagne, monsieur Foucaud, il s’agit d’une activité qui n’est pas délocalisable !

M. Aymeri de Montesquiou. Mais la plupart des entreprises souffrent énormément : les plans sociaux s’accumulent, on a enregistré 170 000 chômeurs supplémentaires en un an… À n’en pas douter, le matraquage fiscal des entreprises est l’une des causes de cette situation !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En ce qui concerne d’abord la situation particulière des entreprises de champagne, dont nous aurons l’occasion de reparler, le Gouvernement y est attentif, monsieur Savary : nous n’avons pas mis ce sujet de côté, bien au contraire. Je tenais à vous rassurer sur ce point.

S’agissant ensuite du taux de l’impôt sur les sociétés, il est incontestablement plus élevé chez nous que chez nos voisins. Toutefois, si l’on prend en compte toute une série de mécanismes en réduisant l’assiette, de régimes d’exonération, de niches et de dérogations, le montant moyen de l’impôt sur les sociétés effectivement payé aujourd'hui par les entreprises françaises est proche, en réalité, de ce qu’il est dans plusieurs autres pays avec lesquels nous sommes en concurrence.

Il serait peut-être plus sain de simplifier la fiscalité des entreprises et de réduire le nombre d’exceptions, pour que les règles s’appliquent de façon beaucoup plus simple et uniforme. Le débat pourra être approfondi à l’occasion des Assises de la fiscalité.

Concernant la surtaxe d’impôt sur les sociétés, que vous aviez instaurée, je rappelle que l’idée de la majorer est née des discussions que nous avons eues avec le MEDEF, qui préférait cette solution à la création d’une taxe sur l’excédent brut d’exploitation.

Je reconnais que réduire les déficits publics appelle des efforts, de la part des ménages, des entreprises et de l’État. Incontestablement, ces efforts sont assumés. Cependant, ne noircissons pas un paysage déjà suffisamment obscurci par la situation économique dont nous avons hérité, due à la crise, certes, mais aussi à des choix faits par la droite.

M. Éric Doligé. Assez de ce discours ! Il ne fallait pas prendre le pouvoir…

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quoi que vous en disiez, si l’on met en regard de la surtaxe d’impôt sur les sociétés le CICE et d’autres mesures d’allégement, il apparaît que le présent projet de loi de finances est favorable à la restauration des marges des entreprises, donc à la compétitivité et à l’emploi ! Vous pouvez envisager la question sous tous les angles, en matière d’évolution de la fiscalité, le solde est positif pour les entreprises, à hauteur d’environ 12 milliards d’euros.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-374 et I-458.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 76 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 170
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, vous avez annoncé 346 votants. J’aimerais savoir comment les sénateurs du groupe écologiste ont pu voter, alors qu'aucun d’entre eux n’est présent dans l’hémicycle depuis ce matin.

M. Éric Doligé. Le Sénat ne les intéresse plus !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi ne posez-vous pas la même question au sujet des sénateurs non inscrits ?

M. Vincent Delahaye. Ils sont moins nombreux !

Mme la présidente. Mon cher collègue, Jean-Vincent Placé a donné mandat au groupe socialiste pour plusieurs scrutins, dont celui auquel il vient d’être procédé.

Mme la présidente. L'amendement n° I-375, présenté par MM. du Luart, Delattre, de Montgolfier, de Legge et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le taux :

10,7 %

par le taux :

8 %

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-375.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 77 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 170
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, je pense qu’il y a une erreur. Vous avez annoncé un nombre de votants identique pour les deux derniers scrutins, alors que M. Jarlier n’a pris part qu’au scrutin n° 77.

Mme la présidente. Nous allons procéder aux vérifications nécessaires, mais, en tout état de cause, cela ne changera rien au résultat du vote.

Je mets aux voix l'article 10.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 78 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 176
Contre 169

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2014, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 10.

Article 10
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2014
Article 11

Articles additionnels après l’article 10

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° I-93, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le I de l’article 212 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« I. - Lorsque le montant des intérêts déductibles servis par une entreprise excède simultanément au titre d'un même exercice les deux limites suivantes :

« a) 3 millions d'euros ;

« b) 66 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l'issue du contrat, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014. La fraction des intérêts excédant la limite visée au b ne peut être déduite au titre de cet exercice. Ce taux est fixé à 50 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015 et à 30 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016. »

II. - Le I de l’article 223 B bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« I. - Lorsque le montant des intérêts déductibles servis par un groupe excède simultanément au titre du même exercice les deux limites suivantes :

« a) 3 millions d'euros ;

« b) 66 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l'issue du contrat, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014. « La fraction des intérêts excédant la limite visée au b ne peut être déduite au titre de cet exercice. Ce taux est fixé à 50 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015 et à 30 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016. »

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Pour rédiger cet amendement, nous nous sommes inspirés d’une recommandation du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires portant sur la fiscalité des entreprises. Sous certains aspects, notre dispositif se situe dans le prolongement de l’œuvre déjà entreprise en matière de charges financières déductibles du résultat sur le modèle allemand. Il vise donc à plafonner la déductibilité des intérêts servis par une entreprise au titre d’un même exercice à 66 % du résultat brut avant impôt, dans la limite de 3 millions d’euros.

Sur le fond, nous souhaitons prolonger l’effort accompli par la législation existante pour renforcer les fonds propres des entreprises, à partir soit de l’émission de titres de créance nouveaux, soit de l’affectation prioritaire des résultats en report à nouveau et en consolidation des réserves inscrites au passif du bilan.

La mesure que nous proposons ici est évidemment une mesure de rendement. En effet, le passage de 85 % à 75 % de déductibilité étant générateur, selon l’évaluation des voies et moyens, d’une rentrée complémentaire de 1,3 milliard d’euros environ, il n’est pas interdit de penser que le fait d’abaisser le taux à 66 % procurera environ 1 milliard d’euros de recettes complémentaires, toujours utiles pour faire face au déficit des comptes publics. Au demeurant, persévérer dans la voie d’une moindre déductibilité des charges financières constitue, à notre avis, une bonne manière de modifier un certain nombre de pratiques des entreprises en matière de gestion.

Le dépôt de cet amendement est aussi pour nous l’occasion de poser à nouveau une question clé, celle de l’accès au crédit des PME. Force est de constater, à la lumière des dernières informations fournies par la Banque de France, que la distribution du crédit aux entreprises dans notre pays continue d’être extrêmement sélective et que, malgré la distribution de 800 milliards d’euros, plus de 200 milliards d’euros de crédits disponibles pour l’activité ne sont aujourd’hui pas mobilisés. L’autre problème réside dans le fait que plus de 40 % de ces crédits à l’économie concernent l’immobilier, et lui seul.

En clair, mes chers collègues, c’est un amendement puissamment incitatif que nous vous demandons d’adopter.

M. le président. L'amendement n° I-130, présenté par MM. Dallier, Delattre et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article 212 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. - Les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise non membre d’un groupe, au sens de l’article 223 A, sont intégralement réintégrées au résultat. » ;

2° Le II est abrogé ;

3° Au III, les références : « des I et II » sont remplacés par les références : « du I ».

II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du même code.

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Bien qu’étant en discussion commune, notre amendement a un objet exactement contraire à celui qui vient d’être présenté puisque nous souhaitons revenir sur la disposition introduite dans le projet de loi de finances pour 2013 visant à limiter la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.

Cette disposition, qui va encore se durcir cette année et lors des exercices ultérieurs, nous avait été présentée comme devant améliorer le rendement fiscal et inciter les entreprises à renforcer leurs fonds propres. Si ce dernier objectif est louable, il n’est pas simple à atteindre et, en tout état de cause, cela ne se décrète pas. Imaginer que les entreprises empruntent pour le plaisir est quelque peu curieux !

Notre collègue Savary montrera, comme il a commencé à le faire avant la suspension de séance, que cette disposition a des effets absolument pervers pour un certain nombre d’entreprises. Voilà pourquoi nous proposons de rendre entièrement déductibles les intérêts d’emprunt, comme c’était le cas auparavant.

M. le président. L'amendement n° I-5, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article 212 bis et de l’article 223 B bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les mots : « égale à 15 % de leur montant » sont remplacés par les mots : « de leur montant définie en fonction de la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans, constatée au quatrième trimestre de l’année précédant l’exercice au titre duquel l’impôt est dû, conformément au tableau suivant » ;

2° Il est ajouté un tableau ainsi rédigé :

Moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d’une durée initiale supérieure à deux ans

Fraction des charges financières réintégrée au résultat

Inférieur ou égal à 4 %

25 %

Supérieur à 4 % et inférieur ou égal à 5 %

22 %

Supérieur à 5 % et inférieur ou égal à 6 %

18 %

Supérieur à 6 %

15 %

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement porte lui aussi sur la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt, mesure qui a été adoptée l’an passé. Selon moi, ce plafonnement est pleinement justifié, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, la limitation de la déductibilité contribue à corriger le différentiel de taux effectif d’imposition entre les PME et les grands groupes, qui sont ceux qui utilisent le plus cette mesure pour réduire leurs impôts.

M. Francis Delattre. C’est normal !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ensuite, elle incite les entreprises à recourir à leurs fonds propres plutôt qu’à l’endettement pour se financer.

M. Gérard Longuet. Si elles le peuvent !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Avec la crise financière, nous avons tous dit que les entreprises devaient limiter leur endettement. Cette mesure va exactement dans ce sens.

Enfin, je n’ai pas besoin de vous le rappeler, ce dispositif participe au redressement des finances publiques puisqu’il rapporte 4 milliards d’euros au budget de l’État.

L’amendement que je propose vise donc non pas à remettre en cause le principe du plafonnement, mais à lisser son application sur le long terme. Aujourd’hui, heureusement pour les entreprises, les taux d’intérêt sont bas. Or s’ils venaient à remonter, les charges d’intérêt feraient de même et, du fait du plafonnement de la déductibilité, les entreprises paieraient à la fois davantage d’intérêts d’emprunt et d’impôts.

Grâce à la réduction de la fraction d’intérêts non déductibles en cas de hausse des taux d’intérêt, l’impôt payé par les entreprises serait ainsi relativement stable, comme le rendement pour l’État. Ce dispositif vise donc à sécuriser les entreprises, notamment les PME et les entreprises de taille intermédiaire, telles que les maisons de champagne, que nous allons évoquer dans quelques instants avec l’examen d’une série d’amendements.

M. le président. Le sous-amendement n° I-537, présenté par MM. Arthuis, de Montesquiou, Jarlier, Delahaye, Zocchetto et Maurey, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

I. - Amendement n° I-5

A. - Après l'alinéa 6

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. - Le II des mêmes articles 212 bis et 223 B bis est ainsi rédigé :

« II. - Le I s’applique lorsque le montant total des charges financières nettes de l'entreprise est supérieur à 3 millions d'euros ou lorsque l’entreprise compte moins de 250 salariés. »

B. - Alinéa 7

Remplacer la référence :

du I

par les références :

des I et I bis

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Je rappelle à mon tour que les entreprises n’empruntent pas pour le plaisir. Certes, il peut exister des montages financiers qui font que certains grands groupes peuvent avoir intérêt à emprunter plutôt qu’à investir des fonds propres. Cependant, pour la plupart des entreprises, notamment les PME, les fonds propres étant ce qu’ils sont, il est bien souvent nécessaire d’emprunter pour investir. Refuser la déductibilité fiscale des charges financières revient donc à aller à l’encontre de l’effort d’investissement nécessaire pour notre pays.

Cela étant dit, ce sous-amendement à l’excellent amendement du rapporteur général, qui tient compte de l’évolution éventuelle des taux effectifs globaux sur les emprunts, vise à exonérer de cette limitation de la déductibilité toutes les entreprises de moins de 250 salariés. Ce dispositif répond à l’exigence d’assurer aux PME, qui sont l’un des poumons de notre économie, des garanties de consolidation financière en période de crise. Il s’agit d’une mesure de relance de la compétitivité et de renforcement du tissu économique national.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission est par principe en désaccord avec l’amendement n° I-93. C’est pourquoi j’en demande le retrait. Son adoption aurait un effet procyclique et un rendement inférieur au dispositif actuel : aligner le dispositif français sur celui en vigueur en Allemagne ferait baisser les recettes de l’État de 1 milliard d’euros. Dans ces conditions, le système allemand, que le Gouvernement avait étudié lorsqu’il a préparé la réforme de la déductibilité des charges financières l’an passé, ne peut être une référence.

L’adoption de l’amendement n° I-130 entraînerait une perte de 4 milliards d’euros pour les caisses de l’État. Dans le contexte actuel, monsieur Dallier, vous aurez sans doute intuitivement compris que ce n’est pas souhaitable.

M. Francis Delattre. On va vous expliquer !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je sais que vous avez comme nous le souci de l’équilibre budgétaire et que celui-ci puisse être atteint rapidement. C’est pourquoi je ne doute pas que vous jugerez opportun de retirer cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

Le sous-amendement n° I-537 va dans le sens de l’amendement que j’ai défendu. Cependant, il est peut-être souhaitable de ne pas aller aussi loin, la protection des PME étant déjà en grande partie assurée par le plancher existant de 3 millions d’euros de charges financières. Le sous-amendement de nos collègues du groupe UDI-UC étant déjà satisfait par le dispositif en vigueur, je pense qu’il serait préférable de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. L’adoption des amendements nos I-93 et I-130, même s’ils n’ont pas le même objet, aura la même conséquence : un coût élevé pour les finances publiques.

M. Francis Delattre. Matraqueur !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est la conclusion que j’en tire, non pas intuitivement, mais objectivement, compte tenu de l’état actuel des comptes publics.

Incontestablement, la déductibilité des charges financières encourage beaucoup l’endettement et ne stimule pas suffisamment le recours aux fonds propres.

M. Gérard Longuet. Il faut un excédent brut d’exploitation !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est en outre le principal élément discriminant entre les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises en termes de taux implicite d’imposition, ce qui explique l’intérêt de fixer un plancher à 3 millions d'euros pour les PME.

Le Gouvernement souhaite réorienter la fiscalité pour pousser les entreprises à investir en fonds propres plutôt que de recourir à l’emprunt. Nous nous employons aussi à protéger le plus possible les petites et moyennes entreprises.

Le dispositif que nous proposons nous paraît équilibré. En revanche, le taux de plafonnement flottant envisagé par le rapporteur général nous semble complexe à mettre en œuvre. C’est pourquoi je demande également le retrait de l’amendement n° I-5.

Je le répète, l’administration de Bercy est prête à lancer une réflexion sur la manière d’aménager le dispositif dans les secteurs qui rencontrent des problèmes spécifiques. Je pense, par exemple, aux stocks de champagne. Nous sommes ouverts à la discussion avec vous-même, monsieur le rapporteur général, et avec tous les parlementaires qui nous ont saisis de ces questions, afin qu’aucun secteur ne soit pénalisé. Il nous faudra aussi veiller à ce que l’éventuel calibrage tienne la route sur le plan juridique pour éviter de nous exposer aux remarques de la Commission européenne.

M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-93 est-il maintenu ?

M. Thierry Foucaud. Je sais que vous pouvez vous tromper, monsieur le rapporteur général, mais il n’est pas dans votre habitude de mentir.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Merci ! (Sourires.)

M. Thierry Foucaud. Nous retirons donc l’amendement. Toutefois, il faudra se souvenir de sa philosophie pour la suite.

M. le président. L'amendement n° I-93 est retiré.

M. Philippe Marini. J’en reprends le texte.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-93 rectifié, présenté par M. Marini, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° I-93.

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur le sous-amendement n° I-537.

M. Vincent Delahaye. J’ai entendu l’argument du rapporteur général sur l’existence d’un plancher de 3 millions d'euros. Sans avoir en tête tous les bilans, je pense qu’un certain nombre d’entreprises françaises de moins de 250 salariés supportent des charges financières supérieures à cette somme. J’aimerais donc bien qu’il m’apporte davantage de précisions.

La France compte au moins trois millions de petites et moyennes entreprises. Le seuil de 3 millions d'euros répond-il à notre souci de préserver l’investissement des PME sans leur faire supporter un endettement trop lourd ? Je souhaite une réponse, mais, en attendant, je retire mon sous-amendement.