M. Jean Desessard. Il est au point ?

M. Jean Bizet. Ça vient !

M. Jean-Pierre Chevènement. … si nous souhaitons atteindre un mix énergétique équilibré et fortement décarboné.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je conclus, monsieur le président.

Monsieur le ministre, l’enjeu du climat peut nous réunir. Je ne développerai pas cet aspect plus avant.

M. Jean-Pierre Chevènement. Peut également nous réunir le fait que, les prix de l’énergie restant durablement orientés à la hausse,…

M. Jean-Pierre Chevènement. … il faut mobiliser des moyens très importants pour améliorer l’efficacité énergétique du parc résidentiel existant.

Peut nous réunir la promotion de la recherche, au sujet du photovoltaïque, qui trouverait au Maghreb le terrain d’une expérimentation rentable, sans oublier la pile à combustible, ou encore l’économie de l’hydrogène, en coopération avec l’Allemagne.

Nous aboutirons à un accord si vous parvenez à dégager les crédits nécessaires.

M. Jean Desessard. Lesquels ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Mais, je vous en conjure, ne placez pas les crédits publics dans des expérimentations non rentables, qui coûtent des milliards d’euros !

M. Ronan Dantec. Alors, pas de quatrième génération ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Ne gâchez pas notre atout nucléaire, qui est une réalité !

M. Jean Bizet. Exactement !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je tiens à remercier une nouvelle fois MM. Poniatowski et Gaudin d’avoir donné au Sénat l’occasion de se pencher sur ce dossier majeur.

Pour ma part, je lance un appel pressant à la cohérence gouvernementale.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Elle fait gravement défaut !

M. Jean-Pierre Chevènement. Pour convaincre, la politique du Gouvernement doit être frappée du sceau d’une rigueur avant tout intellectuelle.

M. le président. Mon cher collègue, je vous demande de conclure.

M. Jean-Pierre Chevènement. Rien de ce que j’ai lu ne me choque dans cette proposition de résolution. La réduction de la consommation de combustibles fossiles doit être l’axe central de la politique énergétique française pour les prochaines décennies.

M. Jean-Pierre Chevènement. Cet objectif devrait nous réunir, si chacun de nous écoutait son bon sens.

À cet égard, je ne désespère pas de convaincre, sinon toute la majorité – je crains de ne pouvoir persuader M. Dantec ! –,… (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Mais M. Desessard est d’accord ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Jean-Pierre Chevènement. … du moins sa principale composante, qui se réclame encore de l’héritage des Lumières.

Monsieur le ministre, il y va de la reconquête de notre compétitivité, c’est-à-dire de l’intérêt national, tel que l’a lui-même défini le Président de la République ! (Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est une réelle vision !

Mme Évelyne Didier. Elle commence à dater…

M. Jean Bizet. La parole du RDSE porte !

Mme Évelyne Didier. Et cela nous désole !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution arrive à point nommé. Après le Grenelle de l’environnement hier et, plus récemment, le débat sur la transition énergétique, le moment est venu et attendu : où va-t-on ?

Les enjeux sont énormes et les sujets nombreux.

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, le convaincu de l’intérêt de la filière solaire que je suis – je prie ceux qui ne semblent pas l’être réellement de m’en excuser – espère que le futur projet de loi permettra d’aboutir à une politique s’inscrivant dans la durée d’une filière qui doit trouver sa place en France et en Europe.

Contrairement aux idées reçues et répandues, même dans cet hémicycle – j’ai pu le constater ce soir –, puis-je rappeler que, à l’échelon mondial, la filière solaire progresse de 20 % par an, pour une capacité de 35 gigawatts ? Les experts s’accordent à dire que, en 2020, la capacité de production annuelle sera de 70 à 100 gigawatts. Aujourd’hui, cette énergie est au prix du marché dans près de vingt pays à travers le monde. Elle le sera dans plus de deux cents États à l’horizon de 2020.

Alors que la qualité des équipements européens est déjà reconnue, dans ce domaine, à l’échelle internationale, le projet d’une alliance entre la France et l’Allemagne, dit « Airbus solaire », doit permettre à l’Europe de placer sa technologie au plus haut niveau du marché du solaire mondial. Ce projet dément le point de vue de ceux qui considèrent déjà que l’Europe doit déclarer forfait ou se mettre elle-même hors-jeu. Ayons la fierté de constater que notre major français, le groupe Total, est l’un des leaders mondiaux en la matière.

Cela étant, monsieur le ministre, je concentrerai mon propos sur un volet encore trop méconnu – j’en ai eu confirmation voilà un instant –, celui des industriels gros consommateurs et de leur place dans la transition énergétique.

La région Rhône-Alpes, dont je suis l’élu, est intimement liée à l’histoire de l’hydroélectricité. Aujourd’hui encore, elle regroupe plus de 50 % des industries électro-intensives. Vous comprendrez notre attention autant que notre préoccupation. La reprise récente du site d’aluminium de Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne par le groupe allemand Trimet qui a fait la une pendant quelques mois s’inscrit tout simplement dans cette réalité.

Oui, le rapport Gallois – ce constat a été rappelé fort utilement – place les énergies de l’industrie au rang de ses préoccupations.

Je ne vous cacherai pas la déception que j’ai éprouvée en constatant que l’industrie n’a pas trouvé sa place dans le débat relatif à la transition énergétique.

J’aurais pu évoquer l’agence régionale de l’environnement de Haute-Normandie, son évolution avec la prolongation des centrales nucléaires, ou l’importance de l’enjeu des concessions hydrauliques, dont le renouvellement doit être apprécié et constituer une opportunité. À cet égard, je m’inscris dans la droite ligne des propos développés par Ladislas Poniatowski et Jean-Claude Lenoir, et de ceux qu’a tenus à l’instant M. Chevènement.

À l’heure où tous les pays industriels mobilisent leurs capacités énergétiques en faveur de leur industrie, avec le charbon dans bon nombre de pays, y compris en Europe, ou le gaz de schiste aux États-Unis, la France serait bien inspirée de valoriser ses capacités de production plus vertueuses que tant d’autres.

La tentation est forte de la comparaison avec notre voisin allemand, qui a délibérément construit un modèle en faveur de son industrie.

L’excellent document de travail relatif à la comparaison des prix de l’électricité en France et en Allemagne, établi par la direction générale du Trésor, résume la situation dans son ensemble.

Oui, notre voisin allemand a clairement posé pour principe un prix attractif pour les gros consommateurs.

Oui, il a privilégié son industrie et fait supporter prioritairement par les consommateurs la charge fiscale et l’effort de la politique en matière d’énergies renouvelables.

Oui, l’allégement du coût des transports, contrairement à notre principe dit « du timbre-poste », est mis, en Allemagne, à la charge des consommateurs.

Vous me répliquerez qu’il s’agit là d’une philosophie toute différente. C’est vrai. Mais cette question vient d’être évoquée : l’Europe s’interroge sur ces dispositions, qui peuvent être considérées comme des aides directes.

À ce stade, je limiterai mon propos à la proposition 18 de la présente proposition de résolution. Il s’agit de l’effacement et du marché capacitaire, qui répondent directement aux préoccupations des industriels gros consommateurs et leur permettraient de réduire leur facture d’électricité de 10 % à 15 % par an tout en satisfaisant aux enjeux de la transition énergétique.

Deux chiffres suffisent à planter le décor.

Voilà un peu plus de dix ans, EDF procédait à plus de 6 gigawatts d’effacement par an. Aujourd’hui, c’est moins de la moitié.

Les États-Unis, que l’on a tendance à considérer uniquement à travers le gaz de schiste, ont depuis plusieurs années engagé une politique d’effacement qui dépasse les 10 % de leur production d’électricité, soit plus de vingt fois les volumes de l’effacement en France.

Monsieur le ministre, pour obtenir une bonne illustration, examinons la situation de la France en 2013. Je note d’emblée que cette année peut être considérée comme stable, puisque la faible progression qu’elle a enregistrée concerne essentiellement les exportations. Malgré cela, la production hydraulique a crû de plus de 19 %, tandis que les moyens thermiques ont diminué de 7 %.

Las, en dépit de cette réduction des capacités thermiques, le charbon a progressé en France de plus de 14 %. Il représente aujourd’hui la moitié de la production thermique nationale. Sur les 29 millions de tonnes de CO2 correspondant à la production d’électricité en France, 19 millions sont liés au charbon.

Parallèlement, l’effacement est tombé à l’un de ses plus bas niveaux historiques, alors que les moyens dont disposent aujourd’hui les industriels sur ce front auraient permis de compenser largement la production de charbon.

Prenons la situation d’une industrie électro-intensive spécialisée dans le silicium, directement liée au marché solaire mondial de surcroît, et dont l’énergie représente plus de 20 % des coûts : la non-mobilisation de cet effacement prive l’entreprise de sa marge d’équilibre.

Je pourrais citer de nombreux autres exemples. Il se trouve que j’ai invoqué celui-ci, car j’ai le souvenir de cet entrepreneur espagnol, qui a repris cette entreprise française bien connue sous le nom de PEM – Péchiney Électrométallurgie. Voilà quelques années, celui-ci faisait clairement état de son intérêt pour le coût de l’énergie française. Il se montrait notamment désireux de concourir à la modernisation de notre parc nucléaire.

Le hasard a voulu que je reçoive, aujourd’hui même, une coupure de presse dont je ne manquerai pas de vous transmettre copie, monsieur le ministre. On y apprend qu’il y a quelques jours à peine, ce même industriel s’est vu proposer par le Québec des conditions attractives pour implanter, sur le territoire québécois, de nouvelles usines.

On mesure tout l’intérêt de relier le problème du prix de l’énergie à la situation de notre industrie !

Or, tandis que la France persiste dans sa résistance face à l’effacement, aux États-Unis, la seule Californie mobilise plus de 200 millions d’euros pour assurer une politique efficace en la matière. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne consacrent chacune 300 millions d’euros à l’amélioration de cette efficacité énergétique. Le Japon vient, lui aussi, de s’engager dans cette démarche. Même l’Afrique s’aperçoit du bénéfice qu’elle pourrait en tirer. Le seul Cameroun, dont la capacité électrique est cent fois inférieure à celle de la France, va procéder à un effacement du même volume que notre pays.

M. Ronan Dantec. Très intéressant !

M. Jean-Pierre Vial. Est-ce un problème législatif ? Non ! Puis-je rappeler l’excellent rapport Poignant-Sido, qui en a posé le principe ? La loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », en a traduit les dispositions, puis, plus récemment, la loi Brottes en a défini les mesures d’application.

Est-ce un défaut d’outils ? Non ! Réseau de transport d’électricité a accompli un formidable travail et peut être considéré aujourd’hui comme un véritable outil de référence. Toutefois, quand vous visitez la salle de contrôle de RTE et que vous demandez pour quelles raisons on n’emploie pas des énergies propres plutôt que du charbon, on vous répond simplement que c’est une question politique, laquelle ne relève pas de l’opérateur.

Oui, monsieur le ministre, pour bénéficier de cette capacité d’effacement, une seule chose manque à notre pays. Ce n’est pas une loi. Ce ne sont pas des outils. C’est la volonté politique ! Elle permettrait à nos industries de bénéficier de ces capacités d’effacement. Sur le plan écologique, elle nous permettrait de répondre aux enjeux en termes d’émissions de CO2. Sur le plan économique, elle garantirait une réduction, pour les gros consommateurs, de 10 % à 15 % de leur facture d’électricité. Enfin, elle concourrait à l’ambition de la transition énergétique.

N’est-ce pas une belle ambition, un beau défi, que de permettre à notre industrie de participer à cette transition, en disposant d’une énergie compatible avec ses impératifs de production ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, il convient de souligner que les membres du groupe UMP ont choisi de déposer, au mois de décembre dernier, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui, alors même qu’un projet de loi de programmation sur la transition énergétique était en cours d’élaboration.

Il s’agit donc sans doute pour nos collègues de réaffirmer leurs positions avant de disposer du texte du Gouvernement qui devrait être soumis prochainement au Parlement. Espérons qu’il ne s’agisse pas, à ce titre, de fermer la porte à tout débat, avant même de connaître le contenu de ce projet de loi !

Vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste ne voteront pas cette proposition de résolution, qui prend acte de divers choix en matière de politique énergétique avant même que nous soit soumis le projet de loi qui décidera de l’avenir énergétique de la France.

Ce texte en préparation a donné lieu à de nombreux travaux préalables, notamment dans le cadre de la dernière conférence environnementale et des huit groupes de travail du Conseil national sur la transition énergétique, installé à la fin de l’année 2012.

Chaque groupe a ainsi remis un rapport sur un thème circonscrit, tels que les orientations en matière d’efficacité énergétique, la trajectoire permettant d’atteindre le mix énergétique, les choix concernant les énergies renouvelables, ou encore les coûts et le financement de la transition énergétique.

La présente proposition de résolution vise deux objectifs que nous pouvons partager : la réduction de la dépendance aux énergies fossiles et la limitation des rejets de gaz à effet de serre.

Elle accorde la priorité à la production d’électricité et soutient donc la prolongation de la durée d’exploitation du parc nucléaire et la poursuite du programme EPR comme du programme relatif aux réacteurs de quatrième génération.

Pour préserver l’indépendance de notre pays tout en diversifiant nos sources d’énergie, il ne paraît pas opportun de diminuer nos capacités de production électrique. L’objectif de réduction de la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans le mix énergétique d’ici à 2025 semble, dans ce contexte, difficile à atteindre.

Dans le même temps, il faut favoriser la montée en puissance des énergies renouvelables, en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur. C’est bien ce qu’a décidé le Gouvernement, monsieur le ministre, puisque vous soutenez les filières industrielles innovantes.

Toutefois, la Commission européenne a décidé de réévaluer les aides d’État dans le secteur de l’énergie, et a suggéré plusieurs pistes de réforme, dont les lignes directrices devraient entrer en vigueur au mois de juillet prochain.

Elle souhaite limiter le financement public accordé aux énergies renouvelables au strict nécessaire, afin que les mécanismes de soutien soient mieux ciblés, prennent en compte le degré de maturité des différentes technologies et se transforment progressivement en primes, plus respectueuses des mécanismes de marché.

Dans ce contexte, vous avez engagé, monsieur le ministre, une large consultation à propos des outils de soutien aux énergies renouvelables. Cet effort, qui est réalisé en association avec le ministère du redressement productif et qui constitue également un enjeu des trente-quatre plans industriels, a été réorienté en fonction de la situation des filières, accordant la priorité à l’éolien maritime, à l’hydrolien, au biogaz, ou encore à l’hydrogène.

Nous devons aussi tenir compte du rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective publié au moi de janvier dernier, qui est très critique quant à la politique énergétique européenne, et en dénonce toutes les incohérences. Selon ce document, le monde ne s’est toujours pas mis en ordre de marche pour préserver le climat de la planète.

Le recours au charbon s’est accru, notamment chez nos voisins allemands, qui ont fortement augmenté leurs émissions de gaz à effet de serre en 2012. Il en va de même pour le lignite, qui est un charbon plus polluant, mais dont l’Allemagne dispose de réserves pour trois cents ans. Elle utilise donc ses propres ressources, même si celles-ci émettent du CO2, et remplace les centrales nucléaires par des centrales au charbon ou au lignite.

La politique européenne n’a pas permis de conférer de la visibilité au sujet du prix du carbone et de fournir ainsi aux industriels un cadre propice aux investissements de long terme. Il s’agit d’un lourd échec, emportant la perte de gisements d’emplois dont nous avons tant besoin à l’échelle de l’Europe.

Il est confirmé par les hausses des prix de détail de l’électricité que les ménages européens ont subies de plein fouet, notamment depuis cinq ans : 27 % d’augmentation environ. En Allemagne, les tarifs ont doublé en dix ans, et constituent, comme en Espagne, un problème politique majeur.

En effet, si la recherche sur les énergies renouvelables doit être soutenue et le développement de celles-ci encouragé, ces énergies ne sont, aujourd’hui, pas suffisamment compétitives pour remplacer nos ressources existantes. L’Allemagne en a fait l’expérience : malgré les efforts qu’elle a fournis, les énergies renouvelables n’y occupent qu’un rang modeste, inférieur, d’ailleurs, à celui du nucléaire, ce qui contribue à renchérir le coût de l’électricité domestique.

Finalement, le rapport précité souligne que ni la sécurité d’approvisionnement, ni la préservation de la compétitivité européenne, ni la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre grâce à une meilleure efficacité énergétique et au recours aux énergies renouvelables ne sont assurés. À vrai dire, la politique européenne de l’énergie apparaît condamnée à l’échec si elle ne s’appuie que sur les mécanismes de marché.

Nous avons besoin d’une véritable politique de l’énergie qui permettra d’engager l’Union européenne vers la transition énergétique, tout en assurant le haut niveau d’investissement requis et en garantissant des perspectives d’emploi. La France et l’Allemagne y travaillent et ont décidé de coordonner les processus de transition énergétique qu’elles ont mis en œuvre, afin d’accroître la compétitivité de leur système énergétique, d’engager leur décarbonisation progressive et de renforcer leur sécurité d’approvisionnement, de même que celle de l’Europe.

Certes, la France, grâce à ses choix énergétiques, peut encore aujourd’hui garantir les tarifs les plus bas du marché européen. Elle reste toutefois dans une situation de dépendance quasi totale vis-à-vis des fournisseurs extérieurs en pétrole et en gaz. En 2013, la facture énergétique de notre pays, atteignant 66 milliards d’euros, a battu un record.

La production française de pétrole représente actuellement un peu plus de 1 % de la consommation nationale et la production de gaz correspond à 1,4 % de la consommation. Cette situation doit amener notre pays à s’orienter vers le développement des énergies qui relèvent de son fait et à privilégier les énergies n’émettant pas de CO2, afin d’éviter les rejets dans l’atmosphère.

Enfin, on ne peut contester la priorité accordée à la maîtrise de la consommation d’énergie dans la présente proposition de résolution. Cette nécessité de réduire la consommation finale d’énergie doit conduire à mobiliser tous les leviers de la transition énergétique. À cette fin, il convient, notamment, d’améliorer l’efficacité énergétique des processus de production, des biens de consommation, ainsi que des secteurs du bâtiment et des transports.

Le Gouvernement a engagé, à cet effet, un plan de rénovation énergétique de l’habitat : les passeports de la rénovation énergétique et le fonds de garantie des prêts sont en cours d’élaboration, le programme d’investissements d’avenir consacrera 2,3 milliards d’euros à de nouvelles actions, et le dispositif des certificats d’économie d’énergie sera reconduit.

En conclusion, la question complexe de la transition énergétique ne peut être réduite aux seuls effets écologiques. Si la réduction de la consommation et la lutte contre le réchauffement climatique constituent des enjeux majeurs, nous devons également considérer la dimension économique, la conservation de l’emploi et la réduction des déficits publics.

On ne peut cantonner, surtout, la transition énergétique à une dimension seulement nationale. Notre pays comptant 65,5 millions d’habitants alors que la population mondiale s’élève à 7 milliards, nous devons convaincre les grandes puissances et les grands pays émergents de réaliser cette transition, faute de quoi nos efforts produiront peu d’effets sur le phénomène planétaire du réchauffement climatique.

Agissons d’abord à l’échelon niveau européen ! Un véritable volontarisme politique est nécessaire pour consolider l’Union européenne et lui permettre de mettre en œuvre ses choix pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre Chevènement ayant, dans ses propos percutants,…

M. Daniel Raoul. Comme à son habitude !

M. François Fortassin. … évoqué la transition énergétique, je n’y reviendrai pas et me bornerai à évoquer l’énergie hydraulique.

MM. Jean-Jacques Mirassou et Roland Courteau. Très beau sujet !

M. François Fortassin. Elle représente environ 12 % de la production d’électricité et 80 % de la production d’électricité d’origine renouvelable.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. François Fortassin. Elle est la plus mature et la plus compétitive de nos énergies renouvelables, essentielle à la gestion des pointes de consommation. En outre, elle peut être stockée. En clair, les pouvoirs publics devraient soutenir une telle filière, au regard de l’intérêt stratégique qu’elle représente.

Aujourd’hui, cette filière rencontre un problème : le renouvellement des concessions.

M. François Fortassin. Voilà deux ans, au nom du RDSE, j’avais proposé un amendement à ce sujet, qui avait été adopté par le Sénat, et entériné lors des travaux de la commission mixte paritaire. Ses dispositions font donc maintenant partie de la loi. Or nous ne voyons rien venir dans ce domaine, alors même que ces concessions font perdre de l’argent à l’État, accessoirement, mais aussi aux départements et aux communes sur lesquelles sont implantés ces équipements.

M. Daniel Raoul. Mais pas à tout le monde pour autant !

M. François Fortassin. Peut-être, mais les propriétaires d’une maison située sous un barrage sont eux aussi concernés : ils auront plus de difficultés que d’autres à vendre leur bien.

Ce fait non négligeable me conduit à affirmer que l’État serait bien inspiré de renouveler ces concessions. Bien qu’ils entretiennent d’excellentes relations avec lui, les départements et les communes seraient parfaitement fondés, selon moi, à attaquer l’État pour manquement à la loi, et ils ne voudraient pas en arriver là.

Pour un certain nombre de départements et de communes, les sommes en cause ne représentent pas des queues de cerise ! Il s’agit de 500 000 ou 600 000 euros ! Or ils ne peuvent pas se le permettre, par les temps qui courent !

Enfin, on ne peut pas se satisfaire de voir EDF, l’un des fleurons de notre industrie et sans doute le groupe français qui dégage le plus de bénéfices, tailler des croupières à ses concurrents sur le plan européen mais refuser de se lancer dans la concurrence en France. Malgré nos excellentes relations avec EDF, la loi doit être appliquée ! Monsieur le ministre, et nous nous accorderons sur ce point, l’État se doit d’être exemplaire ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en premier lieu, de saluer l’initiative prise par Ladislas Poniatowski de présenter cette proposition de résolution relative à la transition énergétique, que je voterai, bien évidemment. L’examen de ce texte est pour moi l’occasion de vous poser un certain nombre de questions, monsieur le ministre.

Ce débat est essentiel, car il se situe au cœur des deux chantiers prioritaires annoncés en ce début d’année 2014 par le Président de la République : la compétitivité et l’emploi.

Ce débat est légitime, car il prend place au cœur des grandes missions d’analyse et de prospective que mène la Haute Assemblée.

Vous ne serez pas surpris que mon propos traite essentiellement de la filière nucléaire française. À ce sujet, je me permets de vous signifier ma totale incompréhension eu égard à vos récentes déclarations, prononcées à l’occasion de la nomination du nouveau délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim.

Notre filière nucléaire, faut-il vous le rappeler, est incontestablement créatrice d’emplois et de valeur ajoutée économique dans la compétition mondiale acharnée que nous vivons ; Jean-Pierre Chevènement l’a vigoureusement fait remarquer. Elle représente 125 000 emplois directs et 4 % de l’emploi industriel en France. La construction d’un EPR entraîne, quant à elle, la création de plus de 8 000 emplois pérennes.

Mieux encore, de grands groupes industriels mondiaux choisissent la France comme lieu stratégique d’implantation dans le cadre de leur développement européen, car le coût de leur production y est très compétitif ; Jean-Pierre Vial l’a rappelé tout à l'heure. Je parle, en matière de compétitivité, non pas de nos coûts sociaux, toujours très élevés, mais bien de ceux de l’électricité qui restent parmi les plus bas du monde grâce, précisément, à notre atout nucléaire.

Que dire encore de notre fleuron mondial EDF, qui vient de signer un accord historique pour la construction de deux EPR en Grande-Bretagne ? Le marché nucléaire d’outre-Manche est ainsi devenu le premier en Europe. Notre voisin est aussi annoncé comme étant le pays d’Europe où la croissance économique sera la plus forte à l’horizon 2020, devançant l’Allemagne elle-même. Faut-il y avoir une relation de cause à effet ? Il est permis de le penser.

Si la France a choisi, hier, d’avoir recours à l’énergie nucléaire, il ne faudrait pas aujourd’hui – Jean-Claude Lenoir le rappelait excellemment – fragiliser cette filière sous couvert d’une fausse modernité. Mais peut-être est-ce là le prix à payer d’un accord politique visant à assurer la cohésion ou la cohérence d’un équilibre gouvernemental bien fragile ?

Nous bénéficions, grâce à l’énergie nucléaire, d’un taux d’indépendance énergétique de 50 %, contre 20 % ou 25 % pour nos voisins allemands, italiens ou belges. Cette indépendance est allée de pair avec le développement du parc nucléaire en seulement dix ans, entre 1980 et 1990.

Monsieur le ministre, à l’heure où la balance commerciale française affiche des signes de faiblesse, pourquoi vouloir se priver d’une source d’énergie qui, mécaniquement, renforce les exportations françaises ?

Les exportations françaises en matière d’équipements et de services nucléaires représentent un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 6 milliards d’euros. Le solde des échanges d’électricité de la France avec ses voisins, essentiellement du nucléaire, est structurellement excédentaire de plus de 2 milliards d’euros par an en moyenne. Enfin, le recours au nucléaire permet d’éviter des importations additionnelles coûteuses d’hydrocarbures, qui contribueraient encore à dégrader la balance commerciale de notre pays.

Pourquoi, encore, vouloir se priver d’une source d’énergie qui joue un rôle majeur dans le maintien de notre industrie et, tout particulièrement, des gros consommateurs dits « électro-intensifs » ? Cet enjeu est si important que Louis Gallois, dans le rapport que lui a précisément demandé le Gouvernement et qui est devenu une référence, n’a pas manqué de retenir cette industrie au titre des priorités de l’avenir.

En outre, toute entrave à cette filière pour des considérations purement politiques ne saurait produire que des effets négatifs dans deux domaines pour lesquels l’excellence française est reconnue : la sûreté nucléaire et le développement du projet ITER, dont le choix d’implantation sur le site de Cadarache tient à la qualité de notre expertise scientifique et technologique. À cet égard, je suis persuadé que notre collègue Didier Guillaume partagerait ce point de vue.

Si l’énergie nucléaire est un formidable atout pour notre pays, nous devons, j’en conviens aussi, soutenir le développement des énergies renouvelables au travers de la transition énergétique. Et c’est précisément en maintenant, voire en développant, le nucléaire que l’on pourra mieux encore faire émerger le développement de ces énergies renouvelables.

Monsieur le ministre, notre collègue Jean-Claude Lenoir, avec un certain humour, vous a invité à « sortir de l’ambiguïté ». Aussi, pour vous y aider et ne pas vous laisser dans l’embarras, permettez-moi de vous poser, en conclusion, cinq questions.

Premièrement, soutenez-vous la position de votre collègue, le ministre du redressement productif, lorsqu’il déclare que le nucléaire est une filière d’avenir ?

Deuxièmement, êtes-vous d’accord avec le Président de la République, qui souhaite fermer d’ici à 2016 la centrale de Fessenheim ?

Troisièmement, où est la cohérence après que l’Autorité de sûreté nucléaire a délivré son avis sur la sécurité de ce site ?

Quatrièmement, quelle est votre définition de la transition énergétique ? Doit-elle s’appréhender sous le seul angle national ou, mieux encore, à l’échelon européen ?

Cinquièmement, enfin, l’ensemble du bouquet énergétique doit-il être corrélé malgré tout avec un marché du carbone ? Compte tenu de l’effondrement des prix, allez-vous repenser ce marché sous l’angle d’un marché d’anticipation au travers de la création d’une banque du carbone au plan européen ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)