M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Je souhaite remercier les différents intervenants et souligner encore une fois la qualité du travail réalisé par la commission, en particulier par Mme la rapporteur.

La simplification recherchée, nous la trouvons dans ce texte.

M. Bizet, intervenant au nom du groupe UMP, a fait un certain nombre de remarques.

M. Charles Revet. Une excellente intervention !

M. François Rebsamen, ministre. Nous ne désespérons pas de parvenir à le convaincre qu’aucun risque d’inconstitutionnalité ne pèse sur les articles 6 bis et 7.

Nous partageons un même objectif, qui a été fort bien résumé par Roland Ries : la lutte contre le dumping social. À cet égard, la rapidité de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour des assemblées ainsi que le travail qui a été mené sur ce sujet tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat honorent le Parlement, et je souscris aux propos qu’a tenus M. Vanlerenberghe à ce sujet.

Des cotisations sociales identiques dans tous les pays, c’est un beau rêve, une belle ambition. Cela ne pourra se faire que par le haut, et non par le bas, car il est important que les nombreux travailleurs français détachés puissent bénéficier de la protection sociale de leur pays d’origine.

Vous avez réalisé, monsieur Bocquet, un travail considérable sur cette question, et vous avez bien voulu saluer l’avancée que représente cette proposition de loi. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait ! Le SMIC n’est pas forcément une obligation ; on peut trouver une autre solution, et même la souhaiter.

Je veux remercier Catherine Génisson et Claude Jeannerot de leurs interventions sur l’Europe sociale et saluer, à cette occasion, comme l’a fait notamment Mme Laborde, le travail effectué par Michel Sapin pour résister au niveau européen. Cela montre qu’il est possible d’obtenir des avancées, puis de les transposer dans le droit français.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale

Chapitre Ier

Dispositions générales modifiant le code du travail

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1262-2, il est inséré un article L. 1262-2-1 ainsi rédigé:

« Art. L. 1262-2-1. – I. – L’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues à l’article L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse préalablement au détachement à l’inspection du travail du lieu où s’effectue la prestation, ou du premier lieu de l’activité si elle doit se poursuivre dans d’autres lieux, une déclaration.

« II. – L’employeur mentionné au I désigne un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents mentionnés à l’article L.8271-1-2 pendant la durée de la prestation. » ;

2° Après l’article L. 1262-4, sont insérés des articles L. 1262-4-1 et L. 1262-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1262-4-1. – Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 vérifie auprès de ce dernier avant le début du détachement qu’il s’est acquitté des obligations mentionnées aux I et II de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1262-4-2. – L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas au particulier qui contracte avec un prestataire de services établi hors de France, pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. » ;

3° L’article L. 1262-5 est complété par des 4°, 5° et 6° ainsi rédigés :

« 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l’article L. 1262-2-1 ;

« 5° Les modalités selon lesquelles sont effectuées les vérifications prévues à l’article L. 1262-4-1 ;

« 6° Les modalités de mise en œuvre des dispositions de l’article L. 1264-3. » ;

4° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie du code du code du travail est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Amendes administratives

« Art. L. 1264-1. – La méconnaissance par l’employeur qui détache un ou plusieurs salariés d’une des obligations mentionnées à l’article L. 1262-2-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3.

« Art. L. 1264-2. – La méconnaissance par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre d’une des obligations de vérification mentionnées à l’article L. 1262-4-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3, lorsque son cocontractant n’a pas rempli au moins l’une des obligations lui incombant en application des dispositions de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1264-3. – L’amende administrative mentionnée aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2 est prononcée par l’autorité administrative compétente, après constatation par un des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par salarié détaché et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende. Il ne peut être supérieur à 10 000 euros.

« Pour fixer le montant de l’amende, l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été largement souligné, un grand nombre de nos entreprises souffrent de concurrence déloyale du fait du détachement des travailleurs dans l’Union européenne.

Ces difficultés concernent, certes, l’ensemble de notre pays, mais elles sont particulièrement ressenties dans les zones frontalières. En tant qu’Alsacien, à l’instar de Roland Ries, je suis bien placé pour en parler. Ainsi, depuis de nombreuses années, les entreprises de la bande rhénane alsacienne sont régulièrement confrontées à la concurrence d’entreprises allemandes qui utilisent des travailleurs détachés, la plupart du temps en provenance des pays de l’Est, à des conditions tarifaires dérisoires, et je pèse mes mots !

En effet, du seul fait de l’affiliation au système de sécurité sociale du pays d’origine, l’économie réalisée par le recours à ces travailleurs peut représenter jusqu’à 30 % du coût salarial.

À cela s’ajoutent des salaires souvent considérablement plus bas que chez nous. En effet, comme vous le savez, il n’existe pas de SMIC en Allemagne, et la Cour de justice de l’Union européenne a estimé impossible d’exiger des entreprises de détachement une adhésion à des conventions collectives qui ne sont pas d’application générale.

De nombreux secteurs sont concernés, en particulier le bâtiment. Dans l’agriculture, il est affligeant de voir à quel point les distorsions de concurrence sont fortes entre les planteurs d’asperges alsaciens et ceux d’outre-Rhin, qui sont installés à seulement un kilomètre de chez nous. Le coût du travail est bien différent de part et d’autre de la frontière, et il ne reste à nos exploitants récoltants que leurs yeux pour pleurer... Mais je pourrais citer bien d’autres domaines d’activité.

Je ne reviendrai pas sur le diagnostic, me contentant de souligner que la proposition de loi qui nous est soumise tend à apporter une réponse intelligente au détournement des deux directives concernées, la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs et la directive Bolkestein.

Je suis satisfait, à titre personnel, que ce texte reprenne des mesures issues de l’accord des ministres européens du 9 décembre dernier, telle la responsabilité solidaire. Il est en effet nécessaire d’instaurer une obligation pour le donneur d’ordre de s’assurer de la régularité de l’entreprise prestataire, sous peine de responsabilité solidaire pour le paiement des salaires.

Il me semble, aussi, extrêmement important d’engager la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés, et non plus seulement en cas de défaut de paiement des salaires. Tel est l’objet de cet article 1er, dont je me félicite.

J’ajouterai un mot sur la mise en place d’une liste noire d’entreprises indélicates.

Je suis de ceux qui considèrent qu’il faut revenir sur le montant minimal de 15 000 euros. Pourquoi ce seuil et pas un autre ? Dès lors que le délit est consommé, il me paraît normal que l’entreprise qui a pris le risque figure sur cette liste noire ! J’y reviendrai.

Pour autant, monsieur le ministre, permettez-moi de dire, à mon tour, mon regret que ne puisse être imposée à l’avenir l’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’accueil pour les travailleurs détachés, sauf si le droit du pays d’envoi est plus favorable. C’est en effet de cette question que sont nées l’absence de transparence, puis la montée de la fraude, inacceptable, pratiquée par certaines entreprises étrangères qui se contentent de présenter aux contrôleurs et aux inspecteurs du travail une attestation sur l’honneur selon laquelle elles ont payé des cotisations sociales à l’étranger.

L’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’envoi est à l’origine de tous ces abus.

En conclusion, mes chers collègues, je soutiens la volonté de prendre de l’avance sur la future réglementation européenne. Je suis tout à fait favorable au fait de border le dispositif de responsabilité solidaire. En Alsace, nous sommes particulièrement attentifs à cette difficulté.

Il est toutefois à craindre que, malgré ce dispositif, le dumping social ne continue, tout simplement parce que le coût du travail est trop élevé dans notre pays. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur ce problème majeur, qui est à l’origine du dumping social. C’est cela qui conduit nos entreprises à mettre en œuvre toutes les démarches possibles pour remédier à l’importance de ce coût.

Sur ce point, monsieur le ministre, les mesures prises par le Gouvernement ne sont toujours pas à la hauteur des exigences de la conjoncture actuelle. Je suis convaincu qu’il doit agir le plus tôt possible et plus fortement en matière de compétitivité-coûts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Voilà quelques semaines, j’étais intervenu dans cette enceinte même pour faire part de mon inquiétude relative au problème croissant des travailleurs détachés en France, notamment en Languedoc-Roussillon : sous couvert de libre circulation, on voit se développer travail illégal, abus et fraudes.

Force est de le constater, la directive concernant le détachement de travailleurs était aisément contournée par les entreprises à bas coûts ou low cost, les sociétés boîtes aux lettres, les entreprises d’intérim situées à l’étranger, qui mettent à profit les fossés sociaux et fiscaux existant entre les États membres.

Ainsi, les régimes de détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services étaient détournés pour conduire à de véritables filières de mise à disposition de personnel, sans respect des règles du droit du travail et sans que soient assumées les charges pesant sur les entreprises françaises.

De nouveaux garde-fous étaient donc absolument nécessaires. Il était également indispensable que soient établies toutes les responsabilités dès lors que l’on constatait des agissements frauduleux.

C’est pourquoi je suis satisfait que la présente proposition de loi nous soit présentée aujourd’hui, car elle vise à répondre aux abus et aux fraudes observés lors des détachements de travailleurs, et, plus globalement, au fléau du travail illégal, qui porte préjudice aux salariés, souvent aux plus faibles et aux plus démunis d’entre eux, ainsi qu’aux entreprises qui respectent la légalité et, plus généralement, à notre modèle social, comme l’a rappelé Mme la rapporteur.

J’irai plus loin : si cette proposition de loi symbolise l’investissement de la majorité du Sénat et du Gouvernement pour défendre l’emploi, elle témoigne aussi de notre volonté sans faille de construire une Europe sociale à la hauteur des attentes de nos concitoyens, une Europe dans laquelle la primauté accordée à la concurrence ne se fera plus, au moins sur ce point, au détriment de la protection des droits des travailleurs, grâce à la transposition dès aujourd'hui en droit français de l’accord européen conclu le 9 décembre dernier à Bruxelles.

L’article 1er de cette proposition de loi tend à élever au niveau législatif l’obligation d’effectuer une déclaration préalable de détachement, par l’introduction d’un nouvel article dans le code du travail.

Une telle déclaration permettra de localiser les entreprises qui emploient des travailleurs détachés. Les inspecteurs du travail pourront ainsi croiser plus facilement les données pour faciliter leurs contrôles.

J’apprécie non seulement que la déclaration s’effectue selon des modalités simples, avec un formulaire type pour ne pas alourdir les démarches, mais aussi que son défaut soit sanctionné.

J’apprécie aussi que, en vertu d’un amendement adopté par la commission, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui recourt à un prestataire étranger soit obligé de vérifier que celui-ci s’est bien acquitté de son obligation de déclaration, et ce quel que soit le montant de la prestation.

Par ailleurs, tout manquement à ces règles de la part du prestataire étranger, du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage français pourra donner lieu à une sanction administrative bien plus dissuasive.

En conclusion, je me félicite que nous mettions en place, par le biais de cet article, des règles simples, lesquelles, j’en suis sûr, démontreront rapidement leur efficacité, en faisant reculer le travail illégal, les abus et les fraudes à l’origine de nombreuses pertes d’emplois, notamment dans le secteur du bâtiment.

Je considère qu’il s’agit d’un texte de grande qualité, qui répond à nos attentes. C’est la raison pour laquelle je voterai cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Ces dispositions ne sont pas applicables aux prestations de transport international, ni aux prestations de cabotage exercées dans les conditions prévues par l’article L. 3421-4 du code des transports. »

II. – En conséquence, alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas aux prestations de transport international, ni aux prestations de cabotage exercées dans les conditions prévues par l’article L. 3421-4 du code des transports.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Parmi les prestations de services, le cas du transport, notamment du transport routier, doit être traité de manière spécifique.

En effet, il n’est pas envisageable de demander à toute entreprise établie hors de France réalisant du transport international et dont les salariés effectuent une partie du trajet sur le territoire français d’appliquer les règles du détachement et de faire une déclaration préalable de détachement pour des salariés qui ne resteraient sur le sol français que pendant une très courte période.

De même, la durée maximale de cabotage routier telle que prévue par l’article L. 3421-4 du code des transports n’est que de sept jours. Or le cabotage peut ne durer qu’une journée. Il ne paraît pas pertinent d’appliquer les obligations déclaratives liées au détachement pour une durée aussi courte. Qui plus est, les contrôles sont difficiles à mettre en œuvre s’agissant de passages aussi brefs sur le territoire français.

En conséquence, il est nécessaire de préciser que l’obligation de vérification par le donneur d’ordre que le sous-traitant établi hors de France a effectué la déclaration préalable de détachement ne s’applique pas en cas de transport international et de cabotage routier réalisé conformément à la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Je rappelle que les entreprises de transport international de marchandises sont actuellement soumises à l’obligation d’effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail dès lors que les opérations se poursuivent dans un État membre au-delà des huit jours prévus pour le cabotage.

Ces règles, qui constituent déjà un assouplissement en faveur des transporteurs routiers, découlent directement de l’article 8 du règlement européen du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route, transposé en droit interne par le décret n° 2010-389.

Les auteurs de l’amendement n° 1 souhaitent revenir sur le droit en vigueur, en supprimant purement et simplement l’obligation de déclaration préalable.

Je ne suis pas favorable à une telle approche, qui aurait pour effet d’ouvrir la boîte de Pandore des exceptions et dérogations, et susciterait une forte hostilité de la part des organisations professionnelles des transporteurs français, que j’ai eu l’occasion d’auditionner à l’occasion de l’examen de ce texte. Tous nos interlocuteurs nous ont expliqué qu’ils souffraient déjà de la concurrence déloyale résultant d’opérations illégales de cabotage.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je profite de cette prise de parole pour répondre à M. Reichardt. Monsieur le sénateur, j’ai entendu votre vibrant plaidoyer en faveur des asperges alsaciennes ! J’imagine que vous vous réjouissez de l’introduction d’un salaire minimum en Allemagne.

Par ailleurs, il n’est effectivement jamais trop tard pour prendre conscience de la perte de compétitivité de nos entreprises. Il vous a simplement fallu dix ans pour vous en apercevoir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

obligations mentionnées

insérer les mots :

aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 et

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’article 1er de la présente proposition de loi vise à organiser l’extension de l’obligation de vigilance de toute entreprise bénéficiaire d’une prestation de services. Il s’agit notamment de s’assurer que les déclarations de détachement ont bien été effectuées auprès de l’inspection du travail.

Néanmoins, nous pensons que cette mesure n’est pas suffisante. Quand elle a recours aux services d’un ou plusieurs sous-traitants, comme c’est souvent le cas, l’entreprise bénéficiaire de la prestation de services devrait faire preuve d’une vigilance accrue, particulièrement en matière de législation du travail, conformément à l’article L. 1262-4 du code du travail, auquel fait référence la proposition de loi.

Nous souhaiterions que, outre toutes ces déclarations préalables, l’entreprise donneuse d’ordre s’acquitte des formalités liées à la prévention du travail dissimulé, en vérifiant que l’immatriculation auprès du répertoire des métiers a été réalisée, ainsi que la déclaration auprès des organismes de protection sociale et de l’administration fiscale.

Par ailleurs, l’entreprise donneuse d’ordre a aussi un devoir de vigilance quant à la délivrance du bulletin de paie, à la vérification des heures travaillées et de leur paiement dû. Ces dispositions sont mentionnées aux articles L. 8221-3 et L.8221-5 du code du travail.

En somme, une entreprise donneuse d’ordre doit être non seulement vigilante quant aux formalités devant être réalisées auprès des différents organismes publics à la suite de l’accueil de travailleurs détachés, mais aussi attentive à ce que son sous-traitant ou sa chaîne de sous-traitance respecte au plus près la législation nationale.

Eu égard à l’ampleur actuelle des montages frauduleux et des pratiques de travail dissimulé, nous réaffirmons, par le biais du présent amendement, la responsabilité pénale des donneurs d’ordre à l’égard des agissements de tous leurs prestataires de services employant des travailleurs détachés. Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à l’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 7 souhaitent que le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage non seulement effectuent la déclaration préalable de détachement, mais aussi vérifient que le prestataire est en règle dans son pays d’origine.

Une telle disposition paraît inutile, car l’interdiction de recourir aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé est d’application générale. Elle s’impose à toutes les entreprises, quelle que soit leur nationalité.

En outre, la sanction administrative que nous avons prévue la semaine dernière en commission a vocation à s’appliquer seulement en cas de défaut de vigilance concernant la déclaration préalable et la désignation d’un correspondant national.

Selon moi, il faut conserver des systèmes simples et rapides de contrôle. J’ajoute que le déploiement de l’application SIPSI, système d’information-prestations de services internationales, d’ici à la fin de cette année pourra constituer un instrument utile en la matière.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

Même si je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, la responsabilité des donneurs d’ordre en matière d’infractions aux interdictions de travail dissimulé commises par un sous-traitant fait déjà l’objet de dispositions du code du travail, qui sont justement renforcées par la présente proposition de loi.

Comme vient de le dire Mme la rapporteur, l’objet de l’article 1er est différent : il s’agit de sanctionner de manière rapide, efficace et simple les entreprises qui ne respectent pas les obligations déclaratives en matière de détachement.

J’estime donc que l’adoption de cet amendement serait contreproductive, puisqu’elle engendrerait une certaine confusion concernant les obligations des donneurs d’ordre et les sanctions encourues dans chaque situation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En cas de manquement à ces obligations, les contrats concernés par ces manquements seront réputés avoir été conclus directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage ne peuvent pas rester indifférents au sort réservé aux salariés des entreprises sous-traitant une partie de leur activité, nous en sommes toutes et tous convaincus. C’est la raison pour laquelle les députés et, plus encore, les sénatrices et sénateurs membres de la commission des affaires sociales ont renforcé les obligations pesant sur eux.

Si, à gauche, notre conviction en la matière est forte, c’est que nous mesurons à quel point le recours à la sous-traitance peut obéir à une logique financière. En effet, plus le degré de sous-traitance est important, plus les coûts sont réduits et, mécaniquement, plus les marges sont grandes. Les donneurs d’ordre le savent. De la même manière que les consommateurs doivent être sensibilisés aux risques qu’ils encourent en consommant des biens à prix trop bas, les donneurs d’ordres doivent savoir que la recherche coûte que coûte des prix de production les plus bas ne peut les laisser indifférents.

Certes, la proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, constitue un certain progrès. Mais celui-ci demeure trop timide à nos yeux. En effet, lorsque le recours à la sous-traitance est abusif, il semble opportun de prévoir une sanction plus lourde et, donc, plus dissuasive.

C’est ce que nous proposons au travers de cet amendement, en prévoyant que, en cas de manquement à ses obligations, l’employeur risque de voir les contrats concernés requalifiés, de telle sorte qu’ils soient réputés avoir été conclus directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Même si nous comprenons la volonté des auteurs de cet amendement, une telle mesure paraît difficilement justifiable et risque, à l’aune de la Commission européenne, d’être qualifiée de disproportionnée, car elle bloquerait les flux de détachement en France.

Elle serait également source d’imbroglios juridiques. À mes yeux, la sanction administrative que nous avons introduite à l’article 1er la semaine dernière lors des travaux de la commission constitue une avancée décisive pour lutter contre les abus. Nous prévoyons en effet que le directeur de la DIRECCTE aura toute liberté pour fixer son montant.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je partage l’avis de la commission.

Une raison supplémentaire d’être défavorable à cet amendement, c’est que la seule absence de dépôt d’une déclaration de détachement – c’est un élément important – ne fait pas des salariés détachés des salariés de l’entreprise donneuse d’ordre. En ce cas, on serait confronté à un important problème juridique.

L’objet de l’article 1er, cela vient d’être dit, est de sanctionner de manière rapide, efficace et simple les entreprises qui ne respectent pas la législation ou ne s’assurent pas du respect de l’obligation déclarative.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 1er bis

Article additionnel après l'article 1er