M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, j’ai été, comme nombre d’entre vous ici, concernée par le problème de l’exposition aux ondes électromagnétiques : j’ai rencontré certains concitoyens d’une commune de mon canton qui souffrent réellement de la proximité d’un pylône porteur de plusieurs antennes de téléphonie mobile.

Je connais, comme chacun d’entre vous, des personnes dont l’hypersensibilité aux ondes magnétiques constitue – le mot a été utilisé – une véritable souffrance.

Loin de moi, donc, l’idée de récuser d’entrée de jeu cette proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale après un long débat. Je reconnais qu’il y a des difficultés : elles ont été exprimées sur l’ensemble des travées et je veux dire que je les ai écoutées avec la plus grande attention.

Toutefois, si je salue le formidable travail du rapporteur Daniel Raoul, qui s’est attaché à reconstruire le texte en le simplifiant et en ne retenant que les seuls éléments devant concourir à faciliter « sobriété », « transparence » et « concertation en matière d’exposition aux ondes magnétiques », si je veux saluer la raison qui a cherché à rationaliser un débat en le débarrassant de ce qui relève du domaine du sensible, en tout état de cause et en dépit de ce travail de réécriture, je voudrais m’en tenir à l’esprit des conclusions de « mon » président de la commission du développement durable et relever les trois points principaux qui m’empêcheront de voter ce texte.

Il s’agit tout d’abord des conséquences indues d’un texte exclusivement à charge, qui méconnaît de façon partiale les analyses et conclusions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : tout prouve, au regard de ces analyses, que « l’exposition aux ondes magnétiques n’est pas de nature à provoquer des risques avérés, dès lors que sont respectées les limites réglementaires ».

Ces limites réglementaires nécessitent que des contrôles soient effectués et vérifiés. J’ai l’expérience, toujours dans mon canton, de mesures opérées par des organismes non habilités, voire des personnalités, certes honorablement connues, qui présentent à dessein des résultats alarmistes !

Dès lors, la mesure que vous avez introduite consistant à faire de l’Agence nationale des fréquences l’organisme assurant la mise à disposition du public des résultats de mesure des valeurs limites des champs électromagnétiques me paraît être, monsieur le président de la commission des affaires économiques, une sage disposition.

Ma deuxième opposition tient à la conséquence qui ne manquera pas de naître du fait de l’instauration d’une information préalable du maire. Cette dernière s’apparentera assurément très vite à une mise en responsabilité contraire au droit actuel.

Je voudrais, là aussi, signaler les déviations déjà existantes. Qui d’entre nous n’a pas observé, dans des temps rapprochés, la mise en cause directe des maires, tenus pour responsables de l’implantation d’une antenne relais, alors que la responsabilité de la décision échoit au préfet, c’est-à-dire au représentant de l’État ?

Il me paraîtrait de bonne administration, madame la secrétaire d'État, plutôt que de vouloir renforcer le rôle du maire, de rappeler le rôle premier des services de l’État, seuls compétents – j’y insiste – pour donner l’autorisation d’implantation de ces antennes relais sur la base du dossier technique réglementairement requis. Je peux vous assurer que ce rappel de la réglementation serait loin d’être inutile.

J’en viens au troisième point du texte auquel je ne puis apporter ma voix. Il s’agit des dispositions concernant les écoles maternelles, qui se verraient interdire l’installation d’un équipement terminal Wi-Fi dans les lieux d’accueil, de repos et d’activités des enfants.

Permettez-moi d’ignorer ici les difficultés auxquelles seraient confrontés les professeurs des écoles pour assumer leur mission d’éveil des enfants de trois ans des classes maternelles. Je ne veux pas méconnaître, en revanche, les réalités du quotidien. Dites-moi, mes chers collègues, combien y a-t-il aujourd’hui de parents qui n’utilisent pas, y compris devant leurs jeunes enfants, l’ensemble des systèmes informatiques et des appareils que nous avons déjà évoqués, dont le fameux micro-ondes ?

Au total, après avoir écouté vos interventions, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je crois que cette proposition de loi a manqué sa cible. S’il s’agissait de répondre à un enjeu de couverture de territoire, à un enjeu de compétitivité et d’innovation ou à un enjeu sanitaire et social, le texte aurait dû être tout autre.

Ici, les mots choisis le disent de façon claire et nette, la proposition de loi soulève l’inquiétude, alors que, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, il faut restaurer un climat de confiance.

Il faut en effet restaurer un climat de confiance pour faire face au développement du numérique, qui est incontournable et indispensable pour notre économie, partout sur notre territoire, mais peut-être un peu plus encore dans les zones des nouvelles ruralités.

Il faut restaurer un climat de confiance envers le progrès, celui que la curiosité et l’innovation mettront en mouvement, au bénéfice de nos populations.

Un tel climat de confiance aurait permis d’éviter ces menaces et ces insultes proférées par ceux qui ne voient dans une attitude responsable que de prétendues interventions de lobbies de toute sorte. Malheureusement, madame la secrétaire d’État, il n’en est rien. Je le répète : à vouloir mélanger tous les objectifs, le texte n’en a atteint aucun.

Vous ne serez donc pas étonnés que les membres du groupe RDSE n’apportent pas leurs voix à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) – (M. Jean-Vincent Placé s’exclame.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je tiens à saluer, tout d’abord, le travail exceptionnel mené par les membres de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, ainsi que par leur rapporteur et rapporteur pour avis respectif. Une fois de plus, par leur travail, ils nous ont rappelé que ces deux commissions, en d’autres temps, n’en formaient qu’une. (Sourires.)

J’aimerais souligner que nous avons hérité d’un texte pour le moins idéologique, anxiogène, et dont la rédaction était trop floue. Néanmoins, il ne s’agit là que du cours normal de la navette parlementaire !

La présente proposition de loi ouvrait la voie à de nombreux contentieux ; la majorité des membres de cette assemblée en conviendra. Or il incombe au législateur que nous sommes, non pas seulement de proposer des lois ou de les adopter, mais d’anticiper et d’éviter les écueils juridiques que peut susciter tout nouveau texte.

Le travail des commissions a permis de revenir à un texte plus équilibré. Aussi, je me réjouis, avec modestie, de l’adoption en commission d’amendements que nous avions déposés. Je tiens à remercier Bruno Retailleau et Bruno Sido d’être intervenus pour ce faire, concrétisant ainsi la réflexion à laquelle bon nombre de sénateurs, en particulier des membres du groupe UMP, avaient participé.

Je sais aussi avec quelle conviction et quelle hauteur de vue il conviendra de défendre les amendements que nous avons déposés en séance publique, car ils sont indispensables au bon équilibre de ce texte.

À l’article 4, nous avons pensé qu’il était préférable de parler, pour les établissements qui proposent un tel service, d’« accès Wi-Fi », en dépit d’un anglicisme, il est vrai, plutôt que d’« accès sans fil à internet ». En effet, je ne suis pas sûr que les nouvelles générations comprennent l’intérêt de franciser des termes désormais tombés dans le vocabulaire courant.

Des difficultés pourraient apparaître au-delà des problèmes quotidiens qu’implique la technologie, au-delà même de ce qu’en pense la population. À l’article 5, par exemple, il semblait plus pertinent, et plus précis, de restreindre la mention d’un « dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs radioélectriques » aux seules publicités vantant l’utilisation du téléphone en mode écoute.

Certes, il nous faut veiller à ce que chaque loi respecte le principe de précaution, mais cela n’exclut ni la rigueur ni la précision. Or, à cet instant, il n’existe pas d’études démontrant que l’envoi de SMS est dangereux, en tout cas pas pour la santé. (Sourires.)

Le retrait du mot « modération », à l’article 1er, paraît une bonne chose. Le recours à ce terme, bien qu’il ait été motivé par des intentions louables, n’est pas approprié dans cette loi. Modérer, c’est réduire à la notion de limitation ; cela revient, à terme, à créer des seuils minimaux. Il s’agit là d’un autre débat, qui devrait se tenir sur la base de critères scientifiques ou médicaux, autant de ressources dont nous ne disposons pas de manière suffisante. C’est d’ailleurs tout à fait regrettable.

Il faut dire que nous souffrons, depuis une vingtaine d’années, d’une difficulté particulière, mal définie, qu’expliquent à la fois l’inquiétude et la peur : dans une société où le principe de précaution est établi, où les recherches de responsabilité sont souvent longues et prennent un tour judiciaire, nous avons du mal, malheureusement, à trouver des experts ou des scientifiques qui acceptent, tout simplement, de dire s’il y a un danger ou non, alors qu’ils en ont les moyens. Je rappelle pourtant qu’il y a quatre milliards de cartes SIM dans le monde, dont 75 millions dans notre pays.

Sur ce point, les élus locaux sont confrontés à une problématique particulière : ce sont parfois les mêmes personnes qui s’inquiètent des risques que font peser ces technologies sur la santé et qui critiquent les élus, car ceux-ci n’ont pas les moyens suffisants pour couvrir les zones blanches ou mal desservies.

La commission des affaires économiques a donc préféré le terme de « sobriété ». Celui-ci n’est peut-être pas non plus tout à fait satisfaisant.

M. Bruno Sido. Eh non !

M. Pierre Hérisson. Néanmoins, il est plus général et peut s’appliquer au principe selon lequel tout abus est dangereux.

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, rapporteur pour avis. Évidemment !

M. Pierre Hérisson. Ce principe, d’ailleurs, ne concerne pas seulement les ondes magnétiques ; plus globalement, il a trait à l’hygiène de vie. Sur bien des sujets, on le sait, ce sont les excès qui sont dangereux, et non pas la consommation raisonnable.

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Voilà !

M. Pierre Hérisson. Il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de parlementaires, dont je fais partie, je le reconnais bien volontiers, utilisent probablement avec excès leur téléphone portable, et ce depuis plus d’une vingtaine d’années. C’est en tout cas la réputation de certains d’entre nous, monsieur le président de la commission des affaires économiques, et la mienne en particulier ! (Sourires.)

Même si le vieux dicton nous apprend que « tout homme bien portant est un malade qui s’ignore », je dois dire que, pour l’instant, je suis bien portant ! J’espère néanmoins que je n’aurai pas à subir les affres que mes lectures sur le sujet me décrivent. Cela dit, je n’ai pas trouvé de démonstration de dangerosité véritablement convaincante.

Pour conclure, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP ne votera pas le présent texte, du moins dans son état actuel. Nous formons néanmoins des vœux pour que l’essentiel des amendements que nous avons déposés soit adopté ce soir,…

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Pierre Hérisson. … afin que la proposition de loi soit un peu plus équilibrée et raisonnable. Dans ces conditions, il ne serait pas exclu que nous la votions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Bruno Sido. Ou que nous nous abstenions !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Je tiens à remercier l’ensemble des intervenants de la qualité de leurs propos, lesquels, néanmoins, reflètent les divergences de vues sur ce sujet, qui passionne nos concitoyens. Ils expriment également la difficulté, non pas de trouver un compromis – il ne s’agit pas de cela ici –, mais de définir une ligne et de s’y tenir.

Il me semble important de rappeler l’objectif de ce texte. Son but n’est pas de trancher un débat scientifique portant sur le risque sanitaire lié à l’exposition aux ondes électromagnétiques ; il est de mettre en place les dispositifs qui permettent de tenir ce débat de manière libre et ouverte, afin de faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens.

J’insiste sur l’aspect pédagogique de nos travaux et reprends les propos de M. Labbé, selon lesquels « ce qui est caché et non dit est toujours source d’anxiété et de fantasmes ». L’examen de ce texte, tout comme les concertations qui s’ensuivront dans les territoires, seront, je l’espère, l’occasion de rappeler certaines vérités.

Je veux vous en donner, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques exemples.

J’indiquais, il y a un instant, que l’usage, sinon excessif, du moins intensif, d’un téléphone portable est acquis à compter d’environ quinze heures par mois. Or sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le temps moyen de communication d’un usager français est de deux heures et quarante minutes, soit une durée cinq fois inférieure à un usage défini comme intensif.

Par ailleurs, le niveau d’exposition maximal recommandé par l’Organisation mondiale de la santé est de 41 volts par mètre. Or, en France, le niveau moyen d’exposition est de cinq volts par mètre pour 99,9 % de la population. Ce seuil est donc huit fois inférieur au niveau maximal d’exposition fixé par l’organisation internationale chargée de ce dossier.

Au reste, pour nos concitoyens qui éprouvent des craintes trop fortes sur ce sujet, il est possible de demander une mesure d’exposition. Le Gouvernement a déployé des outils d’utilisation faciles pour ce faire : la carte des antennes, par exemple, ou d’autres documents à télécharger, donne accès à des commandes de mesure. Les citoyens ne sont donc pas du tout impuissants face à l’installation d’une antenne dans leur quartier.

Enfin, autre vérité qu’il est bon de rappeler, le débit d’absorption spécifique, le DAS, varie beaucoup d’un appareil à l’autre, d’où l’importance, en tant que consommateur avisé, de regarder le niveau de DAS au moment de l’achat d’un appareil. Ce niveau se mesure en watt par kilogramme. Le niveau maximal autorisé en France est de deux kilowatts par kilogramme.

Or les progrès technologiques font que ce niveau tend à baisser et, de ce fait, on obtient des taux assez bas sur les nouveaux appareils. Ainsi, de manière générale, il est inférieur à un watt par kilogramme, donc bien en dessous, là encore, du niveau maximal, et sur la plupart des nouveaux appareils, il se situe plutôt autour de 0,5 watt par kilogramme. Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’utilité de notre débat : il permet de rappeler certaines vérités.

Il faut savoir, du reste, que le déploiement de plus en plus rapide du réseau 4G permet de diminuer les seuils d’exposition, tout comme le recours à la fibre optique. Et qui sait de quoi les technologies seront faites à l’avenir ? Le Li-Fi, c'est-à-dire la transmission d’internet par la lumière, se développe. L’avenir se fera peut-être sans ondes électromagnétiques !

Tout cela pour dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il faut dépassionner le débat, le rationaliser, pour rassurer nos concitoyens, lesquels, de manière un peu paradoxale, sont aussi de très grands usagers des outils numériques et demandent, les élus locaux que vous êtes le savent, une couverture du territoire et des débits toujours meilleurs.

M. Bruno Sido. Eh oui !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Eh bien, cette proposition de loi permet aussi de résoudre ce paradoxe, notamment parce qu’elle érige le débat public en objectif.

Sans vouloir prolonger à l’excès cette intervention, car il nous faut encore examiner les amendements, je souhaite revenir sur certains propos des orateurs qui se sont exprimés au cours de cette discussion générale.

Selon Mme Schurch, l’argument de l’aménagement du territoire ne serait pas fondé. En vérité, je pense qu’il l’est. Et soyez assurée, madame la sénatrice, que je ne suis, disant cela, à la botte d’aucun lobby industriel. Il se trouve simplement que je suis chargée du déploiement du plan « France très haut débit ». À ce titre, j’entends les sollicitations non seulement des élus, mais également de l’ensemble de nos concitoyens, qui réclament un accès internet à haut débit chez eux.

M. Bruno Sido. Très bien ! Je suis heureux de l’entendre !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Si nous mettons trop d’obstacles au déploiement,…

Mme Mireille Schurch. Ce n’est pas ce que j’ai demandé !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … il y a un grand risque de fracture numérique.

M. Bruno Sido. Exactement !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Nous aurions une très forte couverture dans les centres urbains très denses et une absence de desserte dans d’autres zones, ce qui exclurait de l’accès au numérique un nombre croissant de nos concitoyens.

La concertation doit, me semble-t-il, rester la plus souple possible et être laissée à l’appréciation des maires, non seulement parce que ces derniers n’aiment pas qu’on leur impose de nouvelles compétences obligatoires, mais aussi parce qu’ils sont les mieux placés pour connaître les attentes de leurs concitoyens. Conférer aux élus locaux un rôle nouveau dans cette procédure de concertation, c’est les respecter. Cela s’inscrit dans la perspective d’un débat démocratique. À cet égard, notre position rejoint le souci de la commission des affaires économiques.

Oui, monsieur Retailleau, le numérique, c’est l’avenir ! Et ce texte n’empêche en aucun cas le progrès technologique. Au contraire, il permet d’apporter des précisions juridiques, donc de diminuer les risques de contentieux. Car les risques s’éloignent au fur et à mesure que les acteurs sont impliqués et que les citoyens se sentent concernés. Le fait de les consulter en amont et de les écouter permet de désamorcer les conflits potentiels. Dès lors que le texte est solide juridiquement, les risques de contentieux se trouvent réduits.

Madame Goulet, vous indiquez que votre « religion n’est pas faite ». Cela tombe bien : sur un sujet où la science est parfois encore incertaine, il s’agit d’objectiver, de rationaliser, et non d’exprimer un acte de foi ! (Sourires.)

Vous avez raison de vous soucier des lanceurs d’alerte. Il se trouve que le Parlement s’est déjà saisi de la question, sur l’initiative de Mme Blandin, du groupe écologiste. En l’occurrence, ce thème n’est pas directement lié à l’objet de la proposition de loi. Mais sachez que le Gouvernement partage cette préoccupation.

Vous avez évoqué à juste titre les objets connectés, qui se déploient effectivement de plus en plus. Mais, à mes yeux, vous en avez parlé d’une manière un peu anxiogène. Dans mes fonctions, j’observe tous les jours le déploiement d’objets connectés permettant d’améliorer nettement le quotidien des gens, notamment en matière de santé, de prévenir par exemple des maladies chroniques mieux que ne le faisait jusqu’à présent la médecine traditionnelle. Les objets connectés offrent donc un formidable potentiel d’amélioration des conditions de vie, individuelles ou collectives.

La proposition de loi ne traite pas des objets connectés : elle concerne les sources d’émissions liées aux communications électroniques, à la téléphonie mobile, non des émissions à partir des objets connectés, ce volet du texte ayant été retiré. Je pense donc que le débat sur les objets connectés n’a pas lieu d’être dans la présente discussion.

Je suis d'accord avec M. Dilain : l’équilibre consiste non pas à essayer de satisfaire tout le monde, mais à trouver une juste articulation entre des enjeux qui peuvent paraître contradictoires si on ne sait pas les concilier : d’une part, le progrès et l’innovation ; d’autre part, le respect des attentes et des inquiétudes de nos concitoyens. J’estime que le texte répond à cet objectif.

Madame Escoffier, le rapport de l’ANSES précise effectivement qu’il faut respecter les limites réglementaires, conformément au cadre législatif actuel. Vous regrettez que certaines mesures soient prises par des organismes non habilités. C’est une réalité : tout le monde peut réaliser des mesures ; d’où l’importance d’encadrer plus encore les procédures. C’est l’objectif visé dans la proposition de loi.

En revanche, je ne peux pas vous suivre lorsque vous dites, pour le déplorer, que le préfet, donc le représentant de l’État, n’est pas impliqué. Il l’est : le texte affirme expressément son rôle, parallèle à celui du maire, dans la procédure de concertation.

Je rappelle d’ailleurs qu’il s’agit de répondre à des préoccupations non pas sanitaires, mais bien citoyennes. L’enjeu n’est pas seulement de mesurer les effets biologiques des ondes. À titre de comparaison, lorsque vous allez à la plage, le soleil a un effet biologique sur votre peau, mais il n’a pas d’effet sanitaire si vous respectez un minimum de règles quant au temps d’exposition et si vous vous protégez en mettant de la crème solaire. Je reconnais que cette analogie peut paraître simpliste, mais c’est un peu la même chose s’agissant des ondes électromagnétiques.

Enfin, je suis d’accord avec M. Hérisson lorsqu’il relève cette contradiction : certains de nos concitoyens qui n’acceptent pas l’installation d’une antenne près de chez eux sont parfois les premiers à regretter l’insuffisance de la couverture ou la faiblesse du débit internet dans les lieux qu’ils fréquentent, y compris, donc, chez eux.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Voilà pourquoi il est utile de confier une responsabilité au maire, qui, connaissant ses concitoyens, peut réussir à désamorcer des inquiétudes et à identifier les préoccupations prioritaires.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments dont je souhaitais vous faire part avant l’examen des amendements.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques

TITRE IER

SOBRIÉTÉ DE L’EXPOSITION AUX CHAMPS ÉLECTROMAGNÉTIQUES, INFORMATION ET CONCERTATION LORS DE L’IMPLANTATION D’INSTALLATIONS RADIOÉLECTRIQUES

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques
Article 1er (début)

M. le président. Sur l’intitulé du titre Ier, je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Information et concertation lors de l'implantation d'installations radioélectriques

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Cette intervention me permettra de m’exprimer sur l’ensemble de la proposition de loi, notamment sur l’article 1er, qui est le plus important.

Les propos de Mme la secrétaire d’État m’ont paru mesurés, balancés, et je les approuve en grande partie.

Je partage également le point de vue de notre collègue Anne-Marie Escoffier.

Mme Cécile Cukierman. Mais oui ! C’est comme pour le nuage de Tchernobyl, qui s’était arrêté à la frontière…

M. Bruno Sido. Il s’agit en effet d’un texte idéologique, d’un texte à charge.

Tout prouve aujourd'hui qu’il n’y a aucun risque avéré si les expositions sont inférieures au niveau réglementaire.

Je salue également la commission des affaires économiques, en particulier son rapporteur, M. Daniel Raoul. Il est vrai que c’est un ancien membre éminent de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. En tant que président de cette instance, j’en reconnais bien là la marque : un travail sérieux et de qualité !

Certains principes ont été brandis, parfois à tort et à travers, notamment lorsqu’ils n’avaient juridiquement rien à voir avec le sujet. Ainsi, le principe de précaution, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, concerne seulement l’environnement ; il ne s’applique dans aucun autre domaine. Je crois qu’il est utile de le rappeler.

Des collègues ont également agité des peurs ; c’est une tactique qui peut toujours servir ! Sauf que les peurs en question ne produisent des effets que dans les zones bien loties en termes de couverture !

Pour ma part, je pense, et je ne suis pas le seul dans cet hémicycle, aux territoires ruraux qui attendent encore une couverture convenable, honnête, une couverture de qualité et, demain, une couverture de quatrième génération. Les populations concernées ne tremblent pas en permanence à cause des ondes électromagnétiques, qui ne viennent d’ailleurs pas seulement, il s’en faut de beaucoup, de la téléphonie mobile, de la Wi-Fi ou du Bluetooth ; la télévision, le four à micro-ondes, etc., en émettent également ! Et les gens n’en ont pas peur !

Mme Cécile Cukierman. En 1914, ceux qui partaient à la guerre n’avaient pas peur non plus !

M. Bruno Sido. Ils attendent, avant tout, une couverture correcte !

Or je considère que ce texte va constituer une entrave au déploiement des installations et à la bonne couverture du territoire français, en particulier dans les zones rurales. Il faut donc le corriger. D’ailleurs, cela a commencé à être fait, et dans la bonne direction – j’y reviendrai en présentant d’autres amendements –, grâce au travail de M. le rapporteur.

L’amendement n° 16 rectifié vise à changer l’intitulé du titre Ier de la proposition de loi, afin de le faire mieux correspondre au texte réécrit par la commission, ce dont je remercie une nouvelle fois M. le rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir, Mme Masson-Maret et M. Sido, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

sobriété

par le mot :

maîtrise

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Trois arguments justifient selon nous la substitution du mot « maîtrise » au mot « sobriété ».

D’abord, le terme de « maîtrise » est celui que l’ANSES a choisi dans son avis de 2013, dont certaines des recommandations sont placées sous la rubrique : « En matière de maîtrise des niveaux d’exposition ».

Ensuite, si nous savons bien ce que signifie « maîtrise », la « sobriété » ne correspond à aucun concept juridique.

Enfin, au mois de mai 2013, le Premier ministre d’alors avait chargé M. Tourtelier, ancien député, et M. Girard, conseiller d’État, de faire le point sur le sujet. Leurs conclusions sont claires : « Il ne nous semble pas pertinent de faire figurer dans la loi un "principe de sobriété" en tant que tel, par rapport auquel les exégètes et les juristes se perdraient en conjectures et en contentieux sans que l’exposition en soit diminuée ou que le débat public local y gagne. »

Nous vous proposons donc d’en tirer les conséquences. À défaut, je m’interrogerais sur l’utilité de commander des rapports. Pourquoi solliciter un ancien député et un conseiller d’État si le Gouvernement n’a pas l’intention de tenir compte de leurs conclusions ? Sauf erreur de ma part, nous n’avons pas – pour l’instant – changé de Président de la République !

J’ajouterai, madame la secrétaire d’État, vous ayant entendue, que cet amendement va aussi dans le sens de la cohérence par rapport au sens que vous donnez à ce texte. Vous avez en effet affirmé voilà quelques instants que l’enjeu central de cette proposition de loi, c’était la citoyenneté et la pédagogie, et non la souffrance, se traduisant éventuellement par des malaises, des personnes hypersensibles aux ondes. Je vous prends au mot : en remplaçant le mot « sobriété » par celui de « maîtrise », vous obtiendrez le même résultat en matière de pédagogie et de citoyenneté tout en défaisant le nid à contentieux que vous êtes en train de créer avec la rédaction actuelle.

Autant on sait ce que la sobriété signifie lorsqu’on parle de consommation d’alcool ou de tabac, autant on ignore les conséquences juridiques que l’emploi de ce terme pourrait avoir dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui.