M. Richard Yung. Ah ! Quand même !

M. Philippe Dominati. En effet, même si les résultats ne sont pas là, même si les actes ne sont pas au rendez-vous, le langage a légèrement changé : on parle de compétitivité, on parle de l’entreprise.

Je souscris aux propos de Mme Bricq : à présent, il va falloir choisir.

En réalité, en matière de réformes, certains membres de ce gouvernement ont le pied sur le frein et les autres appuient sur l’accélérateur. Avec ce type de conduite, on court droit au tête-à-queue ! Aussi va-t-il falloir prendre franchement le parti des réformes, en faveur des entreprises : il va falloir baisser la fiscalité, peut-être envisager la flat tax. Notre pays exige des réformes audacieuses !

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes le troisième titulaire du portefeuille du budget en deux ans. (M. le secrétaire d’État hausse les épaules.) Je souhaite que vous puissiez inscrire votre action dans la continuité, pour être utile à la France en menant, au nom de la liberté économique, les réformes que le Gouvernement n’a pas encore réellement engagées. Le virage qui est pris, dans le discours, c’est celui du libéralisme économique. Dites-le clairement à vos partenaires, si c’est nécessaire, mais faites vite ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quoi sert ce budget rectificatif ? On se le demande !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il sert à rectifier !

M. Richard Yung. Quand il n’y a pas de collectif budgétaire, l’opposition crie : « Regardez ! La majorité avance masquée, pleine d’arrière-pensées ! » (M. Francis Delattre s’exclame.) Et, quand un projet de loi de finances rectificative est déposé, on a droit au discours que l’on entend aujourd’hui.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas du tout ! C’est très bien, un budget rectificatif !

M. Richard Yung. Je me mets à la place d’une personne qui écoute ce débat d’un peu loin. M. le président de la commission parle de « rideau de fumée », d’autres de « cartes truquées ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça, c’est pour la méthode !

M. Richard Yung. En entendant de tels propos, on a l’impression que ce budget est réellement…

M. Francis Delattre. De l’enfumage !

M. Richard Yung. … digne d’Othello !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est la saison des festivals !

M. Richard Yung. Chers collègues de l’opposition, ce budget est comme il est. Vous pouvez ne pas approuver les mesures qu’il contient, nous le concevons et c’est votre droit. Reste qu’il traduit le mouvement suivant : nous regardons ce qui se passe, nous constatons que, malheureusement, la croissance et les recettes fiscales ne sont pas exactement au niveau espéré,...

M. Francis Delattre. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Richard Yung. … donc nous proposons un certain nombre de correctifs. Si ce n’est pas cela la transparence, il faut m’expliquer ! De plus, les mesures de ce budget rectificatif seront mises en œuvre très vite, dès le mois de juillet.

À mon sens, il convenait de rappeler ces réalités.

Sur le plan des dépenses, nous proposons 50 milliards d’euros…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. De ralentissement !

M. Richard Yung. … d’économies. Pour certains, ce n’est rien !

M. Francis Delattre. Ces 50 milliards d’euros sont invisibles !

M. Vincent Delahaye. Ils sont où ?

M. Richard Yung. Mme Bricq avançait tout à l’heure les chiffres de 100 milliards ou de 130 milliards d’euros.

M. Edmond Hervé. Tout à fait, 130 milliards d’euros !

M. Richard Yung. La semaine dernière en commission, M. Dassault, quant à lui, nous a parlé de 250 milliards d’euros.

M. Jean-Pierre Caffet. Qui dit mieux ?

M. Jean Germain. Économies en rafale ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. Jacques Chiron. Quelques Rafale, tout juste… (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

M. Richard Yung. C’est formidable ! Nous sommes admiratifs. Nous aimerions simplement savoir comment vous faites pour obtenir de tels chiffres.

Je vous le rappelle, un de vos mentors…

M. Francis Delattre. Nous n’avons plus de mentors !

M. Richard Yung. … – présent ou passé, je ne sais trop –, M. Fillon, nous disait il y a quelques années : « Nous allons stopper les recrutements dans la fonction publique, nous allons fusionner, d’une part, les départements et les régions, d’autre part, les communes entre elles au sein des intercommunalités pour réduire leur nombre à 6 000. Ainsi, nous allons économiser des dizaines de milliards d’euros. » Il l’a dit !

M. Francis Delattre. C’est pour cela qu’il a quitté la Sarthe…

M. Richard Yung. Mais je constate que vous ne le dites plus ! On ne sait donc pas très bien comment vous allez dégager les 120, 130 ou 250 milliards d’euros d’économies.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En réduisant les crédits des administrations !

M. Richard Yung. Je n’en dirai pas davantage.

Vous déclarez à l’intention de la majorité : « Vous n’êtes pas compétents en matière de réformes, alors qu’il y a nombre de chantiers à mener. » Mais vous mesurez combien il est difficile de réformer ce pays : sitôt que l’on émet une proposition, tout le monde se déclare contre ! Le MEDEF, par exemple, monte au créneau dès que l’on fait une annonce.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr ! Toujours le mur de l’argent !

M. Richard Yung. Il n’est pas possible de discuter car, dans la culture politique française, compromis est synonyme de trahison ! C’est là le fond du problème, et ce des deux côtés de l’échiquier. À mon sens, nous devons, de part et d’autre, faire davantage d’efforts pour débattre.

M. Francis Delattre. C’est Bad Godesberg !

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, je profite de votre présence pour vous dire que les Français de l’étranger souhaiteraient voir certains problèmes de fiscalité discutés avec vos services et vous-même. Ces questions peuvent sembler assez secondaires, mais elles nous concernent au premier plan. Nous serions très heureux qu’un groupe de travail permette de les examiner et, éventuellement, de formuler des propositions.

Par ailleurs – plusieurs orateurs l’ont déjà dit –, l’impôt sur les sociétés est devenu difficilement compréhensible : on compte quatre, cinq, six taux différents, selon les divers critères employés. À cet égard, votre proposition de ramener progressivement le taux de ce prélèvement à 26 % ou 27 % me semble excellente.

M. Richard Yung. Si on peut aller plus vite que prévu, ce que tend à assurer un amendement de M. Delahaye, tant mieux ! Néanmoins, cette mesure engendrant des coûts élevés, il convient de procéder avec discernement.

En la matière, l’Union européenne pourrait s’acheminer à long terme vers un double régime d’imposition, avec un taux de l’ordre de 25 % pour les grands États et un taux de 15 % ou 16 % pour les plus petits pays.

Peut-être est-ce l’occasion de remettre sur la table le sujet de la convergence de l’impôt sur les sociétés.

Le problème de ces questions européennes, c’est qu’elles peuvent s’apparenter à l’invocation des vaches sacrées. De temps à autre, on dit : « Il faut faire cela. » Cette idée relève pourtant bien du bon sens : assurer une assiette moins mitée à l’échelle européenne. Cela ne devrait pas être impossible !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À ceci près qu’il faut l’unanimité !

M. Richard Yung. On pourrait commencer par agir dans le secteur financier : nous disposons déjà de l’union bancaire, pourquoi ne pas avancer dans cette voie ? Je sais que le débat est complexe, mais, puisque la question est posée, il faut en parler.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je suis sûr que M. Juncker se laissera facilement convaincre !

M. Richard Yung. Nous le convaincrons, monsieur le président de la commission des finances, il est assez sensible à ces questions.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ou plutôt, nous continuerons à invoquer…

M. Richard Yung. Je note que le Luxembourg n’est pas seul à résister à ce mouvement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça c’est vrai !

M. Richard Yung. De grands pays proches de la France se montrent eux aussi réticents. Au reste, disons les choses comme elles sont, il n’y a guère que les Français pour promouvoir réellement cette idée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est également vrai !

M. Richard Yung. Concernant la taxe de séjour hôtelière, je souscris aux propos qui ont été tenus. À mon sens, cette mesure, qui est sortie tout d’un coup du chapeau, n’est pas une bonne idée. Je ne reprendrai pas les arguments cités : nous les développerons s’il le faut dans la suite de nos discussions.

Toujours est-il que l’amendement de M. le rapporteur général m’a paru judicieux. Nous allons prendre connaissance du rapport – il est toujours bon de disposer de tels documents et d’en débattre –, puis nous verrons. Je note au passage que le fait de discuter de ce rapport ne signifie pas que l’on accepte nécessairement ce que l’Assemblée nationale a décidé en la matière.

Je conclus mon intervention – vous voyez, monsieur le président de la commission des finances, que pour une fois je respecte mon temps de parole ! –…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas tout à fait…

M. Richard Yung. … en rappelant que l’ensemble des sénateurs du groupe socialiste voteront, naturellement, les mesures proposées par le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE – M. André Gattolin applaudit également.)

M. Francis Delattre. Nous voilà rassurés !

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur les crédits de la défense, car le sort qui leur est réservé est emblématique du décalage auquel le Gouvernement nous a habitués, entre le discours et les actes.

Depuis de longs mois, on nous promet à tous les niveaux du pouvoir que la défense ne sera pas l’éternelle variable d’ajustement budgétaire des comptes publics, dont le déficit ne cesse de se creuser. Or la réalité est que la défense supporte à elle seule 60 % de l’ensemble des suppressions d’emplois dans la fonction publique, à l’heure où elle est engagée dans plusieurs crises majeures.

On ne peut pas, d’un côté, se féliciter du professionnalisme et de la bravoure de nos militaires, dont on multiplie les opérations extérieures, les OPEX, en prétendant les soutenir au nom de la République et des droits de l’homme et, de l’autre côté, cautionner les rabots déguisés et autres tours de passe-passe auxquels se livrent les comptables de Bercy.

Pourtant, que n’avons-nous pas entendu ?

Le 8 janvier dernier, dans ses vœux aux armées, le Président de la République s’était engagé à préserver la toute nouvelle loi de programmation militaire. Le ministre de la défense, quant à lui, déclarait au quotidien La Tribune le 22 novembre dernier, en des termes militaires : « L’ensemble de la loi de programmation militaire est blindé ! » Mais les faits sont là.

L’article 4 du présent collectif budgétaire conduit à annuler purement et simplement des crédits de la défense, à hauteur de 350 millions d’euros. Cette coupe budgétaire contrevient totalement aux promesses de la majorité, que je viens de rappeler. Ces crédits serviront à financer la réserve de précaution et donc, indirectement, le surcoût des OPEX. Dès l’origine, nous avions pointé que les 450 millions d’euros prévus au titre du budget de 2014 se révéleraient vite très insuffisants compte tenu des opérations engagées.

Quoi qu’il en soit, le ministère de la défense va donc financer en partie les OPEX, en totale contradiction avec les promesses faites lors du vote de la loi de programmation militaire comme avec les engagements pris par le ministre de la défense et le Président de la République lui-même.

La Cour des comptes évalue à 20 %, soit 110 millions d’euros, la charge du surcoût des OPEX financé par le budget de la défense. Encore faudrait-il que le chiffrage annoncé soit sincère ! À cet égard, je tiens à saluer l’initiative, prise par la commission de la défense du Sénat, d’un contrôle sur pièces et sur place pour examiner ce dossier de plus près. D’ores et déjà, tout laisse à penser que nous sommes une nouvelle fois placés face à des chiffres pour le moins fantaisistes.

Rappelons que, en janvier 2014, 488 millions d’euros, sur le total de 1,5 milliard d’euros que compte le programme d’investissements d’avenir, le PIA, prévu pour la défense, avaient déjà été utilisés pour payer une fraction de la subvention au Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, au titre de 2013. Or cette fraction de subvention ne concerne pas en totalité les missions liées à nos armées. Parallèlement, 650 millions d’euros de crédits du budget de la défense avaient déjà été annulés à la fin de l’année dernière. La Cour des comptes avait alors dénoncé le fait que, « si cette opération a permis de diminuer les restes à payer de la mission, elle a réduit d’autant les crédits disponibles pour 2014 ».

Monsieur le secrétaire d’État, 250 millions d’euros de crédits du PIA vont certes compenser, en partie, les 350 millions d’euros annulés. Mais cette mesure relève de l’entourloupe.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il faut arrêter de dire n’importe quoi !

M. Dominique de Legge. Une réduction de 650 millions d’euros l’an passé, jointe à une baisse de 350 millions d’euros cette année, contre 250 millions de crédits supplémentaires : le compte n’y est pas. Le solde accuse un déficit de 750 millions d’euros.

Par ailleurs, ces 250 millions d’euros du programme d’investissements d’avenir vont financer certains projets de haute technologie engagés par la défense, dont la réalité et les impacts sont très éloignés des impératifs budgétaires de nos armées comme des règles de mobilisation de ce dispositif. Comme le rappelait le commissaire au PIA il y a quelques jours, devant la commission des finances : « Le programme d’investissements d’avenir est fait pour financer l’avenir, pas le présent et a fortiori pas le passé. »

Nous sommes donc en pleine cavalerie budgétaire. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il est grave quand il s’agit de la défense. Il y va de la sécurité de nos hommes sur le terrain et de la crédibilité de la France dans le monde.

S’il n’y avait qu’une seule raison de ne pas voter ce projet de loi de finances rectificative, elle résiderait dans l’insincérité chronique du budget, et particulièrement du budget de la défense ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014 intervient au moment où le monde de la recherche exprime une grande inquiétude quant à l’avenir de l’emploi scientifique en France.

Sans mesures budgétaires significatives, l’emploi scientifique risque en effet d’entrer dans une crise majeure. C’est le sens du cri d’alarme lancé le 11 juin dernier par le Comité national de la recherche scientifique.

L’emploi scientifique se dégrade dans les laboratoires et les universités de notre pays. Au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, quatre cents emplois de chercheurs étaient ouverts au concours en 2010, contre trois cents en 2013 et deux cents envisagés en 2017. Pour les ingénieurs de recherche et les techniciens, la situation est plus grave : les postes ouverts sont passés de cinq cents en 2010 à deux cent vingt en 2013.

Tous les organismes de recherche sont touchés par une baisse similaire de l’emploi scientifique. Il en est de même à l’université, où les recrutements de maîtres de conférences et de professeurs ont diminué de plus de 25 % entre 2010 et 2013.

L’explication de cette chute des recrutements est mécanique : la pyramide des âges des laboratoires publics et des universités est telle que les départs à la retraite, et donc les embauches de remplaçants, se raréfient.

Cette évolution est liée à la fin des départs massifs à la retraite des baby-boomers, mais aussi, il faut le rappeler, à l’héritage des politiques de recrutement des gouvernements Valéry Giscard d’Estaing–Raymond Barre à la fin des années 1970.

Ainsi, dans les universités, le nombre de départs à la retraite des enseignants-chercheurs va diminuer de 30 % entre 2012 et 2017. À l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, sur la même période, la chute devrait être de l’ordre de 50 %.

À budget constant, baisse du nombre de départs à la retraite signifie baisse des recrutements, d’autant plus que les départs hors retraites non remplacés aggravent cette situation. C’est le cas, par exemple, au CNRS, qui a perdu 653 postes entre 2007 et 2012.

Monsieur le secrétaire d’État, ces perspectives préoccupantes de l’emploi scientifique risquent de dissuader toute une classe d’âge de s’engager dans des études et des carrières scientifiques. Pire, elles risquent d’hypothéquer gravement l’avenir, avec des effets désastreux pendant plusieurs dizaines d’années sur le renouvellement des thématiques de recherche et des directeurs de laboratoire, sur la qualité et le dynamisme des équipes de recherche.

Cette situation de l’emploi scientifique public ne peut qu’interpeller le Gouvernement.

Certes, le Président de la République a déclaré qu’en dépit de contraintes financières fortes le budget de la recherche était sanctuarisé. Vous savez toutefois que, compte tenu du dynamisme de certaines de nos dépenses de recherche, cette sanctuarisation devra se traduire, au cours des trois prochaines années, par la réalisation de 1,6 milliard d’euros d’économies, si l’on veut maintenir globalement les dépenses du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche à leur niveau actuel.

C’est pourquoi, dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, je voudrais redire qu’un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique, avec la création de postes dans les grands organismes publics de recherche et dans les universités, est aujourd’hui devenu incontournable.

Comment financer ce plan sans rompre les équilibres budgétaires actuels ? En restant dans l’épure du budget de l’État pour les trois prochaines années, je voudrais vous rappeler, monsieur le secrétaire d’État, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire à plusieurs reprises, qu’il est possible de financer la création d’emplois publics par un plafonnement du crédit d’impôt recherche, le CIR.

Dans la loi de finances initiale pour 2014, le montant du CIR est estimé à 5,8 milliards d’euros. Comme chaque année, ce chiffre sera dépassé. Il avoisinera même, selon la Cour des comptes, 7 milliards d’euros pour 2015 ou 2016, soit un montant maintenant supérieur aux dotations budgétaires allouées aux grands organismes de recherche publique.

Depuis 2008, le coût du CIR a triplé. Le niveau atteint aujourd’hui paraît peu compatible avec la situation actuelle de nos finances publiques. Les efforts engagés en direction d’une diminution des dépenses publiques doivent aussi s’accompagner d’une réduction des dépenses fiscales, et d’abord du CIR, deuxième dépense fiscale après le CICE.

C’est d’autant plus nécessaire que les dépenses de recherche des entreprises progressent d’un montant très inférieur à celui du crédit d’impôt recherche dont elles bénéficient. Aujourd’hui, avec le CIR, l’État finance plus de 20 % de la recherche privée. C’est le dispositif fiscal le plus attractif et le plus compétitif des pays développés. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé que le CIR était, lui aussi, sanctuarisé.

Mais un déséquilibre apparaît maintenant entre financement public de la recherche privée et financement public de la recherche publique.

Ainsi, un plafonnement du CIR à hauteur de 5 milliards à 5,5 milliards d’euros réduirait la dépense fiscale de 500 millions à 1 milliard d’euros permettant ainsi de financer un plan pluriannuel de soutien à l’emploi scientifique public et de créer chaque année pendant cinq ans 2 000 postes de chercheurs, d’enseignants-chercheurs, d’ingénieurs de recherche et de techniciens.

Monsieur le secrétaire d’État, entendons-nous bien. Le plafonnement du CIR n’est nullement la remise en cause de l’existence et de l’efficacité de ce dispositif, sans lequel les dépenses de recherche des entreprises auraient sans doute fortement baissé depuis 2008.

Aujourd’hui, en 2014, alors que l’essentiel de la crise économique est, je l’espère, derrière nous et que notre pays s’apprête à adopter dans les prochains jours sa stratégie nationale de recherche pour répondre aux grands défis sociétaux, ce plan pluriannuel de créations d’emplois scientifiques publics est devenu, à mon sens, une ardente obligation, à laquelle l’État doit répondre, sinon dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, à tout le moins dans le projet de loi de finances pour 2015.

Monsieur le secrétaire d’État, en dépit de ces remarques, dont certaines peuvent sembler critiques, mais sont également constructives, il est évident que je voterai le projet de loi de finances rectificative pour 2014. En le votant ainsi, j’ai le sentiment de contribuer à préparer le budget pour 2015 qui, je l’espère, contiendra quelques mesures destinées à soutenir l’emploi scientifique français, lequel est aujourd’hui en grande difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Yvon Collin et André Gattolin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà trois longues heures que vous êtes en séance. Vous avez entendu dix-sept interventions, je suis le dix-huitième, mais ne vous inquiétez pas : je serai concis, néanmoins je vais peut-être vous surprendre.

M. Jean-Pierre Caffet. Comme d’habitude !

M. Serge Dassault. Je lance un cri d’alarme, avec tous les acteurs économiques. Tous sont très inquiets de voir notre France bientôt en faillite, avec une dette qui augmente chaque année de 80 milliards d’euros et qui atteint cette année 2 000 milliards d’euros. Avant de revenir à l’équilibre, si nous y parvenons, il faudrait encore dépenser presque 200 milliards d’euros !

Jusqu’où va aller notre dette, sans une obligation de plafonnement, qu’il serait utile pour tous de mettre en place ? Le règlement de ses intérêts nous prive chaque année de 45 milliards d’euros de recettes fiscales.

Ce qui est très grave, c’est que cette dette de 2 000 milliards d’euros ne pourra jamais être remboursée ! Et qu’en sera-t-il ensuite ? Même si l’on réalisait 10 milliards d’euros d’excédent par an, ce qui est loin d’être le cas, il faudrait deux cents ans à compter du jour du retour à l’équilibre pour rembourser cette somme ! C’est impossible. Cela ne concerne même plus nos enfants, mais nos arrière-arrière-arrière-petits-enfants ! C’est complètement stupide ! Et plus la dette augmentera, plus la situation s’aggravera ! Nous sommes déjà totalement en faillite et nous ne pouvons pas réduire cette dette.

Il y a pire encore ! Malgré les multiples avertissements de la Cour des comptes, dont vous ne tenez aucun compte, ce qui est une erreur, comme de la Commission européenne, qui nous a placés sous surveillance renforcée, vous continuez à ne rien vouloir changer dans votre politique d’augmentation des dépenses.

Vous continuez en effet à embaucher de nouveaux fonctionnaires, au lieu d’en diminuer le nombre, et vous présentez un collectif budgétaire avec des hypothèses de croissance qui ne se réaliseront jamais – 1 % en 2014 et 1,7 % en 2015, c’est impossible ! – et avec des recettes fiscales surévaluées.

Vous auriez dû prévoir une croissance de 0 % :…

M. Serge Dassault. … vous ne vous seriez pas trompé et vous n’auriez eu que de bonnes surprises.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très juste !

M. Serge Dassault. Prévoir une croissance qui n’existe pas, c’est tromper les électeurs.

M. Gaëtan Gorce. En la matière, on connaît vos résultats à Corbeil-Essonnes !

M. Serge Dassault. Vous ne limiterez jamais le déficit de 2014 à 3,8 %, puisque la Cour des comptes prévoit déjà 4 % ou 4,1 %, et les 3 % en 2015 ne seront malheureusement jamais réalisés, mais c’est ainsi !

En conséquence, la situation va empirer, car les agences de notation, bienveillantes jusqu’à présent, vont se lasser de notre passivité: elles abaisseront notre notation et nos taux d’intérêt augmenteront. Tous les emprunts que nous réalisons chaque année, soit plus de 170 milliards d’euros, nous coûteront plus cher et nous risquons de nous trouver en cessation de paiement. Ce sera la faillite.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous proposer plusieurs solutions,… et j’espère que vous m’écoutez. (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une seule suffirait, monsieur le sénateur. (Nouveaux sourires.)

M. Serge Dassault. Augmenter temporairement la TVA à 23 %, tant que l’on n’atteindra pas l’équilibre budgétaire, rapportera 20 milliards d’euros par an. Revenir à la durée légale de travail à trente-neuf heures, ce que je demande depuis longtemps, permettra d’économiser 21 milliards d’euros. Vous pouvez disposer ainsi de plus de 40 milliards d’euros de recettes supplémentaires et donc d’un coup réduire le déficit budgétaire de quelque 40 milliards d’euros.

Mais il y a encore mieux, et c’est là que je compte vous surprendre : je vous propose de remplacer tous les impôts sur le revenu par une flat tax,…

M. Jean-Pierre Caffet. À la Thatcher !

M. Serge Dassault. … c’est-à-dire un impôt sur le revenu avec un taux unique, comme le font de nombreux pays, avec des résultats significatifs. La Russie, notamment, ancien pays communiste, applique à tous une flat tax de 13 %.

M. André Gattolin. Elle est en récession !

M. Serge Dassault. Un taux de 13 % pour tout le monde comme maximum d’imposition ! Je vous rappelle que nous payons déjà la CSG par une flat tax à 7,5 %, qui rapporte plus que l’impôt sur le revenu : 90 milliards d’euros, contre 70 milliards d’euros.

Pourquoi ne pas associer le paiement de la CSG et de l’impôt sur le revenu dans une flat tax commune, qui rapporterait un montant supérieur aux recettes actuelles ?

Avec une flat tax unique à 15 %, par exemple, la recette budgétaire serait d’environ 200 milliards d’euros, ce qui résoudrait tous nos problèmes, alors qu’aujourd’hui l’addition de la CSG et de l’impôt sur le revenu n’atteint que 160 milliards d’euros.

Ce dispositif aura de multiples avantages : il augmentera les recettes fiscales grâce à une adhésion nationale à l’impôt : il n’y aura plus de fraude fiscale ! Cela permettra de retenir les investisseurs et de mettre un terme à leur expatriation, qui les conduit à créer de l’emploi et de la reprise ailleurs ! La France se remettra ainsi en marche, comme le souhaite notre Premier ministre.

Pour étudier complètement les avantages et les inconvénients de ce système en France, en analysant notamment les expériences déjà menées dans d’autres pays, je vous propose de constituer une mission parlementaire ou un groupe de travail. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Monsieur le secrétaire d’État, je ne cherche qu’à vous apporter une contribution d’intérêt national pour retrouver rapidement l’équilibre budgétaire, la croissance et l’emploi, pour la France, et surtout pour tous les Français ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)