M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Serge Dassault. Elles sont l’une des causes du manque de compétitivité de notre pays, fait qui est donc lié à un coût du travail trop élevé et à un travail insuffisant.

Mme Annie David. Et le capital ?

M. Serge Dassault. De plus, elles coûtent chaque année à notre budget 21 milliards d’euros d’allégement de charges sociales, car l’horaire réduit à 35 heures, mais payé 39 heures, a accru d’un coup les charges des entreprises.

Revenir à 39 heures,…

M. Gérard Longuet. Évidemment !

M. Serge Dassault. … ce qu’il faudrait faire et que l’on ne veut pas faire,…

M. Dominique Bailly. Pourquoi pas 50 heures payées 35 ?

M. Serge Dassault. … permettrait de supprimer ces allégements et accorderait au budget 21 milliards d’euros supplémentaires, ce qui n’est tout de même pas négligeable.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Serge Dassault. Tant qu’aucun gouvernement, de gauche comme de droite, n’aura pas supprimé l’impôt sur le patrimoine et les hauts revenus, les 35 heures et la rigidité du travail, il est inutile de croire au père Noël et de penser qu’un jour la croissance augmentera et le chômage diminuera.

D’ailleurs, je vous rappelle que si Nicolas Sarkozy, pourtant de droite, n’a pas réussi à faire redémarrer notre économie, c’est bien parce qu’il n’a supprimé ni l’ISF, ni les 35 heures, ni la rigidité du travail. Il a fait comme vous, il n’a pas réussi. Donc, vous ne ferez pas mieux : la France continuera à accumuler les déficits et à assister à la décadence de son économie.

En réalité, les lois de l’économie sont immuables. Mieux vaut s’y conformer, car elles n’ont rien à voir avec l’idéologie politique. Le moteur de l’économie est la motivation, la recherche de l’augmentation des responsabilités et des rémunérations. Les Chinois l’ont bien compris. Après des années de communisme et de pauvreté, leur dirigeant Deng Xiaopin leur a dit « enrichissez-vous ! », sans limitation, et c’est parti : ils ont compris, eux, qu’il valait mieux que les pauvres deviennent riches plutôt que les riches deviennent pauvres.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Karl Marx avait raison !

M. Serge Dassault. Aujourd’hui,…

Mme Annie David. Aujourd’hui, les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres ! Ce n’est pas bien non plus !

M. Serge Dassault. … les Chinois enrichis et travailleurs investissent dans le monde entier. Ils ont créé des entreprises de haute technologie.

Pour en revenir au budget de 2015, rappelons que celui de 2014 a prévu 300 milliards d’euros de recettes mais avec 380 milliards d’euros de dépenses, donc 80 milliards d’euros de déficit, soit 4 % de PIB, augmentant d’autant la dette. Pour arriver à 3 % de PIB en 2015, il faudrait trouver 20 milliards d’euros d’économies en 2015, et, pour atteindre l’équilibre, il en faudrait 80.

Alors, mes chers collègues, je voudrais vous proposer un joker, si je puis dire, dont je vous ai déjà parlé voilà une huitaine de jours : la flat tax. La CSG est déjà payée par le biais d’une flat tax. Il suffirait de prévoir une flat tax globale, qui associerait la CSG et l’impôt sur le revenu. À elle seule, la CSG avec sa flat tax rapporte 90 milliards d’euros, alors que l’impôt sur le revenu représente 70 milliards d’euros. Nous supprimerions l’impôt progressif mis en place par Joseph Caillaux voilà cent ans qui réduit l’investissement et la croissance, et la retenue pourrait être effectuée à la source, puisque ce sont les entreprises qui paient. Cela présenterait un immense intérêt : le salaire net deviendrait non imposable. Cela changerait tout !

De plus, des niches fiscales personnelles pourraient être supprimées, ce qui rapporterait plus de 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires à l’État.

Il n’est pas question pour moi de proposer aujourd'hui des taux, mais je pense qu’il serait utile d’étudier cette proposition, d’en tirer profit, si possible, lors de l’élaboration du prochain budget et ainsi de sauver notre pays de la faillite. Les recettes attendues d’une telle disposition seraient bien supérieures à ce que rapportent la CSG et l’impôt sur le revenu, ce qui résoudrait bien des problèmes.

La flat tax est appliquée avec succès en Russie, ancien pays communiste, qui a de l’expérience, à un taux unique de 13 %. En raison de l’absence de fraude fiscale – tout le monde paie –, ce pays enregistre des revenus supérieurs.

Vingt-quatre autres pays appliquent une telle taxe d’un montant de 15 % à 20 %, dont l’Estonie, la Roumanie, la Géorgie, la Slovaquie. Partout, la flat tax maximalise l’efficacité économique.

Ce beau pays qu’est la France, comme l’a dit Jean-Vincent Placé, est bien mal en point ! Aussi, je vous propose, monsieur le ministre, de faire étudier par une mission parlementaire, en lien avec Bercy, une flat tax unique en France pour financer à la fois la CSG, les impôts, les déficits, afin de connaître son utilité, au lieu de la refuser par principe, et de l’appliquer le plus tôt possible pour éviter une catastrophe financière et la faillite de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons cet après-midi porte à la fois sur l’orientation des finances publiques et sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013. Je commencerai par évoquer ce second volet du débat.

De 2013, je dirais que nous faisons mieux que jamais, mais que la vigilance reste de mise.

Mieux que jamais, car le déficit s’établit à 74,9 milliards d’euros, c’est-à-dire 4,3 % du PIB, alors qu’il atteignait 87 milliards d’euros en 2012 et 149 milliards d’euros en 2010.

Le déficit structurel, à 3,1 %, est à son plus bas niveau depuis 2002 : il s’élevait à 5 % en 2011, et à 4,2 % en 2012. La croissance de la dépense publique, quant à elle, a été seulement de 2 %, soit son plus bas niveau depuis 1998. Elle reste malheureusement supérieure à la croissance du PIB, mais il a fallu financer des dépenses exceptionnelles. Je songe en particulier aux contributions de 6,5 milliards d’euros au mécanisme européen de stabilité et de 1,6 milliard d’euros à la Banque européenne d’investissement.

Toutefois, je le répète, la vigilance est de mise. D’abord, parce que l’objectif initial de déficit de 3,1 % du PIB, fixé au mois de décembre 2012, n’a pas été atteint. Le déficit, supérieur au produit de l’impôt sur le revenu, représente 25 % des recettes et 33 % des dépenses de l’État. Nous constatons également un gros dérapage du crédit d’impôt recherche. Enfin, la dette publique dépasse maintenant 90 % du PIB. Je rappelle pour mémoire qu’elle s’élevait à 58 % en 2002 et à 89 % en 2012.

Les recettes du budget sont en augmentation de 15 milliards d’euros, grâce à de nouvelles recettes. Cependant, cela a été déjà souligné, nous comptions sur 12 milliards d’euros supplémentaires. Or il est impossible d’imputer l’intégralité de ces non-recettes à la conjoncture : le fait que la croissance n’atteigne que 0,3 % au lieu des 0,8 % attendus s’est traduit par une perte de PIB de 10 milliards d’euros –, mais cela ne peut suffire à expliquer ces 12 milliards d’euros de non-recettes. Le manque à gagner le plus significatif est celui de l’impôt sur les sociétés qui atteint 8,5 %.

Au regard de ces recettes moins fortes que prévu, nous pourrions dire, si nous parlions d’une entreprise, que le business model est à bout de souffle.

Par ailleurs, nous disposons de peu d’informations sur le hors-bilan : plus de 80 milliards d’euros de garantie ont été donnés en deux ans, en particulier à l’UNEDIC, au Crédit immobilier de France et à la Banque PSA Finance.

Enfin, cela a été indiqué, le service de la dette a été moins lourd que prévu, alors qu’il a fallu placer plus de 168 milliards d’euros d’emprunts. La charge de la dette a atteint 45 milliards d’euros, soit 1,4 milliard d’euros de moins qu’en 2012.

Quoi qu’il en soit, nous devons rester très vigilants, car ces résultats ont été enregistrés grâce aux taux d’intérêt très faibles que nous constatons aujourd’hui. En cas de perte de confiance dans la signature de la France, la charge deviendrait immédiatement insupportable pour le budget. De même, lorsque la croissance sera de retour, notre économie devra courir avec des semelles de plomb en raison de la remontée probable des taux d’intérêt, ce qui aura un effet sur la charge de la dette et empêchera notre économie de profiter complètement de ce rebond. La stabilisation de la dette doit donc demeurer notre objectif prioritaire.

À cet égard, je me dois de saluer largement les efforts du Gouvernement.

Tout d’abord, à l’échelon national : dans sa certification des comptes de l’État, la Cour des comptes a émis deux réserves de moins qu’en 2012. Or, contrairement à nombre de nos partenaires européens, cette démarche de certification vise également les comptes de la sécurité sociale.

Ensuite, au plan européen : la ratification du TSCG, la mise en place du mécanisme de pilotage des finances publiques et du semestre européen ont permis de crédibiliser l’action à la fois de la France et de la zone euro. La mise en place de l’Union bancaire a parachevé ce mouvement.

D’autres orateurs, notamment Nicole Bricq, ont signalé qu’énormément de choses restaient encore à faire en matière de convergence des fiscalités. Aujourd’hui, en zone euro, la fiscalité est un élément non pas d’harmonie, mais bien plutôt de dumping et de différenciation. Il est temps d’y mettre fin.

S’agissant plus spécifiquement de la France, la croissance du commerce mondial de 2,8 % en 2013 n’a profité à notre pays qu’à hauteur de 1,8 %. Cela signifie que celui-ci n’est pas équipé pour répondre à la demande. De même, nous constatons que pour 6 euros de dette, l’activité ne progresse que de 25 %, soit de 1,5 euro. Nous avons donc besoin de réformes de structure pour mieux répondre aux besoins du monde et accompagner la croissance de l’ensemble de la planète. Si nous ne produisons pas les biens qui sont au cœur des besoins mondiaux, nous nous déclasserons progressivement et perdrons nos compétences.

On parle beaucoup de ceux qui quittent la France. D’ailleurs, l’un des titres du Nouvel Économiste fut même Les expatriotes. Toutefois, les Français établis à l’étranger sont toujours mobilisables et constituent un atout. La France n’a pas un solde des talents négatif. En revanche, la fuite des sièges sociaux hors de France, elle, est préoccupante. Il faut rétablir l’intérêt d’une implantation en France, de l’investissement en France.

M. Jean-Yves Leconte. Il s’agit de la condition nécessaire du retour de la croissance et de l’emploi. D’où le CICE, puis le pacte de responsabilité pour remettre l’industrie et l’innovation au cœur de l’économie, ce qui correspond à un effort de plus de 30 milliards d’euros. D’où la réforme de l’État et des collectivités territoriales, pour leur donner plus de responsabilité, de lisibilité et d’efficacité.

Cette politique aura des effets sur le long terme si elle est menée avec détermination et cohérence. Pour qu’elle puisse être enclenchée, il faut réussir à construire ce cercle vertueux de la confiance dans l’ensemble de la société. C’est là tout l’intérêt du pacte de solidarité pour les ménages : redonner du pouvoir d’achat et soutenir la consommation. Sur ce point, il faudrait non seulement viser les foyers venant de franchir le seuil au-delà duquel ils deviennent redevables de l’impôt sur le revenu, mais aussi se poser la question de la progressivité de la CSG pour ceux qui ne sont pas imposables.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous sommes loin de la flat tax ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte. Le programme d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans souligne la détermination du Gouvernement en la matière. S’agissant des comptes sociaux, il est important de le savoir, c’est la bataille de l’emploi qui permettra de les équilibrer.

On ne peut plus faire d’économies avec les vieilles méthodes. La RGPP n’a pas permis de limiter la croissance de la dépense publique. Parfois – cela a été souligné –, la limitation du nombre d’équivalents temps plein a provoqué l’augmentation des frais de fonctionnement en raison de l’externalisation des fonctions. Là où deux fonctionnaires travaillaient, il n’en reste plus qu’un qui passe des marchés.

Par ailleurs, l’une des réserves de la Cour des comptes porte sur le manque de système d’information financière intégré de l’État. Toutefois, la mise en place des systèmes CHORUS et Louvois s’est traduite par un certain nombre de dysfonctionnements et de coûts complémentaires. Une vision comptable ne permet pas de tout comprendre…

Enfin, il faudrait que cessent ces guerres entre administrations. Pourquoi la réduction du personnel dans une administration conduit-elle parfois un département ministériel à compenser ? De même, la modification des organigrammes gouvernementaux à chaque remaniement est tout aussi problématique et constitue un vecteur de changement.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Jean-Yves Leconte. Je pense en particulier aux promenades entre le ministère des affaires étrangères et Bercy d’un certain nombre de fonctions…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le tourisme fait du tourisme ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte. J’ajouterai que les opérateurs ne doivent pas être limités dans leur croissance s’ils disposent de ressources propres, à moins que cela ne pose un problème d’intérêt général.

Pour conclure, j’évoquerai quelques-unes des questions qui me préoccupent. Tout d’abord celle de l’investissement des collectivités locales et de l’État, mais aussi celle du besoin d’accompagner ces économies par un réel budget de la zone euro et des fonds de cohésion spécifiques à destination des collectivités territoriales. Il nous faut également mobiliser le logement, qui doit être un outil de pouvoir d’achat (M. le ministre opine.) et de compétitivité pour nos entreprises. Nous devons encore favoriser la mobilité du capital en posant la question des droits de mutation. De même, comment favoriser plus encore la fiscalité de l’investissement et la création en France de start-up, vecteurs majeurs de l’innovation ? Comment réorienter l’épargne des Français vers le financement du risque, de l’innovation ou de la création de richesse plutôt que vers le financement des besoins du service de la dette ? Si ce dernier aspect est important, nous devons néanmoins nous efforcer de sortir de cette dépendance.

Eu égard au sérieux budgétaire – les comptes de 2013 en portent témoignage –, au diagnostic porté par le Gouvernement et aux propositions à la hauteur des enjeux, les membres du groupe socialiste voteront ce projet de loi de règlement avec, …

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Avec enthousiasme ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte. … à l’esprit, les questions que je viens de vous poser, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la loi organique de décembre 2012 qui prévoit que les écarts par rapport à la trajectoire de solde structurel sont constatés en loi de règlement et que les mesures correctrices éventuelles sont présentées dans le cadre du débat sur l’orientation des finances publiques.

Il est donc logique de joindre aujourd'hui la discussion du présent projet de loi de règlement et le débat sur l’orientation des finances publiques. Toutefois, monsieur le ministre, cela peut conduire les parlementaires à s’interroger sur le sens du vote qu’ils vont devoir émettre. En effet, le Gouvernement dépose un rapport sur les orientations des finances publiques sur lequel il ne demande pas de vote. En revanche, sur le projet de loi de règlement qu’il dépose également et qui n’est, à la vérité, qu’un arrêté des comptes et un rapport de gestion de l’exercice précédent, cette fois, il demande un vote.

Dès lors, s’agissant des membres de l’opposition, il est assez naturel, comme l’ont fait mes collègues qui se sont succédé à cette tribune, qu’ils aient tendance à raisonner de manière consolidée et à exprimer vis-à-vis du projet de loi de règlement, qui est le seul support sur lequel nous pouvons voter, les désaccords que, à juste titre, selon moi, ils peuvent avoir avec les orientations des finances publiques.

Quoi qu’il en soit, la commission des finances a, comme chaque année, joué le jeu. Les rapporteurs spéciaux ont effectué un travail important relatif à l’exécution des crédits des missions qu’ils suivent.

Comme toujours, mes chers collègues, il convient de lire avec attention le rapport du rapporteur général particulièrement riche d’enseignements.

J’ajouterai que nous avons auditionné quatre ministres « dépensiers » auxquels nous avons demandé de bien vouloir répondre à des questions précises sur leur gestion.

En quelques mots, je voudrais d’abord revenir sur le budget de l’État de 2013. J’espère que Mme Bricq ne me désavouera pas sur ces chiffres : le déficit est supérieur de 13 milliards d’euros à la prévision ; les dépenses sont mieux tenues que prévu, mais augmentent en valeur absolue par rapport à 2012 ; quant aux dépenses de personnel, si elles diminuent, c’est surtout sous l’effet des suppressions de postes décidées par l’horrible majorité précédente. (Sourires.)

M. Alain Gournac. Affreuse ! (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En tout état de cause, la première leçon à tirer du présent projet de loi de règlement, c’est qu’il faut agir sur les effectifs pour réduire de manière pérenne les dépenses des administrations.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Regardons maintenant l’ensemble du secteur public en 2013. Ce devait être, je le rappelle, l’année du retour du déficit sous la barre des 3 %. On s’y préparait de longue date, on protestait de la volonté du pays d’y parvenir, jusqu’à ce que l’on obtienne, avec soulagement, un report de deux ans de la part de nos partenaires.

Mme Fabienne Keller. Absolument !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il s’agit en outre de la première année d’application des nouvelles règles de gouvernance : 2013 voit apparaître dans la plénitude de ses fonctions le Haut Conseil des finances publiques, lequel a constaté un écart de 1,5 point de produit intérieur brut par rapport à la trajectoire de solde structurel figurant dans les précédentes lois de programmation budgétaire.

En pareil cas, monsieur le ministre, le Gouvernement doit exposer les mesures de correction dans le cadre du présent rapport en vue du débat sur l’orientation des finances publiques. Or j’observe que le Gouvernement ne présente aucune disposition nouvelle pour corriger cet écart. Sur ce 1,5 point d’écart, les différentes annonces, qui incluent les 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur les crédits de 2014, conduisent à corriger uniquement – Vincent Delahaye en faisait la démonstration tout à l'heure – 0,3 point.

Cette remarque me conduit, monsieur le ministre, à vous poser tout d’abord une question de méthode : peut-on ne corriger que partiellement un « écart important » au sens de la loi organique et de la gouvernance européenne ?

Lorsque j’ai posé cette question au secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, lors d’une réunion de la commission, le 2 juin dernier, il m’a fait une réponse ingénieuse, mais difficile à interpréter,…

Mme Nicole Bricq. C’est donc qu’il aura été très bon ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … alors que la loi organique ne semble pas, selon moi, laisser place à interprétation.

Dès lors, à quoi allons-nous assister cet automne, mes chers collègues, lorsque le Sénat siégera dans sa nouvelle composition ? Le Gouvernement prendra-t-il des mesures supplémentaires pour rattraper l’intégralité du dérapage de 2013 ?

Mme Fabienne Keller. Bonne question !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Profitera-t-il, au contraire, de l’examen du nouveau projet de loi de programmation des finances publiques pour présenter opportunément, de son point de vue, une nouvelle trajectoire, fondée sur une nouvelle estimation du PIB potentiel, cela lui permettant de remettre, pour ainsi dire, les compteurs à zéro et de repartir pour deux ans, sans risque d’être inquiété ni par le Haut Conseil des finances publiques ni par la Commission de Bruxelles ? Vous le comprenez, mes chers collègues, c’est ce que je suppute, voire suspecte, en cet instant !

M. Éric Doligé. Vous n’êtes pas le seul !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce serait, à la vérité, un détournement de procédure, voire une manipulation tout à fait comparable, à mes yeux, à celle que les députés de la majorité ont voulu réaliser en votant un amendement tendant à rectifier le solde structurel.

Mme Fabienne Keller. Absolument !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour éviter toute tentation de cette nature, il faudrait considérer que la mesure des écarts par rapport à la trajectoire doit être effectuée à partir des mêmes références sur l’ensemble d’une législature et s’interdire de changer les règles du jeu, l’étalonnage des compteurs, au cours de celle-ci.

Mme Nicole Bricq. Vous ne vous êtes pas privés de le faire quand vous étiez aux responsabilités ! Vous avez la mémoire courte ! (Mme Michèle André approuve.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je vous donne bien volontiers rendez-vous cet automne : nous pourrons ainsi apprécier ce qu’il en sera du projet de loi de programmation des finances publiques.

Mais allons au-delà de l’année 2014, mes chers collègues, et interrogeons-nous sur ce que peuvent être les orientations réelles du Gouvernement. Je lis, dans le rapport préparatoire au débat sur l’orientation des finances publiques remis par le Gouvernement – j’en suis un instant rassuré –, que l’objectif de retour du déficit à 3 % du PIB en 2015 est confirmé. Mais je constate aussi, toujours à la lecture de ce même rapport, que cette cible ne fait l’objet d’aucun commentaire. Bien au contraire, « les incertitudes sur la trajectoire nominale » y sont soulignées !

Par ailleurs, je remarque que, lors du débat sur l’orientation des finances publiques à l’Assemblée nationale, aucun des deux représentants du Gouvernement présents n’a cité l’objectif de 3 % dans son intervention. Je remarque surtout que, au lendemain même de ce débat, le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ministre très médiatique, pour ne pas dire omniprésent dans les médias,…

M. Éric Doligé. Qui est-ce ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … a qualifié les partisans de la réduction du déficit, c’est-à-dire vous-même, monsieur le ministre des finances, de « comptables moralistes » (Exclamations amusées sur les mêmes travées.) et de « tournant du quinquennat » le propos du Premier ministre, qui, lors de sa déclaration de politique générale, rappelait que l’exigence de rétablissement des comptes publics ne devait pas casser la croissance.

Dès lors, mes chers collègues, après avoir rappelé, la semaine dernière, les reculs successifs de la majorité depuis 2012 en matière de finances publiques, je m’interroge sur la signification de ces chiffres magiques : 50 milliards d’euros d’économies de dépenses entre 2015 et 2017 et 25 milliards d’euros d’allégements de prélèvements obligatoires prévus par les différents pactes, sans que l’on puisse nous dire, jusqu’à présent, si la combinaison des deux permet de respecter les objectifs de solde auxquels nous nous sommes engagés.

Nous ne savons pas, par exemple, quelles sont les conséquences sur la trajectoire des finances publiques de l’anticipation des baisses de recettes par rapport à ce qui nous avait été dit initialement. Les économies, quant à elles, seront faites au fil du temps, jusqu’en 2017. Si j’étais à Bruxelles ou dans une salle de marché, permettez-moi de le dire, monsieur le ministre, je m’inquiéterais de cette inversion des facteurs.

Je voudrais que le Gouvernement français clarifie sa position : soutient-il vraiment le camp de la prudence, c’est-à-dire celui des fameux « comptables moralistes » évoqués par votre sympathique collègue ? A-t-il réellement l’intention de tenir les engagements pris à l’égard de l’Union européenne et de l’ensemble de notre environnement financier ? À ce titre, pouvez-vous commenter les propos du ministre de l’économie, selon lesquels – c’est ainsi, du moins, que je le comprends – les programmes de stabilité, même s’ils sont votés par l’Assemblée nationale, n’engagent plus véritablement la France ?

Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous ne pouvons qu’être inquiets sur l’orientation des finances publiques. Quels que soient nos débats, quelles que soient les différences qui peuvent exister dans la communication gouvernementale, il n’en est pas moins vrai qu’un compteur continue à tourner : non pas celui indiquant mon temps de parole, que j’ai dépassé (Sourires sur les travées de l’UMP.), mais celui de la dette publique !

Mme Bricq a eu raison de le dire, le Trésor est extrêmement professionnel ; il fait tout ce qu’il faut pour alléger ce fardeau. Mais cette technicité, un jour, ne suffira peut-être plus et sera impuissante à maintenir notre indépendance.

C’est donc au bénéfice de tous ces éléments que les membres du groupe UMP s’apprêtent à voter contre le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

M. Michel Sapin, ministre. Je crains que la conclusion ne soit la même !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière intervenante de ce débat traditionnel du mois de juillet, je voudrais tout d’abord souligner le caractère très particulier qu’il revêt cette année.

Un débat sur l’orientation des finances publiques est censé porter sur des perspectives présentées par le Gouvernement, avant que celui-ci n’arrête définitivement ses choix et ne les traduise dans les textes financiers à venir. Or les décisions en la matière ont été prises dès le début du mois d’avril, avec l’annonce du pacte de responsabilité, et elles sont déjà très largement en cours de discussion au Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Certaines de ces mesures ne produiront pas d’effet avant 2015 et auraient donc parfaitement pu trouver leur place dans la discussion budgétaire de l’automne prochain. C’est le cas, par exemple, des allégements de cotisations sociales patronales, votés la semaine dernière par l’Assemblée nationale, et sur lesquels le Sénat va se prononcer dans quelques heures.

À mes yeux, la méthode suivie par le Gouvernement vide très largement notre débat de ce jour d’une grande partie de son intérêt, même si ce débat nous permet, au moins, d’exprimer et de réaffirmer notre opinion. À ce titre, je vous ferai part, mes chers collègues, de quelques réflexions plus spécifiquement axées sur le domaine social, cœur des compétences de la commission des affaires sociales, qui occupe une place majeure dans les finances publiques et donc dans les orientations présentées au Sénat aujourd’hui.

Tout d’abord, je constate que les choix arrêtés par le Gouvernement confirment, en les accentuant, ceux qu’il a opérés depuis 2012. La priorité absolue est donnée à la réduction à court terme des déficits publics ; c’est l’objectif premier, auquel sont subordonnés les autres volets de sa politique. Il en découle un freinage sans précédent des dépenses publiques, notamment des dépenses sociales, à un moment où nombre de nos concitoyens sont confrontés à des situations extrêmement difficiles.

Pourtant, dans le même temps, mois après mois, tous les indicateurs de croissance, d’emploi ou d’investissement publiés par les instances qualifiées montrent que les résultats ne sont pas au rendez-vous. J’évoquerai seulement la note de conjoncture de l’INSEE du mois dernier, qui prévoit, après deux années de quasi-stagnation, une croissance limitée à 0,7 % en 2014, au lieu du 1 % retenu par le Gouvernement. Elle souligne une absence de redémarrage de la demande qui dissuade les entreprises d’investir.

Tout aussi inquiétantes sont les prévisions de l’UNEDIC, qui table sur une hausse continue du chômage jusqu’à la fin de l’année 2015, avec 120 000 demandeurs d’emploi indemnisés supplémentaires en 2014 et 134 000 autres en 2015.

Je ne reviendrai pas sur la note de la direction générale du Trésor, obtenue par la rapporteure générale du budget de l’Assemblée nationale, ni sur les effets récessifs potentiels du plan d’économies de 50 milliards d’euros, lequel, selon les évaluations, pourrait entraîner la suppression de 250 000 emplois à l’horizon 2017.

Certes, monsieur le ministre, vous avez qualifié ces analyses de « calculs en chambre » extrêmement théoriques. Certes, la rapporteure générale du budget de l’Assemblée nationale a fini par soutenir cette politique. Il n’en reste pas moins vrai qu’il existe malheureusement de nombreux éléments objectifs justifiant l’inquiétude suscitée par les options que vous avez arrêtées.

Pour m’en tenir au champ des finances sociales, je ne conteste pas la nécessité du retour à l’équilibre. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales souligne toujours, et à juste titre, qu’il n’est pas acceptable de reporter sur les générations futures nos dépenses de soins ou le paiement des pensions de retraite.