Article 48 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Adoption de l'ensemble du projet de loi (fin)

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais tout d’abord saluer le travail qu’a accompli sur ce texte notre rapporteur, Marc Daunis, mais aussi celui qu’il a réalisé en amont avec Marie-Noëlle Lienemann, dans le cadre d’un précédent rapport qui portait déjà sur l’économie sociale et solidaire.

Cher Marc Daunis, le succès que traduit le vote qui vient d’intervenir nous permettra, je l’espère, de vous retrouver au mois d’octobre au Sénat. C’est en tout cas un bon présage !

M. Marc Daunis, rapporteur. Merci !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Quant à vous, madame la secrétaire d'État, vous avez réussi brillamment votre examen d’entrée au Palais du Luxembourg ! Ce texte sur l’économie sociale et solidaire est le premier que vous avez eu à défendre, et ce le jour même de votre prise de fonction.

Nous avons, à cette occasion, été agréablement surpris de la pertinence de vos remarques, preuve de votre bonne connaissance de ce texte. Peut-être est-ce dû à votre culture, à votre proximité avec Jean Jaurès, que vous aimez à citer, point que vous avez en commun avec Jean-Jacques Mirassou. Je laisse de côté votre petit débat entre Albi et Carmaux, sachant que l’accent est le même, de toute façon, et que l’on joue sans doute, à Carmaux comme à Albi, avec des ballons qui ne sont même pas ronds ! Mais personne n’est parfait… (Sourires.)

Enfin, je tiens à remercier chaleureusement les collaborateurs de la commission des affaires économiques, qui ont accompli un travail tout à fait remarquable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Daunis, rapporteur. Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de m’exprimer en dernier : je ne sais si c’est très protocolaire, mais cette courtoisie me touche.

Je tiens à mon tour à remercier les services du Sénat, particulièrement les collaborateurs de la commission des affaires économiques, qui, sous votre impulsion, monsieur le président de la commission, ont effectué un travail remarquable, comme à leur habitude.

Je salue bien sûr mes collègues, en premier lieu, Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que les différents groupes de la majorité sénatoriale avec lesquels nous avons coconstruit ce texte. Nous avons œuvré dans un excellent esprit, empreint de respect mutuel, cher Gérard Le Cam et cher Joël Labbé, qui nous a permis de mener un véritable travail de fond. Avec Jacques Mézard et le groupe du RDSE, nous avons peaufiné l’équilibre recherché.

Je voulais saluer Valérie Létard et Henri Tandonnet, dont les positions ont progressé au fil du débat. Je regrette que le groupe UDI-UC n’ait pas trouvé l’élan nécessaire pour voter ce texte. Peut-être quelques chaînes idéologiques vous retiennent-elles encore (Mme Françoise Férat s’exclame.), mais n’insultons pas l’avenir : je suis persuadé qu’un jour nous parviendrons à donner ensemble l’élan nécessaire à l’économie sociale et solidaire.

J’ai compris, en l’écoutant dans la discussion générale, que notre collègue Jacky Pierre attendait beaucoup. Il est vrai que rien n’avait été fait jusqu’ici en matière d’économie sociale et solidaire. Je crains cependant, si notre collègue reste dans les mêmes dispositions d’esprit, qu’il n’attende encore longtemps. Je regrette que nos collègues de l’UMP ne se soient pas associés au mouvement.

Madame la secrétaire d’État, le travail qui a été mené avec le Gouvernement, que ce soit, dans un premier temps, avec le ministre Benoît Hamon puis avec vous-même, a été extrêmement fructueux. Je vous remercie donc très chaleureusement de votre écoute ainsi que de la qualité du travail effectué. Je pense que nous avons donné ensemble une belle image de la politique.

Enfin, une loi n’est rien sans ceux auxquels elle s’adresse. Ce texte est un instrument au service des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Nous n’aurons fait que produire l’outil : aux acteurs de l’économie sociale et solidaire de s’en emparer pour lui donner sa profondeur, sa force, son âme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, avant de passer au point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Adoption de l'ensemble du projet de loi (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
 

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Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 17 juillet 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 706-73, 8°, du code de procédure pénale et sur l’article 706-88 du code de procédure pénale dans sa version applicable au moment des faits (possibilité d’une garde à vue de 96 heures pour les cas d’escroquerie commis en bande organisée) (2014-420 et 2014-421 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

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Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Discussion générale (suite)

Sécurisation des contrats de prêts structurés

Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public (projet n° 721, texte de la commission n° 727, rapport n° 726).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons donc pour examiner, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, que le Sénat avait adopté en première lecture le 13 mai dernier.

Il n’est pas nécessaire que je reprenne dans le détail les raisons qui ont amené le Gouvernement à proposer à la représentation nationale un nouveau dispositif de sécurisation de ces contrats, après la censure du Conseil constitutionnel : la discussion, en première lecture, au Sénat, a déjà permis de débattre de ces sujets. Nous avons détaillé le risque majeur que ferait peser sur nos finances publiques la non-adoption de ce projet de loi, ainsi que les raisons pour lesquelles il ne désarme pas les collectivités territoriales face aux emprunts structurés.

En outre, je constate avec satisfaction que, mis à part l’amendement rédactionnel qui nous amène à cette deuxième lecture au Sénat, l'Assemblée nationale n’a pas apporté de modifications au texte que vous aviez voté. Ainsi, les articles 2, 3 et 4 ont été adoptés conformes.

L’Assemblée nationale a, en particulier, conservé l’article 4, ajouté par votre commission des finances, aux termes duquel, dans un délai de huit mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la réforme du taux effectif global. Nous y travaillerons.

Cette deuxième lecture tient donc uniquement au fait que l’Assemblée nationale a apporté une modification rédactionnelle, mais nécessaire, au projet de loi. Ainsi, à l’article 1er, le dispositif du projet de loi visait par erreur l’article L. 313-1 du code de la consommation, qui définit les modalités de calcul du taux effectif global. Or il convenait de viser l’article L. 313-2 du même code, qui prescrit la mention de ce taux dans les contrats.

Le Gouvernement a fait le choix de lever l’urgence sur le texte pour procéder à cette deuxième lecture, plutôt que de convoquer une commission mixte paritaire qui n’aurait eu pour objet que d’examiner cette modification rédactionnelle. J’en profite pour remercier le Sénat de ce nouvel examen dans des délais très brefs, que le Gouvernement, je dois l’avouer, n’avait pas initialement prévu.

Enfin, j’aimerais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques éléments nouveaux depuis la première lecture dans votre assemblée, sur la mise en place du fonds de soutien aux collectivités territoriales.

Le comité d’orientation et de suivi du fonds de soutien est en cours de constitution. Je remercie votre commission des finances d’être la première à y avoir nommé ses représentants et vous félicite, monsieur le rapporteur, pour votre nomination. Les membres du Gouvernement sont en train de faire de même, tout comme les associations d’élus, qui ont été saisies et doivent y procéder dans les plus brefs délais.

Nous visons une première réunion de ce comité dès le mois de septembre, ce qui permettrait de tenir l’objectif, que j’avais indiqué, de premiers versements au titre du fonds de secours à l’automne.

En conclusion, je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de confirmer votre vote du 13 mai dernier en adoptant le présent projet de loi, amendé par la rectification rédactionnelle opportunément apportée par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Germain, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public revient en seconde lecture devant notre assemblée, qui l’avait adopté, en première lecture, le 13 mai dernier. Il avait ensuite été examiné et voté par l’Assemblée nationale le 10 juillet.

Sur les quatre articles du projet de loi, trois ont été adoptés sans modification par l’Assemblée nationale. Seul l’article 1er reste en discussion. J’y reviendrai dans quelques instants.

En première lecture, j’avais eu l’occasion de souligner le caractère indispensable et urgent de ce texte, qui procède à une validation législative à la suite de deux jugements relatifs à des contrats d’emprunts structurés rendus par le tribunal de grande instance de Nanterre.

En effet, pour un motif formel – l’absence de taux effectif global ou l’erreur sur son calcul –, le TGI a décidé que le taux d’intérêt légal devait s’appliquer depuis la signature du contrat. Ces jugements sont de nature à mettre gravement en péril non seulement Dexia, mais aussi la Société de financement local, la SFIL, qui a repris une grande partie du portefeuille de prêts de Dexia Crédit Local.

Au total, on estime que les deux établissements, majoritairement détenus par l’État, pourraient perdre jusqu’à 10 milliards d’euros, auxquels il faudrait ajouter 7 milliards d’euros si la SFIL devait être mise en extinction.

Ce projet de loi vise donc à éviter un risque potentiel pour les finances publiques de l’ordre de 17 milliards d’euros, soit un peu moins de 1 % du PIB. Il est également décisif pour assurer la survie de la SFIL, qui représente environ 20 % de parts de marché du financement local.

Je voudrais par ailleurs rappeler que la loi de finances rectificative pour 2013 a mis en place un fonds de soutien aux collectivités, doté d’un montant de 1,5 milliard d’euros, afin de les aider à sortir des emprunts structurés.

Le projet de loi fait donc partie d’un ensemble équilibré proposé l’année dernière par le Gouvernement.

J’en viens maintenant plus directement au texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Les articles 2, 3 et 4 ont été adoptés sans modification. Les modifications apportées par le Sénat, en particulier l’ajout de l’article 4 demandant un rapport sur la réforme du taux effectif global, ont été conservées.

L’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, a précisé la rédaction de l’article 1er en modifiant une référence au code de la consommation.

Cette précision me paraît bienvenue et la commission des finances s’est prononcée pour que le Sénat adopte l’article 1er dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, de sorte que le projet de loi puisse être définitivement adopté par le Parlement.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent projet de loi de validation rétroactive, qui nous revient en deuxième lecture, a pour objet de sécuriser juridiquement les emprunts structurés dits « toxiques », octroyés par certaines banques et aujourd’hui contestés devant les tribunaux par plusieurs collectivités territoriales, essentiellement pour défaut de mention du TEG, le taux effectif global, mention pourtant obligatoire, ou d’erreur dans son calcul.

Cette validation juridique devrait mettre fin – nous l’espérons ! – aux centaines de contentieux en cours, qui, selon une jurisprudence récente, vont aboutir, à la suite du vice de forme né de l’absence de notification ou de l’erreur de calcul évoquées, à la condamnation des établissements bancaires ayant souscrit ces emprunts, ce qui impactera fortement les finances de l’État, lequel est actionnaire de ces établissements à hauteur de plusieurs milliards d’euros.

Cette validation juridique avait déjà été proposée dans le projet de loi de finances pour 2014, mais avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement revient donc avec une nouvelle copie, présentée comme juridiquement plus solide.

Rappelons que toutes les banques ne sont pas concernées, car toutes n’ont pas distribué d’emprunts structurés qui se sont révélés « toxiques ». Il s’est agi essentiellement de Dexia, dont l’État est actionnaire à 44 %.

Dexia, en faillite, a été remplacé par la Société de financement local, nouvelle entité chargée du financement des collectivités locales, détenue à 75 % par l’État, 20 % par la Caisse des dépôts et consignations et 5 % par la Banque postale.

Le stock d’emprunts toxiques a donc été repris partiellement par la SFIL, qui a hérité d’un portefeuille de 90 milliards d’euros de prêts déjà consentis à des collectivités, dont 9,4 milliards d’euros considérés comme « sensibles », concernant environ un millier de collectivités.

Les contentieux juridiques qui se multiplient pourraient donc avoir pour conséquence une nécessaire recapitalisation par l’État de la Société de financement local, voire sa mise en extinction.

Ainsi, faute de validation de l’absence de TEG et de l’absence de taux de période et/ou de durée de période, le risque financier maximum, direct et indirect, pour l’État peut être estimé à 17 milliards d’euros, dont 9 milliards d’euros se matérialiseraient dès la fin de cette année ou au début de 2015.

Selon le Gouvernement, l’ampleur des montants en jeu représente donc un risque systémique pour la Société de financement local, qui est appelée à devenir un acteur important du financement du secteur public local, avec une part de marché supérieure à 20 %, et, par conséquent, un risque de perturbation du financement des collectivités locales et de l’ensemble de l’économie française.

Toujours selon le Gouvernement, la loi de validation se justifie par le fait que l’absence de mention du TEG a une pertinence très limitée dans le cas des prêts structurés – ils sont effectivement, par essence, volatils –, notamment dans le cas des prêts consentis aux personnes morales de droit public, dans la mesure où, contrairement aux prêts à taux fixe, ils n’ont pas de valeur informative quant au taux réel qui sera appliqué.

Même sans notification du TEG, l’emprunteur disposait, selon le Gouvernement, de toutes les informations lui permettant de prendre une décision éclairée : montant ou mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts, périodicité et nombre de ces échéances ou durée du prêt.

En vérité, sur ce dossier, si ce n’est pas l’État qui paye la note au travers de la recapitalisation de la SFIL, ce seront les collectivités qui devront verser des surcoûts bancaires indécents, à hauteur de plusieurs milliards d’euros.

Contribuable national ou contribuable local, au final, ce sont les Français qui devront assumer financièrement ces égarements, dont il faut reconnaître qu’ils sont la responsabilité partagée de tous les pouvoirs publics dans leur ensemble depuis dix ans. Malgré tous les contrôleurs ou dispositifs de contrôle dont notre pays dispose – Cour des comptes, chambres régionales des comptes, Trésor, contrôle de légalité, personne ne s’est vraiment inquiété de la nature réelle des emprunts et des dangers encourus par les collectivités locales avec ces produits structurés dont elles n’étaient pas capables techniquement d’évaluer les risques.

Ces collectivités, aujourd'hui aux prises avec ces emprunts toxiques et des frais financiers qui s’envolent, n’ont en réalité d’autre choix que d’augmenter leur fiscalité ou de réduire fortement, avec un effet récessif, leurs investissements.

On aurait pu penser, au nom de la décentralisation et de l’autonomie financière des collectivités locales, que les élus qui ont manqué de discernement ou de prudence devaient être responsables de leurs actes. Or la situation dure depuis parfois deux mandatures, et aujourd'hui, même si les équipes ont changé, les emprunts toxiques figurent toujours dans les comptes et constituent un grave handicap pour la gestion de nombreuses collectivités. Je pense en particulier aux petites communes qui, par manque de capacités d’expertise devant ces produits financiers complexes, ont pu être bernées par les établissements financiers. Nous en connaissons tous ici des exemples.

Quand on étudie les documents commerciaux proposés à l’époque par Dexia, la prise de risque n’est jamais mentionnée, l’adossement à la parité euro-franc suisse étant présenté comme une valeur sûre et les économies garanties sur les taux d’intérêt.

La situation est donc complexe, car, s’il est possible que des défauts de conseil soient imputables à certaines banques, les procédures contentieuses ne devraient alors pas être entravées, particulièrement dans un domaine qui doit obéir à la loi des parties, puisqu’il s’agit de contrats entre les collectivités et leurs prêteurs.

Au surplus, monsieur le secrétaire d'État, le fonds de soutien de 1,5 milliard d’euros sur dix ans, mis en place par la loi de finances pour 2014 afin de favoriser le règlement des contentieux, apparaît aujourd'hui insuffisant pour répondre aux besoins recensés.

En effet, en décembre 2011, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux évaluait à 22 milliards d’euros l’encours de la dette liée à ces produits et à 18 milliards d’euros le volume total des produits structurés les plus toxiques.

Aussi, la renonciation à toute procédure contentieuse ne va pas forcément dans l’intérêt des contribuables des nombreuses collectivités concernées, lesquelles devront s’abstenir de tout recours en justice et se désengager des procès en cours, pour une aide indéterminée et dans son principe et dans sa durée. La loi de finances pour 2014 prévoit, en effet, que le montant de l’aide sera décidé conjointement par vous, monsieur le secrétaire d'État, et par le ministre chargé des collectivités territoriales. Mais vos décisions n’interviennent qu’une fois l’accord conclu avec l’établissement de crédit.

En fait, ce procédé s’inspire d’une technique bien connue : celle de la carotte et du bâton !

Les collectivités concernées ont jusqu’au 15 mars 2015 pour déposer leur demande d’aide, mais aucune n’est assurée de pouvoir en bénéficier, les modalités d’éligibilité au fonds n’étant, à notre connaissance, pas bien précisées – en tout état de cause, elles ne figurent pas dans la loi. Par ailleurs, le délai est court : certains produits structurés peuvent se révéler toxiques bien plus tard, puisque les taux sont indexés sur différentes variables de marchés complexes et, même, parfois, exotiques.

En résumé, nous avons le choix entre deux options.

Soit nous rejetons le présent projet de loi de validation, avec ces incertitudes. Nous laissons alors les centaines de procès en cours aboutir et nous faisons payer les banques qui ont pu abuser certaines collectivités, aujourd’hui la SFIL principalement, et donc l’État, pour un montant de 9 milliards d’euros à trouver d’ici la fin de l’année…

Soit nous adoptons le texte, et nous laissons alors les collectivités qui ont pu manquer de discernement et pris des risques avec ce type d’emprunts, négocier avec leur banque et étaler leur dette sur plusieurs années, au risque d’affecter leurs finances, leurs investissements et d’augmenter la fiscalité locale, dans un contexte de baisse drastique de leurs dotations.

Compte tenu de la complexité de cette situation et de l’importance des enjeux de part et d’autre, le groupe UMP, comme en première lecture, s’abstiendra, ce qui, monsieur le secrétaire d'État, revient, en réalité, à permettre un vote conforme.

Cependant, au-delà de cette position d’abstention, compromis entre une position de défense des collectivités et une position de responsabilité au regard de la situation des finances de l’État, nous nous interrogeons sur la constitutionnalité de ce projet de loi de validation rétroactive. En particulier, quand il a censuré les dispositions de l’article 92 du projet de loi de finances pour 2014, le Conseil constitutionnel n’a pas examiné tous les autres moyens invoqués par les parlementaires, notamment l’absence de but d’intérêt général suffisant, autre motif d’annulation qui pourrait être pertinent en l’espèce.

Nous ne mésestimons pas l’intérêt du présent projet de loi. En effet, le sujet est grave. Il l’est pour les finances publiques, car les ordres de grandeur sont considérables. En vertu des règles comptables, la SFIL et Dexia devraient constituer 10,6 milliards d’euros de provisions cumulées, en sus des 7 milliards d’euros de recapitalisation de la SFIL.

Le sujet est sensible aussi pour les collectivités territoriales, ainsi que pour certaines sociétés d’HLM et certains hôpitaux, car la validation législative objet de ce texte les privera d’une jurisprudence qui leur était favorable et les mettait parfois en position de force pour renégocier avec leurs banques. Là aussi, les surcoûts financiers et les pertes sont à peu près connus : de l’ordre de 10 milliards d’euros, à comparer, d'ailleurs, avec les 100 millions d’euros du fonds qui a été mis en place sur l’initiative du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, il sera compliqué pour le Conseil constitutionnel de déterminer, entre des intérêts contradictoires, où réside l’intérêt général suffisant. Un intérêt général suffisant, certes, mais pour qui ? Pour l’État ou pour les collectivités territoriales ? En réalité, du choix qui sera fait dépendra le sort de ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'État ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout a été dit sur l’affaire Dexia, et je partage l’analyse que vient d’en faire notre collègue Francis Delattre.

Le Sénat, en tant que gardien des collectivités locales, doit être très vigilant sur ce dossier.

J’ai moi-même interrogé le précédent gouvernement à ce sujet lors d’une séance de questions d’actualité, au mois de mai 2011. Le dossier a également été abordé lors de la séance de questions orales du 13 décembre de la même année. Je ne vous cache pas que les chiffres annoncés aujourd'hui – environ 17 milliards d’euros – sont tout à fait éloignés de la réalité qui nous était présentée à l’époque.

Toujours est-il que la philosophie qui a présidé au sauvetage de Dexia n’est plus la même que celle qui inspire le présent projet de loi.

Nous avions sauvé Dexia en opposant la garantie de l’État, dans un contexte de très graves tensions sur les marchés financiers : il fallait protéger l’État contre toute dégradation et donc contre tout événement bancaire qui aurait pu retourner les marchés obligataires.

Or, bien que je ne sois pas membre de la commission des finances et que je ne comprenne pas grand-chose à ces rouages de la vie des affaires, je constate cependant, en parlementaire attentive, que nous protégeons aujourd’hui les banques qui ont laissé proliférer ces produits financiers en privant nos collectivités d’une voie de droit, comme l’a très bien expliqué notre collègue François Delattre : d’abord, on négocie ; ensuite, et ensuite seulement, on connaît le montant de l’indemnisation et enfin on est indemnisé.

En l’espèce, la garantie joue pour tout le monde a priori, collectivités comme État, mais, en toute hypothèse, c’est le contribuable qui paiera, qu’il soit contribuable national ou contribuable local.

Quant aux communes concernées par les emprunts toxiques et autres prêts structurés, si certaines, et pas les moindres, sont dotées de services financiers et ont parfois à leur tête des personnages éminents, d’autres sont de petites communes. Ainsi, plusieurs communes de mon petit département rural sont concernées ; je les ai déjà évoquées.

Jean Arthuis avait l’habitude dire à cette tribune que les collectivités qui ont joué et perdu doivent assumer la responsabilité de leurs pertes. Le raisonnement se tient, mais quid des petites communes qui n’ont pas les moyens de faire autrement que d’utiliser les financements que le projet de loi couvre aujourd'hui ? Pour ces dernières, un problème se pose. Il ne s’agit pas de refaire l’histoire du financement des collectivités locales : ce n’est ni le jour, ni l’heure, ni l’endroit. Toutefois, il faut penser à ces communes, qui sont vraiment pénalisées.

Monsieur le secrétaire d'État, je veux attirer votre attention sur un point, qui avait déjà fait l’objet de ma part d’une question d’actualité et, même, en 2011, d’amendements au projet de loi de finances. Au passage, cela prouve l’utilité, pour le suivi des dossiers, d’un mandat suffisamment long !

M. Philippe Marini. Absolument !

Mme Nathalie Goulet. J’en reviens aux deux amendements que j’avais déposés : l’un tendait à demander un rapport sur les contentieux en cours – certes, nous n’aimons pas être surchargés de rapports, mais nous en recevrons de toute façon un de plus quand le présent projet de loi sera voté ! À l’époque, je souhaitais attirer l’attention sur la possibilité que d’autres contentieux se déclarent, outre ceux qui étaient déjà en cours, et donc sur la nécessité de disposer d’un aperçu de l’ampleur du risque. Le rapporteur général de la commission des finances de l’époque, notre collègue Nicole Bricq, avait trouvé que l’amendement était mal rédigé. Sans doute n’était-il pas parfait, mais il avait le mérite de poser le problème.