Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Thierry Braillard, en déplacement, qui m’a demandé de vous transmettre sa réponse.

Vous le savez, si toute activité humaine entraîne des risques, le sport implique des risques accrus et inhérents à sa pratique. Dans le domaine de la responsabilité, cette singularité sportive était traditionnellement prise en compte par la jurisprudence via « la théorie de l’acceptation des risques ». Selon celle-ci, les pratiquants ont connaissance des risques normaux et prévisibles qu’ils encourent en pratiquant leur sport et les ont acceptés. Dès lors, ils ne peuvent engager la responsabilité d’un tiers que si ce dernier a commis une faute manifeste consistant en une violation caractérisée d’une règle du sport concerné.

Dans un contexte général où la protection des victimes d’accidents corporels est de plus en plus systématiquement recherchée, la Cour de cassation a opéré un revirement en 2010, réduisant le champ d’application de la théorie des risques acceptés via la reconnaissance de l’existence d’une responsabilité sans faute du fait des choses. Nous le savons, cela a entraîné une forte augmentation des primes d’assurance de certaines fédérations et a complexifié le régime assurantiel des fédérations et compétitions sportives.

C’est dans ce cadre que le rapport au Parlement relatif aux enjeux du régime de responsabilité civile en matière sportive, prévu par la loi du 12 mars 2012, a pu être élaboré en concertation avec le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF.

Le rapport décline ces enjeux en deux volets : d’une part, veiller à ce que les victimes d’accidents à l’occasion de leur pratique sportive bénéficient d’une juste indemnisation pour répondre aux conséquences, parfois dramatiques, d’un tel accident dans leur vie professionnelle et quotidienne ; d’autre part, sécuriser juridiquement et économiquement la situation des fédérations et des organisateurs sportifs. En effet, faciliter l’engagement de la responsabilité civile d’un sportif ou de son club a une incidence très forte sur le montant des assurances qui doivent être souscrites, voire empêche de trouver un assureur.

Avant finalisation du rapport, des pistes d’évolutions ont récemment été présentées au CNOSF et à des présidents de fédération, et ont reçu leur entier soutien.

De même que l’enjeu est double, ces pistes avancent sur deux axes indissociables : en premier lieu, afin de sécuriser la situation des fédérations sportives, il pourrait être envisagé de consacrer dans la loi la théorie de l’acceptation des risques et d’unifier à partir de cette dernière l’ensemble des régimes de responsabilité civile délictuelle invocable en matière sportive ; en second lieu, et pour que tous les pratiquants soient couverts convenablement en cas d’accident, il pourrait être cohérent de prévoir que tout licencié à une fédération puisse justifier d’une assurance individuelle accident.

Ce rapport doit encore être présenté à l’ensemble des services de l’État, mais devrait pouvoir être déposé au Parlement très prochainement. Ses préconisations équilibrées faciliteraient concrètement la poursuite du développement de la pratique sportive dans un cadre sécurisé, pour les organisateurs comme pour les pratiquants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si, comme vous, je ne suis qu’un porte-parole.

Mme Boog apprendra avec plaisir que le rapport dont la publication était prévue l’année dernière va enfin sortir. Mais les parlementaires que nous sommes savent bien que la publication d’un rapport n’est pas forcément suivie d’une loi. J’espère donc que les éléments que vous nous avez communiqués prendront la forme de dispositions législatives.

Vous avez dit que les propositions relatives à l’acceptabilité du risque, notion qui me paraît essentielle, devaient être présentées aux présidents des fédérations sportives. J’ajouterai qu’il ne faut pas oublier les assureurs, car la théorie du risque, ainsi que la quantification et la tarification de celui-ci, doit faire l’objet d’une concertation avec les professionnels. Comme en tout domaine, il faut associer tous les acteurs concernés.

J’espère donc, madame le ministre, que vous transmettrez ce message à Mme la ministre chargée des sports. Ce n’est pas la peine que les professionnels et vos services élaborent des principes s’ils n’ont pas réfléchi à leur application pratique en matière assurantielle.

J’espère également que ce rapport et les dispositions que vous prendrez permettront de faire perdurer des compétitions sportives dans les domaines du cyclisme, du motocyclisme ou des sports automobiles, lesquels sont tarifés au niveau le plus élevé, compte tenu des incertitudes et des risques encourus.

redevance de congestion perçue sur les tronçons routiers

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 839, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Thierry Repentin. Ma question, monsieur le secrétaire d’État, concerne l’opportunité d’une augmentation de la redevance perçue sur les tronçons routiers, comme ceux traversant les Alpes, qui connaissent des problèmes de congestionnement, ou dont l’utilisation par les véhicules génère une pollution atmosphérique et sonore.

De fait, vous le savez, l’article 7 quater de la directive 2011/76/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 dite « Eurovignette III », modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, prévoit un dispositif permettant d’internaliser dans la tarification du transport routier le coût des externalités négatives qu’il génère, comme le coût d’une pollution atmosphérique ou d’une pollution sonore.

L’article 7 septies de cette même directive prévoit, pour les infrastructures situées dans des zones montagneuses, une majoration de la « redevance d’infrastructure perçue sur des tronçons qui connaissent des problèmes de congestionnement, ou dont l’utilisation par les véhicules cause des dommages à l’environnement ».

Le coût de ces pollutions, selon les estimations de la Commission européenne, pourraient s’élever à 210 milliards d’euros d’ici à 2020. Ces mesures, qui n’ont à l’heure actuelle pas encore été transposées en droit interne, permettraient le financement du report modal de la route vers le rail et pourraient alors constituer une réponse à des épisodes de pollution, notamment en Savoie, dans la vallée de la Maurienne, ou dans d’autres vallées alpines. La protection du parc national de la Vanoise, premier parc national de France, pourrait également justifier une telle mesure.

Le report modal est un objectif constant. L’accord franco-italien du 30 janvier 2012 sur le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin prévoit la mise en œuvre d’une politique favorisant le report modal du transport de la route vers le rail dans les Alpes. L’autoroute ferroviaire alpine participe, dans une dimension certes moindre que ce qui a été escompté, de l’allégement de la circulation dans les vallées et les agglomérations du territoire alpin. Des mesures sont par ailleurs à l’étude pour restreindre la circulation des poids lourds et interdire le tunnel du Fréjus aux véhicules de norme Euro 1.

Mais cet objectif est cependant régulièrement mis à mal, notamment pour des raisons budgétaires. Je souhaite rappeler le coût de la non-réalisation ou celui de l’inaction en termes de sécurité de nos concitoyens qui empruntent ces voies, d’atteintes à l’air et à l’environnement, ainsi que pour l’économie de ce territoire et, au-delà, pour le commerce extérieur de notre pays, lequel dépend de la qualité de ces infrastructures de transport.

Ce coût sera, hélas ! bien supérieur à celui de la réalisation effective de l’infrastructure. Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’indiquer la position du Gouvernement sur ces points, en souhaitant que la mise en place de la directive « Eurovignette III » soit l’occasion de favoriser la réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse fret et voyageurs entre Lyon et Turin, ce que souhaite aussi la Commission européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, cher Thierry Repentin, la directive de 1999, dite directive « Eurovignette », détermine le cadre commun pour la tarification des poids lourds sur toutes les routes du réseau transeuropéen de transport et les autoroutes.

Cette directive, ainsi que les deux directives modificatives de 2006 et 2011, affirme deux objectifs principaux : l’application du principe « utilisateur-payeur », fondée essentiellement sur la mise en œuvre d’une tarification kilométrique de l’usage des infrastructures ; l’application du principe « pollueur-payeur », visant à faire varier la tarification des infrastructures selon les nuisances générées par les poids lourds.

Ce second principe est lui-même décliné dans la directive selon deux modalités : la première, contraignante, prévoit la modulation des tarifs nouvellement établis en fonction de la classe Euro d’émission de polluants des poids lourds ; la seconde, facultative, autorise l’intégration des coûts de deux types de nuisances dans la tarification de l’infrastructure : la pollution atmosphérique et le bruit.

Qu’il s’agisse du réseau routier national concédé ou non concédé, la tarification des infrastructures routières en France respecte pleinement l’esprit et la lettre des directives. D’une part, les péages des autoroutes concédés et le futur péage de transit poids lourds correspondent à une tarification kilométrique, et donc, à ce titre, à l’application du principe « utilisateur-payeur ». D’autre part, en ce qui concerne le principe « pollueur-payeur », les nouveaux systèmes de tarification mis en place depuis 2010 – je pense, par exemple, aux autoroutes A63 et A150, le futur péage de transit –prévoient une modulation du tarif selon la classe Euro des poids lourds, conformément aux dispositions de la directive.

En revanche, pour répondre à un point précis de votre question, la faculté d’intégrer à la tarification les coûts de la pollution atmosphérique et du bruit n’a effectivement pas été transposée en droit national à ce stade. Il en va de même de celle consistant à établir un surpéage dans les zones de montagne. En effet, la mise en place de ces modalités de tarification soulève un certain nombre de questions sur les plans juridique et technique, qui doivent être préalablement résolues. Par exemple, la collecte d’une taxe sur les coûts externes ne serait pas possible au regard du système actuel de perception du péage sur les autoroutes concédées.

S’agissant du surpéage pour financer des projets transfrontaliers – vous y avez fait référence –, la directive prévoit que sa mise en œuvre doit faire l’objet d’un accord entre les États membres concernés. S’agissant plus particulièrement du financement du Lyon-Turin, auquel je sais que vous êtes tout particulièrement attaché, les réflexions à conduire doivent s’inscrire dans le cadre d’une étroite coordination avec nos partenaires italiens. Je peux vous assurer de la volonté de la partie française d’avancer rapidement sur ces aspects avec nos homologues transalpins afin d’apporter des réponses sécurisantes, stables et pérennes sur le financement des infrastructures.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous avez rappelé, et je l’ai bien compris, que quelques difficultés d’ordres juridique et technique se posaient encore.

Mais je connais également votre volonté, qui est celle du secrétaire d’État chargé des transports. Or c’est elle qui compte et que je souhaitais vous entendre exprimer !

Je sais que vous avez toujours été présent lors des sommets bilatéraux entre la France et l’Italie des deux dernières années, lors desquels la nécessité de réaliser le Lyon-Turin ferroviaire a été affirmée avec force, y compris par la voix du Président de la République.

J’ai aussi entendu le Premier ministre Manuel Valls réaffirmer, dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, que l’Europe devait se traduire, en France, par de grands chantiers. Je crois que celui du Lyon-Turin peut justement répondre à la préoccupation du chef du Gouvernement de relancer l’économie française par de grandes infrastructures, sachant par ailleurs que l’Union européenne financera à hauteur de 40 % les travaux de cette installation ferroviaire.

Cet effort pourrait également être consacré à la réalisation d’une infrastructure fluviale ; mais c’est un autre sujet auquel, je le sais, vous portez aussi une grande attention, monsieur le secrétaire d’État.

Je compte donc sur vous pour trouver, avec votre homologue italien, les voies et moyens pour mettre en place la directive dite « Eurovignette III » en zone de montagne. Cela constituera une ressource supplémentaire aux fonds structurels européens qui seront mobilisés. Ce serait, en outre, une application judicieuse du principe pollueur-payeur.

campagnes de mesures de la qualité de l'air

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, auteur de la question n° 836, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Jean-Claude Frécon. Madame la présidente, je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur la réalisation de campagnes de mesures de la qualité de l’air dans les établissements recevant du public.

Cette disposition, issue de la loi du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II », prévoit des mesures de la qualité de l’air dans plusieurs établissements selon un calendrier fixant plusieurs échéances. Ainsi, au 1er janvier 2015, ces campagnes devront être réalisées dans tous les établissements recevant des enfants de moins de six ans, par exemple les écoles maternelles.

D’après les services du ministère, il faut compter environ 3 000 euros par établissement en configuration simple. Naturellement, cette dépense est à la seule charge des communes. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, les budgets des mairies sont serrés et les dotations nationales en baisse. Au regard de ces contraintes matérielles et financières, quelles seront les modalités d’application du décret du 2 décembre 2011 ? Le Gouvernement entend-il apporter un soutien financier aux communes pour l’application de ce décret ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, Mme Ségolène Royal ne pouvant être présente, je vous livre les éléments de réponse qu’elle m’a transmis.

La loi « Grenelle II » a en effet introduit en 2010 une disposition de surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public, notamment dans les lieux d’accueil des jeunes enfants. Il s’agit d’un enjeu de santé extrêmement important. On estime en effet que les enfants passent près de 90 % de leur temps dans des lieux clos. Or, dans les bâtiments scolaires, les sources de pollution de l’air intérieur sont potentiellement nombreuses – matériaux de construction et de décoration, produits d’entretien, etc. –, et une mauvaise qualité de l’air intérieur peut provoquer des troubles de la santé.

Nous partageons pleinement votre souhait qu’il soit répondu à cet enjeu de santé publique sans charges excessives pour les collectivités. Le décret d’application a donc prévu une entrée en vigueur étalée dans le temps, de 2015 à 2023, la première échéance à la fin de cette année ne concernant que les écoles maternelles et les crèches. Les mesures sont à renouveler tous les sept ans.

En outre, les services du ministère ont travaillé à l’émergence d’un marché particulièrement concurrentiel pour la réalisation de ces mesures, afin de faire baisser les prix. Une soixantaine d’organismes ont été accrédités pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’aller plus loin dans la priorisation et la simplification de ces mesures. Mme Ségolène Royal signera, aux côtés des ministres chargées de la santé et du logement, les textes supprimant l’obligation de recours à des organismes accrédités pour l’évaluation des systèmes d’aération : celle-ci pourra être réalisée par exemple par les services techniques de la collectivité en régie. Il s’agit de permettre de réduire de près de 15 % le coût de cette surveillance dès l’entrée en vigueur du dispositif. Un aménagement à l’échelon intercommunal peut d’ailleurs permettre la mutualisation de ces services.

Mme la ministre de l’écologie a aussi demandé à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, l’INERIS, de travailler à la simplification des techniques de surveillance, en examinant la possibilité de mettre à disposition des collectivités des kits pour qu’elles procèdent par elles-mêmes aux prélèvements. Si ces travaux sont concluants, ils devraient déboucher d’ici à la fin de l’année.

Enfin, il est important que les collectivités soient pleinement associées aux modalités de mise en œuvre de ces dispositions législatives. Une campagne expérimentale sur plus de 300 crèches et écoles a donc été conduite entre 2010 et 2011. De la même façon, Mme Royal souhaite que les collectivités soient étroitement associées au comité de pilotage national chargé du suivi de la mise en œuvre de cette mesure pour permettre d’achever la construction d’un dispositif toujours plus opérationnel.

Monsieur le sénateur, voilà donc un certain nombre de dispositions permettant de mesurer l’engagement du Gouvernement et la détermination de Mme la ministre. Il s’agit de répondre aux préoccupations des collectivités quant à la charge qu’entraîne cet enjeu majeur pour la sécurisation des établissements accueillant du public et la santé de nos plus petits.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de m’avoir transmis ces renseignements de la part de Mme la ministre de l’écologie. Bien évidemment, il n’est pas question de s’opposer à l’application de cette mesure, qui répond à un enjeu de santé publique et que chacun a à cœur de rendre effective.

Vous avez évoqué quelques pistes susceptibles d’alléger le coût de la réalisation de cette campagne de mesures, même si, indéniablement, un coût restera à la charge des communes, ce coût étant d’autant plus difficile à supporter que les communes seront petites. Toutefois, je tiens à vous remercier de l’esprit coopératif dont fait preuve le Gouvernement. Ainsi, les communes pourront mobiliser leurs services techniques : cette mesure concernera uniquement les communes d’une certaine importance, car les petites communes rurales n’en ont pas.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez précisé qu’il pourrait y avoir mutualisation au niveau intercommunal. En outre, les communes pourraient même procéder elles-mêmes à ces mesures, puisque des kits seraient à l’étude. Il serait préférable que ceux-ci soient disponibles avant que les travaux ne deviennent obligatoires.

M. Jean-Claude Frécon. De la même façon, vous avez signalé qu’une campagne expérimentale avait lieu dans 300 crèches. Il serait bon que nous en connaissions au plus tôt les résultats.

situation des communautés d'emmaüs dans le nord-pas-de-calais au regard des cotisations sociales

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 830, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Dominique Bailly. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation des communautés d’Emmaüs dans le Nord-Pas-de-Calais au regard des cotisations URSSAF.

La loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion précise le statut des personnes accueillies dans des organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires, comme les communautés d’Emmaüs. En son article 17, elle prévoit notamment que ces organismes peuvent demander à bénéficier des dispositions de l’article L. 241-12 du code de la sécurité sociale.

Emmaüs France a fait cette demande pour 109 de ses 116 communautés. Certaines communautés d’Emmaüs ont donc fait le choix de refuser le RSA et de ne pas cotiser à l’URSSAF. C’est le cas dans la région Nord-Pas-de-Calais.

En conséquence, la convention signée en 2010 entre l’État et Emmaüs France comporte une annexe énumérant les communautés concernées par cette convention et une autre annexe faisant apparaître la liste des communautés demandant à bénéficier des dispositions de l’article L. 241-12 du code de la sécurité sociale. Cette différenciation au sein du mouvement Emmaüs est d’ailleurs reconnue dans le rapport de la direction générale de l’action sociale relatif à l’agrément de l’association Emmaüs France.

Pourtant, l’ensemble des communautés d’Emmaüs se voient aujourd’hui réclamer le paiement des cotisations URSSAF. Cette situation met en grande difficulté les communautés du Nord-Pas-de-Calais, qui estiment que la loi leur permet de ne pas être assujetties à ces cotisations.

Par conséquent, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur la situation des communautés d’Emmaüs dans la région Nord-Pas-de-Calais.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, les compagnons d’Emmaüs sont affiliés au régime général en application de l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale. Ceux qui ne perçoivent pas de minima sociaux ou d’allocations de chômage reçoivent un pécule d’environ 40 euros par semaine, soit 173 euros par mois, versé par la communauté.

Dans son arrêt du 14 février 2013, la Cour de cassation a jugé que ces « pécules » devaient être soumis aux cotisations sociales, indépendamment de toute reconnaissance d’un lien de subordination, dès lors qu’elles sont la contrepartie d’une activité de réinsertion professionnelle.

L’article L. 241-12 du code de la sécurité sociale prévoit un régime dérogatoire de cotisations sociales applicable aux structures permettant à des personnes en difficulté d’exercer des activités dans un but de réinsertion professionnelle. Dans ce cadre, les sommes versées sont calculées sur une assiette forfaitaire égale à 40 % du SMIC, soit 578 euros par mois, lorsqu’elles ne dépassent pas ce montant et font l’objet d’une exonération totale de cotisations sociales patronales dans la limite d’un SMIC. Seules sont dues les cotisations maladie et vieillesse de base, la CSG et la CRDS au taux de 7,86 %, du fait de l’abattement au titre des frais professionnels, soit un taux global de 15,41 %.

L’article 17 de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ouvre le bénéfice de ce régime spécifique aux organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires, comme les communautés d’Emmaüs, à condition que ceux-ci en fassent la demande.

Emmaüs France a fait cette demande pour 109 de ses 116 communautés, les autres communautés ne souhaitant pas entrer dans ce dispositif. Ainsi, la convention signée en 2010 entre l’État et Emmaüs France au titre d’organisme d’accueil communautaire et d’activité solidaire comporte une annexe dressant la liste des communautés ayant demandé à bénéficier des dispositions de l’article L. 241-12 du code de la sécurité sociale, reprise par l’arrêté du 22 janvier 2010 portant agrément d’organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires.

Pour ces communautés, sur une indemnité mensuelle moyenne de 173 euros versée aux compagnons qui n’ont aucune autre ressource, aucune cotisation patronale n’est due et le montant des cotisations sociales salariales calculées sur l’assiette forfaitaire s’élève à 89 euros.

Les communautés ayant fait le choix de ne pas s’inscrire dans ce dispositif sont soumises à la législation de droit commun en matière d’assujettissement à cotisation, sans qu’il puisse être fait application des mesures d’assiette forfaitaire ou d’exonération.

Le fait que ces communautés ne soient pas inscrites dans l’arrêté et qu’elles aient choisi de verser un pécule plutôt que de recourir au revenu de solidarité active – cela ne permet d’ailleurs pas aux compagnons de bénéficier d’un complément de revenu au titre du RSA activité – ne les dispense pas de cotiser aux assurances sociales. Cela doit s’interpréter comme un refus de bénéficier du régime social dérogatoire prévu par l’article L. 241-12 du code de la sécurité sociale.

En cas de doute sur l’assujettissement des sommes versées et si elles ne font pas l’objet d’un contrôle, les communautés d’Emmaüs sont invitées à saisir directement leur URSSAF de rattachement, qui leur confirmera la législation leur étant applicable soit dans le cadre d’un rescrit, soit dans le cadre d’un échange de lettres.

De plus, la communauté peut formuler une demande de délai de paiement adaptée à sa situation afin de régler la somme que l’URSSAF doit recouvrer depuis la décision de justice.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly.

M. Dominique Bailly. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces informations très précises. Il est bien évident que la spécificité des communautés d’Emmaüs mérite une attention particulière. Aujourd’hui, les communautés de la région Nord-Pas-de-Calais doivent honorer une facture de plus de 200 000 euros ou 300 000 euros !

Vous avez rappelé le cadre législatif. Pour autant, je demanderai à l’administration, en particulier aux services de l’URSSAF, de porter une attention particulière à la situation de ces communautés afin que leur soit accordé un étalement du paiement de leurs cotisations. C’est également dans cet esprit que je souhaite interpeller le Gouvernement. Il serait bon que ce message soit relayé auprès des services compétents, car cela concerne aujourd’hui des milliers de personnes en difficulté.

Madame la secrétaire d’État, vous connaissez bien la spécificité de la région Nord-Pas-de-Calais ; on ne peut pas demander à des communautés d’Emmaüs de régler une telle somme ! Si l’on peut comprendre la rigueur administrative, il faut aussi que l’esprit de la loi accompagne toute décision administrative.

réflexions engagées par les urssaf

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 831, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.